Notes et Commentaires : Chapitre 1 [notes 4-8]
[4] Loi religieuse unique englobant l'activité rituelle d'Etat et le
crime religieux d'Etat
1- Le système religieux institutionnel, la responsabilité
politique et pénale des gouvernants religieux devant les crimes politiques
et les infractions au devoir de probité
2- Le Samaya du Vajrayana est le lien de la parenté spirituelle.
Il est jugé supérieur au lien qui unit la mère à
l'enfant
3- La Chine, Paradis des Bouddha oubliés
4- La république ou le choix chinois révolutionnaire
de Montesquieu pour Maître des Lois
5- "Wa no seishin" ou la Coopération Harmonieuse
(lire notre critique de l'harmonie, ch.2)
6- "L'abandon de ce qui nuit" ou le Saddharmanusmirityupashthana-Sutra,
Le Sublime Dharma de l'esprit attentif ou distinguer ce qui est à accomplir
de ce qui est à éviter, et diriger toute son attention sur cette
distinction
7- Le pénal Français rejoint ici, sur ce point
des conséquences de la corruption des agents publics ou du délit,
la base de la dramaturgie des prophéties bouddhistes
8- La discrimination administrative au Japon durant la période
d'Edo (1570-1868)
[5] Les voeux, les liens, les preceptes
religieux
[6] Moyens d'exception, acquisition ou cessation
d'un avantage humain
[7] Puissance publique
[8] Les congrégations bouddhistes
relèvent de la transmission de leurs liens de parenté spirituelle
ou vux, préceptes, samaya
4- Loi religieuse unique englobant l'activité
rituelle d'Etat et le crime religieux d'Etat :
la Loi bouddhiste ritualiste Tibétaine et même
parfois Japonaise, selon des critères spécifiques, inclut les moyens habiles
immoraux tels que les rituels de magie et d'envoûtement alliant le vol, l'empoisonnement,
la torture, la mutilation, le kidnapping, le viol, l'usurpation de pouvoir, le meurtre. La Loi de l'immoralité est mise en application par les "maîtres"
des rites des "cinq écoles" (karmapa, gélugpa, nyingmapa, sakyapa, kagyupa) selon les règles pré-établies
du corpus tantrique de Padmasambhava, Guru Rimpoche en Tibétain, dictateur
dpirituel au Tibet entre le VIIIème et le IXème siècle ("Dict
de Padmasambhava", ed. Les Deux Océans).
- I -
Le système religieux institutionnel,
la responsabilité politique et pénale des gouvernants religieux
devant les crimes politiques et les infractions au devoir de probité.
L'affaire Ben Laden, les massacres de frères chrétiens en Algérie,
de prêtres catholiques en Inde, au Cashmire et au Pakistan, en Indonésie
et au Philipine, le massacre de moines bouddhistes au Cambodge, en Birmanie
ou au Vietnam ravivent la question du "religieux affaire d'Etat".
"Le contexte général de criminalité fait peser une
menace évidente, dit J.Riffault-Silk, Président de chambre à
la Cour d'Appel de Paris, sur l'Etat de droit, les droits de l'homme, l'équité
et la justice sociale".
Nous rejoignons J. Riffault-Silk, M. Chemillier-Gendreau ou Bernard Champion
(juristes aux origines socio-politiques très différentes), sur
la question de la lutte contre la corruption nationale et internationale par
les moyens du droit pénal, que certaines pratiques criminelle (y compris
religieuses) justifient.
" ...parce qu'elles risquent sur le plan interne de compromettre le développement
économique et la stabilité des institutions démocratiques,
en menaçant les valeurs fondamentales des démocraties que sont
les garanties d'une concurrence libre mais équitable, l'égalité
entre les entreprises et la prééminence du droit... ".
L'histoire de la responsabilité de gouvernants religieux génocidaires
autres que musulmans, hindouistes, ou hier chrétiens... n'a que très
rarement été évoquée.
L'on a en fait, pour reprendre l'excellent argumentaire juridique du professeur
Ph. Ardant sur la responsabilité pénale des chefs d'Etat (RIDC
2-2002), du mal à imaginer qu'un Dalaï Lama, un Régent bouddhiste,
ou un moine (tulku-lama) chef de lignée historique, qui ne sont pas pour
nous des maîtres spirituels mais des hommes politiques (dont ils revendiquent
les statuts à l'étranger), puissent se mettre aujourd'hui en situation
pénale sans que leur "défaillance politique", précisément,
ne leur serve de manteau d'irresponsabité.
La situation laïque Française selon Ardant n'est guère différente.
Il est en effet établi que l'opinion, la magistrature et les politiques
sont très attachés au vieux principe selon lequel "le Roi
ne peut mal faire". Ce principe sacro-saint est brisé tout de même
en 1998 pour que la responsabilité pénale du Chef de l'Etat surgisse
au coeur de l'actualité politique à propos de certains actes imputés
à Jacques Chirac, alors qu'il était maire de Paris, et antérieurs
donc à son élection à la Présidence de la République.
Ce principe : "le Roi ne peut mal faire", est hissé au rang
d'une norme juridique, politique et morale inviolable par de nombreux religieux
bouddhistes en Asie depuis des siècles.
Qui irait penser en effet que derrière un Dalaï Lama (chef vajrayana
autocrate et chef non elu) ou que derrière n'importe quel autre chef du vajrayana
se cache un formidable appareil familial totalitaire dont l'usurpation, la possession
sans droit et le servage volontaire pour dette sont les racines ...
De quels droits religieux de l'homme ici devons-nous parler ?
En fait, le roi ne pouvant mal faire, l'on répondra de façon autistique
que les crimes d'Etat Chinois sont inadmissibles et que ceux perpétrés
par les laïcs et les moines entre eux, côté Tibétain,
n'existent pas ou sont le fruit de votre imagination.
Il existe pourtant, et de nombreux Tibétologues le soutiennent dans leurs
laboratoires de recherche, une histoire criminelle religieuse Tibétaine
qui ne gagne pas l'opinion publique occidentale.
Quoiqu'il en soit nous pensons, malgré cette amnésie consensuelle
internationale :
1- qu'il existe bien en théocratie une responsabilité religieuse,
politique et pénale qui concerne les acteurs et leurs orientations religieuses
liees aux choix politiques (lesquels sont criticables au regard du droit pénal et du droit des
personnes international)
2- et un lien élémentaire de cause à effet entre l'invasion
Chinoise, plutôt régulière dans la région, et l'altération
générale des liens (samaya) purement religieux des élites tibétaines,
selon les doctrines religieuses du vajrayana Tibétain".
Le juriste Ph.Ardent entend par responsabilité pénale celle qui
sanctionne des infractions qualifiées de crime ou de délit.
Nous entendons une même définition pour la "responsabilité
pénale" en droit pénal Tibétain. Cette responsabilité
est consubtentielle à la responsabilité politique pour cas de
"haute trahison".
Le juriste Français pense que le cas de haute trahison relève
en France davantage de la responsabilté politique que du pénal.
Du reste la "haute trahison" n'est nulle part évoquée
dans le Code pénal. Elle apparaît par contre dans quasiment tous
les Codes royaux au Tibet.
Il n'y a pas "un code royal" historique Tibétain mais des codes
constitutionnels, pénaux, publics, concurrents (politiques) d'égales
valeurs. Ils entreront en application (chaque famille détenant ses codes)
selon que telle ou telle famille religieuse - Etat sera ou non au pouvoir (il
y a également les codes rivaux des outsiders laïcs, issus comme
les rivaux religieux, du coup d'Etat).
Chaque famille a le pouvoir de parler au nom de l'Etat. A ce titre, chaque famille
est libre de reconnaître ou non, la suzeraineté/légitimité
du Dalaï Lama et d'imposer ses codes. Le peuple reconnaîtra le monarque
auquel il appartient (par obligation contractuelle ou culturelle pour la plus part des serfs
sur l'aire de servage du seigneur, du prince, du fonctionnaire, du tulku-lama, par loyauté,
par obligation contractuelle ou culturelle, par ruse ou calcul).
Quoiqu'il en soit chaque monarque (chef de lignée, détenteurs
des codes familiaux) en tant que "Dieu vivant" est à ce titre
chef de ses armées et propriétaire du territoire sur lequel il
règne, du politique, du législatif, du judiciaire. Il convoitera
Lhassa ou non.
L'affaire du faux Karmapa (affaire de la fausse lettre de reconnaissane du Régent
Shamar au XXème siècle) concerne aujourd'hui deux réincarnations
rivales pour un même trône Karmapa / kagyupa tant en Europe, aux
USA qu'en Inde. Ce chef demeurera malgré tout rival politique historique
des lignées Gélugpa des Dalaï Lama, des lignées Sakyapa
depuis le XIIIème siècle. Il dirigera même un temps, après
un coup d'Etat, les destinées du Tibet en tant que monarque absolu aux
XVème et XVIème siècles.
Si l'on s'en tient à la définition de Ph.Ardent sur les responsabilités
politiques et pénales du Chef d'Etat, un Dalaï Lama (qui a rang
de chef d'Etat, pour qui en fait ? et selon quels critères ?) serait lié
non seulement à la responsabilité politique en tant que celle
qui sanctionne des différends sur la conception d'une politique, ou des
échecs et des erreurs dans sa mise en oeuvre, mais également à
la responsabilité pénale pour des infractions et des crimes tels
que définis dans les Codes royaux d'Etat rivaux pour "haute trahison"
(tous les codes, au regard du pouvoir autocratique, ayant la même valeur ou étant légaux; il
n' y pas une lignée de Dalaï Lama en tant que chef suprême
du royaume du Tibet ; le D.L. n'est lié qu'à sa lignée
monastique Gélugpa et n'est chef que des Gélugpa) ou tels que
que définis par le pénal international (l'histoire de la responsabilité politique des DL est jalonnée d'évenements criminels:
génocides, crimes de guerre, crimes contre l'humanité (voir
Charles de Lespinay, "l'ethnie entre science humaine et crime contre l'humanité",
l'anthropologie, le droit et les génocides, droits et cultures, 41, 2001/1,
et les règles constitutives du TPI au Rwanda et en Yougoslavie / CPI).
Notons par ailleurs qu'un Chef de lignée royale, un Dalaï Lama ou
un Régent, moines ordonnés, "bouddha vivants ?", religieux
par excellence, et dotés de plus de deux cents voeux, s'engagent devant
témoins à respecter les traditions étrangères, les
lois, les voeux d'autrui, l'intégrité physique et psychique des
sujets de droit, mais aussi les traités signés et les engagements
contractés envers les puissances étrangères.
Ils s'engagent donc à ne pas : tuer, voler, mentir, à ne pas tromper
leur chasteté, à ne pas contraindre autrui : au suicide, à
la consommation de drogues dangereuses, d'alcool, à la révolte,
à l'insurrection politique, au complot, à la guerre, à
l'usage des armes à feu en vue de tuer, à l'assassinat.
Notons encore que la doctrine de Padmasambhava (semblable à celle des
Talibans, des Hanbalites -Arabie Saoudite, Pakistan et des Malékites-Algérie)
autorise le rapt religieux, l'assassinat religieux ou le meurtre vajra.
Ceci relève parfois de la sécurité religieuse de l'Etat.
Le crime religieux de haute trahison est puni par la prison à vie,
la mutilation, la déportation, l'esclavage pénal, la
peine de mort.
De nombreux "traîtres" de haut rang, tels que les Régents,
reconnus pourtant "bouddha vivants" - à tout le moins par leurs
alliés- seront tués sans jugement par leurs rivaux au pouvoir.
Il s'agit bien ici de crimes d'Etat ou de crimes religieux d'Etat.
"Le chef d'Etat Tibétain (?)", mettons le XIIIème Dalaï
Lama qui "règna" de 1893 à 1933 et le XIVème
D.L. qui eut sa majorité politique en 1953 et qui perdit, une fois de
plus, le support (?) de sa souveraineté (?), les Panchen Lama, les Régents
(statut de chefs d'Etat) : Kundeling II en 1875-86, Demo III en 1886-95, Reting
II en 1934-41, tous reconnus Bouddha vivants, furent liés de près
ou de loin à des crimes religieux d'Etat.
1- Le XIIIème Dalaï Lama est lié au génocide religieux
et politique des tibétains religieux pro-chinois (Tibétains favorables
à la restauration mandchou ou pro républicains nationalistes)
en 1912;
2- Le XIVème Dalaï Lama est lié religieusement et politiquement
à la rupture du traité tibéto-chinois de Pékin de
1951 et par conséquent aux génocides tibétains de 1956
à 1959, ses engagements CIA pro-americains le lient plus encore à ceux de 1962, 1965, 1966, 1967, puis à celui
de 1989.
Hu Jintao, l'actuel président Chinois, nommé secrétaire
du Parti communiste Chinois au Tibet en aout 1988, réprimera dans le sang,
les manifestations de 1989 en faveur de l'indépendance et y instaurera
la Loi martiale. Aucun mouvement de répression chinois ne sera historiquement manifeste
sans une campagne internationale de dénigrement de la république
Chinoise préalable, campagne liée directement aux activités politiques
et non religieuses du XIVème Dalaï Lama. Les premiers génocides
seront liés historiquement à la destruction du traité
de paix (engagement hautement religieux et hautement politique, samaya) signé
en présence d'une mission (religieuse et politique) Tibétaine
devant les autorités de Pékin, le 23 mai 1951.
Les propos du tibétologue Luciano Petech vont dans ce sens :"
l'idéologie marxiste heurtait la mentalité des moines à
qui la nouvelle éducation ôtait le contrôle de la jeunesse".
Les visites (religieuses et politiques) de 1954-1955 à Pékin,
du Panchen-Lama et du Dalaï Lama, au lieu de garantir le traité
de paix religieuse et politique de 1951, conduisirent en 1956 aux premières
actions de guérilla Tibétaine au Tibet Oriental. Les techniques
bouddhistes de pacification de Padmasambhava et des rois spirituels, dont on
parle tant en Occident (absolument pacifié par les moyens non religieux
de la république) n'ayant pu garantir mille ans de conflits au Tibet,
ne purent garantir ne serait-ce que dix ans de foi ou de convictions religieuses
bouddhiques non violentes et non combattantes (Ghandi l'hindouiste "le
faux accompli" selon les mots Tibétains réussit en Inde ce
qu'aucun bouddhiste ne put au Tibet).
3- Le Panchen Lama en tant que responsable religieux, administratif et politique
historique du Tibet oriental (aire de l'invasion Chinoise) est lié religieusement,
politiquement et juridiquement aux premières purges conséquences des
premières actions de guérilla de 1956.
4- Les Régents (reconnus bouddha vivants, personnels religieux et politiques)
de Kundeling rimpoche II (règne de 1875-1886) au régent
Réting rimpoche II (1934-1941) sont liés aux tentatives d'assassinats
contre leurs rivaux religieux et politiques Gélugpa, y compris contre
les XIIème et XIIIème Dalaï Lama (Goldstein, Petech, Snellgrove).
L'idéal bouddhiste de paix de l'esprit fut au Tibet sacrifié au
jeu des intrigues et des crimes religieux tant des gouvernants religieux nationaux
que régionaux dotés de "codes d'Etat" bicéphales
royaux et religieux.
L'accès libre à la propriété privée, au commerce,
au profit, aux lois et au droit sakyamunien de l'homme, à la justice
équitable pour tous, ne put être garanti qu'aux plus riches sur
de courtes périodes. Quelques questions résumeront la situation :
1- A qui restituer le Tibet, quel Tibet et pouquoi ?
2- Qui est le peuple Tibétain ?
3- Qu'est-ce que le droit de la propriété au Tibet ?
4- Qu'est-ce que le régime des dettes héréditaires, le
régime du servage et le régime général des corvées
?
5- Pourquoi ces régimes indignes de l'homme et de la pensée bouddhique
n'ont-ils été abolis qu'en 1952 ?
6- Que signifient les années 1951, 1952, 1956, 1959, 1962, 1965, 1966, 1967, 1977, 1988 ?
7- Qui sont ceux des Trois Grands Seigneurs qui ont eu et ont toujours le plus d'intérêts
à préserver :
a - le régime des dettes économiques héréditaires,
alimentaires, sanitaires ?
b - le régime spécial des confiscations domaniales ?
c -le régime spécial du servage, des corvées publiques
et privées ?
8- Qui sont ceux des potentats locaux et "nationaux" qui ont systématiquement
déchirés les traités de paix, les accords et mis en péril
les populations ?
9- Qui sont ceux des Trois Grands Seigneurs qui de l'extérieur, de l'exil
:
a-ont facilité l'irrémédiable processus de représailles
par des campagnes mondiales anti-chinoises,
b-ont organisé dans le dos des traités une résistance militaire
bouddhiste clandestine,
c-ont organisé avec l'aide de la CIA (bureau des opérations clandestines)
des mouvements secrets anti-chinois à partir de camps de mercenaires
américains situés dans les forêts du Sikkim, du Népal,
du Ladhak, du Boutan ?...
10- Que signifie fondamentalement la redistribution historique des terres, des
titres et des récoltes, aux serfs des hauts plateaux ?
Si ces réflexions générales concernant l'inhumanité
sélective des pays, leur autisme politique ambiguë, leur aptitude
à l'amnésie consensuelle à propos des causes des crimes d'agression
militaire, des crimes (religieux) d'Etat et des génocides religieux tant
Chinois (n'oublions pas ceux perpétrés contre les peuples chinois depuis la 1ère guerre de l'opium) que Tibétains, elles peuvent à tout le moins, contribuer
:
1- à poser la question des responsabilités politiques à
un niveau enfin bilatéral,
2- et, au regard des normes pénales royales Tibétaines et pénales
internationales, à poser celle des responsabilités
pénales également bilatéralement.
"En France, écrit Philippe Ardent, il est dit que l'histoire de
la responsabilité des gouvernants traduit les hésitations entre
une volonté de ne pas leur conférer de privilèges par rapport
aux autres citoyens, le souci de leur assurer une protection pour leur permettre
d'assurer leur fonction avec une certaine sérénité et celui
de les obliger à rendre compte de leur gestion devant les élus
de la nation et, évetuellement, de leurs actes devant les juges".
- II -
Le Samaya du Vajrayana
est le lien de la parenté spirituelle.
Il est jugé supérieur au lien qui unit la mère à
l'enfant.
La dogmatique de la Vacuité est le support religieux, politique et juridique
de la Dictature Spirituelle (ainsi définie par les maîtres) selon
la Loi Immorale de Padmasambhava.
Elle est supportée par un réseau de familles religieuses-Etats,
de hiérarchies divines et humaines préservées au nom de
rois réincarnés et relève du jeu politique et économique
d'au moins Cinq familles religieuses historiques rivales et d'un certain nombre
d'outsiders très puissants, croyants ou non croyants.
Que peut le droit pour le Tibet ? Et quel droit pour quel Tibet ?
Ph.Ardent établit que le droit de la Vème république est
déjà très mal à l'aise en face de cette question
pour la France.
Que peut en effet le droit pour la France ? Et quel droit ? S'il admet une responsabilité
pénale des gouvernants, il tient en même temps à les préserver
contre des poursuites abusives de nature à compromettre l'exercice de
la fonction ou le suffrage universel.
Compromettrait-on la foi si l'on rendait au Tibet sa vertu ?
La rupture/destruction du samaya, quintessance du lien moral religieux et qualité
de la conscience dans le Vajrayana , est comparée à la fin du
monde.
Le samaya unit toute chose et tout homme au maître ou au guru, aux institutions,
à la Loi. Un seul défaut entraîne son altération
puis sa rupture.
Cette rupture s'accompagne généralement de la manifestation des
maladies physiques et mentales graves, des épidémies décimant
hommes et troupeaux, des événements familiaux ou publics cruels
et de la mort, parfois, de très nombreux sujets.
Les qualités religieuses et la longévité des rois réincarnés
(Tulku-Lama, comme du reste de toute personne dans la tradition bouddhique)
relèvent des qualités religieuses spécifiques cultivées
de vies en vies.
Le samaya du vajrayana bouddhiste vous unit à Padma-sambhava au Tibet
ou à un autre Bouddha en Chine, au Japon, en Inde ou en Corée
et donc à l'Etat - réceptacle divin. Padmasambhava s'était
plaint, vingt ans après son oeuvre, de l'absence de qualités religieuses
ou de piété filiale des dirigeants et du peuple tibétain
: "Peuples de démons indisciplinés, avides et dépravés
que nul ne peut plus sauver".
Le samaya est le fruit de l'engagement "au renoncement absolu" à
la faute, doublé du dit et du non-dit de la pénalité de
mort pour le contrevenant.
Cette croyance s'accompagne d'une police judiciaire inquisitoriale très
puissante (le crime religieux et non religieux, l'adultère, le vol, le
mensonge prouvé ont une double correspondance pénale, métaphysique
(religieuse) -karmique - et judiciaire, R.R.French) et d'un système pénal
très sévère puisqu'il reconnaît, comme dans certains
système légaux musulmans, la Loi du Talion dans tous ses codes
d'Etat.
- III -
"La Chine, Paradis des Bouddha oubliés"
La Chine bouddhiste est le Paradis des Bouddha et la résidence depuis
des millinaires du Bodhisattva le plus adulé au Tibet après Padmasambhava:
Manjushri, Bodhisattva de la connaissance, protecteur des érudits et
des Samaya.
Le Bodhisattva de la Connaissance et de la Mémoire vit depuis toujours
sur une Colline Palais au nord de Pékin, la célèbre et
inébranlable Colline Wu Tai Shin.
Si l'on soulève la seule responsabilité d'évidence de la
république populaire, il ne peut y avoir de jugement satisfaisant. Le
procès des militaires politiques de la Chine Populaire (qui n'ont pas
été jugés ou qui ne seront peut être jamais jugés
devant un Tribunal International ou une Cour Pénale de Justice, pourquoi
?) relève bien du crime de génocide. Mais la même question
purement politique des Droits de l'Homme est toujours injustement et inexplicablement
évitée quand elle concerne l'histoire criminelle des théocraties.
N'est pas le jugement équitable l'information ou l'opinion. N'est pas
le jugement équitable l'histoire officielle des pays ou même le
Droit.
Il semble que la responsabilité juridique des Etats théocratiques
devant les Droits de l'homme internationaux ne dépende pas seulement
des faits ou des lois, ou même des Droits de l'homme. Cette question a
été maintes et maintes fois soulevée lors des premières
codifications civiles, commerciales et pénales des pays musulmans et
en particulier chez ceux qui ont refusé tout compromis avec la modernité
en préservant la Loi révélée ou la Sharî'a
pour Loi Unique (note 4, 9, 10).
Le choix des liens spirituels relève toujours d'un combat pour la survie
psychologique.
Il est dit que la Loi musulmane, en Occident, ne peut s'opposer au droit civil.
Il est dit que le droit pénal occidental ne peut règler un conflit
religieux relevant du droit musulman en terre d'Islam.
La doctrine de la Vacuité qui a la force d'une loi ne peut aliéner
l'intégrité psychique et physique des sujets de droit (Henri Tincq,
Danièle Hervieu Léger "La religion en miette"). La laïcité
Française garantit en retour (ce que ne peut garantir le droit royal
et religieux Tibétain) la liberté religieuse (ou le droit bouddhiste
de l'homme) à tous les Tibétains, sans discrimination (la république
ne reconnaissant pas la ségrégation, la catégorie judique
des outcasts ou les situations de mise en esclavage).
L'instruction du Comité central du Parti communiste Chinois qui abrogera
en février 1949 la séparation des pouvoirs de Sun Yat Sen (premier
president Chinois en 1911) et les six codes du Guomingtang, pour établir
de nouveaux concepts de droits n'est pas née ex nihilo de l'envie d'en
finir avec le Tibet des castes ou de l'apartheid.
Le communisme Chinois n'a en effet effectué que tardivement et difficilement
sa mutation vers la paysannerie, force motrice essentielle de la "seconde
guerre civile révolutionnaire Chinoise" (1927-1935), de la guerre
de résistance contre le Japon ayant envahi la Mandchourie puis la Chine
(1932-1949) et de la "troisième guerre civile révolutionnaire
Chinoise" (1946-1949).
La lutte des paysans pour la terre (mise en mouvement par des étudiants
venus des villes, tel Mao lui-même, et porteurs d'une idéologie
nouvelle, le marxisme), pour la libre disposition des fruits de leur travail,
pour l'élimination des propriétaires fonciers et de leur domination
quasi féodale est un des ressorts essentiels de la révolution
Chinoise du XXème siècle. Le Tibet, pour l'étudiant marxiste
de Pékin ou de Nankin, n'est qu'une lointaine région paysanne
et montagnarde, composée à 90% de serfs qu'il faudra libérer,
au même titre que n'importe quelle région Chinoise. La république
populaire de Chine "n'est donc pas née en 1949, de l'invasion du
Tibet ou du communisme des soviets".
"Le droit Chinois révolutionnaire est de prime abord, écrit
le juriste Jingzou Tao, un instrument parmi d'autres utilisé par la classe
au pouvoir pour s'y asseoir définitivement.
Le nouveau droit correspond au besoin de la dictature prolétarienne (1949-1957)
et devra évoluer selon le besoin de la situation de la lutte des classes.
Le pouvoir du prolétariat ne doit pas être contrarié par
le droit, que ce soit l'ancien ou le nouveau. Si la loi doit reposer sur une
certaine stabilité, elle doit aussi changer quand la situation évolue.
La révolution Chinoise étant une rapide émancipation, toute
loi n'a qu'une signification éphémère .
Le concept de droit, inspiré des principes marxistes-léninistes,
est également soumis aux influences des juristes russes. L'accent est
mis sur la punition et la volonté de l'Etat prolétarien. La théorie
générale du droit, enseignée dans les facultés de
droit, était la traduction pure des manuels russes.
La politique du Parti communiste l'emportait sur la Loi de l'Etat. Non seulement
la loi devrait se soumettre à la politique partisanne (rupture avec l'Union
Soviétique en 1960) mais elle pourra aussi être remplacée
par la politique du Parti.
(...) Le concept de droit a suivi l'histoire : guerre de Corée, 1950,
réforme des terres, 1951, mouvement pour punir les contre-révolutionnaires,
1951 (traité de Pékin entre le Tibet et la Chine), le mouvement
anti-corruption, anti-gaspillage et anti-bureaucratie,1952, mouvement des "5
anti" : anti-corrupteur, anti-évadeur fiscal, anti-voleur de propriété
de l'Etat, anti-fraudeur, anti-espion industriel".
Tous ces mouvements sont nés avant qu'une loi ne soit promulguée
pour les encadrer...de ces mouvements naîtra le mouvement "anti-droitier"
(1957) ou le rôle dirigeant du parti a été renforcé
au détriment du droit..."
"Toute ces nouveautés, écrira le Tibétologue Luciano
Petech, et en particulier l'idéologie marxiste heurtaient les mentalités
des moines-lama, à qui la nouvelle éducation ôtait le contrôle
de la jeunesse; une résistance passive se dessina, puis en 1956, les
premières actions de guerrilla eurent lieu au Tibet central ( conjointement
avec les opérations clandestines menées par la CIA qui financera
une partie de la résistance et l'approvisionnement en armes automatiques
et en munitions, dans les royaumes satellites...Sikkim, Boutan, Ladhak, Népal).
La tension aboutit à une catastrophe peu après le départ
clandestin du Dalaï Lama, en mars 1959. L'immigration de presque toute
l'ancienne classe dirigeante facilita la tâche aux Chinois. Un programme
radical de réformes agraires confisqua la terre de la noblesse et des
monastères..."
L'union sacrée (bouddhisme populaire et république Chinoise nationaliste)
au sein de la Réforme était déjà, hier, tout à
fait compatible dans le strict respect des droits et des spécificités
de chacun et ce, quoiqu'en disent les monarchistes.
Toutes les voies populaires individualiste égalitaires et familiales
du Bouddha vivent encore et ont survécu aux purges et aux persécutions
maoistes, loin s'en faut. En témoigne les oeuvres bouddhistes laïques,
traditionnelles et populaires, scientifiques et républicaines, du réformateur
de Nankin, Yang Wenhui (1837-1911) lien diplomatique de haut niveau entre la
Chine progressiste, l'Inde et l'Europenote 31, de Peng Shaosheng (1740-1796)
ou le succès évident du principe ancien des Tang (VIIème
et VIIIème siècle), de la Coopération Harmonieuse.
Il est intéressant de noter par ailleurs que sur les quarantes derniers
ouvrages traitant du Tibet et du Dalaï Lama, il ne soit fait état
un seul instant des frères bouddhistes Chinois. La Chine bouddhiste deux
fois millénaire paraît plus que jamais effacée de la mémoire
Anglaise, Américaine, Allemande, Tibétaine et Française.
Demeure un goût métaphysique royale pour le génocide ethnique
et religieux....(note 65 sect 3) .
Lhassa refuse une nouvelle fois en 1934 la proposition renouvelée du
général Huang Mu-Sung, envoyé spécial du gouvernement
nationaliste Chinois (doté désormais d'un conseil juridique Français)
aux funérailles du XIIIème Dalaï Lama (1876-1933), de siéger
à la Convention Nationale républicaine.
Aucun dirigeant Tibétain ne répondra par ailleurs aux conseils
lucides des pédagogues bouddhistes Chinois représentant des dizaines
de millions d'adeptes du droit bouddhiste des personnes, du jugement personnel
et de la raison, exercant pourtant une influence sur l'évolution du pacifisme
mondial puis sur l'administration territoriale des provinces, sur l'appareil
d'Etat, et en particulier au sein de la diplomatie.
Les bouddhistes laïcs Chinois et Indiens sont à cette époque
une force de paix internationale et de réforme pan-Asiatique.
Le bouddhisme Chinois compose avec les événements.
Il accompagne le nationalisme du Kuomingtang, ne s'oppose pas au communisme
naissant, ne s'arme pas face à l'Occident et n'accepte pas de guerroyer
contre le Japon. Il apprend à survivre selon les règles du Dharma
ancien.
Il refuse la nostalgie de l'ancien régime impérial, évite
les redoutables soulèvements populaires spontanés "Yudong"
qui entraînent dans les rues manifestants et grévistes de la Chine
entière (mouvements du 4 Mai 1919, du 9 décembre 1935 exigeant
la reconciliation des nationalistes du Guomintang et du parti communiste contre
le danger Japonais) et applique la loi du bodhisattva.
La pauvreté est une armure contre l'intérêt.
Le Yangwu est le principe Chinois (plutôt confucéen) de la coopération
amicale.
Le Zhong xue wei ti, xi xue wei yong est, sous la botte des industriels occidentaux,
des chrétiens et des militaires :
"le savoir Chinois joue un rôle fondamental, le savoir occidental
a un intérêt utilitaire".
Cette Chine bouddhiste coopérante et sage prend pour modèle de
vie :
1 -celui des bodhisattva sans Etat et sans richesse,
2 -celui des sages confucéens : politesse et piété filiale,
3 -celui des lois nouvelles des partis opposés selon l'esprit Tang, également
source de paix au Japon Impérial sous l'influence du prince Shotoku,
au VIIème siècle.
On retrouvera sous une autre forme un : "Moderniser le pays sans le compromettre"
de l'Empereur Meiji face à l'envahisseur Américain entre 1853
et 1912.
Les leaders bouddhistes Chinois ont médité le Tibet.
Le "Tibet" ne se conçoit "juste" que par les Rois réincarnés.
La tradition padmasambhavienne de la possession sans droit et de l'usurpation
(qui s'affiche suprême et invincible en Occident) lui coute désormais
très cher.
Malgré sa pauvreté, et des envahisseurs Occidentaux et Japonais
acharnés (l'on comptera pas moins de sept puissances industrielles et
militaires rivales sur le sol Chinois), la Chine est de nouveau souveraine.
Le Népal, infime royaume, bien plus petit que le Tibet, est toujours
souverain. Le Népal (qui abrite aujourd'hui la plupart des Ecoles Tibétaines
en exil) a été du XVIIIème au XIXème siècle
un terrible ennemi du Tibet conquérant, 1768-1769, 1788. La paix sera
restaurée par l'empereur Chinois Qianlong qui enverra ses troupes à
Katmandou, en 1791, et obtiendra des voisins ennemis une paix durable.
Les "dalaï" ne "règnèrent" pas souverainement. Le prince régent Tibétain, Samati Pakshi (1792-1854) - qui n'a
rien à faire avec le mythe du régnant des Dalaï lama et les
chefs de lignées, outsider- gouvernera le Tibet après un
coup d'Etat, selon Luciano Petech, de 1819 à 1844. Les "dalai" ne sont pas non plus invincibles. La seconde guerre
Tibéto-népalaise (1854-1856) imposera un tribut annuel aux
"dieux". "La terre sacrée tibétaine" n'est pas non plus "inviolable". Les népalais imposeront des privilèges d'extra-territorialité
aux ressortissants népalais résidant sur le sol "sacré" Tibétain.
La "régence bouddhiste" est intermittente, crimes obligent. Les régences bouddhistes ne se remanifesteront au Tibet qu'en 1864.
Les "dalaï" et les royaumes bouddhistes ne sont pas éternels, aiment les guerres et les rapports de domination. Les "dalai" sont donc parfois tués avant leur règne et les royaumes bouddhistes souvent envahis. Le XIIème Dalaï lama (1856-1875) ne survécut pas à
sa dix neuvième année. Il mourut un an après sa majorité
politique. En 1861, la couronne britannique imposera un protectorat au royaume bouddhiste
(vajrayana) himalayen du Sikkim. Le XIIIème dalaï Lama (1876-1933,
qui "règnera" entre 1895 et 1933) réussira de son côté
à imposer la domination Gélugpa sur Lhassa (non sur le Tibet)
dans un climat de guerres de succession menées contre les régents.
Demo Rimpoche III ("Bouddha vivant" qui règna entre 1886 et
1895) et son frère, accusés de tentative d'assassinat contre le
XIIIème Dalaï Lama seront emprisonnés à vie et leurs
domaines, terres et hommes confisqués. En 1948, Reting Rimpoche II ("Bouddha
vivant" qui régna de 1934 à 1941) accusé de tentative
d'assassinat contre Taktra Rimpoche (régent de 1941 à 1950) mourra
assassiné dans sa cellule (Melvin C. Goldstein).
En 1903, Lord Curzon, vice-roi des Indes, commandera au colonel Younghusband
et à son armée l'invasion du Tibet. Les troupes prendront Lhassa
le 3 aout 1904. Le XIIIème Dalaï Lama abondonera le Tibet à son triste sort
et se réfugiera (?), bien que ses jours ne soient pas en danger (il n'a
jamais été question de rapt ou d'emprisonnement), en Mongolie,
ancienne puissance suzeraine. Le XIIIème Dalaï Lama, Thubten Gyatso, n'acceptera de rentrer à
Lhassa que sous invitation de l'empereur et de l'impératrice de Chine
en 1909. Le Tibet oriental puis Lhassa, comme par le passé, tombèrent alors
sous tutelle impériale et administrative Chinoise.
Mais les offres britanniques (de l'or pour les moines-rois) jugées plus
intéressantes que celles de l'empire Chinois rangeront ce dernier parmi
les inopportuns. Le XIIIème Dalaï Lama s'opposera à la restauration
de l'autonomie indivisible du pouvoir central sur la base diplomatique Chinoise.
Il s'opposera à un traité d'alliance garantissant la paix religieuse
et politique.
En 1910 un corps expéditionnaire Chinois entrera à Lhassa et le
XIIIème s'enfuira de nouveau en Inde, jusqu'à la chute de l'empire
mandchou en 1911. De retour à Lhassa en 1912, le XIIIème Dalaï Lama dirigera
le génocide politique et religieux de tous les partisans tant de la Chine
impériale que de la nouvelle République de Sun Yat Sen. "Le Dalaï Lama rentra dans sa capitale, où les partisans de
la Chine furent durement châtiés" (Luciano Petech, Encyclopédia Universalis, p. 633, 1994).
De son côté, la France (sous probablement d'autres conditions ou
avantages) mit à disposition des réformateurs républicains
Chinois (et de nombreux Tibétains en Chine et au Tibet) les moyens d'une
réforme juridique particulièrement adaptée/justifiée,
entre 1911, chute de l'Empire Chinois et 1945. Elle enverra un ministre plénipotentiaire, Georges Padoux, puis un juriste
sinologue de l'Institut des Hautes Chinoises de Paris, Jean Escarra, Conseillers
juridiques du gouvernement Chinois.
J.Escarra sera un représentant de la Société des Nations
pour la coopération intellectuelle entre 1921-1934, (le XIIIème Dalaï-Lama mourra en 1933 et le XIVème
naîtra en 1935, il n'aura la majorité politique que dix huit ans
plus tard, en 1953). Le Kuomintang (parti nationaliste Chinois opposé aux communistes) garantira
aux Tibétains en 1928, 1931 et 1935 les mêmes droits constitutionnels
qu'à n'importe quel chinois :"...
1-droits politiques, civiles, pénaux, privés, constitutionnels,
religieux devant la Convention Nationale,
2-droits de représentation dans les organisations syndicales et universitaires,
les chambres de commerce, les unions paysannes, les professions libérales,
les associations d'enseignement, l'administration des cultes,
3- l'égalité des droits au sein du parti nationaliste au pouvoir,
le Kuo-min".
En 1935, les Trois Grands Seigneurs Tibétains ont pour la troisième
fois la possibilité constitutionnelle de changer le destin du Tibet.
....Chaque Tibétain aura le droit de se présenter aux élections
des délégués nationaux
comme n'importe quel Chinois !
- IV -
La République ou le choix Chinois révolutionnaire de Montesquieu pour Maître des
Lois
L'imaginaire criminel politique et pécuniaire des lignées de Lhassa, démon
obsessionnel du Tibet, inclinera vers celui de la couronne britannique "pourtant
ennemie". Il y aura, pourtant - faut il le rappeler aux omniscients-, par les seuls conflits liant la Chine aux puissances occidentales notamment britanniques,
quarante à cinquante millions de tués entre 1846, première
guerre de l'opium, et 1976, mort de Mao tsé Toung.
La Chine eut à se libérer durant ce temps des troupes du Japon
Impérial et en même temps des "pilleurs occidentaux et de
leurs armées" (1949), puis une Chine communiste qui sous Mao Tsé
Toung cherchera à se libérer du droit occidental (1957-1976),
puis une autre Chine, socialiste, celle de Deng Xia Ping, qui restaurera l'Etat
de droit en 1977.
Lors du troisième plénum du XIème Comité central
de 1978, Deng Xiao Ping prendra le contrôle du Parti. S'ouvrira, jusqu'en
1989, la période dite de rétablissement... le droit est définitivement
réhabilité. L'arbitraire maoiste s'effondre. S'établit
le fondement de l'économie socialiste libérale de marché...
En 1982 la quatrième Constitution supprime l'article selon lequel le
Parti communiste Chinois est le noyau dirigeant de l'Etat.
Il y eut également une Inde socialiste libérée par le droit
de la personne, le jugement et la raison; cette libération marquera la fin de l'empire Britannique grand prédateur du XIXème siècle. Au regard de l'histoire de
la résistance non-combattante le Tibet satellite britannique sera le seul pays de "confession
bouddhiste" à ne pas choisir la solution pacifique, précisément
bouddhiste, de non violence ou de résistance passive non-combattante,
dans les conflits qui depuis toujours l'opposent à lui-même ou
à la Mongolie, au Népal, au Ladhak ou à la Chine.
L'exemple de Gandhi, bien qu'hindhouiste, fut un exemple de ce que le bouddhisme
engagé peut et doit tolérer; la
cessation de l'acceptation du meurtre comme moyen, la cessation de son commerce puis, nous l'avons
vu, de son institutionnalisation (crimes (religieux) d'Etat, crimes (religieux)
contre l'humanité et génocides ethniques et religieux).
Le Dr.Ambedkar, leader bouddhiste indien des intouchables et intouchable lui-même,
ministre de la Justice de la toute jeune république socialiste Indienne
et rédacteur de la constitution, est un très bel exemple d'accomplissement
par les préceptes du bodhisattva .
1- Il tient compte des spécificités bouddhistes et élargit
le champ des droits des privilégiés à tous les hommes,
2- accomplit l'union du bouddhisme avec le socialisme en évitant les
pièges et les tentations de l'idéologie politique partisane,
3- établit pour les plus démunis des liens pédagogiques
entre l'univers du droit, du bouddhisme et de la république ,
4- tient compte des intérêts des plus faibles et du plus grand
nombre jusqu'à rendre imperceptible son appartenance religieuse ou politique,
5- respecte et rend riche (tel un bodhisattva Chinois) par sa discrétion
et donc par sa compétence, l'univers multiconfessionnel et pluriethnique
de l'Inde,
6- transforme ce qui peut être perçu comme une faiblesse en une
force commune ou un avantage humain,
7- défend l'avantage de l'universel métaphorique de territorialité bouddhiste
ou le sans Etat et le sans richesse, ainsi que les droits de l'homme sans jamais
prohiber pour autant le droit à la propriété,
8- combat l'institution du servage pour dette, les corvées, la discrimination
religieuse et offre des droits politiques et des libertés administratives
inédites aux intouchables,
9- s'oppose à la peine de mort et ouvre la Cour Suprême aux parias
désormais sujets de droit,
10- sème les graines de l'économie non monétaire et du
commerce équitable,
11- entretient le patrimoine législatif Indien en préservant l'esprit
pédagogique de la réforme pacifique non combattante, favorable
aux pauvres .
Citons encore au chapitre de l'histoire bienfaisante du droit codifié
des personnes, l'accès à la totale liberté religieuse de
la région Chinoise d'Ouroumtschi, en 1930.
Cette dernière, d'après les annales de l'administration judiciaire
républicaine Chinoise, compte malgré la transition laïque
nationaliste, plusieurs millions de musulmans (le Tibet ne compte pas autant
de personnes) pratiquants librement selon leurs rites (doctrine théologique,
juridique et judiciaire), leurs coutumes et leurs langues, tous les aspects
de la Loi coranique.
L'administration juridictionnelle Chinoise, dans le "Droit Chinois"
de Jean Escarra publié en 1936, accepte et autorise par décret
en Mongolie l'usage des transcriptions phonétiques mongoles pour les
documents administratifs et reconnait, comme pouvant être utiles aux magistrats
Chinois pour le règlement pénal ou civil des conflits, certains
aspects traditionnels de la Loi de Gengis Khan datant du XIIIème siècle.
Observons encore que les juges Chinois du Ti-Houa ou d'Ouroumtschi (aujourd'hui
capitale des monts du Tian Shan, Est-Chinois et nord-Tibétain, bordé
par le Kirguisistan, le Khazakhstan et l'Altaï Mongol au Nord) apprennent
l'arabe et toutes les substilités du droit islamique pour juger ou trancher
dans les conflits.
Rappelons enfin au chapitre du juste et de l'injuste qu'un décret du
gouvernement Chinois datant d'octobre 1929 et s'opposant à toute forme
de discrimination raciale et religieuse, interdit d'appeler les Tibétains
: Fan Man, "barbares" et les Musulmans : Ts'uan, "chiens",
comme il était coutume d'appeler ceux qui habitaient au delà des
"Marches" (au Tibet) et ceux des Musulmans qui vivaient dans les provinces
les plus reculées et non "les plus arriérées",
de la toute jeune république.
Il est interessant de noter qu'à ce jour, alors qu'il semble que le monde
ait changé, qu'aucune réforme lexicologique et linguistique de
ce type n'ait été engagée par les dirigeants, les seigneurs
et les moines Tibétains dans la législation théologique
du vajrayana.
Les non convertis au bouddhisme de Padmasambhava, d'Orient et d'Occident, sont
toujours appelés : Tirtikas soit " barbares ou arriérés".
Selon les Codes Tsang, les Codes de 1650, de Ganden Podrang et les Codes des
Dalaï Lama traduits par R.R. French pour l'université de Yale, les
non convertis sont apparentés aux landless, outcasts, sans-droit humain
ou "animaux sans droit religieux" : hermaphrodites, bachelors, blacksmiths,
exécutionners, butchers... (in "Social Ranking System from the Law
Codes", p.78, "Golden Yoke", le "Joug Flamboyant".
Le XIVème Dalaï Lama, en présence de Robert Badinter, au
Carrefour de la Communication à Paris en 1999, réfutera devant
une salle comble, la vérité du droit de l'homme, des droits et
des lois.
Sa réfutation théologique (puisqu'il y a croyance en l'existence
de divinités ou de déités) est extraite malgré tout
de la dogmatique de la "Vacuité" :
"... l'esprit est vide, l'homme n'existe pas... si l'homme n'existe pas
au regard de la vacuité, le droit de l'homme n'a aucun intérêt.
La raison n'est pas utile... tout comme le jugement personnel".
Cet enseignement de base est commun aux Ecoles orthodoxes ou d'Etat, au Tibet.
Un yogi bouddhiste du sans Etat et du sans richesse (Inde, Chine, Japon, Asie
du Sud-Est) traitera la question, bien évidemment, sans richesse et sans
propriété, avec raison, dans un contexte de non discrimination,
base sakyamunienne du droit bouddhiste de l'homme.
La tradition juridique Chinoise qui n'en était pas à ses débuts
en matière de réforme et d'adaptation aux codifications nouvelles,
favorisera, entre 1911 et 1945, toutes les bonnes volontés.
La philosophie de la morale juridique de Sun Yat Sen, ne pouvait être
celle du communiste Mao-tsé-toung. La base traditionnelle de la réforme Chinoise du droit codifié
ancien et de son "influence" prend en effet sa source dans la séparation des trois pouvoirs de Montesquieu (tournant définitivement
le dos à l'empire Qing Mandchou 1644-1911 et à son code Da Qing
Lüli "code des Qing" (doté du Lü (lois) et du Li
(jurisprudence) par la création des Six Codes du Kuomintang : la constitution,
les codes civil, pénal, de procédure civile, de procédure
pénale et de commerce.
Sun Yat Sen jugera cependant insuffisant le principe de Montesquieu, et n'hésitera
pas à "ajouter" un certain nombre d'éléments
propre à la civilisation Chinoise, notamment le système d'examen
et le système de contrôle (plus connu en occident sous le nom de
système des censeurs).
L'Etat Chinois sera donc organisé sur la base de "Cinq Pouvoirs",
représentés par cinq organes appelés Yuan (conseils) :
le Yuan législatif, le Yuan exécutif, le Yuan judiciaire, le Yuan
de contrôle et le Yuan d'examen.
Leur abrogation par l'Instruction du Comité Central du Parti Communiste
Chinois en février 1949 est déterminée tant par la victoire
du Parti communiste que par la division des nationalistes sur le choix des options
laïques et les échecs répétés tant des militaristes
que des conseillers juridiques Français.
Il est intéressant de rappeler ici que l'ère des conseillers juridiques
gouvernementaux Français bat son plein en Asie et anticipera des grands
moments de l'histoire criminelle des Etats.
Notons quelques éléments du processus de juridicisation du Japon,
alors que 1856 signe l'amère défaite de la Chine lors de la seconde
guerre de l'opium, marché trop lucratif pour être abandonné
des Anglais et des Français (il en ira de même au Vietnam) :
1- octobre 1858, ratification du premier traité commercial franco-japonais
sous l'autorité du baron Gros,
2- avril 1864, sous l'impulsion du ministre Léon Roches, engagement du
gouvernement Français auprès du Shogun Tokugawa Iemochi dans la
lutte contre les loyalistes impériaux soutenus par la Grande Bretagne.
Le Gouvernement Français de Napoléon III (qui vient de perdre
le Mexique) encourage le bakufu (gouvernement shogunal) à se "moderniser",
3- 1867, développement de la mission militaire Française de l'officier
Charles Albert du Bousquet pour la modernisation des institutions militaires
du Japon impérial (après la chute du gouvernement shogunal et
l'ascenscion de l'empereur Meiji, 1868),
4- Juin 1873, (dans le contexte Japonais des traités ingéaux,
fubyôdô jôyaku, de l'Ere Ansei, 1854-1858, conclus avec les
USA, la Hollande, la Russie, la Grande Bretagne, la France, puis entre 1868
et 1869 avec l'Espagne, l'Autriche-Hongrie et la Suède; les mêmes
traités inégaux seront passés avec la Chine à Nankin
et à T'ien tsin, en 1848 et 1852) signature à Paris du contrat
d'engagement de Gustave Boissonnade de Fontarabie
pour "aider à la confection des lois et autres travaux règlementaires
et consultatifs, comme légiste au service du gouvernement Japonais".
La mission de G.Boissonnade fut entre autre de rédiger le premier Code
Civil Japonais tout en gardant les mots d'ordres de l'empereur Meiji à
l'esprit : " Wakon Yôsai" ou " esprit (âme) du Japon,
technique de l'Occident".
L'on retrouve en Chine, après les humiliantes défaites de 1842
et 1860 (première défaite Chinoise dans la guerre de l'opium infligée
en 1842 par les britanniques et ratification, après la défaite
de la seconde guerre de l'opium infligée par les britanniques et les
français en 1856, en 1860 du traité inégal de T'ien tsin)
les mots d'ordres "zhong xue wei ti, xi xue wei yong" ou "Le
savoir Chinois joue un rôle fondamental, le savoir occidental a un intérêt
utilitaire".
En 1874, à Tokyo, était conclut avec Boissonnade un contrat supplémentaire
portant sur l'enseignement du droit français. L'Université Impériale
de Tokyo sera fondée en 1877 et le premier Code Japonais sera publié
en 1899. Cependant si le Code Civil Boissonnade pour le Japon fut écrit,
il ne fut jamais mis en application.
La Révolution Culturelle qui commence en fait dès 1957 pour s'achever
avec la mort de Mao en 1976 renforçera le pouvoir du parti au détriment
du droit, mais ne sera pas moins source de divisions, de révoltes et
d'échecs quant aux options politiques nationales.
Nous en voulons pour preuves les réactions d'incertitude, de crainte
et d'effroi de Mao Tsé Toung face aux critiques ininterrompues des pays
capitalistes. Mao est très sensible à la critique internationale
(l'idolâtrie envers le Grand Timonier remplace le droit), et, preuve de
son isolement, "ne gouverne pas plus loin que Pékin" (confidences
à André Malraux). Le projet communiste de code pénal commencé
en 1950 ne comportera pas moins de trentre trois éditions en 1962 mais
aucune d'entre elle ne sera publiée. Une simple phrase de Mao vaut plus
que toutes les lois.
La guerre idéologique Est-Ouest bat son plein.
L'Anti-droit s'effondre en 1976 à la mort de Mao et ne compte plus de
successeurs. Le droit est restauré en 1977. Mais l'absence de successeurs
à la tête de l'ant-droit montre, sous un autre angle, que le génocide
qui frappe tout autant le Chinois que le Tibétain aurait pu être
évité. L'on notera même la volonté de plusieurs dirigeants
du Parti, limogés par Mao ou par la "Bande des quatre", d'établir
des gardes-fous capables d'éviter toute nouvelle tentative de révolution
culturelle.
"La Chine, écrira Jingzhou Tao,a désormais cherché
à effacer la période la plus utopique de son histoire et tenté
de redéfinir le rôle du droit dans la société socialiste.
Si le droit est toujours muni du caractère de classe, son rôle
a été largement étendu : il a pour objectif de réduire
les ennemis de classe et de plus en plus de développer l'économie,
le bon fonctionnement du gouvernement et la modernisation du pays".
Si les tyrans ont une faiblesse, elle réside en leur isolement et à
terme, l'isolement, détruit l'aptitude au gouvernement.
Ce qui ressort maintenant d'une archéologie du droit Chinois tour à
tour codifié, religieux, seigneurial, impérial, nationaliste,
socialiste ne relève pas forcément d'une expérience d'oppression,
d'isolement ou d'imposition.
"...4000 ans, dit-on, imprégnèrent profondément tant
le fond social de la Chine de l'antiquité (qui se passa d'Etat pendant
de nombreux siècles) que les mentalités des empereurs et des fonctionnaires
qui durent apprendre à vivre avec des populations non endoctrinées
religieusement ou politiquement, mais tout simplement résolument critiques".
"Le Chinois, en 1930, a horreur du droit subjectif des tribunaux, écrira
Jean Escarra" (et il n'est pas communiste révolutionnaire ou anti-Bouddha
pour autant).
Le professeur de droit Yosiyuki Noda, de l'Université Gakushuin, Japon,
écrira dans "Introduction au droit Japonais" en 1966 :
"On n'aime pas le droit au Japon....(Paris, Dalloz)"
"Il (le Japonais) ne prend même pas conscience de ce qu'il a effectivement
donné naissance à un lien obligatoire qui lui impose des obligations
auxquelles il ne peut échapper à son gré. En un mot il
ne se sent pas lié par une chaîne du droit (vinculum iuris) dont
parlaient les romains. C'est ainsi que les Japonais, en contraste avec les romains,
(vos ancêtres en droit), qui ont strictement tenu leur parole donnée,
sont peu soucieux d'exécuter les obligations auxquelles ils ont volontairement
souscrits" (Y.Noda : "la conception du contrat des Japonais",
1979, "Le droit des contrats" & "Etudes du droit Japonais,
S.L.C. 1989").
Les sanglantes théocraties anglo-américano-tibétaines opèreront bien des coups d'Etat militaires, politiques et médiatiques, en Asie et dans le monde tout au long des XIXème et XXème siècles pour le seul intérêt des compagnies internationales de commerce. Cela dit "la fin des régimes impériaux" sera tout de même annoncée par les réformateurs lettrés modernes et populaires ulcérés, laïcs, scientifiques, politiques, religieux. L'oppression politique exercée par les vieux empires sur "leurs sujets" avait déjà, en effet, ses dissidents réformateurs et ses opposants radicaux (nationalistes et autres...). En fait "les ennemis jurés des empires héréditaires" deviendront vite ceux des compagnies internationales de commerce et des armées mercenaires européennes guidées par les narco-trafficants et les pilleurs de ressources humaines et naturelles au nom des traités inégaux. L'Asie sera donc très sensible à la révolution politique, scientifique, juridique, philosophique, anti monarchiste française des Lumières, aux promesses de la révolution proprement dite française, mais aussi aux promesses de la révolution américaine, de la révolution industrielle européenne et donc aux promesses de la révolution russe d'octobre 1917. La révolution républicaine chinoise de 1911 ne pouvait donc être que prometteuse.
Au fond, le Tibet des moines-rois et des lamas pro-nazis ne prendra part à aucune des promesses historiques de Bouddha Sakyamuni, républicain, et à ce titre ami du droit y compris au sein des communautés de moines pauvres du vinaya (Thapar, Republics and Kingdoms, 600-321 BC, A History of India, Vol.1). Le bouddhisme royal tibétain ne sera donc qu'un avatar politique, militaire, cruel et sanguinaire, du bouddhisme originel indien interdisant pourtant l'endoctrinement, l'envoutement, le vol, le viol, l'usure et le meurtre. Par le fait le Tibet se fermera définitivement au droit des personnes et au droit à la raison, au jugement. Ce ne sera pas le cas de l'Inde et de la Chine...
Si enfin Escarra et Noda notent au XXème siècle une aversion envers le droit des blancs en Asie, en Chine et au Japon, ce sera en parti dû aux traumatismes violents infligés intentionnellement aux hommes par les compagnies internationales de commerce et les armées dès le XVIIème siècle au nom du capitalisme industriel et financier, c'est à dire au nom du mensonge délibéré et de la trahison par les traités écris, au nom du meurtre, du pillage, du viol et des drogues.
L'Asie a eu en fait une immémoriale habitude préceptorale et juridique. Ce sera plutôt le "mensonge légal" ou "contractuel" des blancs qui ne sera jamais toléré. A noter que les mensonges des empereurs, des religieux, des médecins ou des commercants chinois ou japonais, ne seront pas moins redoutés par les natifs honnêtes.
- V -
"Wa no seishin" ou la Coopération Harmonieuse
C'est bien sur cette base pratique de la libre critique juridique et de son
rapport au choix des moyens, des liens de son temps, en 604, que le Prince impérial
Shotoku engage avec lucidité l'avenir du Japon Impérial, et la
dynastie des Empereurs Tenno,millinéraire, sur la voie de la réforme
constitutionnelle.
Cette réforme historique politique et juridique établit, par le
Code Chinois de la dynastie Tang, le : "Wa" qui désigne en
fait le Japon (ou le symbole de l'unité nationale) ou encore la Coopération
Harmonieuse entre Etats : "Wa no seishin" et "Reigi", la
Politesse.
La politesse en tant que, selon le constitutionnaliste Japonais Tadakazu Fukase,
principe d'organisation ou principe démocratique de gouvernement (typiquement
confucianiste, confucianisme que du reste Shôtoku laisse libre de se répandre).
Dans sa traduction de la première constitution du Japon, 604, Tadakesu
Fukase note :
Art. 1: "Wa"... Une harmonieuse coopération est la chose la
plus précieuse, et l'on ne se révoltera pas arbitrairement. Ce
doit être une attitude fondamentale. Or les hommes ont chacun l'esprit
partisan, et il y a peu de gens impartiaux. Si bien qu'ils n'obéissent
ni à leur monarque ni à leur père, et se querellent avec
leurs voisins. Si au contraire, tout le monde, supérieurs et inférieurs,
s'entend bien et peut discuter harmonieusement, il s'ensuit un résultat
satisfaisant. Rien ne peut empêcher le succès".
Cette logique juridique se prolonge en la sincère confiance en l'autre
(le respect des traités signés) comme principe des relations humaines
constructives et en la sagesse comme principe du meilleur fonctionnement des
services publics.
Ce Code des Lois Tang dispose particulièrement bien la dynastie impériale
Chinoise à avoir des amis voisins, continentaux ou maritimes.
Selon le juriste Chinois contemporain Jingzhou Tao (avocat auprès des
juridictions Chinoises) dans son "Droit Chinois Contemporain", c'est
par cette aptitude à se faire des amis et à les respecter en toutes
choses, qu'est élaborée selon lui la première règle
de droit international privé. Elle se prette remarquablement bien au
principe Tang de coopération hamonieuse entre Etats.
Cette règle écrite codifiée dit ceci : "les affaires
entre étrangers d'un même pays seront soumises à leurs lois
nationales. Si les deux parties ne sont pas d'un même pays, c'est la présente
loi qui est applicable."
Le principe Chinois Japonisé Wa no seishin, principe de coopération
harmonieuse, extrait de la constitution Japonaise de 604 (traduit en anglais
par Spirit of harmony), est présent dans une déclaration du premier
ministre Japonais Suzuki Zenkô lors du Sommet d'Otawa au Canada, juillet
1981, lors de la réunion du G7 (lire notre critique de ce concept au
Ch.2 dans le sillage de B.Victoria et de l'école zen réformée).
Dans sa vie politique le premier minitre Japonais tient, du fait de l'isolement
du Japon, à la paix et à la coopération économique
internationnale, selon le Wa et le Reigi.
Reigi, la politesse, signifie sans ambiguité dans le contexte politique
international contemporain, des relations humaines sincères entre les
puissances (Américaine et Japonaise) et la Sagesse du gouvernement Japonais
pour repousser les demandes incessantes de Ronald Reagan pour le réarmemant
et le renforcement militaire au Japon.
Les juristes T.Fukaze et K.Isoda expliquent le succès populaire du Prince
Shotoku, réformateur juridique, présent jusqu'en Octobre 1984
sur les billets de banque de 5,000 et 10,000 Yens :
"d'abord parce qu'il est très largement respecté et populaire
parmi les Japonais comme un Prince réformateur-idéaliste très
éclairé, un intellectuel génial d'une sagesse synthétique,
vaste et profonde, à la fois internationale et proprement Japonaise,
puis un Saint Bouddhiste complètement désintéréssé.(dans
"Héritage et actualités institutionnelles", T.F. et
"Le billet de Banque comme symbole", K.I.)"
La force du Code Tang en 500 articles et 12 chapitres (division symbolique conformément
aux douze classes d'enseignements de Bouddha Sakyamuni) rayonna durant neuf
siècles jusqu'à la réforme de la dynastie mandchou des
Qing, en 1644.
"En dehors du Code proprement dit, le droit Tang comprend d'autres lois.
Le seul droit pénal est constitué de quatre types de textes :
le code Lü, les ordonnances Ling destinées à créer
des modèles et établir les institutions, les règlements
Ge qui sont les édits de l'empereur et les usages Shi, règlements
intérieurs des organes d'Etat.
Selon Tang Lü, chaque jugement doit citer les articles correspondants de
Lü,Ling,Ge et Shi et les magistrats qui omettent ces citations sont passibles
de trente coups de batons.
Ne peuvent être rachetés les 10 crimes abominables : la rebellion,
la grande subversion, la trahison, le meurtre des parents, les crimes inhumains,
le manque de respect, le manque de piété filiale, la déloyauté
et l'inceste".
Bien que ce code ne compte pas moins de 445 chefs d'accusation, dont beaucoup
sont des manquements à l'observation des rites (Li), il fut en 604, le
support de l'esprit de réforme juridique et démocratique au Japon.
- VI -
"L'abandon de ce qui nuit"
ou le Saddharmanusmrityupashthana-Sutra,
Le Sublime Dharma de l'esprit attentif ou distinguer ce qui est à accomplir
de ce qui est à éviter,
et diriger toute son attention sur cette distinction.
L'esprit de la Bodhi, Bodhicitta, principe de désintérêt
et de désengagement de soi pour le bien d'autrui est conçu en
Inde par le prince mendiant Shantidéva.
On retrouve un tel concept sous la forme de la coopération harmonieuse,
le Wa pragmatique, non spéculatif, gratuit, conduisant pour le bonheur
de l'autre ce que la philosophie bouddhiste nomme en Inde : "l'abandon
de ce qui nuit"
Saddharmanusmrityupashthana-sutra ou Sublime Dharma de l'esprit attentif ou
distinguer ce qui est à accomplir de ce qui est à éviter,
et diriger toute son attention sur cette distinction.
Il semble que le jugement équitable obtenu à un procès
équitable pour crime de génocide ou crime de guerre, directe ou
indirecte, naisse du Juste et non de l'attente, dans son contexte international
de Droits de l'homme, qui ne relève plus ni du droit ni de l'application
des lois.
L'absence de procès équitable, nourrit visiblement les conflits
et les règlements des conflits par des guerres de procédures juridiques,
diplomatiques, économiques et militaires. L'on retrouve toujours ces
guerres, "non signées", consignées dans les manuels
scolaires sous la forme paradoxale de l'histoire de son pays et ceci paraît
nourrir plus encore le dangereux processus de l'attente.
Que dire de l'histoire de son pays : la république islamique chiite Iranienne
et sa responsabilité religieuse, politique et pénale envers les
civils non-combattants durant la guerre Iran-Irak ?
Que dire de l'histoire de son pays : l'Afghanistan, l'Irak et les guerres menées
sans mandat de l'ONU ?
Que dire de l'histoire de son pays : le Cashmir, le Bihar, le Tamoul Land et
le terrorisme indépendantiste ?
Que dire de l'histoire de son pays : L'Inde socialiste unifiée et aryenne
?
Que dire de l'histoire de son pays : l'Amérique et la Justice criminelle
militaire ?
Les études philosophiques et linguistiques sur la propagande, l'autre
lien (mantra et samaya) de la propagande de la Maison Blanche aux lois, à
l'esprit des lois, à la population, par un Noam Chomsky, chercheur en
sciences humaines au MIT-Boston, prouvent l'enjeu de la confusion, de l'attente
du droit en contexte des droits de l'homme, et en particulier l'enjeu des données
falsifiées, l'enjeu du mensonge stratégique, seules règles
du jeu judiciaire non équitable ou du procès truqué.
Nous lions ici notre proposition critique, concernant la responsabilité
(religieuse), politique et pénale des Etats (religieux) et en particulier
de la théocratie Tibétaine en tant que support de notre hypothèse
sociologique, à l'altération/destruction des liens (engagements)
monastiques et laïcs, juridiques et religieux, Samaya.
1- L'altération des Samaya (des engagements moraux, politiques, économiques,
juridiques et religieux bouddhistes du Vajrayana) correspond selon la terminologie
pénale contemporaine aux infractions au devoir de probité des
acteurs/agents publics (toutes les formes de corruption passives et actives
des engagements initiaux).
2- La destruction des Samaya (des engagements moraux, politiques, économiques,
juridiques et religieux bouddhistes du Vajrayana) correspond selon la terminologie
pénale contemporaine aux crimes et délits majeurs.
Notons par ordre d'importance :
Les abus frauduleux de l'Etat d'ignorance,
les abus de faiblesses,
la perte de l'intégrité physique et psychique ,
le meurtre (avec ou sans mantra, en tant que technique spécifique du
meurtre religieux, bouddhiste ou hindouiste),
le crime (religieux) d'agression,
le crime de génocide religieux et ethnique,
le crime (religieux) contre l'humanité,
le crime (religieux) d'Etat.
Cette double proposition nous la mettons en contraste avec la définition
juridique du génocide retenue par l'anthropologue juridique Charles De
Lespinay dans "l'anthropologie, le droit et les génocides",
Droits et Cultures, 2001.
"Le crime de génocide, selon l'article II de la convention internationale
du 9 décembre 1948 sur la prévention et la répression du
crime de génocide (repris de façon élargie dans le Livre
II du Code pénal français art.211-1) s'entend de l'un quelconque
des actes ci-après commis dans l'intention de détruire, en tout
ou partie, un groupe national, éthnique, racial ou religieux, comme tel
:
1-meurtre de membre du groupe,
2-atteinte à l'intégrité physique ou mentale de membre
du groupe,
3-soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant
entraîner sa destruction physique totale ou partielle,
4-mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe,
5-transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe".
Nous croyons, dans le contexte de notre proposition critique, à l'usage
religieux du meurtre (lié à la doctrine de Padmasambhava/secte
Aum au Japon), du meurtre religieux (des personnels religieux entre eux) et
en particulier du meurtre religieux d'Etat au Tibet (pour intérêt
pécuniaire, politique et religieux).
Ce concept apparaît du reste dans la dogmatique ou les enseignements des
Cinq Ecoles Karmapa, Kagyupa, Gélugpa (ordre familial-Etat et monastique
des Dalaï Lama), Sakyapa et Nyingmapa sous la forme théologique
immorale du "meurtre vajra".
Si l'historien ou l'anthropologue traditionnel de la religion tibétaine
souhaite ignorer le rôle pivôt du Samaya, du lien sacré religieux
et juridique unissant l'homme à son destin, il ne peut à tout
le moins occulter la vérité des faits dans le contexte de l'histoire,
c'est-à-dire la commission des crimes religieux perpétrés
par les grandes familles religieuses et les maîtres de Dharma avec l'appui
du pouvoir d'Etat.
(L'on retrouvera ce goût pour le meurtre religieux d'Etat chez les érudits
empoisonneurs dominicains (dissociés des ordres mendiants prêcheurs),
chez les magistrats enquêteurs de la police religieuse des "Tribunaux
de l'inquisition de la Foi" du Pape Grégoire IX (XIIIème
siècle), chez les membres francs-maçons de la Loge P2 impliquant
directement Vatican au XXème siècle ou chez les Assassins des
communautes musulmanes ismaéliennes ésotériques shi'ites
en Syrie, les membres ou séides (nom arabe d'un esclave affranchi de
Mahomet, Zayd, aveuglément soumis à ses ordres) étant capables
de tuer pour leurs maîtres(faits rapportés par Marco Polo). Ces
communautés servirent, selon Alain Rey, de modèles à l'ordre
chrétien des Templiers...).
Le crime d'Etat, et dans le contexte juridique de la théocratie tibétaine
: le meurtre (religieux) vajra d'Etat, peuvent être définis d'après
l'Encyclopaedia Universalis (CD ROM 1995, choix de Charles de Lespinay) :
"comme le fait d'un crime collectif par les détenteurs du pouvoir
de l'Etat, en leur nom ou avec leur consentement expres ou tacite. Le génocide
relève de cette définition. Ce crime est par excellence un crime
d'Etat".
Charles de l'Espinay est d'accord avec cette définition, en ce qu'elle
correspond bien aux réalités du XXème siècle même
si elle n'est pas parfaite sur le plan juridique. Nous pensons également
qu'elle correspond bien, même dans son imperfection juridique, à
l'histoire criminelle religieuse du Tibet telle qu'elle fut pendant treize siècles
du VIIème au XXème siècle.
L'annexion du Tibet par la Chine aura recouvert le champ des responsabilités
religieuses, politiques, et dans un certain sens, pénales, des gouvernants
du Tibet. En fait le "martyr Tibétain" occulte près
de 1000 ans d'histoire de "non-droits de l'homme et de non droits religieux
de l'homme".
Nous évoquerons à ce titre " Mille ans d'histoire des Hameaux
spéciaux" (IXème-XXème siècle) de Takahashi
Teiki et les oeuvres magistrales des amis de l'homme Japonais Kida Sadakichi,
Kadowaki Teiji, Wakita haruko et Wakita Osamu sur la question similaire de la
discrimination administrative "des gens des Hameaux Spéciaux"
: les Villages d'internement des discriminés au Japon"
"...Les sans droit, les hors castes, les Kawata "gens qui s'occupent
des peaux", les Eta "pleins de souillures", les Hinin "non
humains", les Kawaramono "gens des berges", les Yotsunin "hommes
à quatre pattes"... les Burakumin au Japon, et selon une autre mesure
les Mamelouk (celui qui est possédé) des pays Arabes (initialement
esclaves blancs venus d'Asie centrale, ultérieurement gardes du corps
du Sultan (Turquie), puis "les mameluk", milice toute puissante (Egypte),
les Nangzen "bête parlante" et les Dudchong au Tibet, les Nègres
de jardin et les esclaves Sénégalais et Guinéens des îles
Françaises d'Amérique, les Intouchables, les Dalit, les Harijan,
les Safai Karamcharis ou laveurs de latrines Indiens... "
La plupart des humains maltraités relèvent d'une catégorie
juridique des personnes et d'une histoire criminelle (religieuse ou non) strictement
concertée et planifiée par des groupes traditionnels ethniques,
religieux, économiques ou politiques.
1- le massacre des esclaves au Tibet pré-bouddhique,
2- le massacre de 10,000 moines conduit par le Roi Langdharma au IXème
siècle (au lendemain de l'institutionalisation du bouddhisme vajrayana
(doctrine de la Vacuité) Religion Nationale ou Religion d'Etat),
3- le massacre de 1641, passé sous silence, puisque impliquant directement
le Vè Dalaï Lama et son protecteur mongol Gushri Khan (toutes les
sources ethno-anthropologiques et historiques criminelles convergent) à
l'encontre des familles religieuses Bon (culte pré-bouddhique) et de
leur protecteur le prince de Be-ri (Tibet oriental) .
Ces actes (et nous pouvons en dire autant à propos de ceux du Hongan-ji
(Jôdoshinshû institutionnel) au Japon) sont bien des actes génocidaires,
des crimes religieux d'Etat dans le seul but de préserver un pouvoir
collectif (celui d'une famille religieuse-Etat ou royale admettant l'esclavage,
les castes et les hors castes comme des catégories juridiques codifiées),
à tout le moins tels que définis aujourd'hui par la Convention
Internationale du 9 décembre 1948.
Cette remarque rejoint de façon militante le flot de celles qui souhaitent
une réforme du vocabulaire courant concernant l'acte criminel et l'acte
criminel religieux et qui refusent la banalisation des faits de guerres et des
conflits religieux, à tout le moins tels qu'ils sont présentés
dans les manuels scolaires.
Le concept juridique de meurtre au Tibet est bien connu. Le Code Vinaya des
moines, le Code 1650, le Code Tsang ou le Code des Dalaï Lama le définissent
comme : le fait de donner volontairement la mort à autrui.
C'est du reste la même définition retenue dans le Nouveau Code
Pénal Français, Livre II art.221-1.
La déportation (forme du pénal Tibétain pour haute trahison,
Yuan Sha)est également connue et pratiquée pour éliminer
les opposants religieux ou politiques. Le fait qu'elle soit étouffée
ne signifie pas qu'elle n'ait pas eu lieu.
La terminologie juridique de 2003 des Nations Unies en matière de protection
des peuples autochtones et des minorités, de prévention de la
discrimination, concerne également la protection "des minorités
ethniques Tibétaines". Mais ces mesures qui visent à sanctionner
les excès Chinois, bien qu'elles soient un bien, recouvrent d'un voile
suplémentaire les persécutions religieuses et politiques pré-1949.
L'histoire criminelle religieuse Tibétaine recence des mesures visant
à entraver les naissances.
Le contrôle des "renaissances" (contexte sociologique et religieux
bouddhique) des élites (la majorité politique à 18 ans
pour les rois réincarnés) et le contrôle des renaissances
des serfs endettés de pères en fils par la dette karmique, la
dette alimentaire et sanitaire contractuelle, le régime des corvées,
l'impôt, sont des techniques spécifiques de domination politique.
Ces techniques consistent bien à limiter les ennemis de l'Etat (ou plutôt
d'une famille - religieuse ou non- au niveau de l'Etat), et les ennemis des
familles religieuses-Etats au niveau régional ou provincial quand elles
ne sont pas au pouvoir central.
Il existe également un décret royal des Dalaï Lama ou Gélugupa
interdisant les renaissances de tels ou tels seigneurs (religieux ou non) de
haut rang, ennemi de la puissance publique, et autant de moyens policiers pour
s'en assurer (confiscations des domaines, des biens et des hommes).
Au XVIIème siècle, l'actuel chef de lignée Shamar rimpoche,
Régent historique de la famille religieuse-Etat Karmapa / Kagyupa, fut
interdit de renaissance durant deux siècles par les Gelugpa, de 1600
à 1800 pour haute trahison et sécession.
Ce dernier, aujourd'hui réincarné est de nouveau (par le seul
pouvoir de l'actuel XIVème Dalaï Lama) au coeur de l'affaire (judiciaire)
du faux Karmapa régnant en Inde (New Delhi ou Gamtok, Sikkim) pour l'Orient
et en France - en Auvergne - pour l'Europe :
"... quand cette histoire (de faux et usage de faux) ce répandit
parmi les bouddhistes occidentaux, elle fit l'effet d'une bombe. Pour la première
fois ils étaient confrontés à une affaire politique Tibétaine
au grand jour. L'aura de perfection et de pureté attribuée jusqu'alors
à tous les lamas en prenait un coup. Où était passée
l'éthique bouddhiste de non-violence ? Il y eut des réactions
de colère (la mienne par exemple!) ou encore le sentiment d'avoir été
trompé par l'un ou l'autre des deux protagonistes que l'on avait fait
jusque là passer pour des maîtres accomplis (...) On pouvait espérer
que nul en Occident ne tomberait dans le piège de choisir un camp. Peine
perdue, il y eut des partisans de l'un et de l'autre Karmapa (deux réincarnés
d'un même rang se disputant un même héritage politique et
économique-estimé à 5 milliards de dollars US- et une même
couronne). A présent les choses sont en ce point : en France les centres
Kagyupa sont divisés en deux camps (...) Le rideau de silence se referme
donc sur cette malencontreuse histoire, mais on peu encore s'interroger sur
l'attitude de ces occidentaux qui ont choisi leur camp au lieu de respecter
la plus élémentaire des neutralité".(Philippe Cornu,
" le choc interculturel dans les groupes bouddhistes occidentaux d'obédience
Tibétaine", mémoire de D.E.S.S. en ethnométhodologie
et informatique, Université de Paris VII, 1998)
Il semble cependant, que si Philippe Cornu traduit aujourd'hui avec succès
des tantra Tibétains et des oeuvres historiques, tâche qui revient,
selon sa tradition, aux Bouddha, il omet d'évoquer l'absence de neutralité
de son propre guru, Sogyal Rimpoche.
Ce dernier fait l'objet :
1- d'accusations publiques aux Etats Unis pour "crimes sexuels",
2- de plusieurs plaintes en justice ,
3- de nombreux "blâmes" émanants tant du XIVème
Dalaï Lama - toujours en campagne contre la Chine communiste "Tibet
Martyr!" - que de femmes abusées ou d'individus escroqués
au centre de Lodève-France (sous l'autorité et par l'intéressé
lui-même, puisque Sogyal Rimpoche - et quelques autres- font toujours
l'objet de plaintes pour viol).
"S'en référer pour ces affaires, aux parquets" selon
l'avis éclairé du député socialiste Picard, agent
de la réforme pénale de 2001 sur l'abus frauduleux de l'Etat d'ignorance
ou de l'Etat de faiblesse (Loi n°2001-504 du 12 juin 2001 tendant à
renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires
portant atteinte aux droits de l'homme et aux liberté fondamentales,
J.O. n°135, page 9337).
Nous pensons par ailleurs que ces évènements sont parfaitement
lisibles par l'ethno-anthropologie structuro-fonctionnaliste ou contextuelle
et par la sociologie tant juridique que religieuse.
- VII -
Le pénal Français rejoint ici, sur ce point des conséquences
de la corruption des agents publics ou du délit, la base de la dramaturgie
des prophéties bouddhistes :
"l'homme corrompu ne peut plus conduire les missions que la Loi lui confie".
(art.2123-34 Code général des collectivités territoriales)
Nous retrouvons cet exposé chez les juristes J.Riffault Silk, Chemillier-Gendreau
et Bernard Champion dans : "la corruption des règles du jeu économique
et la nécessaire lutte contre la corruption nationale et internationale
par les moyens du droit pénal".
La législation théologique évolue selon les repères
dogmatiques invariants de la Loi cadre des causes et des effets.
Elle évolue dans le champ du temps karmique bouddhiste des trois temps
(passe, présent, futur) liant la force des actions répréhensibles
ou non aux lois passées, présentes (qui ne sont pas forcément
celles du passé) et au futur. Elle affirme dans son principe pénal
directeur : "le meurtrier ne peut échapper aux conséquences
de son acte".
Cette dynamique juridique et religieuse relève tant de la Loi des causes
et des effets que de l'altération / destruction du lien, Samaya.
La délinquance religieuse est condamnée par la législation
tantrique générale.
Elle condamne :
1- la corruption passive, soit le fait pour une personne dépositaire
de l'autorité religieuse (et nous pouvons sans problème reprendre
les terme du pénal Français sur cette question), "de solliciter
sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons,
des présents, des avantages".
Elle s'abstient généralement d'accomplir sa mission ou l'accomplit
déloyalement.
Le Code des moines, les Codes royaux, le code pénal moderne condamnent
également :
2- la corruption active telle que définie : "celui qui offre de
sa propre initiative des dons, des promesses, des avantages ou qui cède
aux sollicitations. Et qui, de fait, ne peut plus accomplir plus ses missions
administratives, politiques (ou religieuses)".
Les deux corruptions trahissent les lois et la confiance, et, dit Bouddha, "conduisent
les conflits entre riches et les injustices envers les pauvres".
Les deux corruptions ne sont pas dissociables de la structure traditionnelle
de mise en dépendance du sujet d'avec un maître, mirtsa.
Au Tibet, la mise en dépendance lie le sujet à la servitude volontaire
pour dette, à la dette alimentaire, sanitaire, économique héréditaire,
ainsi qu' au régime spécifique des corvées publiques et
privées (aujourd'hui les dharma center Français lient la pratique
au salariat obligatoire, aux pensions, aux régimes de retraites, aux
assurances, aux héritages et aux Rmi des adeptes aux mêmes fins).
La délinquance des sujets en situation de dépendance psychique
et physique est traditionnellement associée aux troubles mentaux ou à
l'aliénation mentale.
La délinquance des familles religieuses-Etat est traditionnellement associée
aux conflits, aux famines et aux épidémies .(voir nos notes sur
la médecine tantrique ou psychiatrique bouddhiste 14, 34, 41).
-VIII-
La discrimination administrative au Japon durant la période d'Edo (1570-1868)
Cette très modeste approche de l'esprit des Lois nous a permis de découvrir
l'enjeu humain de la lutte contre "la falsification des règles du
jeu économique, politique ou religieux et des liens humains en général".
Notre moyen consiste en la critique, à tout le moins juridique, des règles
de la servitude pour dette et de la discrimination administrative et religieuse
imposées aux pauvres dans un contexte de droit de la propriété,
religieux et non religieux.
Cette critique juridique (nous le verrons tout le long) est particulièrement
d'actualité au Japon tel qu'observé par l'éthnologue des
religions Wakita Osamu, à qui nous avons emprunté le concept éthnologique
de "discrimination administrative".
Nous nous sommes inspirés sur ce point de l'éthnologie juridique
et religieuse de son essai : "A propos de la discrimination à l'époque
pré-moderne au Japon", lequel couvre la période Japonaise
dite d'Edo, 1570-1868 (Ere Shogunale).
L'ethnologie Japonaise nous semblait favorable pour ce choix critique attendu
que "l'évolution chaotique et non linéaire de la civilisation"
s'opérait depuis les VII, VIII et IX ème siècles dans un
contexte administratif codifié Ryô, établi sur le modèle
Chinois des Tang.
Cette codification Japonisée faisait une différence entre les
Ryomin : "gens de bien", officiels, gens du commun en tant que seuls
sujets aux taxations et les Senmin : "gens de basse extraction" parfois
traités en parias soit environ, selon Patrick Bellevaire, spécialiste
de la parenté Japonaise, 10% de la population.
L'on trouve dans l'organisation familiale traditionnelle du Code Taihô
au VIIIème siècle, liée à la charge de maître
de maison, celle de continuateur du culte ancestrale et celle du commandement
opérant de façon discriminante avec le reste de la famille, les
serviteurs Kénin, et les esclaves Nubi.
En fait le but de cette codification ne réside pas tant en une imitation
d'un modèle Chinois (comme il est encore dit en Occident) que d'une inspiration
(l'avenir juridique Japonais le confirmera) afin d'assurer les conditions de
stabilité d'un ordre politique dont elle définira, par ailleurs,
les institutions.
Le Chef de Maison, ici, si humble soit-il, est considéré comme
un "office", ultime relais de l'administration omnipotente qui trouve
son achèvement dans la succession par primogéniture mâle
(qui donne le pouvoir ou la responsabilité à l'ainé, primus
agnatus), fournissant ainsi un modèle idéal de subordination,
en même temps qu'elle permet la reproduction, d'une génération
à l'autre, de l'appareil hiérarchique de l'Etat.
Tel est l'Uji, le clan, un "ramage", un ensemble politico-territorial
centré sur un noyau familial patrilinéaire (mode de filiation
pour lequel seul compte la parenté paternelle) au sein duquel se transmet
les fonctions religieuses et de commandement.
L'Uji (Ere Asuka, 552) est une institution publique. Le gouvernement la surveille,
la recense et recueille ses généalogies. Il existe pour cela un
ministère des affaires civiles, le Jiboshu et un Registre des Lignages.
On constate enfin que ces Chartes généalogiques s'agencent autour
de la lignée impériale dont la divinité tutélaire
est la "Très Auguste Divinité Illuminant Les eaux",
ou Amaterasu Ômikami (créateur de la Terre et du Japon et de laquelle
le Tennô, l'Empereur, descend).
C'est à partir de cette trame juridique que se constitue l'Ie, la maison
ou l'entité domestique traditionnelle Japonaise.
L'on dira de l'Etat féodal de l'époque d'Edo (1570-1868, Ere Shogunale)
qu'il est : "ie rengo kokka" ou l'Etat : kokka, constitué par
"une association de maisons" : ie rengô.
Le rapport récent du Japon aux droits de l'homme est déterminant
pour Wakita Osamu. Nous reconnaissons qu'il en a fait son point de base analytique.
La critique discrimante moderne étant née au Japon avec la philosophie
occidentale de l'individualisme, de la raison et du socialisme... :
"les recherches sur les phénomènes discriminatoires au Japon,
dit Wakita Osamu, n'ont vraiment commencé qu'au début du XXème
siècle (1882-1912). En même temps que se développaient l'individualisme
(base philosophique et juridique des droits fondamentaux de l'homme de la Constitution
Japonaise de 1946 - art.13, et de l'interdiction de toute discrimination raciale,
sexuelle, religieuse, familiale, patrimoniale etc... art.14) et le socialisme,
ou qu'apparaissaient les premiers mouvements de libération des femmes
(voir suite de la note)...".
Notons au titre de la documention comparée que le XVIIème siècle
Tibétain, époque du Vème Dalai Lama, vivait sous l'occupation
militaire Mongole.
"L'âge d'Or du Tibet" (?) est celui de la construction du Potala
à Lhassa (fondé au VIIème siècle et fini, du fait
des conflits, au XVIIèmme siècle), épicentre bureaucratique
de la théocratie et demeure pontificale du Bodhisattva réincarné
Avalokitesvara. Cette période est également le symbole du génocide
ethnique et religieux des familles religieuses : Bön, pré-bouddhiques
(1641) et de leur chef, le prince de Be-ri (Tibet oriental).
La demeure sacrée d'Avalokistesvara existe également au Japon
mais selon une autre tradition de la compassion et de l'amour, sous le même
nom : "Po-ta-la". Sa contsruction remonte à bien avant le VIème
siècle.
Le Japon (comme La Corée, le Vietnam, la Chine impériale Mandchou
qui imposera en 1750 la structure de l'administration et du gouvernement Tibétain
prévalant jusqu'en 1912), est également la demeure d'une autre
manifestation d'Avalokitesvara (bodhisattva de l'amour et de la compassion,
il n'en existe pas moins de trente trois formes en Chine et au Japon, y compris
féminines) : Kannon Bosatsu (Japonais.), Guanyin (Chinois).
Sa plus célèbre manifestation au Japon est sans doute celle du
Prince Shôtoku, auteur de la constitution démocratique en 17 points
de 604, et des principes "Wa" de la coopération harmonieuse
et "Reigi" de la politesse, bases de tout gouvernement.
L'histoire Japonaise du droit et des religions dit pudiquement que le prince
Shotoku fut "sans doute" une réincarnation du Bodhisattva Avalokitesvara.
Ceci ne fut jamais imposé comme une vertu céleste, un dogme nécessaire
à la croyance, pas même après sa mort, Reigi.
Au chapitre très particulier des materiaux historiques témoins de la discrimination
au XVIIème siècle, ajoutons les rouleaux testamentaires spéciaux
Kawara écrits par les discriminés Japonais eux-mêmes, les
"Burakumin", les "parias" ou les "arriérés"
: gens des berges, artisans, mendiants, prostituées, bouchers, saltimbanques....
Ces derniers bien que discriminés par la hiérarchie sociale et
le système légal, avaient droit aux liens religieux, notamment
avec le Jôdoshinshû "sans terre" et "sans richesse"
et le Zen, et, fait unique en son genre, à une parenté spirituelle
avec les princes comme Shôtoku ou les empereurs Japonais comme Itoku (550-447
av.J.C., 4ème empereur), Suinin (+- 70 av.J.C. +- 70 ap.J.C., 11ème
emp.), Ojin (+-210-310, 15ème emp.), Suiko (554-634, 33ème souverain
et tante du prince Shôtoku) ou comme l'impératrice Jingu (IVème
siècle, qui aurait conquis la Corée et vaincu les trois royaumes
de Silla-Shiragi, Koguryo et Paeg-che-Kudara). Tous étaient considérés
comme racines mythiques de la généalogie des exclus bien que vivant
dans des ghettos, les "villages / hameaux spéciaux" (buraku).
Les mouvements en faveur de leur émancipation naquirent sous la forme
légale d'une "société des égaux" suiheisha,
organisation nationale en vue de l'émancipation des exclus créée
à Kyoto en 1922 lors d'un congrès réunissant plusieurs
milliers de personnes en majorité proche de l'anarcho-syndicalisme.
En 1923 le Parti Communiste Japonais créera une organisation dissidente
minoritaire. La Suiheisha se radicalisera et atteindra son apogée au
cours des années 1930. Dissoute en 1941, la ligue réapparaîtra
en 1946 sous un autre nom et deviendra en 1955 la "Ligue pour l'émancipation
des Buraku" ou Buraku Kaihô Dômei, dénomination sous
laquelle elle est toujours active aujourd'hui.
Cette organisation de résistance est également le support de la
Sous-Commission de la promotion et de la protection des Droits de l'Homme des
Nations Unies et un membre actif du Mouvement International contre toutes les
formes de Discrimination et de Racisme, MIDRA.
C'est dans un tel contexte qu'un historien comme Kida Sadakichi a pu commencer
ses travaux précieux sur les "Villages Spéciaux" dans
la revue "Ethno-folklore et histoire", 1919, et que Takahashi Teiki
et Miyoshi Iheiji ont pu composer : "Mille ans d'histoire des hameaux spéciaux"
et "Recherches historiques sur les questions d'assimilation" , 1943.
Avec la montée de la pensée démocratique attachée
aux droits de l'homme, au lendemain de la guerre, les études sur ces
questions sont reparties sur de nouvelles bases : un institut de recherche sur
la question des hameaux spéciaux sera fondé. L'histoire des Buraku
et du mouvement de leur libération sera construite sur des bases sientifiques
par Kitayama Shigeo, Hayashiya Tatsusaburô, Harada Tomohiko, Fujitani
Toshio, Inoue Kiyoshi.
Dans les années 1970 l'adoption d'une législation "sur les
mesures spéciales en faveur de l'intégration des burakumin"
ou "sur les mesures spéciales en faveurs de certains quartiers"
a accompagné la divulgation de certaines archives jusqu'alors innaccessibles.
Malgré sa division, le mouvement de libération des burakumin n'a
cessé de se renforcer ("Histoire des Buraku et mouvements de libération
avant 1868", Kadowaki Teiji, Wakita Haruko et Wakita Osamu, 1985, à
propos des exclus note 65).
Ce mouvement a contribué à atténuer, dans une certaine
mesure, la réalité de la discrimination et à faire en sorte
que les habitants des ghettos prennent leurs affaires en main. Dans les années
1990 les recherches sur le phénomène de la discrimination des
burakumin a été mis en rapport avec d'autres phénomènes
discriminatoires, le racisme ou l'histoire des femmes....
La société japonaise pré-moderne (Edo, 1570-1868) distinguait
à peu près les statuts sociaux selon la profession et le lieu
d'habitation. Dans les villes et les villages on distinguait le statut social
en fonction de son lieu d'habitation. Pour maintenir ce système de distinction
des statuts, il y avait des cadastres fonciers comme le Kenjicho ou un état
civil comme le Jinbetsu ou des "registres paroissiaux" comme le "Shumon
Aratame". Grâce à ces documents on enregistrait dans les archives
la résidence et le nom de son propriétaire, le chef de famille
et le nombre des personnes vivant dans un foyer...
Ici l'on peut reprendre le propos de Noriko Mizuno, membre de la société
Franco-Japonaise de science juridique et professeur de droit à l'université
de Tôhoku :
"c'est au XXème siècle que la famille Japonaise a pour la
première fois fait l'objet d'une règlementation par un droit civil
de type occidental" (6ème journée juridique Franco-Japonaise
: "la famille au Japon et en France, Tôkyo-Sapporo, sep.2001).
Cette remarque sur le début de la règlementation de la famille
Japonaise par un droit civil de type occidental nous intéresse en ce
sens qu'elle laisse clairement entendre une antériorité quant
aux types de règlementation et de codification de la parenté,
du comportement social et familial, de la propriété et des activités
avant l'Ere du Meiji (ce qui nous permettra, ultérieurement, de mieux
comprendre l'enjeu social de l'identité des marges et des discriminés
au XXIème siècle).
La réforme juridique par la codification des devoirs des personnes aux
VIIème et VIIIème siècles, comme la codification religieuse
concernant les devoirs religieux, sont occultées dans une certaine histoire
Japonaise ou Américaine des codifications Japonaises (pénales,
jurisprudentielles, publiques, constitutionnelles et religieuses).
La composition du droit codifié moderne Japonais (des droits et des obligations)
résolument inspirée par la laïcité juridique scientifique
occidentale depuis 1873, paraît vouloir effacer l'influence de l'esprit
de la réforme juridique Japonais qui soufflera dès le Vème
siècle sur le Japon et que les occidentaux réduisent à
"un art du mimétisme" .
Certains commentaires historiques et juridiques nient l'existence de la 1ère
constitution de 604 (son auteur, le prince démocratique réformateur
Shôtoku, étant réduit au rang de personnage antique puis
mythique sans valeur scientifique.)
Ce même problème (de la reconnaissance scientifique des travaux
anciens de réforme) affecte les Codes Chinois de médecine (déjà
deux fois millénaires) en vigueur à la cour dès le Vème
siècle au Japon (famille coréenne des Naniwa).
L'influence ancienne Chinoise confucéenne ou taoiste sur la médecine
holistique ne posera pas de problèmes à un Manase Dosan (1506/7-1594)
grand érudit et médecin unificateur des pensées (spécialiste
du diagnostic, de l'investigation des causes des maladies, recherchant les facteurs géographiques,
météorologiques, cultuelles, alimentaires, sanitaires, familiales,
professionnelles de la maladie, etc...) .
Manase Dosan abandonnera sa robe de moine Zen du temple Shokoku-ji (Tendaï)
de Kyoto et jugera la médecine bouddhique ésotérique de
la cour "dangereusement éloignée des causes de la souffrance
du peuple".
Proche de ses malades et de ses étudiants, Manase Dosan se convertira
au christianisme en 1584 et son oeuvre, pilier de la réforme et base
de l'examen clinique de type occidental, sera transmise familialement jusqu'au XIXème
siècle.
Son oeuvre anticipera celle du médecin Sugita Genpaku (1733-1817) traducteur
du Taheru Anatomi (1774) du hollandais Johan Adan Kulmus (1689-1745). Ce traité
l'un des premiers traités modernes d'anatomie (qui était interdite
jusque là) est connu sous le nom de : "Kaitai Shinsho" (nouveau
traité d'anatomie).
Genpaku aurait décidé cette traduction capitale après avoir
assisté à la dissection du corps d'une femme criminelle en 1771.
Le premier médecin Japonais à avoir officiellement disséqué
un corps humain (avec autorisation spéciale) serait Yamawaki Toyo (1705-1762).
Toutefois, la publication du Kaitai Shinsho opèrera une séparation
radicale d'avec la médecine du Tout (holistique Chinoise) pour le seul
profit (dans le contexte de Genpaku) d'une science des parties, corps de la
médecine réaliste.
Il est intéressant de noter ici que Sugita Genpaku avait en sa possession
les traités d'anatomie de Gaspar Bartholin (1585-1629), Danois; de Volcher
Coiter (1535-1600), Hollandais; d'Ambroise Paré (1517-1590), Français;
de Johann Vesling (1598-1649), Allemand...
Notons encore que Manase Dosan réformateur historique du diagnostic (il
creera en 1546 le Keiteki-in, première école de médecine
indépendante) sera également l'auteur de l'un des premiers codes
de déontologie médicale au Japon (1566-1581) doté de 57
préceptes, rapproché par A.Briot de celui d'Hippocrate.
Le 12ème précepte est un très bon indice pour l'histoire
des délits et des crimes de son temps :" les médecins soignent
des maladies qui ne sont pas encore déclarées et non celles qui
le sont déjà".
Le 14ème précepte établit : " ... les traitements ne sont pas efficaces sur les patients qui croient en
l'exorcisme et non aux médecins".
Si nous citons les règlements, les traités, les codes anciens
c'est parce que nous voyons, précisément en cette prééxistence,
une aptitude à la réforme, par excellence, d'avec les anciens
systèmes jugés inefficaces ou inappropriés.
Selon Mieko Mace spécialiste de l'évolution de la médecine Japonaise
(Collège de France et CNRS)
Manase Dosan, réputé grand médecin de son temps, abandonne
les méthodes religieuses bouddhiques au profit d'un esprit moderne d'investigation
causale, sans rejeter cependant certains aspects du confucianisme et du taoisme
Chinois des maîtres anciens, pensées et morales Jin et Yuan, Li
Dongyuan (1180-1228) et Zhu Dangxi (1281-1358)
En cette diversité des sources de la conscience juridique, médicale
et religieuse Japonaise, l'esprit de la réforme-l'esprit des lois, nous
noterons également qu'un même combat contre l'altération
de la mémoire est mené dans le champ des sciences humaines par
l'ethnographie des religions .
Citons seulement (et nous y reviendrons plus longuement dans les autres chapitres)
les innombrales travaux des ethnologues classique Yanagida Kunio et Origushi
Shinobu dans les années 1910-1920 et Murakami Toshio et Wakamuri Taro
(historiens des religions) dans les années 1940. Anne Bouchy
Japonologue Française de l'Ecole Française
d'Extrême Orient présente ces auteurs avec succès.
Il apparaît très tôt au Japon que beaucoup de ruptures fondamentales
(notamment d'avec les sources traditionnelles de transmission des connaissances)
ont su trahir la linéarité de l'histoire scientifique, religieuse
et juridique. Ces ruptures apparaissent constamment dans les analyses des doctrines
religieuses, médicales et juridiques par les religieux, les médecins
et les juristes Japonais. L'enferment linéaire ou circulaire du Japon est relatif.
Dès le Vème siècle :
-les traités coréens d'herboristerie,
-les traités de médecine bouddhiste également coréens
(il faut lutter contre la peste de 586 avec de nouveaux moyens),
-les écrits philosophiques et juridiques inédits des Tang,
-les traités révolutionnaires Chinois d'architecture et de calligraphie,
-les techniques d'incinération des morts du moine coréen Doncho
en 610, jusque là inédites au Japon, (...) nous montrent que la
xénophobie des régnants est, selon un certain angle de vue, déjà
relative. Pour de nombreux hommes les frontières sont perméables...
La plus part de ces trésors, techniques efficaces pour la paix, le bien
être et le progrès, sont toujours essentiels à la vie Japonaise
au XXIème siècle.
Les informations libres se sont transmuées (au regard de l'histoire des
courants chaotiques et non linéaires religieux, scientifiques et juridiques)
en une nuée de sources réformatrices favorables à la pensée
de la réforme et à l'esprit universel des lois.
Le Japon ne serait donc pas réductible au coup d'Etat militaire de l'empereur
Meiji contre les Tokugawa en 1868 ou au redoutable shogunat économique
des S.A du XXIème siècle.
Un lien non linéaire unit bien l'histoire du Japon, l'ère de la
réforme moderne post 1868 par les idées et le comportement (n'effaçant
rien, bien au contraire, du religieux de l'errance propre VIIème siècle,
nous le verrons plus bas) à la révolution philosophique sociale
des droits de l'homme, à l'individualisme égalitaire, à
l'éclosion du socialisme occidental et aux sciences dures.
Au XIXème siècle les gens louent autant qu'ils s'en plaignent
les transports en commun, l'éclairage public au gaz, et méditent
la voie de l'éveil Shugen dans les montagnes (fondée au VIIème
siècle par le sage En no gyoja, Ere d'Asuka 552-710), tout en étant
partant pour la scolarisation globale du Japon (100% des enfants seront scolarisés
et alphabétisés en 1900, E.O.Reischauer). Cette scolarisation
intensive selon les moyens occidentaux n'empêche pas non plus les sentiments
décadants, immoraux et érotiques des romans à scandales
ninjo-bon (pré 1868) dont le peuple citadin (chônin) d'Edo (Tokyo), de
Kyoto, d'Osaka est si friand (Santô Kyôden (1761-1816), Umebori
Kokuga (1750-1821), Tamenaga Shunsui (1789-1843) .
Le tumulte de la réforme juridique, scientifique et industrielle, capitaliste
(pas plus qu'au VIIème siècle ou au XVIème siècle)
n'empêchera jamais l'ascèse, le recueillement loin des villes et
des routes commerciales, ou l'ascèse du bodhisattva à la maison
selon le pédagogue Chinois de Nankin, Yang Wenhui (1837-1911).
Nous pensons par ailleurs à l'ascète errant Japonais Tokuhon (1758-1818),
résolument sans Etat et sans richesse qui n'apparaît dans aucune
encyclopédie occidentale du Japon, connu des foules (capable de soulever
200 000 pélerins à travers le pays) et des polices dans près
de trente provinces, ou à Hayashi Jitsukaga (1843-1884) qui, alors que
le bouddhisme Shugendo était prohibé par l'empereur Meiji en 1872
(en tant qu'un archaïsme obscurantiste), se jetait du haut d'une cascade
de 133 mètres en 1884, montagne de Nachi (Wakayama), haut
lieu des pélerinages Japonais et de guérisons miraculeuses (1884-1910).
Il est ressencé aujourd'hui près de 351 montagnes qui sont ou
ont été des centres du Shugen-dô.
Le Shugendô (voie de l'éveil et des mystères indissociable
de l'aventure bouddhiste) inspire aujourd'hui les sciences humaines sur ce même
sujet de l'anthropologie et de l'ethnologie du fait religieux ritualiste, codifié,
"sauvage et hors les lois" ou oral.
Nous voyons donc en ces différentes transmutations, non une faiblesse,
mais l'un des signes majeurs de la maturité d'une nation et la preuve
féconde de son indépendance juridique, scientifique et religieuse...
Nous retrouverons quelques réflexions similaires chez les sociologues
juridiques Kahei Rokumoto dans "law and culture transition, Reform of Legal
System as a Whole" (Era of Heisei reforms, 1991-...) American Journal of
Comparative Laws, 2001, Ichiro Kitamura dans "L'homme Juridique au Japon",
1987, Isaiah Ben Dasan dans " Sur la religion du Japon", 1972, et
chez le philosophe Arimasa Mori dans "La mystique du Japon ancien : le
shintô / la mystique du bouddhisme japonais" 1972, 1978, 2001, S.L.C..
Les tendances négationnistes voire révisionnistes (Il n'y a pas
de transmutations des divorces, des ruptures ou d'effets imprévisibles
dans le temps et les activités ) sont bien réelles et relèveraient
selon Yosiyuki Noda : "des évolutionnistes imbus, heurtés
par le traditionnalisme superstitieux ou l'irrationnalisme obscurantiste du
Religieux" .
Quoiqu'il en soit ce "complot linéariste et évolutionniste",
que l'on doit tant à l'esprit scientifique, industriel et nationaliste
de l'Ere Meiji, qu'aux universités de droit et d'économie très
conservatrices du Japon, de l' Europe et des Etats Unis, est bien réel.
Il est également, pour une grande part, responsable de la désormais
très traditionnelle dogmatique de l'oubli ou du traditionnel effort "d'amnésie
consensuelle" concernant le passé archaïque du pays (le prince
Shôtoku), la misère des plus humbles (les exclus et les non-humains).
La législation shogunale pré-moderne d'Edo (1570/1600-1868) qui
se caractérise par la puissance de ses "codes des maisons militaires":
Bukehô, rend obligatoire la succession par primogéniture mâle
et supprime la liberté testamentaire pour les groupes familiaux militaires.
Les relations entre chefs de maison sont directement conçues en terme
d'assistance Shihaï ou de domination Fujo. S'instaure alors le célèbre
"système du père chef de maison" ou kafuchô sei.
Les femmes sont désormais complètement intégrées
à la maison de leur mari (ce qui n'était pas le cas avant) et
subordonnées à leurs beaux-parents sans plus avoir aucun droit
sur l'héritage.
Edo ou le Shogunat (pouvoir militaire personnel) renforce donc l'institution
domestique militaire afin de stabiliser sa structure foncière et rompre,
une fois encore, avec l'ancien système impérial qui préconise
la stratégie des alliances familiales. Cette dernière favorisant
le maintient, d'une génération à l'autre, de l'appareil
hiérarchique de l'Etat (le chef de maison étant alors considéré
comme l'ultime relais de l'administration impériale).
Rupture aussi avec la propriété ancienne qui demeurait jusque
là divisible entre les enfants des deux sexes, favorisant en cela la
fragmentation des bien-fonds et l'assise foncière familiale du pouvoir
militaire.
De leur côté les paysans et les marchands ne sont pas soumis à
de telles règles. Le chef de famille est libre de choisir son héritier
et libre de diviser la terre possédée. Contrairement aux militaires
les paysans jouissent d'un droit de la propriété perpétuel.
Par contre l'administration seigneuriale exerce sur la population villageoise
une surveillance très contraignante.
Il est établi des registres de "droits et devoirs paysans"
écrits : Ninbetsu chô, Shûmon aratame chô pour la période
allant de 1600 à 1868 (1873, selon L. Frédéric). Ces registres
servent ici très indirectement de codes juridiques, ou de lois religieuses.
En effet chaque maison, dans le contexte sociohistorique, religieux et politique
de lutte contre le christianisme, sur ordre du pouvoir militaire, se doit d'apparaître
comme appartenant à un temple bouddhiste pour preuve de son absence de
sympathie envers la doctrine étrangère, et dresser par la même
occasion l'inventaire des ressources humaines, animales et foncières
du village.
Il en va ainsi de tous les villages Japonais durant Edo. Les gens soupçonnés
d'être chrétiens, une fois découverts, étaient obligés
d'apostasier sous peine de périr. Les temples bouddhistes se portaient
alors garants (térauke) de leur bonne foi. Parfois ceux qui étaient
soupçonnés se voyaient obligés de piétiner une image
de la Vierge ou une croix (fumi-e) afin de montrer qu'ils n'étaient pas
chrétiens. Les persécutions furent particulièrement intenses
à Nagazaki .
L'"Uji" (Vème et VIème siècles) le clan, le ramage
ou la "trame juridique" politico-territoriale (telle que la voit David
Annoussamy pour la cellule religieuse familiale Indienne moderne) s'affranchit
de sa condition domaniale millénaire au profit de l'Ie- la maison, cellule
de base de la société japonaise d'Edo.
C'est d'ailleurs à cette époque que l'on se réfère
implicitement lorsqu'on évoque la famille traditionnelle.
"Elle est, disent Murakami, Kumon et Satô, un instrument du pouvoir
et une matrice de subordination de l'individuel au collectif. La permanence
de l'Ie à tous les niveaux de l'édifice social garantit la stabilité
de l'ordre politique et administratif." (Dans "Une histoire de la
famille" dir. C.L.Strauss et Duby, ch.13 : "Le Japon une société
de la maison" par Patrick Beillevaire, Armand Colin, T.1)
Disons enfin qu'à cette époque d'Edo le régime juridique
des familles et les statuts sociaux, interdisent aux gens, et notamment au chef
de famille, de se déplacer. Si le déplacement est nécessaire,
l'administration du village ou du quartier fournit un laissez-passer individuel.
Sauf pour ceux qui n'ont pas de foyer, les déplacements libres sont en
principe prohibés.
"L'errance religieuse" qui a une grande influence depuis le 6ème
siècle, se développe singulièrement dans ce contexte sociologique
de sédentarité contrôlée d'Edo.
Les saints errants (Hijiri, les héros solitaires ou saints mendiants
sans attache -bien qu'il existe une tradition Hijiri de saints sédentaires
mariés) propagent les connaissances bouddhistes de libération
hors les institutions (note 65) et les "principes de vie" essentiels
tels que ceux du "Shinshû", oraux, selon les circonstances propres
à l'errance spirituelle.
L'errance religieuse est bien une source d'influence culturelle synchronisée
aux besoins naturels de l'esprit des sédentaires, des minorités
discriminées mais également à celui de la société
paysanne rizicole sur-ritualisée ou à celui des cités trépidantes
et décadantes.
Elle est également synchrone à la composition des nouveaux codes
des devoirs religieux et juridiques (opportunistes ou providentiels) tout le
long de son histoire.
Ainsi les traditions bouddhistes Jôdo, Jôdoshinshû, Zen, Shingon
ou Shugendô (toutes ont leur ramifications errantes et leurs indépendants
farouches résolument hostiles aux concentrations monastiques et aux concentrations
des richesses) ont pu selon ce très naturel principe de transmission
se répandre "hors les lois", dans les campagnes agricoles,
les régions montagneuses et forestières, le long des mers, dans
les îles les plus reculées... jusqu'à nos villes et mégapoles
d'aujourd'hui.
Les gens discriminés, les kawata (cordonniers, tanneurs), les kawaramono
(gens des berges vivant sur une même aire avec les prostituées),
les eta (pleins de souillures chargés du dépeçage des bêtes
mortes et des charognes), les hinin (les non-humains chargés des exécutions
capitales, ils sont les seuls à pouvoir toucher les corps morts, en Inde,
en Chine ou au Japon) sont enregistrés comme tels avec leurs terres d'habitation
et le nom du propriétaire de l'habitation dans laquelle vivait la famille.
Dans les archives ils figurent à la fin des registres ou à part,
après les autres paysans ou citadins ordinaires.
Le système leur permet de circuler librement dans les ghettos, les :
"Villages Spéciaux", mais ils ne peuvent en sortir librement.
Si bien qu'il leur est difficile d'échapper à leur condition.
Ceux qui en sortent risquent des peines de 30 à 50 jours de cachots.
Dans l'organisation des villes, les villages de parias Japonais sont toujours
situés à l'extérieur et ne sont pas inscrits dans la géographie
officielle des villes. Ils n'échappent pas pour autant à la police
des registres. Dans ces villages les ghettos constituent des unités administratives
spéciales "gison" ou village de gens spécialisés.
La discrimination, à proprement parler, est également administrative.
("A propos de la discrimination à l'époque pré-moderne",
p.199-200, Wakita Osamu, EFEO, 2001)
5- les voeux, les liens, les preceptes religieux
: liens unissant les membres d'une société religieuse, l'ermite
(seul ou en famille), l'errant à la valeur légale et religieuse
de la faute, aux hommes, aux lois, aux activités.
6- moyens d'exception, acquisition ou cessation
d'un avantage humain : la prise du vu de moine par l'assassin Angulimala
auprès du Bouddha et le pardon d'exception du Roi Pasenadi ; sous la
république Française laïque ne reconnaissant aucun culte
: le décret en conseil d'Etat autorisant la congrégation religieuse
multiconfessionnelle justifiée par le lien, le vu communautaire,
la croyance commune.
7- puissance publique : Le roi-juge,
les brahmanes et les conseillers magistrats en Inde ancienne ; l'Etat républicain,
l'exécutif, le législatif, le judiciaire, l'administration, le
conseil d'Etat, la cour de cassation, la cour des comptes et par exemple la
commission pour la transparence financière de la vie politique...
8- les congrégations bouddhistes relèvent
de la transmission de leurs liens de parenté spirituelle ou vux,
préceptes, samaya.
La non reconnaissance de voeux d'écoles étrangères, de
communautés non apparentées, la discrimination par les vux
ou les liens comme leur altération / destruction conduit toujours aux
accusations directes, aux conflits, et, tôt ou tard, au pénal note
14.
Le citadin, l'homme de la rue, les néo-ruraux reconnaisent de plus en
plus les avantages humains du Mahayana réformé ou "dharma
sans maître".
Voir à ce sujet plus loin, l'héritage spirituel de Peng Shaosheng,
bodhisattva (1740-1784), pédagogue Chinois et réformateur du bouddhisme
populaire.
Et Yang Wenhui (1837-1911), conseil spirituel à l'élève
Gui Bohua (1861-1915) ou "...tout cela ne vaut pas la liberté que
l'on a en restant à la maison".
::: la fin
des Notes et Commentaires 2 du chapitre 1 :::