Communiqué-divergence
"opposition à l'armement du communisme-ouvrier en Irak"

par Christian Pose (20/4/2005, révisé le 23/07/2005, le 21/07/07, note 2)

L'information concernant l'engagement du communisme-ouvrier irakien sur la voie militaire radicale pour un renversement de l'actuel régime irakien, régime que je ne cautionnerai bien entendu jamais, et tel que présenté par le CLI dans son manifeste et sa déclaration de formation, m'est apparue après réflexion, inappropriée.

Je ne partage pas ce choix stratégique militaire engageant les travailleurs armés dans le sillage du commandement du CLI, du PCOI et des forces politiques militaires de gauche alliées.
Cela me paraît un choix criticable même si une structure communiste ouvrière historique irakienne existe, une orientation tactiquement trop radicale ou inadaptée au contexte actuel. Le choix de Thoma Hamid (membre du comité central du parti communiste-ouvrier irakien), il y a quelques mois, de ne pas entrer dans le jeu de la lutte armée à Baghdad, et c'était la position du comité central à l'époque, ce n'est pas si loin, consistait à ne pas entrer tête baissée dans la cible et le jeu mis en place par les oppresseurs publics et clandestins, le nationalisme, l'occupation militaire de la coalition, l'islam politique, le capitalisme. Cela me semblait et me semble toujours une brillante position.

Une Armée Rouge, selon les termes de Khasro Saya dans "Quelle lutte armée en Irak ?" puisque c'est probablement ce qui sera, ne me semble pas aujourd'hui (ou pour demain) le plus opportun ou le plus judicieux des choix en terme de stratégie...
Je crois que l'affirmation du rôle militaire du PCOI dotant le CLI d'une branche armée en pleine période de criminalisation des circulations d'armement et de sécurisation des mouvements humains, conduira "l'élan national du communisme ouvrier irakien" et la solidarité internationale pour son combat tête baissée dans la stratégie globale des "programmes militaires de sécurisation des zones de libre-échange" au Proche et au Moyen Orient, déjà fonctionnels, tête baissée dans la stratégie globale des programmes de sécurisation des tractations bancaires et commerciales arabo-irakiennes aux USA, en Europe, en Chine, au Japon, tête baissée dans l'évolution des projets ultra-sécurisés des "zones pétro-euro" (que les Eurobanques n'abandonneront pas, il circule de nombreux documents aujourd'hui dévoilant le rôle que joueront les pétro-euros avant et pendant la chute de saddham hussein et le rôle qu'ils jouent aujourd'hui) et tête baissée dans l'évolution concurrentielle des "zones pétro-dollars" qu'aucun gouvernement américain Bush et post Bush n'acceptera d'abandonner aux nationalisations (pétrole, gaz, transports, industries) en cas de victoire.

Je crainds, sans réduire la portée politique historique de l'action internationale du PCOI et du CLI (qui prend bien, en terme d'offensive politique, le rôle d'une internationale combattante aux grandes heures de lutte, ce que revendique ailleurs en terme de moyens l'historien marxiste Ilan Pappé dans son combat pour la cessation du conflit israélo-palestinien en évoquant l'utilité d'une ANC palestinienne et le dramatique sous-armement des résistances palestiniennes - si je ne cautionne pas son propos sur le sous-armement palestinien je loue, par contre, son propos sur la nécessité de l'internationalisation de la résistance civile non violente) (1), que l'extrémisme militaire fasse entrer le CLI dans le jeu inextricable des "foyers de résitance criminalisés" contrôlables à distance par une stratégie d'économie globale et une stratégie de police internationale.

En d'autres termes, une action armée immédiate (comme future) reviendrait à offrir au "marché armé, sécurisé et plébiscité" les arguments qu'il souhaite... pour parvenir plus rapidement à ses fins. La position initiale du comité centrale du PCOI, le "non à la militarisation" de Thoma Hamid, me semblait la meilleure stratégie politique. Je fais également une différence entre une militarisation "globale" de l'action communiste-ouvrière irakienne pour la prise de pouvoir en Irak, pour un changement rapide et radical, traditionnel comme il se doit, et la "sauvegarde" des droits fondamentaux de l'ouvrier et des intérêts des familles au quotidien par un long processus - dramatiquement réduit au temps de "l'autodéfense" sur lequel il y a - en terme de responsabilité - à dire et à redire puisque le CLI/PCOI se place dans une option militaire traditionnelle globale.

La stratégie militariste extrême (ou pas) me paraît inappropriée au regard :
- du contexte capitaliste mondial à nouveau très tactiquement anti-communiste : réactivation des moyens civils, militaires, religieux de pression, des polices politiques secrètes, des groupes politiques militaristes de la gauche classique à l'extrême droite,
- du contexte multimédia capitaliste populiste sécurisé - pour une population traumatisée intentionnellement à l'excès bien entendu -, par les "forces de marché d'occupation" et les forces réactionnaires dans le monde. Je crainds donc que la militarisation progressive des communistes-ouvriers irakiens paraisse dans les faits comme un effet produit et attendu.

Par ailleurs, les services civils et militaires, y compris religieux, de renseignement et d'information clandestins ou non (ceci est une remarque générale basée sur des faits d'analyse et ne relève que de moi) se développent en France, en Europe, dans le monde, avec une trop grande vitesse de moyens et de sédimentation pour que la lutte armée traditionnelle (ou non, j"insiste bien), radicale et rapide par la prise du pouvoir, soit un succès.

Répondant à de nombreux mails qui demandent ma position sur le sujet abordé, je ne soutiendrai donc pas la militarisation envisagée ou suggérée à terme par le CLI (Comité/Congrès des Libertés en Irak). Je présenterai sur linked222, cette réponse-point de divergence que je dois aux lecteurs militants ou politisé. Je diffuserai dorénavant avec une réserve explicative, dans un but historique critique et non plus politique militant ou de soutien, les bulletins de l'ASI concernant l'état des résistances ouvrières en Irak.

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(1) Je tiens à soutenir, ici, la remarquable proposition de solution non armée et non militaire du conflit israélo-palestinien d'Ilan Pappé, telle que définie dans "L'ennemi de l'Etat: conversation avec le professeur Ilan Pappé" dans les colonnes de l'ISM (The International Solidarity Movement). Des propos recueillis en Israel le 20/07/2005 par Don Atapattu. Il est bien entendu, par ailleurs, que je soutiens le plus activement possible les propositions historiques et historiographiques sur la guerre de 1948 d'Ilan Pappé.
Pour ce qui est, encore, de ma position concernant la guerre irakienne, elle ne changera pas. Elle tourne résolument le dos à toute solution militaire ou à la lutte armée.Cette remarque s'adresse en particulier à celles et à ceux qui m'auront traité de "criminel" après avoir lu mon propos divergent sur le "non-armement du communisme-ouvrier en Irak".
Je le rappelle, je ne suis pas membre du parti communiste-ouvrier irakien ou iranien parce que je cite les bulletins d'information et les thèses du communisme irakien/iranien diffusés par Solidarité-Irak, parce que je soutiens dans mes articles l'Union des chômeurs irakiens, les syndicats ouvriers opposés au dirigisme du gouvernement irakien, les oeuvres des poètes militants iraniens, les unions progressistes pour la justice sociale et la paix dans le monde, le communisme international et le marxisme ou encore parce que je combats le fascisme arabo-américain ou parce que mes articles sont très régulièrement diffusés par les amis d'Indymédia. Je ne suis membre d'aucun parti politique.
Je crois, enfin, pour reprendre l'option d'Ilan Pappé de ce 20 juillet 2005, en la force de pression de la société civile sur les gouvernements pour la résolution des conflits, non seulement en Irak, en Israel et dans les territoires occupés, mais dans le monde. Merci.
2) "Solidarité Irak - France" dans son bulletin posté le 19 juillet 2007 annonce qu'Abdulhussein Saddam, commandant en chef des Forces de sûreté du Congrès des libertés en Irak, a été assassiné par l’armée américaine. "Le 4 juillet, une unité de l’armée américaine, assistée de Gardes nationaux irakiens, l’a attaqué chez lui, dans le quartier d’al-Attiba à Bagdad. Ils ont ouvert le feu, le blessant mortellement et touchant sa fille. Deux jours plus tard, il a été retrouvé mort à l’hôpital de Yarmouk.". Cette dramatique nouvelle pour la famille d'Abdulhussein Saddam et les ouvriers résistants irakiens, à laquelle s'ajoute bien entendu toutes les autres dans de nombreux pays, ne fait que confirmer mon option de 2005 pour la non-violence civile et politique, la non résistance-participation militaire, ma réflexion sur "l'effet produit et attendu" : la criminalisation stratégique des extrêmes dans un contexte de libre-échange ou néolibéral - le martyr laïc ou religieux ne changera rien, bien au contraire -, ainsi que mon propos sur l'absence de pertinence de la conquête du pouvoir d'Etat, de l'Etat lui-même et le refus catégorique de toute collaboration avec les régimes d'occupation qu'ils soient répressifs ou non; conquête du pouvoir et représentations - temps de paix et temps de guerre, dans les deux cas économies de guerre à crédit - auxquelles je m'oppose totalement tout en continuant à chercher des alternatives sociales individuelles ou collectives de paix, permettant d'asseoir capabilités de base et autonomie réelle. Je persiste à croire que nous pouvons vivre sans Etat et sans classe dans un contexte socio-économique de décroissance; cet engagement de base s'accompagne désormais pour moi d'une réflexion théologique, marxo-décroissante et chrétienne. (C.P.)

(fin)

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