Nouvelle de Christian Pose
LES
HORS-LA-LOI DE WESTVILLE-CAMPUS
lascèse sous la torture.
J'ai rencontré Mazisi Kunene, poète et militant zoulou de
l'African National Congress (A.N.C. dont il sera le responsable financier
en 1972) dans les années 90/91. A vrai dire les relations entre
le politique et la fonction des liens initiatiques dans la société
traditionnelle m'ont toujours intrigué. Mazisi Kunene, en tant
que gardien du chant de la tradition orale zoulou, aura été
mon premier lien à cette intrigue. Suis-je juste en disant que
la société traditionnelle est plus équitable que
la société moderne ? La question n'est surement pas posée
correctement. Ai-je jamais vécu un rite de passage ? Je n'en suis
pas certain, à vrai dire je ne crois pas. Qu'est-ce que la maturité
de l'homme traditionnel ? L'initiation traditionnelle est-elle un moyen
pour vaincre l'altérité sociale ? Je suis un blanc pauvre
et urbain et Mazisi Kunene dira que la sagesse permettra, un jour, aux
noirs, de s'allonger sur le lit d'épines tissé par les blancs
en Afrique. Mazisi Kunene qui aura donné des leçons de diplomatie
militante à Rome, enseigné la littérature comme une
langue à Londres, le cinéma comme un souffle symbolique
à Berkeley, évoquera tout du long, les années nécessaires
à la transmission des textes, l'ascèse par la mémorisation,
plus énigmatiquement : l'ascèse sous la torture.
L'épopée guerrière de lempereur Chaka
(dont les érudits comparatistes diront qu'elle est une langue universelle
au même titre que la Divine Comédie de Dante, la Jérusalem
Délivrée de Tasso ou L'Ilyade et l'Odyssée dHomère)
permettait d'endurer, disait-il dans un meeting de courte durée
à Capetown (il vivait encore à Los Angeles), le supplice
des oreilles...
Je crois que Mazisi Kunene faisait référence aux mutilations
opérées par les miliciens para-militaires Koevoet
(Crowbar) en Namibie. Ces derniers avaient pour habitude de trancher les
oreilles des combattants de la Swapo, faits prisonniers ou tués,
et den faire des colliers. Cette remarque qui nétait
pas innocente, faisait écho, en fait, à une réunion
danciens combattants Koevoet qui sétait déroulée
quelques jours auparavant à Capetown, sous la direction du criminel
de guerre Isak van der Merwe, commandant en second de la milice. Lon
rapportera quHerman Grobler (ancien combattant Koevoet), furieux
dapprendre quil était question de dissoudre la milice
anti-insurrectionnelle, cela adviendra en 93, tiendra des propos fulminants
sur les réseaux communistes et la façon dont les folles
communistes de Soweto supportaient la torture...
Douze ans plus tôt, depuis la prison de Robben Island, en réponse
au massacre de Soweto et à l'assassinat du sociologue blanc Melville
Edelstein, Nelson Mandela dira : nous vivons dans la terreur et
la douleur, mais nous assistons à la résurrection de la
protestation de masse".
Lors de ces mêmes événements du 16 juin 1976, le quotidien
progressiste The World, soutien de la communauté noire insurrectionnelle
en Afrique du Sud, reprendra pour tout un peuple le célèbre
cri d'une institutrice du quartier d'Orlando dans les south wertern townships
de Johannesburg (Soweto). Ce cri qui s'opposait à l'utilisation
de la langue Afrikaans (langue des colons) comme seconde langue, fera
le tour du monde : la langue du conquérant dans la bouche
du conquis est la langue des esclaves, Amandla! (le pouvoir), Ngawethu!
(au peuple)...
Ne pas oublier
, dira Mazisi Kunene à son retour
des Etats-Unis en 1993 à une tribune de luniversité
de Durban. Une année marquée par lassassinat de Chris
Hani, leader communiste noir et chef de laile armée de lA.N.C.
Lassassin, Janus 'Koba' Wallus, sera emprisonné. Son complice,
Gaye Derby-Lewis, ex-parlementaire du Parti Conservateur, sera acquitté
par la Cour Régionale de Prétoria.
Ne pas oublier
" dira Mazisi Kunene à ses étudiants,
"la mémoire est le souffle des générations futures.
Cultivez la mémoire.
Ne pas oublier. Je crois que tous les militants sud-africains
que je rencontrerai étaient d'accords sur ce point. Tsietsi
Machinini, lun des leaders underground de la révolte à
Soweto, dira en 76 : Ne pas oublier ne suffit pas.
L'Afrique....
Etions-nous réellement frères, fils ou orphelins ?
Ces "liens africains" étaient-ils pertinents
pour les blancs sans parenté ?... Pouvaient-ils prendre
forme dans une société qui consacrait l'essentiel de son
temps à la recherche du profit, au post humanisme libertarien américain
et au transhumanisme anglais au détriment des besoins réels,
des cultures et du droit ? Etions-nous parents par le seul fait de la
démocratie et de la république ? Etions-nous réellement
frères, fils ou orphelins ? L'assise psychologique de la représentation
politique et du droit, était-ce cela notre parenté véritable
? Nous suffisait-il d'être et de gommer les imperfections, comme
disent les anthropologues et les sociologues que j'ai connu, un peu ici,
un peu là ? Que devions-nous comprendre dans la souffrance ?
Ce corps ensanglanté...
Wally Mongane Serote, figure emblématique du Black Consciousness
Movement et du peuple des prisons, était rigoureusement
opposé aux traditions. Il y avait lapartheid, des salauds,
une guerre. Derrière les poètes Oswald Mtshali et Sipho
Sepamla... tout le monde en convenait, Soweto, Langa, Kwa Mashu... étaient
une langue.
Wally Mongane Serote disait : la mémoire, c'est la lutte.
Il voyageait afin de récolter des fonds et des appuis nouveaux.
Il fallait combattre pour la révolution, asseoir la société
civile et la justice. Les traditionnalistes campaient dans l'ombre du
grand arbre. Wally Mongane Serote serait-il lAfrique civile ? Ses
partisans nen doutaient pas.
Ce corps ensanglanté, cet être gravé comme un totem
et que jobservais, comme sil sagissait dune entité,
répondait à mes questions sur le monde de demain
un
monde douloureux, fait de sacrifices. Les écrivains combattants
sud-africains portaient en eux une réponse. Elle était sensible,
admirablement sensible. Lourde et pensante, ce nétait pas
un fardeau. Cela relevait de la clairvoyance dans un décor illusoire.
Chacun savait la part lumineuse de lautre. Il ne tenait quà
moi, blanc et noir, de comprendre, dapprendre, de faire silence
et de recevoir le bien, malgré le chaos, dans un univers résolument
fait pour le bien. Je ne pourrai jamais oublier ce poids, cette mesure
combattante, savante et salvatrice, transmise au bagne ou sous les étoiles
durant les marches forcées.
Les capitalistes qui avaient dit non à la révolution marxiste
africaine et à la lutte contre lapartheid avaient dit quils
feraient tout pour édifier un réseau commercial et bancaire
panafricain sur des fondations républicaines alliées de
Capetown à Alger et ce, en deux décennies (années
90).
En fait, le contexte révolutionnaire international des années
70/75 qui se prêtait pourtant bien à la clandestinité,
à la résistance (au terrorisme diront les banquiers du Crédit
Suisse, de la BNP, de The Chase Manhattan Corporation ou de la Banque
Hottinger&Cie) pour l'assise psychologique du socialisme, était
déjà empoisonné par les valeurs du libéralisme
et la spéculation boursière.
La révolution est une amorce pour un socialisme des pays
pauvres, un socialisme appauvri, disait-on dans les salons (de droite
comme de gauche) de la Banque Mondiale à Paris, à Genève,
à Rome et à New York, idéal finalement pour la liberté
de commercer. Il faut les laisser sépuiser et poursuivre nos
programmes internationaux
Ce "monde" (sous entendu de la révolution
en Afrique, en Amérique latine, en Chine, en Inde) ne représente qu'une poignée
de salauds et de salopes à bout de souffle.
La fin de la période des héros? Les détracteurs disaient
: les modèles mentent vite. Ils garantissent seulement une
théorie du droit, de léconomie et des libertés.
Ils ne franchiront pas le siècle. Un fait jouait en leur
faveur, la politique sur-médiatisée des intérêts
économiques transnationaux appuyée par les syndicats patronaux
et les gouvernements fascinés par la puissance de largent,
vidait dannée en année ces droits, ces économies
et ces libertés. La révolution marxiste, dira un résistant
canadien, est une plage parsemée dos de seiches.
Toutefois, le concept de rebelle (liant les militants anti-apartheid,
républicains démocrates ou non, les combattants marxistes
opposés à lEtat politique bourgeois, tous les groupes
socialistes et communistes, etc
) ou celui qui échappe
à l'autorité de l'Etat politique ou au gouvernement
(plus tard, en Europe et dans le monde, le résistant altermondialiste
postcapitaliste, socialiste ou communiste) prendra le relais, quelque
temps. Les réseaux politiques révolutionnaires (groupes
séparés et parfois alliés) enverront bien leurs missionaires
armés sur les plages sanglantes d'Afrique orientale avant de les
lancer "clefs en tête" et à corps perdu, à
la conquête du Mozambique ou de la Namibie pour la libération
et lindépendance.
Professeur Mali Etua (Capetown, 1998)
(
)Lindépendance du Mozambique sera bien proclamée
le 25 juin 1975 et le marxiste-léniniste Samora Machel, président
du Frelimo (Front de Libération du Mozambique), sera bien le victorieux
président de la république du Mozambique, dira peu de temps
avant sa mort le professeur Mali Etua. Mais la violence des oppositions
nazies du Renamo (Resistance Nationale du Mozambique, 1981) alimentées
militairement par des forces spéciales contre-révolutionnaires
(plutôt contre-insurrectionnelles, militaires et clandestines) depuis
la Rodhésie, lAfrique du Sud et les Etats-Unis, conduiront
le Frelimo en 1989 à labandon de toute référence
au marxisme-léninisme et à la victoire du constitutionnalisme,
du multipartisme, du libéralime et de la famine en 1990/91.
Autre fait d'importance, lOrganisation du Peuple du Sud-Ouest
Africain (Swapo) parviendra contre vents et marées à mettre
lONU de son côté (1966) et à repousser la politique
dapartheid transfrontalière de lAfrique du Sud (brigades
contre-insurrectionnelles Koevoet). La Cour Internationale de Justice
(1971) déclarera même illégale la présence
sud-africaine sur un territoire où la SWAPO (reconnue par lONU
en 1973) avait engagé une lutte armée de libération
depuis 1966. La résolution 435 (1978) du Conseil de Sécurité
conduira enfin au principe de création dun Etat souverain
et à la naissance (par les accords de 1988 pérparés
par lURSS et les Etats-Unis) dun nouvel Etat le 21 mars 1990.
Ce sera finalement Sam Nujoma, ancien leader de la SWAPO, mouvement révolutionnaire,
qui sera le premier président démocratiquement élu
de Namibie (1990). Il sera réelu en 1994 (...)
" Un effet international de normalisation pour la paix, par la guerre...
Etrange symétrie du calendrier de lhistoire des révolutions,
dira Mali Etua, si lon veut bien observer le destin propre à
lAfrique du Sud (94), au Mozambique (90) et à la Namibie
(90). Les libéraux l'appelleront un effet international de
normalisation pour la paix
"(...) En fait, la résolution politique votée, par
exemple, en 1979 au XIème Congrès mondial de la IVème
Internationale et celle adoptée par le Comité Exécutif
International (CEI) de mai 1981 ont correctement indiqué, et je
citerai ici menaces de guerre et lutte pour le socialisme
de léconomiste trotskyste belge Ernest Mandel, que limpérialisme
(à cette époque) était en train de se donner les
moyens de reprendre des interventions contre-révolutionnaires contre
les révolutions en cours avec la mise sur pied, notamment, de la
Force de redéploiement rapide (RDF) américaine.
Les libéraux interprèteront comme un effet international
de normalisation par la guerre" ce qu'Ernest Mandel concevra comme
un accroissement des interventions (militaires) étrangères
dès 1982... "une relance coïncidant avec celle de la
guerre entre lIran et lIrak, la guerre des Malouines, les
préparatifs de linvasion du Liban par Israel, la guerre civile
salvadorienne, (et lentretien) des petites guerres plus
ou moins oubliées, comme celles du Tchad, dErythrée,
de Namibie, du Sahara occidental, sans compter la guerre civile au Yémen
et la guerre jamais éteinte en Angola et au Mozambique".
Les poètes politiques sud-africains, dira Mali Etua, affirment
que la lance emblématique de l'opposition n'a pas perdu son fer....J'en
suis persuadé même si la politique libérale (les partis,
la mafia plus le commerce familial et les goupes industriels internationaux)
cherche à tout prix à truquer l'autonomie intellectuelle
des actions pour la liberté. Les guerres contre-révolutionnaires
localisées ne sont pas une exception et la symétrie
dans l'histoire n'est qu'une illusion bourgeoise, une tentation métaphysique.
La réaction (les guerres contre-révolutionnaires) constitue
la règle. Le plus important, pour lécrivain combattant
du XXème siècle et dorénavant du XXIème siècle,
consistera à entretenir lincapacité politique de limpérialisme...
Il ny a pas déchec de la révolution noire
africaine, dira Mazisi Kunene à Wally Mongane Serote dans le célèbre
entretien du Howard College Campus (Natal-2002). Ce que les envahisseurs
souhaitent, bien que relevant du souhait de voir échouer le projet
africain, son indépendance, son unité, ne peut atteindre
la multitude et la diversité culturelle africaine. Les résistances
politiques, même rivales, et le dynamisme révolutionnaire
noir, sont un seul et même élan vers la liberté et
la paix. Toutefois, les capitalistes malades de profits pensent de nouveau
à une guerre d'usure menée contre la démocratie depuis
loccident y compris contre les "positions ancestrales irréductibles".
Finalement, pouvons-nous être surpris, défaits ou déchus
?.
"...un seuil de pauvreté aussi bas..."
(
)La société politique issue du processus démocratique,
écrira Nadine Burman, journaliste indépendante de Pretoria
travaillant pour le CCR (Center for Conflict Resolution), est-elle irrémédiablement
corrompue par les faux modèles d'avenir capitalistes et socialistes
scientifiques. Les habiles maîtres maffieux du travail et du commerce
(FMI, Banque Mondiale, OMC) et les brillants "ministres-représentants"
de Thabo Mbeki n'ont-ils pas réussi à brader la vie aux
marchands de dettes et aux crédits internationaux ? Edward Margelin,
spécialiste des génocides écrira pour Oxfam (2001)
: "
Les vieilles familles libérales doccident - depuis
les plans Dawes (1924) et Young (1928), depuis les accords de Bretton
Woods (1944) -, disent avoir libéré les peuples de la "tyrannie communiste" mais au
nom de la liberté de commercer (cheval de Troie du monde assiégé)
ont en fait répandu un système de médiation absorbant toutes
les oppositions démocratiques à l'Etat politique. Cette
absorption a conduit à la paralysie des institutions administratives,
des partis, à lasphyxie du principe dégalité
exprimé par le suffrage universel".
(...) Ce que nous pouvons affirmer, dira Nadine Burman, concerne
bien l'état économique du monde "civilisé"
à l'aube de la nouvelle histoire (l'histoire comme politique) en
Israel, en Inde, au Japon, aux Etats-Unis, jamais le monde "libéré
de la barbarie", autrement dit les pays appauvris par l'occident,
n'a atteint un seuil de pauvreté aussi bas.
"Les dandys fascistes, fils de, filles de..."
Les fils à papa de la corne de l'Est, infidèles et avides,
détruisaient chaque jour un peu de l'espoir des parents pauvres
qui tentaient de construire quelque chose à partir des townships,
des salles de tortures des prisons politiques. Ce n'était un secret
pour personne. Ils vivaient corrompus, égoïstes, dans les
lointaines universités, pourtant marxisées, de New-Delhi,
de Calcutta, de Bombay. Deux générations post-coloniales
avaient suffit pour récolter le fruit empoisonné du modèle
capitaliste. Les étudiants en commerce éthyopiens, par exemple,
vivaient d'or, habillés de la peau de leurs esclaves et ruminaient
des mantras sourds et puissants : contrebande, capitalisation, spéculation,
fuite des capitaux, corruption. Leurs fenêtres donnaient sur des
clichés de blondes nues. L'on disait volontiers qu'ils étaient
déséquilibrés et dangereux. Les plus ambitieux et
les plus violents choisissaient un cursus universitaire long et rémunéré
d'étudiant-espion. Ceux que j'avais connu (éthyopiens, soudanais,
iraniens, saoudiens, libanais, irakiens, syriens...) le plus souvent érudits
et distingués, s'étaient spécialisés dans
la philosophie allemande, la linguistique, la philologie. Leurs familles
les avaient envoyés étudier à Yale, Harvard, Stanford
ou Princeton.
Les paranoïaques, surdoués pour le mensonge et l'autopersécution,
acceptaient, non sans idolâtrer les thèses sur la guerre
spéciale au Vietnam de S.P. Huntington (spécialiste US de
sécurité nationale) ou celles de théoriciens néoeugénistes
américains comme Charles Murray, R.J. Hernstein, E.M.Miller, G.
Whitney ou encore R.Lynn, tous professeurs d'université, un job
d'assistant chercheur dans un think tank pour la consolidation des liens
transatlantiques à Washington ou un job de professeur de littérature
indienne, africaine, chinoise ou russe, dans un collège privé
du secondaire, à deux pas de l'ONU, New York City.
Les filles couraient après eux. "Ils étaient, écrira
l'une d'entre-elles dans la revue d'étudiant America First financée par
la fondation Ford, de brillants et parfaits hégéliens...
Ceux que l'Amérique a choisi".
"Beaux, racés", ils feignaient, les cheveux huilés,
une vie de bohême. Ils louaient leurs smokings, fréquentaient
"les meilleures boites, un oeillet rouge à la boutonnière"
et ne manquaient jamais Litz au Carnegie Hall.
(...) Certains de leurs parents (et grand-parents), socialistes et opposants
historiques aux "trois salauds", l'hayatollah Khomeiny, Sadhham Hussein,
Hafhez el Hassad, avaient étudié l'existentialisme auprès
de Sartre.
Dans les années 80, à la grande époque de la promotion
du nucléaire civil et de l'armement français au Moyen-Orient,
la vieille garde des sages arabes de Paris (qui croyait en Paris), qui
avait aussi (pour les plus vieux) étudié Bergson du temps
de Bergson à la Sorbonne, génait toujours, "et dans
un français impécable", les clients français
israéliens, irakiens, égyptiens, sud-africains, et les contrats
d'Etat. La vieille garde sans défense écrivait chaque semaine,
chacun depuis Paris pour son journal (du Caire à Beyrouth), des
éditoriaux qui paraissaient sans âge, chacun depuis un trois
pièces des quartiers chics, presque sans lumière... pour
l'opposition socialiste arabe unie ?
Les uns après les autres, bien loin de se douter que leurs petit-fils
(étudiants-espions) étaient des dandys fascistes au service
du libéralisme américain (qui concevait et placait au pouvoir
les tyrans arabes, noirs, sionistes, en échange d'opérations
de police régionales, de garanties pétrolières et
d'infinis programmes de reconstruction), étaient assassinés
en plein Paris par des agents arabes.
Le gouvernement français, la DST (Direction de la Sécurité
du Territoire) et la DGSE (Direction Générale de la Sécurité
Extérieure) nourris au petit lait de la collaboration militaire,
pétrolière et nucléaire, publiaient, invariablement,
des communiqués désolés.
Les fils et petits fils de l'Oncle Sam, ceux qui avaient un regard d'or
pour les hommes déséquilibrés, cocaïnomanes
et seuls, et qui tournaient en fait le dos aux femmes, n'avaient pas vingt
cinq ans et travaillaient en tant qu'experts en dialectique pour RAND
Corporation, le FBI, la NSA, la DIA, la CIA, pour un salaire mensuel de
4000$ (certains étaient toujours inscrits à la fac) et un
faux passeport diplomatique. Ils étudiaient l'organisation sociale,
les mythologies, les dialectes durant des périodes de six à
huit mois en Ouzbékistan, au Turkménistan, en Afghanistan,
au Kirgizistan, puis rendaient leurs copies à leurs "patrons-professeurs-agents"
qui réconfortaient ou alarmaient le monde avec de fausses analyses.
Il fallait répandre une histoire mondiale falsifiée (la
contre-information?) à partir d'occupations légales et morales
dans la diplomatie, le droit, l'import/export, l'armement, la littérature,
la traduction, la banque, l'enseignement, la recherche scientifique, la
critique littéraire, l'alimentation... devenir, en un temps record,
un expert international et louer, en petits comités, les délirs
monomaniaques du Council on Foreign Relations, de lHoover Institution,
du Manhattan Institute, de lHeritage Foundation ou encore de l'American
Enterprise Institute.
Mazisi Kunene, André Brink, Nadine Gordimer dirent combien ils
avaient redouté, durant le processus de démocratisation
de l'Afrique du Sud, ces fameux "étudiants-espions aux yeux
d'enfants, portant des lunettes d'intellectuels faussement écaillées ou noires, soigneusement
coiffés, athlétiques, manucurés, sages et appliqués", payés pour infiltrer
et dénoncer à la Vlakplaas (police politique) les profs
militants, les groupes résistants, les communistes.
"...une plage parsemée dos de seiches."
Le commerce légal, le socialisme, l'aide humanitaire étaient
recouverts par les sables du commerce parallèle géré
par les réseaux d'espions rivaux. Les maffieux et les vieilles
familles affairistes musulmanes ou chrétiennes (ultime rempart
contre la déloyauté, la démagogie et le mensonge)
étaient, à ce titre, les principaux agents politiques des
partis officiels occidentaux. Ils étaient (comme au temps des protectorats
du Liban, de la Syrie, de l'Irak, de la Palestine) les pivôts non
officiels de la propagande des professionnels du sensationnalisme républicain
et démocratique (maîtres du marché de l'armement et
amis des 10%).
François Mitterrand déclarera à Mandela, peu après
son élection à la présidence sud-africaine : "il
n'y a pas de démocratie sans commerce et pas de commerce sans armement.
Vous n'obtiendrez l'aide de personne sans çà".
J'ai encore en mémoire la longue liste de noms que Mandela avait
lu en mai 1994, lors de la célébration officielle de la
victoire électorale de l'ANC. C'était au Carlton Hotel de
Johannesburg : "...je tiens à honorer les grands leaders de
notre combat afin qu'ils soient présents avec nous : John Dube,
Josiah Gumede, GM Naicker, Lilian Ngoyi, Helen Joseph, Yusuf Dadoo, Moses
Kotane, Chris Hani, Oliver Tambo..."
L'Etat sud-africain n'était pas constitué que déjà
les caisses du pays étaient vidées (comme celles, du reste,
des pays d'Europe Centrale à la chute du mur de Berlin), que déjà
Mandela était sommé d'acheter français
Il s'agissait
d'acheter de la très haute technologie militaire afin de lutter
contre les mensonges et les menaces des capitalistes inquiets. Une vedette
lance-missile vendue à prix d'or avait été baptisée
par les ingénieurs-généraux de l'armement : "Germinal"...
Le printemps social humain.
Je cherchais dans le sillage de l'Afrique combattante pourquoi j'étais
lié à ces choses jusque là inconnues et qu'il fallait
désormais admettre comme des normes sociales : le mensonge, lexploitation,
le chantage, la misère, l'exclusion, la violence. Je cheminais
sur une plage parsemée dos de seiches.
"La résistance ou la fuite..."
Ces obstacles, purement psychologiques, inacceptables (et que déjà
l'on réduisait à de simples oppositions entre les morales),
étaient bien au coeur des discordes qui opposaient les communautés
africaines sur le choix des modèles. L'intuition confuse était
qu'il fallait échapper à la dépendance, à la
modélisation standardisée et à la corruption immédiate
des propositions des spécialistes, des "technocrates formés
à Moscou et à Pékin". Echapper aussi au destin
national des fils de ministres et de rois envoyés à luniversité
de Moscou étudier lhistoire ouvrière économique
et les statistiques ou la physique théorique des basses températures
à lInstitut Physico-Technique de Kharkov (aujourdhui
Kharkiv) auprès dun nobel inconnu. Une fois rentrés,
les boursiers géniaux d'Afrique ou du Parti, authentiques héros
du travail socialiste, avaient tous en mémoire une ménagère
et son fils furieux qui hurlaient sur un trottoir : "le nègre
est comme un singe noir sans poil, un animal perdu dans la neige".
Il fallait réfléchir davantage, presque méditer clefs
en tête, disaient un peu partout les juristes, les historiens,
les économistes, les religieux qui avaient été liés
aux universités européennes et à l'UNICEF, pour ne
pas céder aux pressions ambiguës. Cela revenait à chercher
en soi les moyens du progrès sans céder au passé
tout en ne loubliant jamais
les pistes africaines.
Certains juristes français disaient à Paris (un Paris très
écouté pour régler les problèmes africains
relevant des codifications publiques, constitutionnelles, civiles et pénales
mais qui conduisait invariablement les protagonistes aux affaires
illégales par des normes inédites) qu'il suffisait de préserver
les droits fondamentaux de l'homme en garantissant le processus démocratique
par la maîtrise du suffrage universel, de sauver la sociobiodiversité
par le ciment des catégories et des lois, de garantir le tout dans
une constitution républicaine
les sciences faisant le
reste !
Quelques uns de ces conseillers juridiques et rédacteurs français
étaient devenus, du reste, des ivrognes que lon refoulait
à lentrée des bars ou des pédophiles mondains
qui tuaient la morale bourgeoise dans des maisons sans fenêtre,
à labri des poursuites judiciaires.
"Etudier, me dira toutefois un prof ruiné et estimable mais
aujourd'hui décédé, étudier encore et toujours,
jusqu'à épuisement du nerf...repousser les actions loin
devant. Respecter l'étude longue et gratuite, patienter, échapper
au rendement, au confort social, trouver ses amis dans les pas de la sagesse
sans profit. Apprendre à vieillir dans le corps de cette sagesse
sans profit et rendre au pays sa vérité volée".
"L'en-commun...", écrira Chemiller-Gendreau.
Et si l'on ne pouvait plus agir ?
Observer les pistes africaines ?
Les héritiers sincères de Joseph Ki-Zerbo diront chercher
en soi (loin des modèles préfabriqués) et combattre
politiquement les méfaits de l'urbanisation forcée de la
culture africaine et le poison du néoeugénisme subtilement
récomposé dans l'ombre des intérêts privés,
de la liberté de commercer et de l'ultra-consommation.
La violence et la faim en Afrique ?...
Résister, diront Amin et Houtart.
LEurope militante cherchaient également une piste africaine
: résister ou fuir ?
Negri dira : fuir et ne pas chercher à résister.
Comment préparer le corps de la mémoire post-capitaliste
?
Attendre pour l'agir juste, dit la sagesse sous l'arbre, l'agir
juste c'est ne trahir personne.
Ne trahir personne, c'est aussi "la lutte ouvrière, la démocratie
vraie et leffondrement de l'Etat politique, de l'Etat de classe,
enseignera Marx.
Negri dira :"il faut penser une nouvelle classe ouvrière
et refuser tout type de commandement direct sur le travail, refuser la
représentation, se déplacer continuellement et vivre en
dehors, sans représentation, la multitude étant préférable
au vieux concept de prolétariat."
Le F.M.A. (Forum Mondial des Alternatives) dira : ouvrir les mouvements
sociaux à un redéploiement à léchelle
mondiale, rendre la vie hospitalière et juste par leffondrement
des rapports de domination internationaux.
Correspondance n°1 : "...les orphelins noirs dOthandweni."
"(...) Shôtoku, un prince démocrate japonais du VIIème
siècle, écrit un ami indien vivant dans un quartier proche
des south western townships (il appartient, je crois, à une caste
de cordeliers du Maharashtra), adaptera le Japon impérial animiste
au modèle chinois bouddhiste des Tang... Il n'est pas nécessaire
d'opposer la modernité au fond social traditionnel. Il est utile
de préserver ce qui conduit à l'autonomie et à la
paix. Le peuple doit remplir ses obligations par la cohésion naturelle
des familles..." Autre lecture des ombres sans sombrer dans la métaphysique
et dans la conservation. Joseph Ki-Zerbo, avec son grand projet de néocivilisation
africaine, autonome, créatrice et progressive et son souci
constant de ne pas sombrer dans le complexe muséographique africain
(rapport de lAfrique au passé), finalement, ne dira pas moins.
Depuis que le président Thabo Mbeki soutient que l'H.I.V. n'est
pas à l'origine du sida, mon ami refuse de se soigner. Il écrit
du reste dans un texte intitulé lettre de prison à
un Président sans responsabilité véritable:
"... le Sénégal a traduit la théorie de la relativité
en langue Wolof, lAfrique du Sud est-elle en retard ou en avance
sur le Sénégal ?... Il nest plus pour nous, monsieur
le Président, alors que vous enchaînez la nation à
la destruction, de chercher à prouver comme au temps de la honte
"la phénoménale intelligence de la Culture Noire"
ou même son "extrême complexité" comme un
gage de son extrême adaptabilité.
(...) Ce destin que vous souhaitez maniable en appui sur les ministres
P. Lekota (défense) et TA Manuel (finance) et que nous combattons,
est une misère noire au service des nouvelles formations anti-douanières
que sont lOMC, le FMI, la Banque Mondiale, les fédérations
de syndicats patronaux de larmement, de la chimie industrielle,
des transports et des mines
(...) Vous voulez une Afrique unie et fédérale ? Non,
ce que vous voulez est un marché africain unique dont lAfrique
du Sud serait la Suisse. Un peuple courageux et lucide ? Non, des consommateurs,
une main doeuvre à bas prix, un fond de roulement ouvrier
sans droit pour soutenir la délocalisation des multinationales
étrangères sur-fiscalisées, et le moins de contestations
possibles (
).
Bien que plongé dans une lutte physiquement et intellectuellement
exigeante mon ami survit seul comme les orphelins noirs d'Othandweni (nés
de parents séropositifs), comme tous ceux de sa rue conduisant
à Soweto. Il vit, paria, avec peu, regarde la télé
tous les jours, lit beaucoup et n'est pas marié. C'est un courageux
historien que les mauvais génies de Thabo Mbeki ne changeront pas.
Lhistoire des combats et des idées montrera quil ne
changera jamais dattitude face à la misère, ni dopinion.
Enthousiasmé comme beaucoup par Nations nègres et
Culture (1955) de Cheikh Anta Diop (1924-1986), il écrira
à propos des mystifications de lhistoire post-coloniale:
(
) si les textes dHerodote, de Diodore de Sicile, de
Straben, dEschyle, dAppolodore, de Sénèque,
de Lucien, démontrent que les égyptiens sont bien des noirs
dAfrique, il est tout aussi clair que les offensives politiques
post-coloniales (tout en tirant une force prodigieuse de la libération)
ne manqueront pas de porter en elles les contradictions culturelles qui
feront un jour du nationalisme africain le terreau de la réaction
combattue et la base même des censures médiatiques qui mineront
les oppositions sur le continent. Cest un paradoxe effrayant de
dire que la libération noire entrainera leffondrement des
luttes et des résistances, de son média, leffondrement
de la structure politique du marxisme africain.
Ce texte étonnant sera publié tardivement dans un bulletin
du Mouvement Révolutionnaire Anarchiste de luniversité
de Witwatterrand (Johannesburg) sans que lauteur abandonne le combat
au sein des formations étudiantes.
Tout le long du XXème siècle, le culte quasiment administratif
de la censure médiatique sapera systématiquement les positions
socialistes, anarco-communistes étudiantes et ouvrières,
durant les meetings. La condamnation du régime Mbeki par les moyens
de lhistoire critique ouvrière économique, le droit
des pauvres à la vie et la dénonciation de la violence sexuelle
dans les townships, du sida, de larmement, néchappera
pas à la règle lors de la très consensuelle Conférence
Contre le Racisme de Durban (ONU, 08/26-09/07, 2001).
Lun des dossiers traités portera sur les liens historiques
unissant lesclave et le noir de lAfrique australe aux banques
suisses du XVIIIème siècle. Black Holocaust,
ouvrage de maturité de mon ami, sera, bien que cité, interdit
à la lecture.
(
) Ma vie militante, confiera-t-il à un web magazine
de la Workers Solidarity Federation (qui publiera le livre avec le secours
de la bibliothèque des travailleurs et un misérable fond
de recherche), comptera outre douze années de prison dans une dizaine
de lieux de détention (ce qui chez nous est plutôt modeste),
des centaines de censures émanant de hauts fonctionnaires politiques
(ce qui est également plutôt ordinaire pour un historien
militant)
(
) je recenserai : les censures provenant dex-fonctionnaires
politiques de la police (des transfuges de la Vlakplaas-police politique
dEugène de Kock et de la milice Koevoet), de la justice (des
transfuges des réseaux des frères Hartzenberg et des présidents
J.Vorster et Marais Viljoen), les censures provenant dex-fonctionnaires
politiques de lécole et des universités (des transfuges
afrikaaners -qui veulent toujours un état blanc séparé-
de lère répressive de son excellence Pieter Botha),
dex-fonctionnaires politiques de la défense (des transfuges
de lère administrative de Magnus Malan, du Barnacle/Secret
Combat and Intelligence Project - agence de couverture des opérations
civiles de la SADF, South African Defense Forces Civil Co-operation
Bureau -, ce ne sera pas mieux sous lactuel ministre ultralibéral
P. Lekota qui purgera pourtant 8 années à la prison de Robben
Island pour conspiration contre la loi et lordre public entre 1974
et 1982), les censures provenant de fonctionnaires politiques du ministère
des finances (sous létroite surveillance de TA Manuel, ministre
et gouverneur du Bureau du Groupe de la Banque Mondiale) et pour finir
les censures provenant des hauts fonctionnaires politiques de la santé
publique sous la tutelle de lactuel président Mkebi
Un
Thabo Mbeki qui sera pourtant dans les années 70 un irréprochable
combattant aux côtés dOliver Tambo et de Yusuf Dadoo
(
)
La première édition de Black Holocaust témoignera
d'une conclusion dédiée à des personnalités
de tout premier plan. Citons Kofi Anan, Secrétaire Général
des Nations-Unies, James D. Wolfenshon, président de la Banque
Mondiale, ainsi qu'à certaines banques suisses protestantes privées
et à leurs victimes. Je ne retiendrai, ici, que quelques extraits.
(...) Je dédie ce livre au Secrétaire Général
de lONU Kofi Annan qui, tout en soutenant activement les groupes
bancaires privés et les multinationales à Davos (Suisse),
prétend sauver des conditions dexploitation et desclavage,
de la faim et de la maladie, 150 millions dafricains, 400 millions
dindiens, 500 millions de chinois, 150 millions daméricains
du sud.
(...) Je dédie ce livre à James D. Wolfensohn président
de la Banque Mondiale qui affirmera : Je nai jamais cessé
de penser à la misère. Que croyez vous que lon fasse
chez James D.Wolfensohn Inc., Salmon Brothers, Schroders Ltd, J. Henry
Schroders Banking Corporation, Darling & Co ? Lon parle de la
misère.
Jai été de nombreuses fois président
et directeur de toutes ces sociétés, je navais quune
seule priorité : "vaincre la misère". Cest pour cela
que je suis membre honoraire de Brookings et président du comité
financier de la Fondation Rockefeller.
Vous parlez de misère ?
Et de quoi croyez vous que lon parle dans le monde des affaires
?
Tous mes amis parlent de la misère. Nous parlons de la
misère du matin jusquau soir. Cest ainsi quon
fait le monde, en parlant de la misère!
Reconnaissons toutefois
quelle est ethniquement très sélective cette misère
Nous ny
pouvons rien. Les ethnies selon quelles sont du nord ou du sud ne
sont pas dotées dun même potentiel intellectuel ou
dune même aptitude à la survie
(...) Je dédie ce livre aux banques privées suisses
Leu, Lullin, Banquet, Mallet&Frères (aujourdhui banque
de Neuflize, Sclhumberger, Mallet) héritières des banques
protestantes négrières de lAfrique australe : Thelluson,
Cottin, Banquet, Mallet.
(...) Je dédie ce livre à Jean-Conrad Hottinger banquier
privé suisse depuis 1786 (Hottinger aujourdhui Hottinger Group, présent
à New-York, Londres, Paris, Luxembourg, Nassau-Bahamas, Genève,
Zürich, Vienne
.) co-fondateur de la Banque de France en 1800,
argentier de Napoléon Bonaparte (restaurateur du statut juridique
de lesclavage en 1802), conseiller de la Banque de France en 1803
et baron dEmpire en 1810
(...) Je dédie ce livre aux cent millions desclaves
et de noirs suppliciés depuis le XVIIIème siècle
pour un peu de cuivre, de nickel, de sucre blanc, de café rouge,
de poudre de diamant, des montres en or et des cuillères en
argent !
N.B. Ironie de lhistoire de la banque privée, le baron dEmpire
Hottinger (nen déplaise à la devise de la maison zurichoise
Hottinger honnêteté et intégrité morale)
sera lié à lhistoire du crime financier dans un rapport
dinformation parlementaire sur les obstacles au contrôle et
à la répression de la délinquance financière
et du blanchiment des capitaux en Suisse. Une Suisse (très sud-africaine)
reconnue par la commission d'enquête parlementaire socialiste française
"Peillon-Montebourg" :"paradis fiscal" et zone
criminelle au plan judiciaire pénal (V. Peillon et A. Montebourg,
Assemblée Nationale française, rapport n° 2311 vol.3-La
Suisse, années 2000/2001).
Dans son projet de conclusion à la seconde édition (Black
Holocaust Struik Publishers, 2004/2005), mon ami évoque
la thèse selon laquelle la persécution du socialisme et
du communisme noir en Afrique du Sud va de pair avec une augmentation
des génocides et des crimes dEtat. Il appuit sa thèse
sur de nombreux évènements, en particulier sur les récentes
opérations militaires et politiques clandestines : Operation Dual,
Operation Mila, Project Coast. Des affaires criminelles dont les spectres
hantent encore lappareil dEtat sud-africain... Les extraits
que je retiendrai concernent Project Coast.
Swart Gevaar (le danger noir)
"(
) La persécution de la négritude, du socialisme
et du communisme noir en Afrique du Sud trouve, probablement, son expression
la plus aboutie dans Project Coast. Project Coast implique des experts
politiques civils et militaires du bio-terrorisme et les forces spéciales
de la SADF (South African Defense Force).
(...) Il convient de nommer le Dr. Wouter Basson, chef du 7ème
Medical Batalion Group (équivalent de lunité médicale
japonaise 731 pour les expérimentations humaines en Mandchourie
du Dr. Ishii durant la seconde guerre mondiale, ou du laboratoire médical
d'Auschwitz dirigé par l'hauptsturmfurher Mengele). Wouter Basson,
ex-agent sud-africain du renseignement, spécialiste du bio-armement
durant la guerre froide (il séjourne aussi bien à lest
quà louest du rideau du fer) est le concepteur de Project
Coast (Chemical and Biological Warfare Programme de la SADF). Il travaille
jusquen 1998 sous lautorité administrative du général
et parlementaire Viljoen, président du Freedom Front (parti suffisamment
proche du Front National de Le Pen en France pour lui emprunter son emblème).
(...) Project Coast est un projet politique et militaire de création
darmes chimiques et biologiques de destruction massive qui verra
le jour en 1984, durant lapartheid. Il aura pour objectif spécifique
la production de substances mortelles éthniquement sélectives
: des molécules mortelles sensibles à la mélanine
qui pigmente la peau des noirs, dans le but de réduire la population
noire, dominante, et dempêcher la victoire du principe dégalité
entre communautés blanches et noires jusquà la destruction
complète (par léradication de la population noire)
de toute démocratie noire et de tout communisme noir. Ce projet
concernera lAfrique du Sud mais aussi des états voisins comme
le Lesotho, le Mozambique, la Namibie, lAngola...
(...) Les activités de Wouter Basson : espionnage, infiltrations
de sites militaires stratégiques, vols, blanchiment dargent
sale et financement de projets militaires clandestins, etc.., seront révélées
à lopinion par la Commission Vérité et Réconciliation
(CVR) dès 1998; le jugement propremet dit de Wouter Basson (il
est accusé de 61 délits allant du trafic de drogue au meurtre),
qui durera trois ans, aboutira au délèbre acquitement du
12 avril 2002 de la Haute Cour de Justice de Prétoria. Les personnalités
publiques impliquées comme Pieter Botha (ex-président),
Magnus Malan (ex-ministre de la défense), Graig Williamson (célèbre
espion de lapartheid) seront acquitées. Il est étonnant,
par ailleurs, que le juge choisi pour cette affaire soit le frère
du Dr.F. Hartzenberg (président du CP, Parti Conservateur), Willie
Hartzenberg (nommé durant lapartheid).
(...) La révision complète du procès demandée
par lEtat sud-africain sous la présidence de Thabo Mbeki
sera rejetée par la Cour dappel de Bloemfontein le 5 juin
2003. Le Congrès National Africain, parti du Président Mbeki,
ne réagira pas. Aujourdhui, Docteur
la mort, exerce la médecine en tant que cardiologue à
lHopital Académique (public) de Prétoria et réclame
sa réintégration dans un corps médical militaire
actif avec le grade de général ou de chef dEtat-Major...
"La double vie du Dr. Basson"
(...) Six années denquête judiciaire révèleront
que Basson était à la tête dun empire. Que cet
empire étendait ses ramifications dans les secteurs de laéronautique,
du tourisme, du loisir, de linvestissement privé, du crédit,
de la sécurité, de la pharmacie, de la presse, de la haute
technologie en communication, de lagriculture, des alcools et du
tabac. Lenquête judicaire révèlera des montages
entre sociétés installées aux Iles Caïmans,
à Jersey, au Luxembourg, en Suisse et des placements illégaux
à la City de Londres
"paradis fiscal" selon un
récent rapport de la commission parlementaire socialiste européenne
et Paul Van Owern, juge enquêteur international travaillant sur
les réseaux de blanchiment.
(...) Un audit prouvera que Basson (accusé 26 fois pour fraudes)
détournera des fonds publics au profit dun pool de 45 entreprises
et en percevra lusufruit par des holdings comme WPW Investments
Incorporated (Iles Caïmans) ou comme Wisdom Group (Afrique du Sud).
Lon retrouvera aux postes clefs du système des juristes internationaux
comme David Webster du célèbre cabinet américain
Baker & Hostetler ou encore C.Marlow, juriste et manager de Sentrachem,
protection financière de Delta G. Scientific, société
écran des services spéciaux de la SADF. Delta G. Scientific
et Roodeplaat Research Laboratory (autre société écran
de la SADF) serviront à lenrichissement de Philip Mijburgh,
collaborateur de Basson et neveu de lancien ministre de la défense
sud africain Magnus Malan
"(...) Le juge Hartzenberg déclarera lors du procès
: le fait quun homme soit riche et même immensément
riche nest pas une preuve de fraude. Quant aux liens existants entre
les holdings de Basson et le programme de recherche militaire dirigé
par Basson (tels que révélés par les enquêtes
judiciaires) ils sont la preuve que Basson avait besoin
dargent pour le développement de ses recherches, autrement
dit pour servir lEtat et non pour le voler.
(...) La Suisse, la Libye, les USA, la France, lIrak, lIran,
la Grande Bretagne, Israel également impliqués dans cette
affaire de contournement des traités de non prolifération
darmes (chimiques et biologiques) de destruction massive (collaboration
à un projet militaire clandestin dans un pays étranger et
échange déquipes scientifiques militaires et civiles)
ne seront pas poursuivis.
(...) Project Coast, opération militaire clandestine (impliquant
également le Barnacle, couverture civile -Civil Co-operation bureau
pour les combats secrets et la lutte anti-terroriste de la SADF) conduira,
probablement dans les locaux du Roodeplaat Research Laboratory de Pretoria,
plus dun millier de sujets noirs aujourdhui portés
disparus. Seront expérimentés sur ces sujets, outre
des molécules mortelles ethniquement sélectives
: le sida, le choléra, le butolinum, le thallium, lanthrax
.
Correspondance n°2 : "...avaler les pierres et l'eau des chutes
de Howick Falls".
Un juriste militant de mes amis, professeur à l'université
du KwaZulu-Natal et membre actif de l'International
Association of Democratic Lawyers depuis 1974, m'a envoyé un passage
du texte quil lira lors d'un meeting dinformation conduit
hors cours dans un local de Westville-campus. Il écrira : "...mes
étudiants-chômeurs sont juridiquement des hors-la-loi et
doivent, quoiqu'il en coûte, avaler les pierres et l'eau des chutes
de Howick Falls".
L'expression trahissait létat du pays, la criminalisation
des oppositions politiques et la pénalisation de la misère,
pierres et eau, quil fallait avaler tout en résistant, clandestinement,
jusqu'à la victoire.
A cette époque, c'était en 1998, les juristes socialistes
sud-africains et lI.A.D.L. exercaient des pressions sur le Secrétariat
Général de l'O.N.U. afin de désamorcer le processus
américain d'intervention militaire en Irak et de relancer le débat
sur les compétences matérielles de la Cour Pénale
Internationale.
"(...) L'on parle sans culpabilité, écrira-t'il, de
l'exploitation presque morale (comme un gage de progrès social
ou de civilisation) de la main d'oeuvre à bas prix, en Chine, en
Thaïlande, au Viet-nam, en Afrique... L'on parle à propos
de la Fédération Socialiste Indienne et de la République
Populaire de Chine "d'ère pré-industrielle" et
l'on assimile dans un même temps ces deux Etats à des Etats
sans tête et sans lois applicables, ou, et de façon très
discriminante, à des sociétés arriérées
sans Etat ou "incapables d'Etat ou d'administration". Mais est-ce
vraiment cela ?
La force du droit coutumier se caractérise également par
sa force d'application. Mais le droit du plus fort s'oppose toujours à
cette force d'application légitime en écrasant toute tradition
culturelle. Le système colonial impérialiste n'aura pas
fait moins et le capitalisme post-colonial ne fait pas moins. Il manifeste
ruse et corruption, là où désormais le droit moderne
règne. Notre droit moderne, semblable au droit coutumier d'hier
est le fond légal de nos libertés contemporaines.
Le combat politique et juridique que livrent par exemple les nations à
propos de la question de l'autonomie et de la compétence matérielle
de la Cour Pénale Internationale (1998) justifiera notre critique.
"(...) Le refus américain de laisser juger un ressortissant
américain ayant commis un crime sur une terre étrangère
par un tribunal autre qu'américain situé sur le sol américain,
est un exemple d'hypersensibilité juridique "coutumière"
ou "culturelle". Il est clair qu'aucune nation ne pourra revenir
sur ce point du droit, sans commettre une "grave agression",
et encourir des représailles sérieuses. Que peuvent nos pays réduits au below poverty line et assimilés
à une catégorie de pauvres sans droit ?
"(...) Le droit, une volonté politique? Nous le pensons, bien
que le pauvre n'apparaisse pas en droit international comme constituant
une catégorie au sein des personnes. La révolution
par le droit international!, enseigne-t-on en Europe. Ce slogan
nous apprend que la révolution par le droit international est probablement
"la" révolution la plus importante à mener à
partir des réseaux planétaires où se construit la
loi internationale du XXIème siècle" (extrait d'une
intervention auprès de l'International Legal Observer Delegations-South
Africa's first non racial election, I.A.D.L., Johannesburg, 1994).
"(...) L'Amérique sur cette question de l'évolution
du droit international comme sur celle de la signature du statut de la
CPI, refuse catégoriquement de s'y engager en dissumulant mal son
hyper-irritabilité juridique traditionnelle (son droit ayant l'âge
de l'anthropologie ou de l'éthnologie).
"Quoiqu'il en soit, elle affirme aux yeux de la communauté
mondiale un droit à la différence culturelle. Mais par cette
différence elle affirme en fait que son droit ne peut être
universel et que celui-ci se limite bien aux seules frontières
légales du pays" (50ème anniversaire de l'I.A.D.L.,
Capetown, 1996) .
"Réflexions tardives : hier... le travail gratuit sans droit"
Ceci rejoindra sans doute cette réflexion beaucoup plus tardive
de mon frère ainé, très engagé dans la lutte
ouvrière aux Mascareignes et en Afrique du Sud : "Nous voici
rendus à la huitième génération depuis le
premier esclave portant le nom de la famille... tu es comme moi, un héritier."
Je me suis demandé, dans le prolongement de mon isolement urbain
de blanc pauvre et sans doute marxiste, comment mon frère qui n'était
pas esclave pouvait encore cultiver cette appartenance à une communauté
historique d'exclus tout en disposant encore d'une parenté, d'une
responsabilité et d'une notoriété ? Je trouverai une
réponse dans son attachement au culte des ancêtres, au premier
esclave : lieu de naissance, nom, lignée familiale historique de
souffre-douleurs.
Finalement cette problématique de l'esclave qui réapparaît
régulièrement depuis un siècle et demi au sud comme
au nord relève d'un sentiment naturel, de la condition des hommes
révoltés face à l'absence de droits à la vie.
J'ai compris pour ma part que la société pauvre, noire et
blanche, partage cette même douleur qui se manifeste de temps à
autre dans le corps de mon frère sous la forme d'un ulcère
et parfois sous la forme d'un excès de fierté politique
dans les meetings. Que cette pauvreté est bien nourrie par le culte
récurrent des ancêtres, la force du sentiment naturel de
nos communautés de misère.
Un héritage dont Mazisi Kunene et Wally Mongane Serote diront qu'il
se réduisait, aux heures des luttes, à cet autre lien de
parenté sociale négative : la précarité, l'exclusion,
l'oubli, l'abandon.
Hier, ce lien s'appelait : le travail gratuit obligatoire sans
droit ou avec droits restreints pour un maître du travail, sans
espoir de jamais racheter sa liberté.
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