Notes et Commentaires : Chapitre 1 [notes
1-3]
[1] Hinayana
[2] Mahayana
[3] Totalitarisme, national communautarisme religieux, propriété,
et bouddhisme rituel d'Etat
1- Les limites de la morale nationale en tant que système
éthique de la nation et Voie des Dieux
2- Approche de l'hindouisme, pour une mosaïque ethnique
et un pluralisme confessionnel préservé des nationalismes religieux
et de la dogmatique "aryenne"
3- Les oeuvres juridiques indiennes, bouddhistes et musulmanes
reflets des besoins réalistes du corps social, des conflits, de la géographie,
de la démographie, des croyances populaires
4- La question des manuels scolaires, l'histoire officielle
falsifiée ou la religion d'Etat imposée, survivance et tentation
des anciens modèles totalitaires
5- L'espace public selon Habermas et la société
civile bouddhiste passée et contemporaine
6- L'influence du Rite et des Rituels confucéens dans
l'organisation de la société politique, économique et rurale
traditionnelle
1- Hinayana : premier véhicule
bouddhiste dit des Saints "Ahrat" ou des "Anciens" du Sud
et du Nord de l'Inde, de Thaïlande, de Birmanie, de l'asie du sud-est...
défenseurs historiques de la Charte du libre examen, concerne une centaine
de millions de pratiquants dans le monde (Internet note 66).
2- Mahayana : second "véhicule
de l'éveil" dit du "Bodhisattva", se targue d'humanité,
d' éthique médicale, de pédagogie conformément aux
lois enseignements bouddhistes "Dharma"; se dit "gratuit"
,"outil des pauvres et des êtres en difficulté", en fait
il n'apparaît que rarement sous cette forme (note 57, 65 Internet note
66).
3- Totalitarisme, national communautarisme
religieux, propriété, et bouddhisme rituel d'Etat
: concerne l'aspect déviant "national-communautariste" (voir
ch.XIV) du bouddhisme mahavajrayana (3ème véhicule bouddhiste
de la dogmatique de la vacuité) en tant que "système religieux,
politique, commercial et juridique complet, indivisible, ne reconnaissant aucun
mérite religieux en dehors du contexte juridique de la Loi religieuse
et de la "servitude volontaire" étendue à l'ensemble
du système social.
"Sacrée et divine" elle a généralement pour caractéristique
de ne pas reconnaitre le principe d'autonomie de la volonté, le droit
des personnes ou le jugement personnel. Ne sont cependant pas soumis au même
régime de servitude les héritiers, les propriétaires fonciers
et les détenteurs des richesses... Introduction critique et notes
4,
9, 10, 27 etc.".
- I -
Les limites de la morale nationale en tant que système éthique
de la nation et "Voie des Dieux".
La Loi sacrée est le support unique de l'"Etat-divin" animé
par une "hiérarchie" de "fonctionnaires laïcs et
religieux"
(dans le contexte catholique lire les "Fonctionnaires
de Dieu" de Drewermann, clerc, théologien, psychanalyste, hérétique
allemand du XXIème siècle, excommunié par Vatican, Albin
Michel 1993) reconnus par le seul représentant de Dieu, des Dieux
ou des Bouddha, parmi les hommes. Un Dalaï Lama, un régent, un chef
de lignée, sont tenus pour des "Dieux vivants", des "non-humains"
ou des réincarnations de Bodhisattva; il existe de nombreuses réincarnations,
celles par exemple d' Avalokitesvara, de Manjushri, de Samanthabadhra, de Baishajyaguru
ou de tout autre bodhisattva, exerçant de nombreuses fonctions publiques
traditionnelles.
Le Dieu ou le "bodhisattva" réincarné dans le contexte
traditionnel tibétain établit les limites individuelles de la
vie religieuse, de la propriété, de l'économie et de la
vie sociale avec obligation de reconnaitre la "hiérarchie administrative
et religieuse des fonctionnaires, de leurs groupes ou familles". Cette
obligation relève du principe de servitude dite "volontaire"
étendue au système social dans son entier (comme de "l' union
tantrique" : union à l'énergie divine représentée
par une épouse royale métaphysique et dont le rapport à
l'homme croyant et à son droit par la foi (?) est codifié et transmis
rituellement au maître par d'autres maîtres reconnus corps occultes
de la divinité; le moyen de la transmission consiste également
en le texte secret caché ou tantra).
Le maître au Tibet a le pouvoir du juge dans le monde, il est : Rimpoche
ou "l'éclat inégalé semblable à Padmasambhava
: le "né du Lotus" (ou Lama : "le poids, ce qui pèse"
en tibétain ou le maître confirmé - sur la base fondamentale prénatale, en fait, de l'expérience sensible de la gravité), seul juge capable dans
les affaires humaines ("vajra" en sanskrit : foudre-diamant), ayant
le droit reconnu et su (parfois écrit) : "de vie et de mort sur
ses sujets". Ce contexte traditionnel religieux, politique et juridique du "dictateur
spirituel" est toujours vivant dans la sphère privée ou s'applique
la "loi unique absolue", contenant toutes les lois morales,
les obligations et les interdits.
Rappelons que Padmasambhava, Guru étranger, demande le trône
au Roi du Tibet, le Roi refuse. Padma devient malgré tout Chef Suprême
de l'Etat religieux devant le Roi. Il prédit la mort du Roi. La "Roue
du Dharma" (les enseignements bouddhistes) devient la Loi Unique pour tous
les sujets.
Au Tibet, mais en fait partout ou le Vajrayana est institutionnalisé,
la servitude volontaire étendue au corps social dans son entier, signifie
bien que les objets rituels et ordinaires, toutes choses et tout homme sont
perçus comme le corps du guru. Il est dit : "ni homme ni chose ne
sont sans maître".
"Au Japon, écrit le professeur Shimazono Susumu, l'Empereur Meiji
lui même, en 1868, prône une prise de conscience morale de la part
des sujets à l'égard de l'empereur considéré comme
le chef spirituel (voir aujourd'hui la position d'un Dalaï Lama imposant
progressivement le concept de "Pape incontesté du bouddhisme mondial"
et même celui de "chef de l'Eglise Bouddhique" ou "de chef
incontesté des familles bouddhistes dans le monde" dans le Washington
Post feb.14, 2000, "discours de Lodève" France 2001,
et C.S. Stevenson (biographe officiel du Dalaï Lama, "Le Seigneur
du Lotus Blanc : le Dalaï Lama", ed. Lieu Commun, 1984).
Kennyo Shônin (1543-1592) du Jôdoshinshû, onzième chef
de la secte, qui succéda à son père Shônyo en 1555
à la tête du Hongan-ji à Osaka, portera le titre honorifique
de "Pape", Hossu, (Louis Frédéric).
Il conduisit (lui et sa famille) plusieurs génocides religieux (reconnus
guerres saintes) en affrontant (ou en faisant combattre au nom du pouvoir du Jôdo-Shinshû
institutionnel) Tokugawa Ieyasu (1543-1616), fondateur de la lignée des
Shogun, seigneurs de guerre.
Ce dernier fut victorieux contre le Jodo-Shinshû (et les moines-fous) en
1563.
Le Jôdoshinshû affrontera encore le guerrier Toyotomi Hidéyoshi
(1536-1598). Toyotomi Hidéyoshi éliminera les moines-guerriers,
sohei. En fait, la vocation religieuse du Jodo-Shinshu sera vouée ð l'échec,
selon une certaine lecture du fait religieux criminel, par les ambitions impériales
du "Pape bouddhiste". Le génie politique déviant du
Hossu, avide et manipulateur, ira jusqu'à défier Oda Nobunaga
"le terrible", premier unificateur du Japon (1534-1582), dont Toyotomi
Hidéyoshi est l'un des lieutenants.
Kennyo Shônin, "Pape bouddhiste", chef de la très puissante
"Ligue (politique et religieuse) de l'Idée Unique", Ikko-ikki,
(en fait serfs des domaines agricoles du Jodo-Shinshu) espèrera une autorité
religieuse, politique et économique accrûe, égale à
celle offerte par l'empereur aux seigneurs Damyo, guerriers et princes de cour.
Il n'hésitera pas à provoquer par des alliances politiques contre
nature (raison pour laquelle nous évoquons le génocide ou le martyr)
le seigneur de guerre Toyotomi Hidéyoshi, ennemi des "empereurs
saints", en 1576 et en 1580.
Toyotomi Hidéyoshi soumettra le Ishiyama-Déra, lieu saint occupé
par les "armées du Ikko-ikki", nouveau massacre.
Oda Nobunaga, un an plus tôt, en 1574, brûlera vif 20 000 religieux
du Jodo-Shinshu.
Oda Nobunaga, qui n'en est pas à sa première action contre les
moines et les paysans guerriers, ji samouraï, réduira également les prétentions
territoriales et politiques du temple de l'Ecole Tendaï : "Enryaku-ji".
En 1571, il passera 3000 moines par le fil du sabre (l'actuelle population monastique
de Tendaï sur le mont Hiei).
Toyotomi Hideyoshi massacrera encore en 1585 les moines-guerriers d'une autre
confrérie politique ou congrégation bouddhiste, celle du temple
Shingi Shingôn-shû ("Vraie Parole"), "Dai dembo-in",
fondé par Kakuban en 1130 et construit vers 1286-1288.
Cette école fut introduite depuis la Chine au IXème siècle
par le célèbre Kukaï et appartient au courant ésotérique
mikkyo - équivalent de l'ésotérisme de Tendaï-shû,
mahavajrayana.
Rennyo Kenju (1415-1499) "huitième Pape ou Hossu" du Hongan-ji
de Kyoto, essuiera lui aussi des attaques en 1465
dirigées par les moines confrères du Mont Hiei, défenseurs des empereurs.
Le Hossu ou "pape bouddhiste du Jodo-Shinshu" était déjà
leader politique de l'organisation temporelle "Ligue de l'Idée
Unique", Ikko-ikki...
Si la devise guerrière d'Oda Nobunaga le terrible fut "Tenka Fubu"
: "l'empire sujet des militaires", l'empereur Meiji, au XIXème
siècle (après des siècles de domination militaire et shogunale)
se voudra occuper la position de pivot spirituel dans l'éducation du
peuple japonais. Cette conception imprégnera profondément la pensée
des japonais jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale (1945). (Graduellement)
une enveloppe morale érigera en système la loyauté envers
l'empereur.
Inoue Tetsujirô nomme "morale nationale" le système éthique
de la nation".
Le concept de "religion d'Etat" que nous utilisons est emprunté
au professeur Shimazono Susumu et à son essai (de 1993) consacré
à Inoue Tetsujirô (1855-1944) théoricien de la religion
d'Etat au Japon.
"...le "mouvement de la morale nationale" qui supporta, jusqu'à
la défaite de la seconde guerre mondiale, l'idéologie de "l'essence
nationale" ou kokutaï "corps national", ou esprit ethnique
du Japon, "esprit du Japon : Voie des Dieux" trouva son équivalent
d'après guerre dans les nippologies ("Introduction à la morale
nationale", 1912, "Esprit de l'Immuable et idéaux de notre
peuple", 1941 par InoueTetsujiro, et " Mouvement de la morale nationale",
par Winston Davis, 1992).
Cette vue nous semble très suggestive pour examiner l'histoire de la
"religion japonaise" (ou l'évolution des "religions nationales").
Il va sans dire que les nippologies sont les héritiers d'une partie du
"Shintô d'Etat".
Cette religion polythéiste prébouddhique de type chamanique vénèrent
les kami (forces de la nature ou être supérieurs dont les esprits
sont sensés habiter des objets, des hommes, des animaux ou des végétaux).
Elle établit par ailleurs que le Tennô, l'Empereur, est un descendant
du Dieu du Japon; le Dieu et son descendant établissent les qualités
et les limites de chaque être sur Terre.
Le "Shintô d'Etat" place en son centre le concept d'"essence
nationale"; il en va de même pour le bouddhisme ritualiste "d'Etat"
(monarchie et empire) en Chine, au Tibet, en Corée ou au Japon, "ni objet
ni homme ne sont sans maître" du VIIIème siècle à
nos jours.
Un savant moderne, Murakami Shigeyoshi dans son ouvrage "Shintô d'Etat"
parle de "dogme de l'essence nationale", 1970.
De fait, la forme première de la théorie sur la "religion
japonaise" si vivement débattue dans les années 1880, apparaît
au moment ou le "Shintô d'Etat" s'établit de manière
systématique (particulièrement sous la férule du professeur
de philosophie Inoue Tetsujirô, de l'université impériale
de Tokyo, conseiller spécial du ministre de l'Education Nationale Yoshikawa
Akimasa, 1890)".
Inoue Tetsujirô est également un fervent scientiste nationaliste
défenseur d'une religion universelle qui se dégagerait de l'effondrement
du christianisme, du bouddhisme, de l'hindouisme, du shintoïsme, du judaisme
et de l'islam "mais tout à fait compatible à la japonité",
("Opinion sur la religion du futur", 1899, (notes 3I, 32)).
Il disserte en détail sur la morale nationale et fait souvent mention
des rapports que celle-ci entretient avec la religion.
Dans le continuum philosophique de sa "religion universelle" il soulève
cependant le concept de "religion civile" (au-delà de l'effondrement
des grandes religions) voulant favoriser le rôle de la morale dans les
activités plutôt que celui de l'intellect. Inoue jouera toutefois
un rôle important en tant qu'introducteur du concept moderne de "religion"
qui donnera naissance aux sciences religieuses japonaises, tout en développant
une théorie de la "religion japonaise" considérée
comme une théologie du Shintô d'Etat.
Doctrinalement le bouddhisme vajrayana (sans Etat) est
un véhicule soutenant une dogmatique du détachement traditionnel
d'avec les activités qui s'oppose en cela à l'institutionalisation
du rituel, du travail, du temps, de la propriété / territoire,
du politique. Ceci est confirmé par Yang Wenhui, bouddhiste réformateur
Chinois (1837-1911) et Peng Shaoheng (1740-1784) (note 65 sect.7 et conclusion,
"les Gyoja, les Miko, les Fugeki" chamanes et bodhisattva du Shugendo
au Japon par Anne Bouchy et la remarquable thèse de Gabrièle Goldfuss,
"Vers un bouddhisme du XXème siècle, Yang Wenhui réformateur
laïque et imprimeur" Collège de France, Institut des Hautes
Etudes Chinoises).
Toutefois, ce "dharma sans Etat", connaît d'importants développements
dans l'uvre de Bouddha Sakyamuni qui peut être considéré
comme le corps essentiel du vajrayana.
Le Vajrayana sans Etat (bien que fort rare) excelle théoriquement - via
Gautama le mendiant ou le pauvre religieux - dans l'exercice de la charité,
de la bienfaisance et du respect des droits et des libertés des personnes.
Il jouerait un rôle théoriquement encore - il y a tout lieu d'en
douter au regard de l'histoire contemporaine et d'une nouvelle approche historiographique
des faits passés - dans la pacification des activités humaines;
la violence politique et militaire du traditionnel "ni bonze ni laïc"
du Jôdoshinshû en est un triste exemple.
- II -
Approche de l'hindouisme, pour une mosaïque ethnique et un pluralisme confessionnel
préservé des nationalismes religieux et de la dogmatique "aryenne"
Pour ce qui est du concept d'"hindouisme" nous entendons dans un premier
temps la façon dont cette "religion" s'est constituée.
Le terme lui-même selon Ram Mohan Roy, 1823, Michel Delahoutre, 1988,
exprimerait "un faisceau de religions plus qu'une religion proprement dite".
Le concept d'hindouisme est construit sur le mot anglais "Hindoo"
recençant un ensemble de cultes, de rites et de croyances de l'Inde ancienne
augmenté d'un "ism". L'hindouisme n'est donc pas à proprement
parler une religion mais un ensemble composite de la culture indienne englobant
ses moeurs et ses coutumes religieuses, ses droits, ses obligations dévotionnelles,
ses livres, ses codes juridiques anciens et modernes, ses libertés religieuses
et linguistiques.
Ceux qui relevaient de l'hindouisme étaient appelés "hindouistes"
à la différence d'indiens. L'hindouisme primordial concerne conventionnellement
le tissu sociologique, historique et géographique du bassin de l'Indus,
de l'Inde gangétique et de l'Inde dravidienne (sud indien) 2000 ans (?)
avant J.C.- VIème siècle après J.C.
Durant cette période les populations auraient été aryanophones
et non "des peuplades Aryennes" (selon l'expression académique
de Delahoutre). Nous nous détachons donc du concept "aryen"
trop imprécis ou linguistiquement impropre, de l'"Ecole française
des civilisations indiennes traditionnelle" (ayant trop nourrit le mythe
et la dogmatique de l'aryen), de l'Histoire comparée des religions, celle
du Dictionnaire des Religions entre autre, et de l'"Homo religiosus"
du XXème siècle, sa créature, pour nous ranger au concept
de l'anthropologie et de l'éthnologie linguistique indienne moderne de
"population aryanophone" de Romila Thapar.
Durant 2600 ans aurait été composée une somme dogmatique
polythéiste, liturgique, sacrificielle et ritualiste : "les véda",
laquelle ne put être consignée en un seul livre, tout comme ne
purent l'être la Bible, les Soutra, le Coran (S
ur l'ordre du Prophète
Mouhammad, les scribes mirent le Coran par écrit sur des lambeaux de
parchemin, des peaux d'animaux, des os et des pierres. Les divers fragments
révélés, sans être assemblés dans un seul
livre, furent mis en ordre selon la révélation de Dieu. D'autre
part, quelques compagnons écrivirent pour eux-mêmes des parties
et des sourates du coran qu'ils avaient apprises par cœur du Prophète...(1)).
Les véda relèvent sans doute de compositions confessionnelles
et liturgiques indépendantes et diverses dans la langue du sanskrit,
bien qu'il n'y eut probablement pas que cette langue à travers les millénaires
(cette langue n'est vivante au XXIème siècle qu'en Uttar Pradesh,
Inde du Nord). Quoi qu'il en soit, les véda constituent par de multiples
ré-écritures le fond de la dogmatique cosmogonique polythéiste
de l'Inde d'aujourd'hui.
Les "Ecoles hindouistes" d'aujourd'hui sont toujours opposées
sur la question de la formalisation anthropomorphique des dieux touchant à
la statuaire, aux images jusqu'au service des cultes, des rites et des calendriers.
La représentation anthropomorphique bousculée par la misère
sociale, la détresse alimentaire et sanitaire, est bien une trame sous-jaçente
des conflits politiques et confessionnels en Inde ainsi que dans la plupart
des pays polythéistes d'Asie, Tibet, Corée, Chine, Vietnam, Japon...
Les Ecoles liées aux partis nationaux s'opposeront plus encore aux démarches
individualistes égalitaires opposées par nature aux hiérarchies,
aux représentations, aux guru/intermédiaires des Dieux et aux
groupes formalistes traditionnalistes.
L'organisation des castes ou les inégalités graduées du
docteur Ambedkar relèvent également d'une alchimie très
particulière. Ces dernières lient la dette héréditaire
(individuelle et collective), alimentaire et sanitaire, à l'héritage
d'un métier, "ciment" du groupe social.
Cet héritage ne prédispose donc pas à la liberté
du choix des moyens d'existence ou du choix des moyens pour l'accomplissement
spirituel.
En fait il s'y oppose, comme il s'oppose à toutes les formes de la liberté.
Ecoles et indépendants, saddhu, offrent chacun une vision/application
des coutumes, des textes souvent ignorés les uns des autres, et divergent
puis s'affrontent sur la base des grands moments codifiés de la vie :
les funérailles, le mariage, les rites familiaux de passage, le service
des divinités du calendrier, les naissances, les offrandes, les activités
professionnelles, l'économie-financière des groupes, le régime
des dettes et des rétributions, les guru, les maîtres de cérémonie,
les liens aux chefs de village et aux brahmanes (souvent comptables des chefs
de village), les Dieux et leurs avatars...
Les "Véda" (ou les savoirs) contiennent cette "somme d'expériences"
que les partis au pouvoir présentent comme "La Vérité"
panthéiste et éternelle.
C'est à partir du VIème siècle avant J.C. que les royaumes
de l'Inde, mosaïques démographiques et cultuelles ne pouvant se
réduire linguistiquement ou culturellement à une "Inde nationale
aryenne (ou à un royaume aryen parlant le sanskrit), axe du monde",
se seraient dotés de leurs systèmes juridiques codifiés
"traditionnels et sacrés", racines des législations
contemporaines.
David Annoussamy, juge honoraire et universitaire indien, confirme que le droit
indien classique ou droit hindou ancien a bien poussé sur ces racines
autant que sur celles de la cellule familiale rigoureusement religieuse.
"Le "Dharma" coeur du droit hindou d'aujourd'hui demeure l'ensemble
des lois morales héritées des coutumes (indissociables des traditions
religieuses et juridiques institutionnelles et non institutionnelles) qui régissent
le genre humain, lesquelles font parties intégrantes des lois de l'univers.
Les coutumes sont aussi rigoureuses que ces dernières et ne doivent jamais
êtres perturbées.
La Loi métaphysique d'hier est toujours, dans le coeur de l'indien, immuable.
Le contexte juridique et politique a changé cependant, celui qui hier
dérangeait l'ordre universel, s'il ne réparait pas, devait être
chatié par le Roi... Aujourd'hui les juges, tout en préservant
les coutumes, les rites et les croyances ancestrales ont pris le parti des Droits
de l'Homme et le parti du droit des personnes..." ("Le Droit Indien
en marche", Société de Législation comparée,
2001).
C'est malgré tout dans un contexte de codifications juridiques anciennes
et de société stratifiée "hautement purifiée"
("le groupe des juristes brahmanes Gautama prône un ordre social
calé sur une dogmatique juridique de la pureté et des castes préservées"
David Annoussamy, les Codes Anciens) et "sévèrement hiérarchisée",
du Vème avant J.C. au VIIème siècle après J.C.,
que le bouddhisme historique de Bouddha Sakyamuni se manifestera.
Cette société indienne en cours de systématisation juridique,
commerciale, politique et sociale, pluriethnique et multiconfessionnelle se
développera sur la base dogmatique, métaphysique et juridique,
de l'"Ordre Permanent" des êtres et des choses (varnashrama
dharma) ou "Ordre du Monde" (supra mondain) qui régit chaque
être selon sa catégorie (varna) en lui assignant un effort particulier
(ashrama) d'ordre moral, spirituel ou social (l'on retrouvera les mêmes
concepts dans le corps de la loi Islamique au Proche et Moyen
Orient, en Inde du Ier et IIème siècle après l'Hégire
et en Chine note 9).
Bouddha Gautama défenseur de l'Impermanence, clef de voûte du nouvel
édifice social, eut donc a affronter les apparences de l'"Ordre
du Monde fixe", effets déviants d'une Somme méthaphysique
et juridique millénaire. Cette dernière établit sur des
révélations : "les effets sont les causes et les causes,
les effets"; loi logiquement fausse et absurde (tout comme celle de la
rétribution karmique, l'histoire sociale le démontrera) transmise
aux premiers Rishis (ascètes des forêts) par les Dieux mortels
du panthéon indien : Shiva, Vishnou, Krishna, Rama, Brama...
Le contexte sociologique bouddhiste et hindouiste ancien fut donc très probablement
celui d'une mosaïque pluriethnique, multiconfessionnelle, soutenue par des
codes sévères tenant les rois et les brahmanes "prisonniers"
d'un ultrastatisme, stricte reflet de la doctrine de l'immutabilité "des
savoirs" (véda).
Les "védistes" s'opposeront évidemment à la doctrine
bouddhiste de l'impermanence, des causes et des effets; "les effets ne
sont pas les causes" ce qui n'en fera pas une doctrine juste pour autant.
Il n' y eut donc jamais d'"ordre religieux unique hindouiste" au service
d'une religion nationale indienne exclusive de type polithéiste et dominatrice,
comme cherchent à l'incarner aujourd'hui le nationalisme polythéiste
indien aryen et la théocratie en exil tibétaine.
Fait étonnant le monde législatif indien, au temps de Gautama
Bouddha, est édifié non par un homme seul mais par une famille
brahmane homonymique de juristes : "Gautama" (D.Anoussamy et Pandurang
Vaman Kane).
- III -
Les uvres juridiques Indiennes, bouddhistes et musulmanes, reflets des
besoins réalistes du corps social, de la géographie, de la démographie,
des croyances populaires.
Les uvres juridiques collectives "hindou" majeures, telles que
les codes de Gautama et de Manou, et individuelles telles que les codes de Yajnavalkya
(Yajnavalkya prolonge le Code de Manou dans son développement juridique
Livre I : les rites et les cérémonies, Livre II : le Droit, Livre
III :Les péchés et les pénitences) et de Narada(dharma
sastra) définissent les devoirs des personnes et des collectivités
sur un fond identitaire de croyance éternaliste et non humaine (polythéiste).
Le code de Narada strictement juridique et de même époque que celui
de Yajnavalakya, VIème et VIIème siècle (époque
du système juridique Uji au Japon, ensemble politico-territorial centré
sur le noyau familial patrilinéaire au sein duquel se transmet les fonctions
religieuses et de commandement), oriente la systématisation de la procédure
judiciaire (extrêmement sévère) et les devoirs du commerce.
Son introduction générale est extraite du Code de Manou et relève
du divin et du non humain .
Des dizaines d'autres uvres juridiques, collectives, proprement "hindouistes"
se répandront en Inde, parallèlement
au développement des uvres religieuses et juridiques bouddhistes
qui, dira-t'on, "tempèreront" le pouvoir judiciaire ancien : "traités
d'éthique et de morale, codes des préceptes laïcs (upasakasila
sutra) mahayanistes ou de la voie moyenne ...".
Il est dit, à peu près à cette époque (VIII, IX
et Xème siècle), que le Rite orthodoxe musulman Hanbalite, quatrième
source secondaire de sagesse judiciaire de la Loi Islamique (chaque école
théologique est indissociable de son système juridique/judiciaire
appelé "Rite", là où l'on naît l'on naît
musulman et l'on dépend du rite présent dans sa localité
de naissance) ou même le Rite Wahhabite (Hanbalite) d'Arabie (duquel dépendent
tant le Roi d'Arabie Saoudite que Ben Laden), seront cruels à cause de
leur refus du compromis, de la voie moyenne : Idjima, et de leur refus (toujours
en matière judiciaire) de la raison, de l'opinion personnelle, des procédés
analogiques : Qiyyas.
L'Idjima et les Qiyyas sont pourtant les troisièmes sources secondaires
de sagesse (judiciaire) de l'Islam (du Coran - en tant que corps de la Shari'â
et de la Sunna; la Sunna en tant que manière d'agir du prophète
et seconde source de Sagesse judiciaire).
L'ignorance politique tant Arabe qu' Occidentale des sources secondaires de
la sagesse musulmane (Idjima, Qiyyas, jurisprudence, en tant que vecteurs d'organisation
socioculturelle) conduiront tant la sévère Shari'â (à
son activité judiciaire purement religieuse et divine) que l'intolérable
codifiation politique pénale Occidentale, à des voies judiciaires
violentes et agressives, et probablement plus décalées encore
d'avec la réalité anthropologique et ethnologique des pays colonisés.
L'islam, comme le bouddhisme du Mahayana (des interprêtres non institutionnalisés,
sans familles et pauvres seulement), propose toutefois une voie judiciaire du juste
milieu ou du consensus, Idjima, tolérance.
De même il est dit que les
maîtres errants du bouddhisme
hinayana et de l'hindouisme des berges du Gange, des Forêts de Thaïlande,
de Chine ou du Sri-Lanka tels que
"les amis des lépreux"
(l'autre prime sur tous vos avantages et toutes vos qualités) ne sont
pas les adeptes du bouddhisme ou de l'hindouisme des écoles, encore moins du Talion
du Vajrayana (propre aux deux religions) en matière judiciaire.
Le bouddhisme Birman (support du droit civil), semblable à celui de Shantidéva
parmi les lépreux, dit : "le SDF peut venir chez nous, il sera éduqué
et soigné".
"Birmanie ne ment pas" à condition
de ne pas se réveiller pauvre birman.
Le bouddhisme Tibétain (culture du Talion, de la peine de mort, du joug,
de l'esclavage pénal, du meurtre religieux vajra, du servage, du fouet
et de la mutilation) ne peut affirmer sans mentir qu'il accorde le refuge aux
pauvres et aux démunis. La conversion de Sunita, le porteur d'excréments,
est par contre
"enseignée sans mensonge" en Birmanie,
au Sri Lanka, en Thaïlande, en Chine, au Cambodge, au Japon ou en Inde;
les faits démontreront que la misère ne conduit cependant pas
au
"dharma", loin s'en faut.
Les droits et libertés acquis si difficilement à la naissance
(au regard de la dogmatique bouddhique de la dette karmique) grâce au
don généreux de la république égalitaire
sont recouverts puis anéantis par un
non-droit religieux et
un
non-droit de l'homme issus des royaumes bouddhiques Himalayens et
trans Himalayens.
Quelques Tibétologues et Orientalistes sanskritistes de l'université
(quelques convertis) se rangent aujourd'hui à la raison et combattent
les évidentes cruautés dont font preuves les familles-Etats du
Vajrayana (tant bouddhistes qu' hindouistes nationalistes) à l'égard
des pauvres et des intouchables.
Rappelons que le mendiant, homeless, le boucher, le tanneur, le maréchal
ferrant, les prostituées, "les fous" (sans nombre en Asie),
les prisonniers, les artisans, tous les sans terre (landless et outcasts), les
ouvriers-paysans, tous les corvéables (relevant d'une dette publique
ou privée) sont une catégorie juridique des personnes inscrite
dans les codes bouddhistes royaux Tibétains jusqu'en 1959 et Indiens
hindouistes jusqu'en 1950. Le mendiant religieux relève également
de cette catégorie.
Les dispensaires, ultimes refuges pour les malheureux, sont une création
à la fois du petit véhicule en Inde, au Sri-Lanka, en Birmanie,
en Thaïlande, au Cambodge ou au Japon (dès le IXème siècle)
et de l'hindouisme en tant qu'"u
ne révolte contre les ordres
politiques, criminels et mafieux".
L'histoire des doctrines religieuses relève cependant très tôt
que de très nombreuses déformations doctrinales existent, notamment
à propos de l'
universel message de gratuité et de charité.
Les riches exilés Tibétains (par le canal restreint des deux cents
familles Tibétaines, noyau historique ne concernant pas plus de 1200
personnes dans le monde) n' hésiteront pas à parler de "
communisme
pro-chinois", de
"socialisme des soviets", voire
"
de délinquance" pour qualifier la tradition historique
de la mendicité bouddhique relevant de l'Itivuttaka, Dhammadayada sutta
(absolument niée, bien que nommée dans le corps des sutra, par
les Lama tant en France qu'en Inde).
Quoiqu'il en soit, depuis quarante cinq ans, nombreux sont ceux parmi les mendiants,
économiquement faibles par vocation religieuse, et désormais sans
famille, qui seront expulsés des communautés (en orient comme
en occident) pour
"schyzophrénie sans symptôme ou psychose
paranoïaque" ou qui seront généreusement dirigés
vers les
asiles psychiatriques pour finir leur vie ...
Il est enfin intéressant de noter ici que les
seuls groupes humains
à utiliser les concepts de
"schizophrénie sans symptôme
ou de psychose paranoïaque" furent ennemis de toutes les formes
religieuses existantes, de tout radicalisme ou de toutes les formes de la contestation
philosophique et politique.
L'histoire de la pénalisation de la dissidence soviétique
et chinoise, par exemple, ressence trois cas de "Schizophrénie
sans symptôme et de psychose paranaoïaque (ceux qui se plaignent,
voient, entendent et écrivent des choses interdites sur l'Etat, sa politique
et ses rouages )" :
1- Le cas relevant de la pyschiatrie politique de l'Institut Serbsky de Moscou,
dirigé, entre 1953 et 1980, par Georgi Morozov, qui enfermait pour
"schizophrénie
sans symptôme", tous les écrivains et historiens du fait
criminel en Russie.
2- Le cas de psychose paranoïaque cette fois ci de
"litige mania"
concernant les contestataires et à ce titre premier degré de l'internement
selon les règles de psychiatrie politique de l'Institut Ankang de Pékin
en 1994. La
"litige mania" concerne le
"délire
de persécution".
3- Le cas de la
"politique mania" concernant le
"délire
politique des hommes attaquant la ligne, les politiques de l'Etat, se livrant
à des recherches personnelles et écrivant des milliers de lignes
qu'ils envoient ensuite à l'Académie des Sciences Sociales et
à la rédaction de plusieurs journaux pour être publiés"
et relevant à ce titre du second degré d'internement psychiatrique,
tel qu'enseigné en 1983 dans les manuels de médecine de psychiatrie
politique Chinoise
(Editions des masses, maison d'édition de la police
politique Chinoise; Enquête sur l'internement psychiatrique pour raison
politique en Chine, Robin Munro, Human Right Watch, 23 aout 2002; Congrès
de l'association mondiale des psychiatres, 23 aout 2002, Yokohama, Japon; Voir
notre note 31 ch.VI "le choix traditionnel de la protestation et de la
conversion").
Nous invitons le lecteur critique pauvre à sa propre expérience
de renoncement et de mendicité dans le contexte bouddhique des Familles
religieuses-Etats Tibétaines en Inde, au Japon, en Europe ou aux Etats
Unis... Les dangers psychologiques et physiques étant réels, les
parquets étant engorgés et les dossiers judiciaires pour plaintes
étant sans nombre ou en souffrance, il convient d'être très
prudent.
- IV -
La Question des manuels scolaires
l'histoire officielle falsifiée ou la religion d'Etat imposée,
survivance et tentation des anciens modèles totalitaires.
Il est clair que le Bouddha historique cinq siècles avant Jésus-Christ,
s'est heurté à une structure d'Etat, une "Hiérarchie"
composée de groupes familiaux, de maîtres propriétaires
des sols, de prêtres, de magistrats et de fonctionnaires intouchables
liés aux familles par le sceau du secret religieux.
Nous reprenons ici le concept d'"Hindouisme d'Etat", qui est très
répandu dans les vingt huit états que compte aujourd'hui la
Fédération Socialiste Indienne dirigée politiquement par
le Parti Hindouiste BJP (Bharatiya Janata Party ou Parti du Peuple Indien) par
le 1er ministre, chef du gouvernement de l'Union Indienne depuis 1998, A.B.Vajpayee
(nationaliste modéré) et L.K.Advani (nationaliste dur), ministre
de l'intérieur.
Le BJP est la façade politique du RSS (Rashtriya Swayamsevak Sangh ou
Association des volontaires nationaux) fondé en 1925 par H.B. Hedgewar
admirateur de l'idéologue V.D.Savarkar (1883-1966) qui avait écrit
en 1923 un livre fondateur : "Hindutva" ou "l'hindouité.
Qui est Hindou ?" (Ch.I "Totalitarisme, communautarisme religieux
et propriété", Arundhati Roy "l'Empire assiégé")
L'organisation s'était donnée pour mission de renforcer la communauté
indienne en disciplinant sa jeunesse et en organisant pour elle des séances
quotidiennes d'entrainement physique de masse.
En 1940, M.S.Golwalker, successeur de H.B.Hedgewar, assimila clairement l'identité
indienne à une Religion Nationale Hindoue et préconisa ouvertement
une politique de discrimination négative à l'égard des
musulmans et des autres minorités religieuses.
Le Mahatma Gandhi opposé aux tendances ségrégationnistes
du nationalisme politique et religieux imposées aux minorités
cultuelles indiennes sera assassiné huit années plus tard, le
30 janvier 1948. Le 29 novembre de la même année, sous l'influence
d'Ambedkar, l'article 11 de la constitution sur l'abolition de l'intouchabilité
est adopté à l'Assemblée Constituante. Un mois auparavant
Ambedkar publiera son essai : "Who are the Untouchables ?".
Rappelons encore que nous établissons un lien entre les concepts : "hindouisme
d'Etat", "Shintô d'Etat", "confucianisme d'Etat"
et "bouddhisme rituel d'Etat".
Ils sont à appréhender comme définis par Shimazano Susumu
ou comme Murakami Shigeyô en fait la critique, sous la forme d'une "r
eligion
d'Etat" relevant d'un "
dogme de l'essence nationale".
Inoue Tetsujirô en a lui-même fait l'usage, sous la forme intransigeante
du
"mouvement de la morale nationale" lié au concept d'autodéfense
autour de l'Empereur Meiji (1868-1912) - "Meiji, cent vingtième
deuxième empereur" selon les classifications des courants révisionnistes
alors que
les
historiens anti-révisionnistes dénoncent l'existence de 9 empereurs
fictifs à partir de Kammu tennô, 50 ème -, considéré
comme
"la quintessence de cette morale nationale" (shéma
que reproduira à l'échelle des communautés chaque communauté
religieuse autour de son guru ou de son chef dynastique au Japon, au Tibet,
en Chine, en Inde ou en Corée).
Après l'échec de l'empire sous l'autorité du clan Tokugawa
une faible guerre civile, dite de l'ère Boshin 1868-1869, opposera les
Tokugawa, sur le déclin, aux clans du Satsuma et du Choshû. Une
victoire de ces derniers permettra la restauration de l'empire. Mais les caisses
impériales étant vides, c'est au crédit des marchands de
Kyoto, d'Osaka et d'Edo que l'empereur Meiji, descendant d'u
ne lignée
ininterrompue de la divinité Amatérasu-Ômikami (croyance
du Shintô ritualiste pré bouddhique et Religion Nationale sous
la restauration), devra la victoire militaire.
Nous tenterons également, plus loin, de dégager les li
ens/enjeux
existants entre les formes du
religieux national et le
rite,
- à tout le moins selon la définition du rite du juriste confucéen
Chinois Xiaoping Li; le rapport d'essence à l'ordre politique, à
l'autoritarisme et au commerce du confucianisme comme du taoisme étant
consubstantiel à celui de l'hindouisme national, du Shintô d'Etat,
du Shugendô institutionnel, du bouddhisme princier ou d'Etat au Japon,
à la plupart des
religions nationales en fait (notes 3 et 65
sect.7, conclusions).
Nous retrouverons les mêmes liens élémentaires consubstantiels
au sein des "familles-Etats ritualistes" Tibétaines relevant
de la dogmatique de
"l'essence, ou quintessance, de la moralité
et de l'immoralité". Toutes ces familles choisiront l'empire
britannique
"d'essence divine", en 1912.
Nous partageons par contre, pour ce qui est de la compréhension de
"l'hindouisme
national" ou du
"nationalisme religieux moderne",
une remarque développée par Romila Thapar dans son essai :
"Pas
de propagande pour les manuels scolaires!" publié dans Times
of India, à New Delhi, en Février 2000, et que nous pouvons utiliser
pour mieux comprendre les dérives sectaires, politiques ou nationalistes
des grands courants politiques religieux indiens :
"(les) falsifications
visent en effet à imposer les théories sur lesquelles se fondent
l'idéologie hindouiste. A commencer par celle du "peuple aryen"...".
Christophe Albert Sabouret sur ce point précis de la propagande de l'Etat
impérialiste (terrain de bataille des philosophes politiques Noam Chomsky
ou Edward W. Saïd et du juriste Richard Falk) écrira une thèse
à l'Inalco sous la direction des pr. Fujimori Bunkichi et Richard Dubreuil,
1990, sous le titre : "
Mémoire et Oubli - L'enseignement de
l'histoire et la révision des manuels scolaires d'histoire dans le Japon
de 1868 à 1945".
Il écrira :
"... des procès sont engagés (dès
aujourd'hui) par les enseignants et les parents d'élèves Japonais
contre l'Etat au sujet de la censure politique qui frappe les manuels d'histoire
contemporaine. (Ces derniers représentant un enjeu national, seront)
placés "sous haute surveillance".
Cette censure concerne pour l'essentiel les crimes de guerre Japonais commis
en Chine et en Corée, notamment :
1-ceux perpétrés durant la seconde guerre mondiale par l'Unité
(de recherche médicale) 731 responsable du génocide de 10 000
prisonniers Chinois et Coréens soumis aux effets calculés de l'Anthrax.
2- ceux perpétrés par épandage aérien du bacille
de Yersin, la peste, sur les populations Mandchous dès 1941 et qui tua
270 000 personnes.
3- Dans une moindre mesure l'auteur évoque la discrimination administrative
qui frappe les minorités sur le territoire Japonais, les Burakumin (l
es
gens qui peuplent les hameaux spéciaux, les getthos) : Eta (
souillés),
Hinin (
non humains), les fossoyeurs, les corroyeurs, personnes
qui n'auront (à travers l'histoire) aucun droit au travail et qui seront
condamnés à vivre en dehors des villages avec interdiction d'en
sortir, les Yotsunin ou
"les hommes à quatre pattes",
qui rappellent la catégorie juridique des Nangzen du Tibet royal,
"les
bêtes parlantes"...
Romila Thapar, dans le contexte "hindouiste nationaliste" contemporain,
écrit sur le même sujet de
"la mémoire et l'oubli
" :
"Le National Council for Education Research and Training, NCERT, organisme
en charge des livres scolaires, qui vient de supprimer certains passages des
manuels d'histoire refuse de dévoiler les noms des prétendus historiens
Indiens qu'il prétend avoir consulté. Ce n'est donc pas un débat
entre historiens auquel l'on assiste mais à un débat entre historiens
et politiciens.
Il s'agit en fait de fourbir les armes de la propagande avant les élections
en Uttar Pradesh (nord)et au Pendjab (nord-ouest, près de 220 millions
de personnes au total) et de faciliter la diffusion d'une version nationaliste
de l'histoire dans les écoles publiques.
Ces falsifications visent en effet à imposer les théories
sur lesquelles se fondent l'idéologie hindouiste. A commencer par celle
du "peuple aryen". Laquelle est inacceptable, dans la mesure ou le
terme "aryen" concerne le domaine linguistique et ne peut qualifier
ni un peuple ni une race.
D'aucuns prétendent que les aryens étaient originaires de
l'Inde, mais la plupart des universitaires rejettent cette idée et parlent
plutôt de migrations de peuplements aryanophones en Inde. Ces arguments
s'appuient sur des données linguistiques. Mais dans la reconstitution
nationaliste du lointain passé, on a fait fi des preuves linguistiques.
Nous assistons à la création d'un fantasme qui va être
jeté à la face des élèves et présenté
comme un savoir historique :
1- ne cherche-t-on pas à démontrer que la "lignée
des hindous de caste (?)" est ininterrompue depuis 5000 ans ?
2- Que la civilisation indienne a produit toutes sortes de techniques sophistiquées
?
3- Ou que l'Inde a pratiquement civilisée le monde entier ?
Mais si l'on considère le monde médiéval sans les verres
déformants du communautarisme, il est fascinant d'apprendre que nombre
de rituels, pratiques et mythes actuels ont été formulés
en tant que partie de l'hindouisme à l'époque médiévale
du XIIème siècle (?).
Affirmer que toutes les pratiques religieuses hindoues procèdent des
Véda (5000 ans plus tôt (?) revient à imposer artificiellement
une uniformité à une "religion" dont la force réside
dans la pluralité des sources"
Cette thèse sur l'Hindouisme est également soutenue par Amartya
Sen - auquel nous emprunterons quelques réflexions sur la pauvreté,
la famine et l'éthique en économie, avant de condamner son parlementarisme
mondial ultracapitaliste particulièrement révisionniste - dans
"L'Inde n'a jamais été un Etat Hindou", propos
recueillis par Subhoranjan Dasgupta, "Outlook", 2002, New Delhi.
- V -
L'Espace Public selon Habermas et la société civile bouddhiste
passée et contemporaine
Nous lions, avant de poursuivre notre approche, les expressions
"libre
examen et choix éclairé" du Sutra Kalama du bouddhisme
hinayana et mahayana de Bouddha Sakyamuni (5e siècle av.J.C.), au concept
de
"sphère publique" de Jurgen Habermas (
"L'espace
public, Archéologie de la publicité comme dimension constitutive
de la société bourgeoise", Payot, Paris, 1978).
Le sinologue Charles Le Blanc, de l'Université de Montréal, notera
dans :
"La société civile face à l'Etat dans les
traditions Chinoise, Japonaise, Coréenne et Vietnamienne",
au chapitre "Etat et société sous les premiers Han (Chine,
-206 à + 7)" en introduction à son essai sur la sphère
publique d'Habermas (mince écart entre la société et l'Etat)
:
"Dans son livre
"L'Espace public", J.Habermas soutient
qu'en Europe, c'est précisément à la suite de la décomposition
de l'ancien régime féodal, à partir du XIVème siècle,
et de l'apparition de l'Etat souverain, à partir du XVIème siècle,
que surgit le problème des droits privés. On prétendit
le résoudre par la constitution d'une "sphère publique"
autonome entre la société et l'Etat, ayant pour fonction essentielle
de critiquer et de limiter le pouvoir étatique et de promouvoir les droits
privés sur la place publique. Ce mouvement coïncida avec la montée
de la classe bourgeoise et trouva son aboutissement dans l'opposition structurelle
de la "société civile" au pouvoir d'Etat. Habermas note
parmi les facteurs qui conduisirent à la formation de la "sphère
publique" un élément social, soit la famille restreinte,
un élément économique, le mode de production capitaliste,
et un élément intellectuel :
le libre examen issu de la Réforme"...
Lorsque nous évoquons par ailleurs la
"société
civile ou la sphère publique bourgeoise" nous pensons également
à Jürgen Habermas, avec, selon les mots de l'auteur, toutes les
réserves d'usage :
"Nous entendons la "sphère publique bourgeoise" au sens
d'une catégorie caractérisant une époque déterminée.
Il n'est pas possible de la détacher de l'histoire tout à fait
singulière qui fait apparaître la "société civile"
au court du Haut Moyen-Age, pour ensuite en faire un type idéal universalisé
et l'appliquer à divers réalités historiques d'un point
de vue formel".
Ces liens nous permettront cependant, en toute bonne foi, à la façon
de Charles le Blanc (se demandant comment s'est formulée, sous les premiers
Han, la question du bien des individus vivant dans une société
déjà structurée par le droit coutumier, face aux nouveaux
pouvoirs d'un Etat souverain), de mettre en perspective, bien que n'étant
pas celle du haut Moyen Age européen du XIVème siècle observé
par Habermas,
"la portée de la révolution culturelle"
engagée par Bouddha Sakyamuni opposé au droit et aux systèmes
juridiques "hindouistes" concurrents.
Bien que la société civile au sens d'Habermas n'existe pas en
Inde au temps de Sakyamuni, il est à noter
"qu'une nouvelle
société et qu'un nouvel espace social" (dotés
de catégories juridiques des personnes différentes de celles des
"hindouistes") ont joué un rôle important dans la marche
publique, le conseil juridique des royaumes (sur de nouvelles bases causales
empiriques, religieuses et scientifiques), le droit du commerce, la capitalisation,
la spéculation, la propriété privée, la critique,
etc....
Nous pensons ici, qu'une
"sphère bourgeoise bouddhiste"
ou qu'une "
sphère publique bouddhiste" intermédiaire,
existait selon de nouvelles activités humaines et faisaient le lien entre
les "calanda", les parias hors castes, les "shudra" de castes
inférieures, ouvriers et paysans, les castes "vasyas" les commercants,
les guerriers "kastrya" et les prêtres "brahmanes",
l'Etat des rois ou des maharadja.
Cette "sphère intermédiaire" ou disons ce "tiers
monde" existait du fait de l'abolition des limites discriminantes administratives,
juridiques et confessionnelles entre les castes par la nouvelle loi bouddhiste.
Peu de "parias" auront cependant accès à la libération
et peu de "parias" du "vajrayana bouddho-hindouiste" d'aujourd'hui
profiteront de cette ouverture qui n'en sera une que pour une minorité;
peu ont accès à l'égalité administrative, religieuse,
politique, économique par le fait même des castes; leurs frères
pauvres du vajrayana Tibétain n'auront pas davantage accès à
la révolution sakyamunienne. Ils sont toujours liés à une
source de devoirs anciens et à la dette karmique. Les dr
oits de
la personne reconnus pourtant par la communauté internationale ne
sont toujours pas admis comme d'
authentiques valeurs par toutes les
communautés Vajrayana en Inde et en Asie.
Nous pensons toutefois que notre "sphère publique" ou notre
"tiers monde" d'hier, aurait permis la manifestation :
1- du
"droit-enseignement" bouddhiste de la propriété
(conforme aujourd'hui au droit moderne de la propriété),
2- du
"droit-enseignement" bouddhiste à l'accumumation
capitaliste en Asie, au Japon impérial, cela se comprendra aisément,
puis en Europe, en France et aux USA, en transcendant la hiérarchie des
pouvoirs des Etats et les intérêts des diverses classes de la société
(nous empruntons ces deux expressions à Charles le Blanc).
Il est intéressant de rappeler le rôle joué par Emile Guimet
(1838-1918) éminant capitaliste, industriel, envoyé au Japon en
1876 (deux ans après G.Boissonnade de Fontarabie, rédacteur du
premier Code Civil Japonais) par le ministère de l'Instruction Publique
pour étudier les réligions. Emile Guimet est fondateur du groupe
industriel Péchiney et promoteur discret, sous sa forme missionnaire
médiatrice (?) du Jôdoshinshû institutionnel. Il créera
le Musée Guimet en 1879 à Lyon. Ce dernier sera transféré
à Paris en 1889.
Notons encore
l'action internationale de Shibusawa Eiichi (1840-1931)
samuraï au service de la famille Hitotsubashi (branche de la famille du
Shogun Tokugawa qui remonte à 1714). Il accompagnera le Daïmyo Tokugawa
Akikate (1853-1919), soutien de l'empereur, à l'Exposition Universelle
de Paris en 1867 et se consacrera au developpement scientifique du Japon.
En 1870, cet adepte bouddhiste du
Jodoshinshu Est Hongan-ji sera chargé
par l'empereur Meiji de réorganiser le système des poids et mesures.
Ce capitaliste bouddhiste fondera plus de 500 compagnies au Japon et dans le
monde. Il créera de nombreuses banques et filatures de coton à
Osaka. Shibusawa Eiichi est surnommé
"le père du capitalisme
Japonais".
Son petit fils Shibuzawa Keizô, fut Président de la Banque du Japon
en 1944 et ministre des finances dans le cabinet de Shidehara Kijurô en
1945-1946. Il créera en 1921 le
Nihon Jômin Bunka Kenkyujo
(Institut de recherches ethnologiques de Tokyo).
Le mécène bouddhiste traditionnaliste Yehan Numata (1897-1994),
père du
Bukkyo Dendô Kyokaï au Japon et aux USA en
1965, recevra le soutien financier de Shibusawa Eiichi (père du capitalisme
industriel et financier japonais) pour maintenir à flot sa revue bouddhiste
Californienne
"The Pacific World", Californie où il
fit ses études en 1928 (Stanford).
Yehan Numata, fondateur de la Compagnie Internationale Mitutoyo dans les années
30, deviendra au XXIème siècle le leader mondial des instruments
de mesure de précision. Il est également le père du grand
projet de traduction en anglais du Tripitaka Chinois (enseignements traditionnels
du Bouddha en Chinois, Taisho Shinshû Daizôkyo)...
Nous pensons ici que l'essor de la grande bourgeoisie capitaliste bouddhiste
Chinoise, Coréenne, Vietnamienne, Japonaise, Thaïlandaise, Cambodgienne,
Birmane, Taïwanaise, Hong Kongaise, Malaise (qui ne peut déranger
le capitalisme mondial) .... prendrait sa source historique au sein de la sphère
publique bouddhiste indienne.
La sphère publique/privée bouddhiste au Japon sera toujours très
bien adaptée au droit privé des affaires et au droit civil des
familles.
Aujourd'hui, bien que le droit civil Japonais ait changé (désinstitutionnalisation
de la famille), le lien à l"'institution familiale" est maintenu par
le culte privé aux ancêtres. La sphère publique bouddhiste
lien particulier au droit privé des affaires et le lien aux ancêtres
fondateurs ne sont pas rompus.
Ce lien est un lien au capitalisme primitif (la doctrine de la Vacuité
- rapport d'essence aux choses oblige - se prette toujours très bien
au jeu politique du hiérarchisme matriciel divin comme à celui
du commerce) ainsi qu'un lien ininterrompu aux vieilles familles monastiques
impériales, aristocratiques et politiques, toutes liées, malgré
tout, à la corruption ou à l'altération des liens, renforcant
d'autant le régime spécial des inégalités graduées
(voir l'histoire criminelle du Parti Libéral Démocrate
(UMP Japonais) et ses liens avec les industriels corrompus depuis 1955).
Cette hypothèse rejoindrait par ailleurs, sous un autre angle, celle
du sociologue Alain Testart dans :
"L'Esclave, la dette et le pouvoir".
A.Testart verrait, comme cause possible de la manifestation des Etats ou des
royaumes,
l'effondrement de l'institution de l'esclavage pour dettes
non en tant que processus historique mais en tant qu'expression d'intérêts
rivaux débouchant sur des conflits (freiner la pratique de l'esclavage
pour dettes des groupes rivaux ou concurrents cause d'une diminution du potentiel
de souveraineté) et l'émergence d'une souveraineté. Cette
hypothèse semble correspondre au cas Tibétain. Mais pourrait être
aussi sous un angle différent une nouvelle lecture de la manifestation
de la sphère publique bouddhique qui est par excellence, aujourd'hui,
un monde parfaitement autonome et inégalitaire (d'autant plus que les
familles Etats sont anciennes et fortunées).
En fait chaque Bonze lié (sphère publique bouddhiste, droit privé
des affaires et ancêtres) ou Rimpoche-juge ou chef confirmé d'une
lignée ou d'un monastère, "j
oue le rôle d'un Trésor
Public" cherchant à asseoir
"sa souveraineté
sur l'impôt, les dons et les offrandes" (la "juste mesure"
voir ch.IX).
La recherche des ces activités puis leurs concentrations, de générations
en générations, entre des mains de plus en plus puissantes (s'opposant
militairement, financièrement ou politiquement à toutes les concurrences),
a bien constitué ici et là des Familles Religieuses-Etats rivales
jusqu'à la manifestations "d'Etats ou de royaumes (bouddhiques),
souverains par la force des choses", servis aléatoirement (concurrence
oblige) .
Chaque chef religieux (en droit privé, hier comme aujourd'hui) est juridiquement,
religieusement et territorialement omnipotent.
Cette omnipotence s'exprime par une souveraineté absolue, sur le territoire
de la souveraineté.
Elle s'exerce sur chaque être, sur les biens mobiliers et immobiliers
de tous, sur le travail de chacun, sur la levée de l'impôt ou équivalent
et confirme en quelque sorte le rôle joué par le
"Bit
El Mal" des musulmans, sous la forme juridique et sacrée du
collecteur officiel des dons,
"waqfs". Dons qui jouent un
rôle pivôt dans la société Tibétaine, Chinoise,
Japonaise, Hong-Kongaise, Taïwanaise, Singapourienne...
L'histoire du
"Bit El Mal" exprime ces mêmes contradictions
ou conflits internes juridiques, confessionnels et politiques, qui furent et
sont encore ceux des Quatre Ecoles Coraniques sur la question de l'Etat en tant
que q
ualité des Communautés Islamiques ou
qualité
d'une institution laïque moderne agissant pour son seul compte.
Le crime institutionnel concernant les
détournements fiscaux
et
l'abus du droit de la propriété (délit reconnu
aujourd'hui en droit pénal Japonais) pourrait très bien être
l'une des causes de
l'effondrement/décomposition interne de la société
théocratique Tibétaine. "Aucune chose ni aucun être
ne peuvent être sans maître ou sans propriétaire". (Littérature
tantrique)
Nous retrouvons ce principe du vajrayana (Inde, Tibet, Japon, Chine pré-communiste)
dans le précepte de Mohammed, clef de l'Islam, selon Millot et Blanc
:
"a celui qui est sans héritier, je suis l'héritier"
(notes 27, 51).
L'Unique Propriétaire de vos vies et de vos morts est Allah
dans la tradition de la Loi Islamique intégrale appliquée. Celui
qui l'incarne, l'incarne en son nom et au nom de tous (voir le conflit opposant
les musulmans modérés et les adeptes du Jihad).
Celui qui trichera, mentira, tuera ou volera, assis sur son précepte
altéré ou interprété, le fera mieux que personne.
Quoiqu'il en soit, les parias indiens, par le "nouveau droit bouddhiste"
ou par "le refuge", V siècles avant J.C, ont accès à
la propriété privée, au commerce, à la liberté
religieuse sans discrimination.
Le Sutra Kalama leur offre le droit de critiquer, de juger, de choisir selon
des critères privés une voie familiale, "sociale médiatrice"
(tiers : entre l'Etat et la société non convertie) et religieuse
(ici la conversion n'est pas une obligation),
Ce bouddhisme ne pouvant être imposé (à la différence
du vajrayana, usurpation, possesssion sans droit) n
e peut se substituer
à l'autorité de l'Etat. Dans le droit bouddhiste primitif
de la famille
"le serviteur" peut s'opposer librement à
la conversion de son maître.
Ici nous pensons que le bouddhisme de Gautama, avec toutes les réserves
d'usage, pourrait être au XXIème siècle dans un contexte
de sans Etat et de sans richesse (puisque l'on se pose souvent la question "q
u'est-ce
que le bouddhisme ?" en faisant l'amalgame entre Gautama Bouddha (résolument
sans Etat et sans richesse), le Vajrayana des familles-Etats, le bouddhisme
de propitiation, la propriété privée, le capitalisme, les
ancêtres et les libertés religieuses) :
-
un espace public de médiation absorbé graduellement par
le communautarisme, puis par le hiérarchisme, la ritualisation, le moralisme,
les richesses, l'institution politique, l'étatisation jusqu'à
sa métamorphose en religion nationale.
Nous nous opposons, à ce titre, à l'expression d'Inoue Tetsujirô
qui utilisera (comme les bouddhistes) le concept de
"religion civile",
en 1912, dans le contexte de
l'effondrement / décomposition des grandes
dogmatiques traditionnelles islamique, chrétienne, bouddhiste, confucianiste,
taoiste, etc...
Il convient également de se dégager de la
"théologie"
d'Inoue Tetsujirô, du concept de
"religion nationale",
fruit du
fascisme des communautés et de la
"morale
nationale sociale" autour d'un empereur, d'un chef ou d'un roi, fut-il
descendant des Dieux, d'un Dieu ou Bouddha lui-même.
Habermas propose dans
"l'Espace Public" que parmi les facteurs
qui conduisirent à la formation de la
"sphère publique"
soient réunis :
1- un élément social :
"la famille restreinte",
2- un élément économique :
"le mode de production
capitaliste",
3- un élément intellectuel :
"le libre examen"
issu de la Réforme.
De ces trois éléments le maha-vajrayana épanouira l'élément
économique au détriment des deux autres...
- VI -
L'influence du Rite et des Rituels confucéens dans l'organisation de
la société politique, économique et rurale traditionnelle.
Nous partageons la définition du juriste et sociologue confucéen
chinois Xiaoping Li. Son approche sociologique du "droit confucéen",
de la société, de la civilisation chinoise traditionnelle confucéenne,
conduit à une meilleure compréhension du rôle des rites
dans l'organisation sociale ancienne et moderne, et à une meilleure approche
sociologique du bouddhisme ritualiste d'Etat. (
Xiaoping Li est docteur en
droit de l'Université Paris II, chargé de recherche au Centre
de recherche en droit public de l'université de droit de Montréal
et professeur de droit à l'Institut de Droit et des Sciences Politiques
de Chine Centrale (Wuhan). Voir également l'approche sociologique des
pratiques rituelles bouddhistes shugendo au Japon de 1972 à 1997 d'Anne
Bouchy, EFEO.
A propos d'une définition du Rite "Li"
("La
civilisation chinoise et son droit", Revue Internationale de Droit Comparé,
3-1999 p.522-528) :
"...de fait, écrit le professeur Xiaoping Li, il n'y a pas de doute
que chaque société a ses rites. Comme le remarque J. Cazeneuve
: "si tel ou tel rite particulier ne s'observe qu'ici ou là, le
fait général du rite est universel. C'est plutôt une société
totalement dépourvue de rituel qui serait... une anomalie"
("Sociologie
du rite", P.U.F, Paris 1971)".
"Si, citant L. Vandermeersch
(Directeur de l'E.F.E.O.), le rite
chinois a une originalité extra-ordinaire, le mot "rite", défini
par un Emile Littré au XIXème siècle, est réduit
au seul : "ordre des cérémonies qui se pratiquent dans une
religion".
"En fait, dit Xiaoping Li en prolongeant l'étonnement justifié
de L.Vandermeersch, le confucianisme en a fait l'ordre de toutes les activités
qui se poursuivent dans une société. Ceci donne naturellement
à la conception chinoise des rites une dimension toute autre que celle
à laquelle la réduit la tradition occidentale (du XIXème
et parfois des XXème et XXIème siècles).
"Cette autre dimension résulte, dans le contexte reconnu des analyses
sinologiques de Vander-meersch, du changement de plan de la construction rituelle
transféré du plan religieux au plan social dans son ensemble,
de l'élargissement considérable de sa portée étendue
à tous les actes de la vie en société et du renforcement
remarquable de l'efficacité des mécanismes qu'elle comporte, (lesquels
seraint ainsi) beaucoup plus savamment mis en uvre.
"Cela paraît déjà ainsi chez Couvreur, traducteur en
1913 du Li-ji. Le mot Li, sous la presse de l'Imprimerie de la Mission Catholique,
signifie : "rite religieux, cérémonie civile, bienséance,
urbanité, politesse, courtoisie, honnêteté, respect, témoignage
de respect, égards, convenance, décence, bonnes manières,
bonne tenue, bonne conduite, observance, devoir, ordre social, loi sociale,
loi morale, usage, coutume, rituel, cérémonial, règle de
conduite, règle concernant les relations sociales...
"D'après le Shuo Wen, le dictionnaire chinois le plus ancien, composé
par Xu Shen au début du IIIème siècle, Li signifie : "
marche
ou action, ce qu'on fait pour servir les esprits et obtenir les bienfaits du
ciel".
"Le Li, dit Confucius, c'est le moyen de régler les choses. Dans
toutes les circonstances de la vie, le sage a une manière certaine de
les régler. Le Li ? C'est ce qui met de l'ordre dans ce qu'on fait".
"Le Li, écrit Xiaoping Li citant à nouveau S. Couvreur, est
l'ensemble des règles qui servent à gouverner un Etat, à
appliquer les règlements administratifs et à faire régner
l'ordre dans la société. Le Li est l'étalon de mesure....
L'Etat sans Li ne peut être en paix. Le Li est le plus haut point du bon
gouvernement et des distinctions sociales; il est le fondement de la puissance
et de la sécurité, le principe de la majesté, l'essentiel
de l'honneur.
Le Li c'est servir les parents proches et les parents éloignés,
c'est distinguer les choses semblables en apparence, c'est éclairer les
doutes, discerner les ressemblances et les différences, c'est reconnaître
le vrai et le faux (le juste et l'injuste).
Le Li c'est l'ensemble des règles régissant aussi bien le mouvement
des planètes que l'action des hommes. L'homme prend pour modèle
les règles éternelles (note 65) du ciel et de la terre.
Le Li est aussi bien l'ensemble des règles applicables aux supérieurs
et aux inférieurs que la chaîne et la trame du ciel et de la terre.
Aussi les anciens souverains l'ont tenu en grande estime.
Le Li s'étend à toutes les actions, il se conforme aux saisons,
aux moyens et aux occupations de chacun, il sert au développement de
ses vertus naturelles".
"Le Li, selon le dictionnaire "Shuo Wen" de Xu Sheng est l'ensemble
des règles qu'il convient de suivre pour tous les actes et dans toutes
les circonstances de la vie.
Les conduites du comportement rituel sont les unes directes et les autres détournées.
Les conduites directes sont celles où les sentiments naturels eux-mêmes
peuvent s'accorder aux valeurs rituelles.
Les conduites détournées sont celles où c'est en forçant
les sentiments naturels que s'obtient la conformité aux valeurs rituelles.
Mais que ce soit directement ou par détournement, il faut s'en remettre
aux valeurs rituelles.
Le Li est l'ensemble des règles que chaque individu doit toujours suivre
dans toutes ses démarches s'il veut mériter le nom d'homme; il
est "l'
esprit des pratiques du Peuple", autrement dit, ce
que chacun, quel qu'il soit, doit mettre en pratique dans toute démarche.
D'où vient que les rites sont aussi appelés démarche conforme".
(Il
est intéressant ici de comparer ce propos vieux de 17 siècles
à celui du Pr. Carbonnier sur l'étude des réactions psychologiques
de l'homme aux règles du droit, introduction-III).
"Le Li est aussi le moyen de gouverner l'Etat. Le Li est représenté
comme les lois fondamentales de l'Etat.
Etant : "des règles qui servent à gouverner, à appliquer
les règlements administratifs et à faire régner l'ordre
dans la société", le Li joue un rôle immense dans la
mentalité chinoise ancienne.
En tant que moyen de gouvernement, selon le confucianisme, le Li sert à
éduquer et à endiguer le peuple, à lui faire savoir ce
qu'il doit faire et ce qu'il doit éviter de faire, de le rendre obéissant
aux autorités. D'autre part il a pour mission de retenir le prince dans
le droit chemin et de limiter son arbitraire.
Chaque individu, de l'empereur jusqu'au dernier homme du peuple, doit se comporter
d'une manière appropriée à sa situation sociale par l'observation
du Li, qui dicte à chacun les gestes et les paroles qu'il doit avoir,
les actes qu'il doit accomplir. Ceci est la théorie confucéenne
du : "gouvernement par le Li."
"Le Li, en Chine ancienne constitue une sorte de substitut à la
religion pour régler les conduites des hommes et pour maintenir l'unité
de la société. Les confuicianistes n'étaient pas de grands
croyants. La morale et la raison leur semblaient bien suffisantes. Soucieux
de donner une base solide au Li, ils n'avaient, à aucun moment, songé
à la religion.
En effet, pour le confiucianiste le Li est le symbole et la manifestation de
l'ordre cosmique (ce que n'est pas un bouddhisme mahayana).
La spéculation rituelle conduit à dégager les principes
de l'organisation du monde et les règles de conduite humaine (fonction
institutionnalisée des rites shinto-bouddhistes, pivôts d'une "
religion
nationale").
Tout cela est polarisé dans le sens de l'ordre de l'univers. L'idée
fondamentale confucéenne est qu'il existe un ordre cosmique, comportant
une intéraction réciproque entre le ciel, la terre et les hommes.
(Les bouddhismes d'Etat chinois, tibétain, coréen, japonais,
entreprendront l'institutionalisation paradoxale de la dogmatique de la vacuité
et de l'impermanence par la nullité du principe d'autonomie de la volonté,
du jugement personnel et la nullité du droit des personnes. Anne
Bouchy insistera sur la séparation des maîtres Fugeki du Shugendô
au Japon et des institutions bouddhistes traditionnelles).
"La valeur rituelle est la norme céleste, le sens des choses terrestres,
la moralité humaine.
"Les rites sont le sens de l'univers, ce qui est la trame et la chaîne
du ciel et de la Terre.
Les rituels confucéens sont "
la norme canonique du Ciel, sens
des choses sur la terre, esprit des pratiques du Peuple".
Né dans une société constituée, l'homme est mis
sous leur coupe dès sa plus tendre enfance. L'éducation qu'il
reçoit, l'atmosphère dans laquelle il vit, pense et agit, tout
porte leur empreinte :
"on passa toute sa jeunesse à les apprendre,
toute sa vie à les pratiquer. Les Lettrés les enseignèrent,
les magistrats les prêchèrent".
Montesquieu nous a souligné quelles sont les choses qui
"ont
pu aisément graver les rites dans le cur et l'esprit des Chinois"
("L'esprit des Lois", Livre XIX, chap. 17).
"De fait, pour la majorité des gens, les actes et les paroles considérées
comme convenables viennent plus souvent d'une manière automatique, et
l'homme se plie au plat conformisme sans s'en rendre compte. Pour ceux qui hésitent
ou qui regimbent, le Li dispose de la contrainte morale de l'opinion et aussi
de la force de coercition des pouvoirs publics pour les décider ou les
mater.
"Sortir du Li, entrer dans les chatîments". Littéralement,
quand on a perdu le sens du Li, on tombe sous l'emprise des châtiments
note 4 ;
"l'on se rapproche des prisons, dit Bouddha, quand l'on a
rejeté la Loi des Causes et des Effets".
"Un tel Postulat, dit Xiaoping Li, est formulé dans la préface
du Code des Tang (645 apr.J.C.) comme un principe juridique (pilier de l'uvre
administrative et religieuse du Prince Shôtoku au VIIème siècle).
"Ainsi l'individu vivant dans la société est obligé
de respecter le Li en dépit des sentiments profonds qu'il pourrait avoir.
Il est constamment obligé de se surveiller, de modérer ses sentiments
ou du moins les manifestations extérieures de ceux-ci. Consciemment ou
inconsciemment, il doit se plier à un moule standardisé. Parce
qu'il s'impose aux individus et leur dicte ce qu'il faut faire et ce qu'il faut
éviter de faire, le Li entendu dans le sens de coutumes, revêt
la forme d'une loi et joue un rôle parallèle aux lois. Le rapport
de ces deux sortes de règles des conduites, deux "moyens de gouvernement",
peut être examiner sous divers angles".
"En ce qui concerne leur efficacité respective, nous pouvons remarquer
que la loi est précise, impersonnelle. Elle s'appuie sur la contrainte
des pouvoirs publics et dispose de la force politique de la société
(principes républicains modernes).
Le Li par contre est moins précis. Sa codification, même si elle
existe, ne peut être bien poussée. Il ne s'applique pas uniformément
à tous comme la loi"
"C'est dans chaque cas, l'appréciation subjective de la situation
qui détermine ce qu'on doit faire, dit Xiaoping Li.
Enfin dans la majorité des cas, le Li ne peut s'appuyer que sur la contrainte
morale de la société. Ainsi, il est à certains égards
moins efficace que la loi. Mais la loi ne peut tout prévoir. Quoi qu'on
fasse, il reste toujours une tranche de la vie sociale qui échappe à
toute réglementation précise. Là ou la loi ne peut aller,
le Li va.
Celui-ci d'ailleurs façonne la mentalité du peuple et détermine
les moeurs. Il a de ce fait, une certaine influence sur la manière dont
s'applique la loi. On ne saurait trop insister sur l'importance des moeurs politiques.
Ce sont ces moeurs politiques qui, plus que la loi, caractérisent les
institutions d'un pays. En ce sens, le Li, par la détermination des moeurs
populaires et des gouvernements a plus d'influence que la loi.
Ainsi, les grands personnages de l'Etat chargés de rédiger et
d'appliquer les lois étaient pour la plupart formés à l'école
du Li. Ils tendaient naturellement à se référer, dans le
travail législatif comme des actes judiciaires, aux préceptes
Li en tant que principes du droit supérieurs aux codes promulgués.
Cette prédominance du Li a duré pendant plus de deux millénaires."
::: la fin
des Notes et Commentaires 1 du chapitre 1 :::