CHAPITRE 4 (2)
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CHAPITRE 4 (1), (2)
Le droit des riches, le néo-libéralisme et la terreur.
(critique du fascisme japonais)
Critique des fondements de l'histoire fasciste japonaise par les quatre principes
de gouvernement de l'empereur Justinien (théocratie
européenne, casuistique chrétienne, droit moderne, eugénisme,
science militaire appliquée, formation des bourreaux, torture, propagande
militaire japonaise)
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III
Le culte de la Paix
Mise en perspective critique de la société comme fonction
et critique de la famille comme communauté sexuelle; mise en perspective
critique de l'Etat de justice .
"De la justice émanent tous les droits."
"Rapportée à son contexte cette maxime des glossateurs
médiévaux, écrira le civiliste Pierre Legendre dans son
apologie fascisante de l'Empire antique, répète une analyse
déjà formulée par le Droit romain antique, à savoir
que les règles juridiques sont dans un rapport de descendance avec
les propositions dogmatiques de la causalité -rapport à la question
du Unde ? (=d'où vient le Droit ?) - et que, par voie de conséquence,
l'office du juriste consiste à traduire concrètement une métaphore
de filiation à travers la production sociale des casuistiques. (...)
la Justice est mère du Droit et l'Ecrit vivant (l'empereur) (est) père
de la Loi (lex, ici au sens de la construction impériale rédigée
et expédiée par la chancellerie). (...)
"(...) La société est (...) pour moi, essentiellement fonction,
et c'est là-dessus que se greffe une réflexion plus adequate
sur l'Etat en tant qu'instance généalogique (cadre constitué
servant à faire jouer l'Interdit, permettant l'accès du fils
au discours de l'Interdit) (...) Cette réflexion ne peut être
sérieuse qu'en mettant au premier plan la reconnaissance de l'échange
symbolique entre le sujet et les instances dogmatiques instituées,
seul moyen de reprendre la question de "la fabrique de l'homme occidental"
au ras de l'interrogation sur l'enjeu de vie et de mort du sujet.(...)
"La société une fonction, dis-je, eu égard au matériau
de la reproduction, l'animal parlant lui-même, à qui s'adresse
l'entité sociale comme figure irrécusable de l'espèce."
(La justice généalogique et le pouvoir généalogique
des Etats, la fonction de conservation de l'espèce dans la civilisation
du droit civil, étude sur la fonction parentale des Etats, "Les
enfants du texte", Leçons VI, Fayard)
Eugénisme et darwinisme social : de l'espèce à l'entitétisme
(1), entitétisme théologique (2), entitétisme physique,
entitétisme social et abstraction de l'homme (3, 4).
"(1) De l'espèce à l'entitétisme :
Nazisme 1933 "tu es non-humain... ein stück", expression
nazie, ou "ils ne s'ont que des bûches, des bouts de boits"...
"marutas", expression des médecins expérimentateurs
japonais de l'unité 731 de Shiro Ishii.
Eugénisme 1938 : "(...) l'augmentation du nombre des tarés,
des dégénérés, des déchets sociaux qui
contribuent à la dégénérescence de la race et
deviennent une lourde charge pour la collectivité..." (hôpital
psychiatrique du Vinatier de Bron-Lyon, responsable de la mort de 2000 internés
entre 1940 et 1944, hôpital de Clermont-de-l'Oise, 3063 morts, 50 000
morts pour l'ensemble du parc hospitalier psychiatrique sous Vichy, dans "Le
drame des asiles de Vichy", Regis Guyotat, Le Monde, 17.10.2003)
Biocratie 1941 "(...) Ceux qui sont aujourd'hui des prolétaires
doivent leur situation à des défauts héréditaires
de leur corps et de leur esprit. Il est indispensable que les classes sociales
soient de plus en plus des classes biologiques... il faut que chacun occupe
sa place... La femme doit être rétablie dans sa fonction naturelle,
qui est non seulement de faire des enfants mais aussi de les élever...
La selection naturelle ne joue plus à cause des progrès de la
médecine, les faibles sont conservés comme les forts, la natalité
baisse, la race est menacée... La standardisation des êtres humains
par l'idéal démocratique a assuré la prédominance
des faibles... au point que les malades, les aliénés mentaux
et les fous attirent la sympathie du public..." ("L'homme, cet inconnu"
(1935) Alexis Carrel, prix nobel de Physiologie 1912, chargé en 1941
par Pétain de la direction de la "Fondation pour l'Etude des Problèmes
Humains".
"(2) De l'espèce à l'entitétisme théologique.
"Le judaïsme, écrit l'historien israelien Yehuda Bauer, ancien
directeur de l'Institut international de recherches sur l'Holocauste de Yad
Vashem à Jérusalem, a élaboré des explications
théologiques de l'Holocauste qui offrent une variété
de justifications, plus ou moins ancrées dans la tradition religieuse
juive, à l'action ou à l'inaction de Dieu lors des évènements
(tzidduk ha'din ou justification du jugement - de Dieu). Cette tradition contient
le concept d'un Être tout puissant, à qui les humains trop insignifiants
pour comprendre la manière dont il dirige le monde (hanhaga) ne sauraient
demander aucune explication (...)
Au vu de la soumission de Job à l'issue de son combat contre le tout-puissant
: Job reconnaît l'infinitude de Dieu (orthodoxie bouddhiste du mahayana,
bouddha ne connaît pas les limites humaines (les non- humains, les souillés
ou les animaux parlants, sont du reste catégorisés "buraku,
eta, hinin" au Japon, "candala" en Inde, en Chine, "nangzen"
au Tibet).
"Job (d'après l'ortodoxie judaïque) reconnaît sa propre
incapacité à comprendre (l'infinitude de Dieu). De fait Dieu
agit en dehors de toute moralité humaine (théologie bouddhique
de l'immoralité - justifiant l'immoralité criminelle des maîtres
torturant l'homme - royaumes religieux himalayens et trans-himalayens : Sikkhim,
Népal, Boutan, Tibet...).
"En d'autres termes, Dieu est la puissance cosmique ultime qui se place
au-delà du bien et du mal. Ces arguments semblerait résoudre
le problème de l'Holocauste (...)" "La théologie,
ou Dieu chirurgien" dans "Repenser l'Holocauste" (Rethinking
the Holocaust, Yale, 2001), Yehuda Bauer, Autrement Frontières, 2002).
"(3) De l'entitétisme physique et social à l'abstraction
de l'homme :
Les "déchets sociaux et les dépendants", base d'une
pensée globale coercitive, des catégories universelles et des
théories explicatives, telle que critiquée et combattue par
le prêtre et sociologue marxiste François Houtart dans son analyse
de la fin des catégories universelles...
"(...) Désormais la perception du réel passe par l'observation
des expériences individuelles, ce qui permet la redécouverte
de l'individu comme source de la connaissance. D'où également
l'idée d'une herméneutique des faits sociaux sous la forme de
textes comme des expressions symboliques, en récation contre la culture
du contrôle intellectuel, scientifique, politique. D'où également
l'intérêt porté à ce qu'on appelle les mouvements
sociaux, ceux qui répondent à des intérêts spécifiques
(les femmes, les populations indigènes, les écologistes, les
associations de quartier, les homosexuels...) parce qu'ils expriment des revendications
de valeurs plus que de pouvoir et des situations éclatées plus
que des systèmes... Les abstractions des théories explicatives
de la pensée globale valables au travers du temps et des espaces détruisent
(quant à elles) le concret, le variable, l'histoire... ("La fin
des catégories universelles et des explications systématiques"
dans "Analyse marxiste de la religion au regard de la critique post-moderne",
Cetri (sur le net), Louvain-la-Neuve, janvier 2003).
"(4) L'entitétisme physique et social est également
critiqué par le bouddhisme japonais réformé par les
bonzes zen Brian Victoria, Ichikawa Hakugen et par les chercheurs bouddhistes
Hakamaya Noriaki, Matsumoto Shirô dans "Le zen en Guerre, 1868-1945"
(2001), "Religion et fascisme" (1975) , "Le bouddhisme critique"
(1990)...
L'entitétisme anticipe favorablement de la filiation au nationalisme
religieux et au militarisme. Il conduira par exemple les shintoïstes
et les bouddhistes orthodoxes japonais de la voie impériale à
porter des armes en Chine et à justifier théologiquement la
déportation, l'internement, le meurtre, l'assassinat politique et la
torture. Le bonze orthodoxe ou le prêtre shinto au Japon et le lama
orthodoxes au Tibet sont considérés en tant qu'une protection
de l'Etat de justice traditionnel...
L'entitétisme physique, social et théologique, conduira également
à justifier en temps de guerre l'esclavage sexuel militaire impérial
décrit par George Hicks dans "Les esclaves sexuelles de l'armée
Japonaise" (J.Grancher, Paris, 1996), Yoshiaka Yoshimi dans "Comfort
Women Sexuel Slavery in the Japanese Military During WWII" (Columbia
University Press, 2000) ou à justifier les expériences bactériologiques
militaires japonaises sur des "objets humains" (marutas) en Mandchourie,
telles que décrites par Peter Williams et David Wallace dans "La
guerre bactériologique" (Albin Michel, 1990), Sheldon H.Harris
dans "Factories of Death, Japanese Biological Warfare, 1932-1945 and
The American Cover-up" (Routledge,1994) et Harris Robert et Jeremy Paxman
dans "Une manière supérieure de tuer" (Chatto &
Windus, Londres, 1982), voir en fin de l'article.
Mise en perspective critique de trois principes justiniens :
1- la société comme fonction,
2- la famille comme communauté sexuelle,
3- la chose publique comme Etat de justice .
"La société une fonction, dira P.Legendre (1985), eu égard
au matériau de reproduction, l'animal parlant lui-même, à
qui s'adresse l'entité sociale comme figure irrécusable de l'espèce,
mais par le relais d'une domestication normative.
"Que devient alors la famille ? Nous pouvons apprendre à l'observer,
dira Legendre (..) sous un regard détaché (...) en la rapportant
- selon le vocabulaire du XVIIIème siècle, ici plus approprié,
la société domestique - à la logique de la Référence
et de la constitution des images pour le sujet. C'est pourquoi j'emprunterai
à la scolastique post-médiévale, reprise par Kant, la
notion de commerce sexuel afin de situer ce que nous appelons la famille à
sa vraie place dans la structure. (...) ."
P.Legendre sous-entendra que la société moderne, écrasée
par l'économisme triomphant des années 60 et du droit moderne
-expressions de Legendre pour analyser les computs généalogiques
romains ou ecclésiastiques liés au culte de l'interdit (de l'inceste)
des casuistes, "ne peut pas prendre en charge l'héritage post-hitlérien,
la probématique des mal-nés, des dettes vivantes (...) "(Le
justice généalogique et le pouvoir généalogie
des Etats, la fonction de conservation de l'espèce dans la civilisation
du droit civil, étude sur la fonction parentale des Etats, "Les
enfants du texte", Leçons VI, Fayard).
"Les mal-nés, les dettes vivantes"
Amartya Sen, nobel indien de l'économie 1998, dira, à propos
de la théorie eugéniste de la conservation de l'espèce
excluant les mal-nés et les dettes vivantes de Legendre (c'est nous
qui faisons le rapprochement avec les moyens de Legendre) et telle qu' autrement
appréhendée par John Rawls dans Un concept kantien d'égalité
(1975) : "... Rawls justifie l'indifférence envers (les handicapés,
les mal-nés et les désavantagés) par le fait que les
"cas difficiles" peuvent "distraire notre perception morale
en nous amenant à penser aux gens distants de nous, dont le sort suscite
la pitié et l'inquiétude (...)."
"C'est peut être vrai, écrira Amartya Sen, mais les cas
difficiles existent bel et bien, et l'attitude qui consiste à considérer
que les handicaps, les besoins spéciaux en matière de santé,
ou les déficiences physiques ou mentales n'ont aucune pertinence morale,
ou l'attitude qui consiste à ne pas en tenir compte par crainte de
commettre une erreur, peuvent être le meilleur moyen de commettre l'erreur
opposée. (..)
" J'ajouterai néanmoins qu'à mon avis on ne peut pas raisonnablement
différer cette question lorsqu'il s'agit d'élaborer la structure
d'une théorie substantielle de la justice. Les différences de
besoins sont très répandues et elles méritent une place
plus importante dans une théorie de la justice (celle de Rawls)."
("Equality of What ?", Choices, Welfare and Measurment, MIT Press,
1982)
"Le XXème siècle, dira P. Legendre dans son analyse plus
qu'eugéniste de la justice généalogique (qui considèrera,
du reste, la Théorie de la justice de John Rawls -Harvard, 1971, comme
"un discours postiche sur la justice et une imposture"), observé
comme séquence d'histoire de la structure d'Interdit version européenne,
aura été l'ère des essais, communistes et capitalistes,
pour substituer au fonctionnement des Références classiques
un monde sans sacrifiés...
"Nous sortons à peine des holocaustes bolchéviques et nazis,
qui enseignèrent le meurtre politique, sinon comme mode de relation
sociale, du moins comme mode institué de paiement à la Référence,
par conséquent comme solution juste, assortie à ce titre de
toute la panoplie de l'argumentation juridique portée par la tradition
normative occidentale. C'est dans ce contexte d'écroulement des essais
radicaux d'Etats de justice que nous avons à nous situer... (...)
"La culture présente, ayant survécu à celà,
a le plus grand besoin d'une réflexion relative au principe du lien
au rapport de créance et de dette, aux conséquences enfin de
la défaite du Père (...).
"Sous peine de mort, écrira encore Legendre, la mort du sujet
humain, l'espèce parlante impose sa loi, la loi de la parole qui se
confond avec la loi de la différenciation. Le couperet généalogique,
qui distingue les places et impose les filiations, est un couperet de paroles,
en terme savants l'interdit de l'inceste. Mais qui peut justifier ces paroles
et, par elles, assujettir? Aucun individu, l'instance seulement qui les prononce.
Dès lors surgit le gouffre du pouvoir, des règles généalogiques
et leur principe de raison, que savent les dieux et leur substitut moderne,
la théorie." (Le dossier occidental de la parenté, Leçons
IV suite, Fayard, 1985)
Deux concepts juridiques étudiés dans la sociologie du droit
japonais:
- "shi" ou "watakushi" signifie "je, moi privé,
secret et arbitraire, contraire à l'ordre public" et s'oppose
à "messhi-hôkô"
- "messhi-hôkô" signifie "supprimer le moi, matrice
d'un service public voulu résolument sans conscience", autre aspect
de l'entitétisme physique et social.
("Le Surmoi Japonais" et "Le Moi Japonais, binariat, berceau
des règles éthiques de giri" dans "Une esquisse psychanalitique
de l'homme juridique au Japon" de Ichiro Kitamura. Ichiro Kitamura se
recommandera à la fois de la pensée des juristes Pierre Legendre
et Jean Carbonnier - Ichiro Kitamura est professeur de droit à la faculté
de droit de l'université de Tokyo, membre de la société
franco-japonaise de science juridique et auteur dans la Revue Internationale
de Droit Comparé, 24-1987)
Critique du "messhi-hôkô" - I
Exterminer le soi et servir le bien public en tant que base dogmatique de
l'orthodoxie impérialiste de Shiro Ishii (1892-1959), "guerrier
divin pour la paix", médecin-général de l'Unité
731 pour la guerre bactériologique en Chine, d'après les oeuvres
de P.Williams et D.Wallace : "La guerre bactériologique"
(Albin Michel, 1990), et de H.Robert et J. Paxam : "Une manière
supérieure de tuer" (Chatto & Windus, Londres, 1982) .
"1- (...) Comparé à d'autres bacilles pathogènes,
celui de la peste n'est pourtant que modérément contagieux,
mais on peut cultiver les souches les plus virulentes et les rendre encore
plus dangereuses. Le nombre de morts que peut alors causer la peste est hors
de toute proportion avec celui des bactéries disséminées,
et Ishii en déduisit qu'une épidémie de peste pouvait
constituer l'arme décisive à laquelle il rêvait : il suffisait
d'en cultiver les souches les plus virulentes (...)(The problem of Chemical
and Biological Warfare, V.II Weapons Today, Institut de Recherche de la Paix
Interationale, 1973)
"2- (...) Pour Ishii, la peste présentait un autre avantage :
on pouvait en dissimuler l'origine. (...) La peste n'existait-elle pas à
l'état endémique dans de nombreuses régions d'Asie, en
Inde, en Chine et en Mandchourie ? Toutes les conditions étant réunies
pour assurer le plus grand secret, Ishii se mit au travail pour mettre au
point sa première arme bactériologique.
"3- (...) Presque tous les jours une odeur infecte et oppressante recouvrait
l'ensemble de Pingfan. Cette puanteur émanait du saint des saints du
complexe qu'était le bloc Ro. Là au rez-de-chaussée du
bâtiment, on avait installé une vaste fabrique bactérienne,
et c'est de là que filtraient ces relents (...)
"4- (...) L'on commençait par composer un milieu de culture bactérienne
fait de bouillon de viande, d'agar-agar et de peptone, que l'on versait ensuite
dans des appareils inventés par Ishii (...) une fois chargés
ces appareils étaient acheminés (...) jusqu'à des incubateurs
dans lesquels les bactéries se multipliaient dans des conditions optimales
de température et d'humidité. (...) Il fallait attendre deux
jours pour récolter cette moisson de mort : elle se présentait
sous la forme d'un coulis blanc laiteux (...) Lorsque le service n°4 fonctionnait
au maximum (...) il était théoriquement possible de produire
300 kilos de germes de la peste. (Documents du procès de Khabarovsk
d'ex-militaires de l'armée japonaise accusés d'avoir fabriqué
et utilisé des armes bactériologiques, ed. de Moscou, 1950)
"5-(...) A Lin-k'ou et Hailin, on obtenait en série, avec les
mêmes méthodes, des bacilles de la typhoïde, de la paratyphoïde,
de la dysentrie et du choléra. Lors de l'apogée de l'Unité
731 (Pingfan), la production des bactéries fut telle que, si elle avait
été utilisée, les épidémies déclenchées
auraient pu tuer plusieurs fois toute la population du globe terrestre.
"6- (...) Il existait plus d'une douzaine de variétés de
puces qui piquent naturellement l'homme, et Ishii se mit immédiatement,
dès 1941, à rechercher laquelle pourrait être le véhicule
idéal de ses cultures de peste. Or, pour obtenir un grand nombre de
puces et les nourrir, il fallait capturer et faire multiplier d'énormes
quantités de rats, ce qui devint la tâche principale du "bâtiment
des animaux" que dirigeait Mitsuo, le frère ainé d'Ishii.
"7- (...) L'élevage de rats avait deux objectifs : celui de nourrir
les puces, celui de préserver la virulence des bacilles. De fait des
dizaines de milliers de rongeurs furent entassés dans le "bâtiment
des animaux". (Tsuneshi, Keiichi, "l'Unité de guerre biologique
qui disparut", Kaimei-Sha, Tokyo, 1981)
"8- (...) On calcula qu'une puce avalait cinq mille bacilles de peste
en une succion de sang d'un rat moyennement malade, c'est-à-dire lorsque
le sang de ce dernier contenait cent millions de micro-organisme par millilitre.
Ces bacilles continuaient à se multiplier dans les voies digestives
de la puce, si bien que quelques jours plus tard, on distinguait déjà
au microscope des formations infectieuses dans l'estomac de l'insecte. Puis
l'estomac se soulevait, obstruait la gorge et l'oesophage, lesquels se distendaient.
C'est à ce stade de la maladie que la piqûre de la puce devient
infectante. En effet, les parois de son pharynx et de son gosier se contractent
quand elle arrête d'aspirer le sang, et elle régurgite ainsi
dans la blessure qu'elle vient de causer dix à vingt quatre mille micro-organismes
dont certains passent dans le sang de leur nouvel hôte. Si ce dernier
est prédisposé, il contracte immédiatement la peste bubonique
ou septicémique. Ishii constata qu'une puce infectée et dont
le gosier était ainsi bloqué survivait un mois, et qu'une seule
de ses piqures pouvait alors être mortelle. ("Plague-The Vector",
Encyclopaedia Britannica, William Benton, Londres, 1964)
"9- (...) Le service n°2 disposait de quatre locaux spéciaux
pour l'élevage industriel des puces. (...) Des jarres étaient
bourrées de pailles de riz pour que les puces restent bien à
l'intérieur, puis l'on introduisait quelques puces ainsi qu'un rat
blanc qui leur servirait de nourriture. Le rat était immobilisé
de sorte qu'il ne puisse détruire les puces. Les puces seraient plus
tard enfermées dans des bombes en porcelaine et en céramique,
lancées d'avions et explosant avant de toucher le sol (1943-1944).
Le taux de survie des puces après explosion était de 80%. Et
leur piqure était désormais mortelle.
"D'autres bombes en céramiques, porteuses de bactéries
de tétanos et d'anthrax, furent considérées comme utilisables
sur le front. Celles chargées de germes de typhoïde et de dysenterie
concerneraient des attaques sur l'arrière des lignes. ("Procès
des ex-militaires japonais et armes bactériologiques à Khabarovsk,
1949, ed. de Moscou, 1950)
"10- (...) La bombe Ha devait répandre de l'anthrax pulmonaire
sur les champs de batailles; elle était mortelle pour les hommes et
les animaux.
"(...) Les bombes à puces Uji s'attaquerait à la population
civile et au bétail. Des centaines d'expériences eurent lieu
dans le plus grand secret avec les bombes I, Ro, Ha, Ni, U, Uji, Uji-50, Uji-100
et Ga en verre. (...) L'on étudia plus encore le boutulisme, la brucellose,
le choléra, la dysenterie, la gangrène gazeuse, la morve, la
grippe, la méningite cérébro-spinale, la salmonellose,
la variole, le tétanos, l'encéphalite provoquée par la
tique, la tuberculose, la tularémie, la typhoïde, le typhus et
d'autres agents toxiques tels le fugu, la fièvre hémorragique
et le tsutsugamushi. (Thomson, Lt.col. Arvor.T. "Rapport sur la guerre
bactériologique japonaise, Forces du Service de l'Armée, Camp
Detrick, Maryland, 1946)
"11- (...) En parlant des possibilités d'infecter les produits
alimentaires, Ishii déclarera qu'il sera effectué des recherches
utilisant des bacilles de choléra, de dysenterie, de typhoïde
et de paratyphoïde afin d'infecter des légumes, des fruits, du
poisson et de la viande. L'on crééra même un groupe de
sabotage au sein de la 2ème division des Forces Terrestres du Quartier
Général Impérial... l'on utilisera des stylos injecteurs
de bactéries, du chocolat infecté de bacilles d'anthrax et,
en association avec l'Institut de recherches techniques de la IXème
armée, l'unité de Ishii travaillera au lancement de plusieurs
ballons géants porteurs de germes qui traverseront le Pacifique jusqu'aux
Etats Unis." (Procès des ex-militaires japonais à Khabarovsk,
1949 ; Bacteriological Warfare, Sunday Mainichi, 27 janvier 1952 ; Rapport
de la Commission scientifique internationale pour l'enquête sur les
faits concernant la guerre bactériologique en Chine et en Corée
(ISC), Pékin, 1952)
Critique du "messhi-hôkô" - II
Exterminer le soi et servir le bien public en tant que base dogmatique de
l'orthodoxie fasciste du maître zen Yasutani Hakuun (1885-1973)
"Il va sans dire, écrit le maître zen Yasutani Hakuun, que
les dirigeants du Syndicat des enseignants sont à l'avant-garde des
faibles d'esprit (...) de concert avec les quatre partis politiques de l'opposition,
le Syndicat des travailleurs de la fonction publique, l'Association des jeunes
juristes, la Ligue des citoyens pour la paix au Vietnam, etc., ils ont entrepris
de trahir la nation... Les universités que nous avons doivent être
écrasées une bonne fois pour toutes. Si la Constitution actuelle
ne permet pas de le faire, il faut se dépêcher de la déclarer
nulle et non avenue, car c'est une constitution non japonaise qui fait beaucoup
de tort à la nation, un faux et un rejeton bâtard des forces
d'occupation alliées (1951)(...)
"Que faut-il faire par exemple quand il devient nécessaire, pour
se débarasser de mauvaises influences et servir les intérêts
de la société de tuer des oiseaux, des insectes, des poissons,
etc., ...ou en allant plus loin, de condamner à mort des individus
extrêmement malfaisants et brutaux, ou encore d'engager la nation sur
le chemin de la guerre totale ?
"Les gens qui comprennent l'esprit des preceptes (bouddhistes) mahayana
devraient pouvoir répondre à cette question sans hésitation.
Bien évidemment, il faut tuer, tuer le plus grand nombre possible.
Il faut se battre durement et tuer tout le monde dans l'armée ennemie.
Et ceci parce que, pour amener la compassion et la soumission filiale jusqu'à
leur perfection, il est nécessaire de venir en aide au bien et de punir
le mal.Toutefois, lorsqu'on tue, il faut avaler ses larmes et garder présent
à l'esprit le principe consistant à tuer et en même temps
ne pas tuer. Ne pas tuer un homme mauvais qui doit être tué ou
ne pas détruire une armée ennemie qui doit être détruite
reviendrait à trahir la compassion et la soumission filiale, à
violer le précepte interdisant de ne pas tuer. C'est une caractéristique
spéciale des préceptes mahayana. (...) (Quant aux Juifs) nous
devons savoir que les Juifs ont des enseignements démoniaques affirmant
par exemple (l'existence de) l'égalité dans le monde phénoménal,
troublant ainsi l'ordre public dans notre société nationale
et détruisant l'autorité (du gouvernement)(...)" ("La
crise des affaires humaines",Yasutani Hakuun cité dans "Le
regard des japonais d'après-guerre sur le bouddhisme", "Le
zen en Guerre", Victoria, 2001)
MARUTAS
"12- (...) La prison (de l'Unité 731) était une vraie vision
de l'enfer. Par un juda aménagé dans la porte d'acier de chaque
cellule, les gardiens vérifiaient l'état des "marutas",
ce qui signifie en japonais "la bûche, la bille de bois"(en
tant qu'une entité physique). Ils voyaient des membres pourris, des
bouts d'os qui pointaient hors des chairs noires de nécrose. D'autres
suaient dans une fièvre atroce, se tordant et gémissant de douleur.
Ceux qui souffraient d'infections respiratoires ne faisaient plus que tousser.
D'autres avaient le corps gonflé, d'autres encores étaient squelettiques,
et il y en avaient couverts de blessures ouvertes ou de cloques... Les japonais
mettaient souvent un maruta infecté avec d'autres prisonniers en bonne
santé afin de vérifier la facilité avec laquelle se propageait
la maladie. Un maruta n'avait aucune possibilité de s'évader
ni d'échapper à l'inoculation d'une maladie contagieuse. (...)
"(...) Pour les services commémoratifs l'on prenait un prêtre
bouddhiste parmi les soldats du camp". (Morimura II, Ch.1, section :
"The "logs" supply route" ou "la route d'approvisionnement
en marutas" et "3000 personnes furent sacrifiés -aux expériences-
à Pingfan", documents du procès de Khabarovsk, 1949, ed.
de Moscou, 1950)
"13- (...) Le détachement 731 (appelé également
unité Ishii, unité Togo, unité Kamo, unité 25202
de Mandchourie, unité de fourniture d'eau et de prévention des
épidémies de l'armée de Kwantung) fut formé sur
l'ordre donné en 1936 par l'empereur du Japon Hirohito. Cet ordre de
l'empereur fut imprimé et distribué à toutes les unités
de l'armée japonaise pour l'information de tous les officiers."
Critique du "messhi-hôkô" - III
Le projet civil et militaire shintô de l'empereur Hirohito et le "non-ego"
bouddhiste, en tant que, selon Ichikawa Hakugen (bonze contestataire) , "principe
théorique et moral au service de l'impérialisme (testamentaire)
du mikado".
Taisho - L'Ere de la Grande Justice, 1912-1926
"En sortant du sanctuaire (noël 1926), après avoir déclaré
ses intentions à ses ancêtres, Hirohito avait accompli la cérémonie
qui le couronnait empereur aux yeux de son peuple. Ce soir là, dans
le petit Versailles du palais d'Asaka, il prit un pinceau et rédigea
le premier brouillon d'un texte décrivant les aspirations de son règne
:
"1- Simplicité au lieu de l'ostentation,
"2- Originalité au lieu de l'imitation aveugle,
"3- Progrès en vue de cette période d'évolution,
"4- Maintien au niveau de l'essor de la civilisation,
"5- Harmonie nationale dans les desseins et dans l'action.
Le 4 Juin 1921, lors de son voyage en Europe, Hirohito inspectera les Invalides
(l'histoire scolaire japonaise retiendra qu'il emportera au Japon un buste
de Napoléon, mais aussi les bustes de Darwin et de Lincoln), qu'il
visitera les principaux champs de batailles (d'Ypres à Verdun), l'Ecole
Française d'Artillerie et la plupart des établissements militaires
nationaux sous la direction de Pétain.
Le 7 juin, Hirohito organisera, avec l'un des chefs des services secrets des
armées, le prince Higashikuni, et au service du grand projet militaire
et industriel asiatique : "Conquérir, Evoluer, Libérer",
deux réseaux d'espionnage à Paris, l'un pour le compte du 1er
ministre japonais Yagamata, l'autre pour renverser ce même Yagamata.
"Le peuple japonais doit devenir le centre du tourbillon qui libèrera
le monde, écrira le Dr. Okawa Shumei en 1920 dans l'hebdomadaire "War
Cry". La nation japonaise est destinée à accomplir la révolution
mondiale. La réalisation de cet idéal et la réorganisation
du Japon sont l'oeuvre des esprits. Nous croyons que notre devoir ne prendra
pas fin avec la révolution ou la réforme du Japon seul mais
nous devons commencer par la réforme de notre nation car nous avons
foi en sa mission qui est de libérer l'univers".
Le Dr. Okawa Shumei jouera un rôle particulier dans le grand projet
militaire et scientifique du Japon impérial (Etat de justice). Idéologue
révolutionnaire et philosophe orientaliste, linguiste sanscritiste
et helléniste (il possèdera également le chinois, l'arabe,
le français et l'anglais), il sera l'un des chefs de l'organisation
terroriste "Société du Dragon Noir" (qui propagera
l'assassinat politique idéalisé dans toute l'Asie, son chef
suprême étant l'assassin impérial Toyama Mitsuru, protecteur
du banquier nationaliste chinois Tchang Kaï-Chek, lui-même protecteur
de Sun Yat Sen).
Il sera également le directeur de l'Ecole d'Endoctrinement (de l'élite
administrative, scientifique et militaire secrète) du Palais Impérial
(située dans la maison même de la météorologie
impériale sur le site fortifié du Grand Palais de Tokyo) sous
le commandement du comte Makino Nobuaki, organisateur des conspirations jusqu'en
1935. Le comte Makino Nobuaki sera chef de l'escorte impériale, ministre
du Sceau Privé et principal conseiller civil d'Hirohito.
Le 27 octobre 1921 (Hirohito est rentré de son voyage européen
le 3 septembre) le prince Higashikuni mettra sur place une nouvelle organisation
terroriste impériale à Baden-Baden. Elle jouera un rôle
international non négligeable durant les "trente années
de guerre, 1921-1951" avec pour chefs Nagata Tetsuzan, Obata Tashiro
et Okamura Yasuji, les "Trois Corbeaux".
Cette organisation ultramilitariste aura pour principal objectif, dans un
premier temps, de libérer l'armée impériale de sa faction
traditionnaliste samuraï, des anti-impérialistes, des chefs constitutionnalistes...
et de faire "payer" les cartels industriels et banquiers pro-américains
qui refuseront de financer l'effort de guerre en Chine et en Mandchourie.
Trois d'entre les "onze assassins" (hommes de confiance recrutés
par les Trois Corbeaux) seront jugés comme criminels de guerre de catégorie
A (crimes majeurs) lors du procès de Tokyo et pendus en 1948, citons
Tojo, Itagaki Seishiro et Doihara Kenji. Isogai Rensuke (l'un des onze assassins
de l'empereur) qui assumera la responsabilité de la défaite
dans la guerre de frontière contre la Russie en 1939, sera nommé
Gouverneur Général de Hong-Kong après la Seconde Guerre
mondiale. Durant les années 1970 sa notoriété ne décroitra
pas (...). ("La conspiration de Hirohito", David Bergamini, Fayard,1973)
Critique du culte de la paix bouddhiste par le "non-ego" et du
service du bien public japonais en Chine.
"1- (...) On se rappellera, écrit le bonze Brian Victoria dans
"Au sein de la sphère de copropospérité de la grande
Asie de l'Est", que la branche (bouddhiste) du Jodoshinshu (secte shin)
Higashi-Hongan-ji avait ouvert un temple à Shanghaï dès
1876 et fondé une mission en Corée en 1877. La victoire sur
la Chine et la Russie ayant consacré l'expansion du Japon sur le continent,
ces initiatives de la secte shin ont pris par la suite un prodigieux essor.
"2- En 1918, la branche Nishi-Hongan-ji (également secte shin
et de laquelle relève historiquement Ryukoku University) possédait
34 missions en Corée et celle du Higashi-Hongan-ji, 58. En 1941, elles
en avaient respectivement 53 et 80 en Mandchourie.
"3- (...) En 1937, l'aristocrate Otani Sonyû (1886-1939), chef
administratif du Nishi-Hongan-ji, acceptera le portefeuille des Affaires Coloniales
dans le premier cabinet du prince Konoe Fumimaro (lequel se sachant accusé
de crimes de guerre par le tribunal allié, se suicidera en 1945) et
prendra par la même occasion la responsabilité directe de la
gestion de l'empire japonais ; Sonyû sera aussi président de
l'Entreprise pour le Développement de la Chine du Nord afin d'assurer
l'exploitation des zones récemment conquises en territoire chinois.
(...) La famille Otani, héritière de la tradition institutionnalisée
Shinran et branche de la famille impériale, sera également un
puissant actionnaire de la Société du chemin de fer de la Mandchourie
du sud.
"4- (...) Le travail missionnaire sur le continent n'était pas
non plus l'apanage de la secte shin. La secte soto du zen (...) qui avait
fondé sa première mission en Corée en 1904, en possédait
31 en 1912 et plus de 100 à la fin de la guerre. En 1907 elle s'attèlera
à la tâche en Mandchourie, pour atteindre un total de 37 misions
en 1940.
"5- L'année 1907 inaugurera également la fondation de la
première mission en Mandchourie de la secte nichiren, elle en aura
20 à la fin de la guerre. La secte Jôdô ouvrira quant à
elle son premier temple en Chine en 1905, tandis que plus de 300 missionnaires
appartenant à la secte ésotérique shingon stationneront
en divers endroits de Chine et de Mandchourie pendant les années de
guerre (...)." (Le zen en guerre, Brian Victoria, seuil, 2001)
Trois éléments pour une étude de la paix civile antique
et des sciences militaires appliquées
(1) Le culte de la paix civile antique sur la base de "l'efficace par
la guerre" de l'empereur Justinien.
(2) Le culte de la paix civile sur la base des "projets militaires ordinatorisés"
(structure axiale métaphorique de la psychologie durant la guerre froide
aux Etats-Unis) selon Paul N. Edwards.
(3) Le culte de la paix civile sur la base stratégique du "messhi-hôkô"
(de l'extermination du soi pour le bien du service public) pour la reconstruction,
l'industrialisation civile et militaire du Japon et la défaite du communisme.
La voie civile et militaire du Dr. Vannevar Bush (1890-1974)
En 1927, Vannevar Bush conçoit au MIT "l'analyseur différentiel",
l'un des premiers ordinateurs analogiques à pouvoir résoudre
des équations simples. En 1932, Bush est nommé vice-président
et doyen du MIT et en 1938, président de l'Institut Carnegie de Washington
(DC.).
En 1940, il rencontre le président Roosevelt. De cette rencontre naît
le National Defense Research Committee (NDRC) qui a pour mission de guider
le gouvernement, l'armée, l'industrie civile et les scientifiques du
plus haut niveau dans la recherche militaire.
En 1941, Vannevar Bush, nommé par Harry Truman directeur de l'effort
de guerre de plus de 6000 scientifiques (coiffant à ce titre le projet
Manhattan), dirige l'Office of Scientific Research and Developement (OSRD)
qui a juridiction sur le NSRD. Dans le courant de la guerre Bush met au point
un nouvel ordinateur analogique qui simplifiera les tables de calculs de tir
de l'artillerie americaine, le Rockefeller Differential Analyser.
En 1945, il invente Memex dont l'objet consiste à étendre la
mémoire humaine en permettant l'organisation d'informations par associations
(As We May Think, 1945). Memex sera la base technologique militaire de l'hypertexte.
En 1947, Bush sera nommé directeur d'AT&T puis, en 1948, directeur
de Merck & Co (pionnier pour le développement d'une culture juridique
des DPI, Droits de Propriété Intellectuelle, de l'IPC, Intellectual
Property Committee et de l'ATCC, American Type Culture Collection commerciale)
tout en présidant le Development Board of the National Military Establishment.
En 1950, il créra la National Science Foundation (NSF) et présidera
de façon exécutive la MIT Corporation de 1957-1959 puis en tant
que président honoraire jusqu'en 1971 (son discours fondateur As We
May Think est accessible sur de nombreux sites http://www.ibiblio.org/pioneers/bush.html
, http://www.LivingInternet.com/i/ii_bush.htm
, consulter également "On the Trail of the Memex", Vannevar
Bush, Weblogs and the Google Galaxy, http://www.dichtung-digital.org/2003/issue/1/jerz/)
Le dix-huitième chapitre de P.Williams et D.Wallace.
"(...) Si, après la guerre, les américains se sont généralement
opposés à la nomination des militaires de haut rang, ex-chefs
de l'unité 731, aux postes universitaires les plus élevés,
les chercheurs civils mobilisés dans cette unité et tous les
savants associés à leurs travaux ont repris librement leur vie
universitaire distinguée (...)"
Cette option constituera la trame scientifique et juridique des tractations
commerciales entre les services scientifiques militaires de Camp Detrick,
l'US Army's Chemical Corps, les principaux laboratoires des universités
privées japonaises, l'industrie civile et militaire chimique japonaise,
américaine, allemande, anglaise, force de frappe de l'effort de guerre
à l'est comme à l'ouest.
Les tractations concerneront essentiellements les activités de la pétrochimie,
de la chimie de base et de la chimie de spécialités :
1) la pétrochimie et la chimie de base : chimie organique, chimie minérale,
produits optiques, aluminium, caoutchoucs, synthétiques, polyester....
2) la chimie de spécialités :
a) la chimie fine : teintures, matières
premières pour les produits pharmaceutiques, caoutchoucs organiques,
pigments, agents pour le traitement de l'eau...
b) l'agrochimie : insecticides, fungicides,
herbicides, fertilisants, régulateurs de croissance...
c) la pharmacie : médicaments (cardiovasculaires,
respiratoires, antibiotiques, hormones, vitamines, pharmacopée des
maladies du système nerveux central, immunologie...), produits vasculaires,
réactifs pour diagnostics...
Les zaibatsu (trusts japonais pré-1945) Mitsubishi, Mitsui, Sumitomo,
Fuyo, Takeda, Yamanouchi, Tanabe, etc. seront au coeur des "joint venture"
passés en 1946 pour le financement de la recherche industrielle civile
et militaire (japonaise et occidentale) et la recherche de l'université
privée (creuset de la réhabilitation des chercheurs civils de
la guerre chimique et bactériologique en Chine et en Mandchourie).
Le Tokyo Business Today de mai 1989 (année du décès de
l'empereur Hirohito) fera, par exemple, état du "joint venture"
entre Mitsubishi et Monsanto; et les sites internet de la pétrochimie,
de la chimie de base et de la chimie de spécialités japonaises
de l'année 2003 montreront clairement l'évolution des montages
financiers japonais d'avec les filiales (parfois récentes) de chaque
maison mère de l'industrie chimique militaire américaine, allemande
ou anglaise de 1946.
Mitsubishi Chemical America (maison mère fondée en 1834) se
liera, par exemple, aux géants Mytex Polymers US, Exxon Chemical Corporation,
Honeywell; Mitsui Chemical America (maison mère fondée au XIIème
siècle) se liera à Cytec Industries Inc.; dès 1985, Sumitomo
Chemical (maison mère fondée au début du XVIIème
siècle) se liera à ICI, Upjohn, SmithKline Consumer Products,
Mediphysics, Wellcome, Pfizer, Didronel, Procter&Gamble, Bio-technology
General Corps, Bayer Cropscience AG, etc... ; Takeda Chemical Industrie (maison
mère fondée en 1781) fondera le géant TAP Pharmaceuticals
aux USA et se liera au géant Lederle US et à l'allemand Gruenthal
GmbH ; Yamanouchi (maison mère fondée en 1923) s'associera à
Merck & Co, Rhône Poulenc, Genetics Institute, Shaklee Corps et
Roberts ; Tanabe (maison mère fondée en 1678) deviendra un conglomérat
réputé dès 1946 pour sa production en continue d'acides
aminés... et dès 1980 pour ses recherches fondamentales sur
le génome humain. Tanabe s'associera aux géants Hoescht Marion
Roussel US, Sandoz et Rhône Poulenc.
(sur la doctrine du très collabo patronat japonais cliquer Nippon
Keidanren ).
L'unité 731 pour les expérimentations humaines en Mandchourie
et la recherche civile au Japon
"(...) Le Dr. Kiyoshi Asanuma, qui visita Pingfan en 1942-43 (Unité
731 pour les expérimentations humaines en Mandchourie) et qui identifia
la tique comme vecteur de la fièvre hémorragique, est entré
aussitôt après (la fin de la guerre) à l'Institut de la
recherche des ressources naturelles*. Son compagnon lors de ce séjour
"entomologique" à Pingfan, le docteur Asahina, est devenu
au ministère de la Santé et de l'Hygiène publique chef
du Service entomologique des laboratoires de recherche pour la prévention
des maladies. (*"Les Etats-Unis ont soutenu les tests bactériologiques
Japonais sur les malades mentaux", Observer, 21 août 1983)
"Le Dr. Kenichi Kanazawa, auteur d'expériences avec les tiques
Songo, est devenu, à son retour au Japon, chef du service des recherches
de la société pharmaceutique Takeda. ("L'unité de
guerre bacteriologique qui disparut", Tsuneishi, 1981)
"Le Dr.Koji Ando, chef à Dairen du Service des vaccins de l'Unité
731, est devenu professeur à l'Institut de recherche des maladies infectieuses
(ex-Den Ken) à l'université de Tokyo. ("L'unité
de guerre bactériologique et le suicide de deux médecins",
section "La famille dépossédée", Asano, 1982)
"Le Dr.Tsunesaburo Fujino, ex-membre du détachement de Singapour,
reparut comme professeur de l'Unité de recherche biologique de l'université
d'Osaka.
"Le Dr. Tachiomaru Ishikawa, pathologiste, a tranquillement emporté
de l'unité 731 des milliers d'échantillons pathologiques humains.
Professeur depuis 1944 à l'université de Kanazawa, il l'est
resté sous le régime américain. Devenu dans les années
1970 président de la faculté de médecine de cette université,
il a fallu que des étudiants au courant de son "palmarès"
de guerre fassent échouer la proposition d'un journal local, le Hokuriku
Shinbun, qui voulait que lui soit remise une médaille pour sa "contribution
à la société".
"Le professeur Ren Kimura, bactériologiste, maître de thèse
d'Ishii pour son doctorat à l'université de Kyoto, responsable
d'avoir recruté de tout jeunes docteurs pour les besoins de l'Unité
731, a été nommé après la guerre directeur de
la faculté de médecine de Nagoya. Après avoir reçu
le prix de l'Institut académique du Japon, il a été nommé
membre de l'Académie des Sciences de New-York. ("La famille dépossédée",
Asano, 1982)
"Le Dr. Masao Kusami, chef de l'équipe de pharmacologie de l'Unité
731, fut lui aussi nommé professeur de pharmacologie. Il enseigne à
l'université de Showa.
"Le Dr. Toru Ogawa, chercheur à la sous-unité de Nankin
(de l'Unité 731) où il travaillait sur les micro-organismes
de la typhoïde et de la paratyphoïde afin d'empoisonner l'eau potable
et les vivres de l'ennemi, a continué paisiblement ses recherches avec
son frère Jiro à la faculté de médecine de la
préfecture de Nagoya. ("Les Etats-Unis ont appuyé les essais
bactériologiques japonais sur les malades mentaux", Observer,
21 aout 1983)
"Le Dr. Kozo Okamoto, chef de l'équipe de pathologie de Pingfan
(1938-1945), où il dirigea des expériences de vivisection sur
des prisonniers, devint professeur à l'université de Tokyo,
directeur du département de médecine, puis professeur émérite
à cette même université avant d'être nommé
directeur du service de médecine à l'université Kinki
d'Osaka. (Ibid et Who's Who of Contemporary Japanese, 1963)
"Le Dr. Takeo Tamiya, le "chercheur de cerveaux" à l'université
de Tokyo pour le compte d'Ishii, allait ensuite acquérir une renomée
mondiale avec ses recherches sur les maladies infectieuses causées
par les rickettsies (rachitisme). Il devint aussi le premier directeur général
de l'Institut National Japonais du Cancer et président de l'Association
des médecins Japonais. (Ibid et Who's Who, 1963)
"Le Dr. Hideo Tanaka, expert en matière d'élevage intensif
de puces, directeur de la faculté de médecine d'Osaka, reçut
en mars 1979, l'Ordre du Soleil Levant.
"Le Dr. Yoshi Tsuchiya, chef du service des diagnostics du détachement
de Nankin, dépendant de l'Unité 731, devint professeur honoraire
de l'université de Juntendo. ("L'unité anti-épidémique
de fourniture d'eau en Chine centrale", Asano, 1982)
"Le Dr. Toshikazu Yamada, directeur du Den-Ken Mandchou, détachement
issu de la première unité bactériologique de l'Unité
731, devint professeur à l'université de Kumamoto, et pendant
un temps directeur des services de l'hygiène de la ville de Yokohama.
"Le Dr. Taboku Yamanaka, technicien civil attaché en 1940 à
la sous-unité de Nankin (de l'Unité 731), devint le doyen de
la faculté de médecine d'Osaka et en 1974 le quarante-septième
directeur de l'Association de Bactériologie du Japon.
"Le Dr. Hisato Yoshimura, qui gela des prisonniers jusqu'à ce
qu'ils meurent pour étudier sur eux les effets du froid, devint membre,
puis président de la faculté de médecine de Kyoto, conseiller
de l'expédition antarctique Japonaise, et président de la Société
météorologique. Comme on lui reprochait en 1978 ses crimes en
Mandchourie, il démissionna de cette dernière société
pour des raisons de santé (tuberculose). Cela ne l'empêcha pas
de recevoir l'Ordre du Soleil levant de 3ème classe. Il fut ensuite
président de l'université féminine de Kobe, et conseil
d'association pour la promotion de la nourriture congelée. Aujourd'hui
il ne nie pas qu'il a participé à des expériences de
congélation sur des "marutas", qui, prétend-il, étaient
payés pour leurs services. Il parle même d'un bébé
que sa mère aurait offert "volontairement" comme sujet d'expérience.
("Les Etats-Unis ont appuyé les essais bactériologiques
du Japon sur les malades mentaux", Observer, 21 aout 1983)
"(...) Le Dr. Masahiko Takahashi, le grand spécialiste de la peste
à Pingfan, devint médecin généraliste puis directeur
d'une clinique à Mobara, dans la prefecture de Chiba.
"(...) Lorqu'éclata la guerre de Corée, Ryoichi Naito (Unité
731), l'ancien interprètre de Murray Sanders, médecin militaire
de Camp Detrick chargé de percer le secret de la guerre bactériologique
au Japon avant le procès de Tokyo (Sanders aura le prix nobel de Biologie
-bactériologie et virologie- en 1967), fonda la Banque Japonaise du
Sang et Kitano (qui succéda à Ishii comme chef de l'Unité
731) devint chef de la filiale à Kyoto.
"Naito fit de sa Banque du Sang une multinationale : la Société
de la Croix Verte, dont le siège est à Osaka et qui emploie
de nombreux ex-membres de l'Unité 731. La Croix Verte est devenue un
géant pharmaceutique qui fabrique, en plus de l'interféron,
du plasma et du sang artificiel.(...) Naito en sera président en 1973.
(...)
"Membre de l'Académie des Sciences de New-York, Naito, en 1963,
reçut le prix de la Société Japonaise des Sciences pour
son oeuvre "de pionnier du sang artificiel". Se rappelle-t'il qu'à
Pingfan, ses chercheurs ont une fois rempli de sang de cheval des prisonniers
transformés en cobayes humains au cours d'un premier essai pour trouver
un produit de substitution au sang humain ? (...) En avril 1977 Naito fut
décoré de l'Ordre du Soleil Levant. Il mourrut en 1982. la Croix
verte envisage de construire à Los Angeles un nouveau complexe qui
portera le nom du docteur Naito.
"Le Dr. Sueo Akimoto, jeune sérologiste affecté, lors de
sa mobilisation à la fin de la guerre, à Pingfan, a écrit
un livre sur la déontologie médicale avant d'abandonner sa carrière
universitaire à la suite d'un traumatisme subi à Pingfan et
des remords qui le torturaient : "... Je regretterai jusqu'à ma
mort (...) Ces gens étaient mes amis et je n'ai pas eu le courage de
les condamner...Il est étonnant que ces gens n'aient pas honte. Leur
travail en Mandchourie n'avait rien à voir avec le patriotisme. C'était
le résultat d'un élitisme monstrueux."
("La guerre bactériologique", P.Williams et D. Wallace, 1990,
et quelques photographies de médecins et chercheurs civils de l'Unité
731...)
Dr. Okamoto / Dr. Tanaka / Dr. Yoshimura / Dr. Naito / Dr. Yagisawa //// photos sources : (1) |
Meiji Tenno (Empereur) / Taisho Tenno / Showa Tenno (Hirohito) / Showa Tenno (Hirohito)(2) / (2) |
La dernière photographie d'Ishii en uniforme, 1946 (1) (1) "La guerre bactériologique" P.Williams, D.Wallace, Ed. Albin Michel (2) "La conspiration de Hiro-Hito" D.Bergamini, Ed. Fayard |
::: la fin du chapitre 4 :::