Etat des luttes contre le crime organisé mafieux
Pour la liberté de la recherche
et de la presse dans la lutte contre la mafia.
Entretien exclusif avec le Professeur Umberto Santino, Président
de Centro Siciliano di Documentazione "Giuseppe Impastato",
Palerme, réalisé par Chistian Pose, traduit de l'italien
par Nathalie Bouyssès.
En mémoire de Giuseppe Impastato et des victimes du crime organisé
mafieux, Tokyo/Palerme, 12 avril 2006 (fr. it.)
Deux événements historiques d'importance, cet entretien
s'est achevé alors que la coalition de centre-gauche de Romano
Prodi semblait victorieuse à l'Assemblée et au Sénat
mettant un terme au "berlusconisme" symbole, dira le Pr. Santino,
de la "légalisation de l'illégalité", alors
que, étonnante symétrie, la police italienne annoncait l'arrestation
de Bernardo Provenzano, chef suprême de Cosa Nostra (mafia sicilienne)
dernier "parrain" historique de l'association criminelle après
42 ans de cavale...
En
italien
Question 1 :
Professeur Santino, pouvez-vous nous parler de "L'alleanza e il compromesso"
(1997), nous rappeler le contexte sociopolitique et sociohistorique de
cet ouvrage très important, de son objectif et des poursuites en
justice dont vous avez fait et faites l'objet ?
Umberto santino :
J’ai publié, en 1997, L’alleanza e il compromesso,
un livre réunissant la documentation de deux de mes dossiers (le
premier présenté à Strasbourg en 1984, le deuxième
à Rome en 1989) qui concernaient le parlementaire européen,
mêlé aux milieux mafieux, Salvo Lima. Je faisais, dans ce
livre, une analyse des rapports entre la mafia et la politique, m’appuyant
également sur des actes judiciaires du procès Andreotti.
Dans cette analyse, le rapport mafia-politique est, à double titre,
intrinsèquement lié au phénomène mafieux.
D’abord parce que la mafia est un sujet politique dans la mesure
où elle exerce un pouvoir sur un territoire déterminé
et en contrôle les activités autant que les relations personnelles.
Dans une deuxième mesure, la mafia joue un rôle politique
à travers le système de rapports qu’elle a instauré
avec certaines personnes de l’administration publique, des partis
politiques et des institutions. Je publiais également, dans ce
livre, les réponses apportées par Lima à ces dossiers
; un cas d’espèce puisqu’il n’existe pas d’autres
réponses écrites de Lima aux accusations qui lui ont été
reprochées. Lima soutenait qu’il n’était impliqué
dans aucun procès judiciaire. Je répondais que mes dénonciations
concernaient des relations avérées avec des hommes de la
mafia et que, même si ce fait n’était pas criminel,
il était cependant grave sur le plan ethico-politique.
J’ai également utilisé, en partie, dans ce livre,
un texte anonyme concernant l’ancien ministre démocrate-chrétien
Calogero Mannino, tout en précisant clairement que les textes anonymes
émanaient en général, directement ou indirectement,
du monde mafieux et qu’il était impossible de distinguer
la vérité du mensonge. Mannino m’a assigné
en procès civil, soutenant que je m’étais approprié
les accusations de cet auteur anonyme. J’ai été condamné
en première instance et en appel à une sanction pécuniaire
modeste. Le jugement de première instance stipulait que le simple
fait de citer un document, même si on ne le cautionne pas, était
diffamatoire ; quant au jugement d’appel, il prétend que
je n’ai pas respecté le principe de vérité
: j’aurais dû m’assurer qu’il y avait eu un prononcé
définitif du tribunal. En Italie, l’arrêt définitif
est rendu par la Cour de Cassation et arrive de longues années
plus tard. Les journaux pouvaient donc cesser de paraître, seuls
les descendants pourraient effectuer des recherches.
Souvent, au cours des dernières années, des hommes politiques
ont eu recours au jugement civil, lequel ne consiste qu’en l’échange
de documents et ne prévoit ni débat ni approfondissement.
C’est ainsi qu’a agi le président de la province de
Palerme, le parlementaire européen Francesco Musotto à l’encontre
du politologue Claudio Riolo, et c’est ainsi qu’a agi Mannino
à mon encontre. Après le jugement de première instance
de 2001, Riolo et moi, avec l’aide de certaines associations, avons
lancé une campagne pour la liberté de la recherche et de
la presse dans la lutte contre la mafia, et avons soutenu le fait que
des problèmes de ce type devaient davantage être discutés
devant un jury d’honneur que devant des tribunaux, et que les sanctions,
au lieu d’être financières, l’honorabilité
n’étant pas un produit de supermarché, devraient consister
en des réponses, des éclaircissements, des corrections ou
des ajouts. Nous souhaitons poursuivre cette campagne parce que nous considérons
comme absolument nécessaire, dans une société démocratique,
d’analyser les rapports entre la mafia et le contexte social et,
par-dessus tout, avec la vie politique.
Question 2 :
Vous avez travaillé avec la Commission Parlementaire anti- mafia,
quelles critiques faites-vous de la Commission et de l'appareil législatif
et judiciaire italien spécifiquement anti- mafia régional
et municipal ?
Y a-t-il des points positifs malgré tout, des relais pour les acteurs,
chercheurs, politiques, magistrats, avocats, engagés dans la lutte
contre le crime organisé mafieux ?
Les services secrets civils et militaires américains exercent-ils
une quelconque influence sur le crime organisé, de Palerme à
Rome ?
Umberto santino :
J’ai été consultant pour la Commission parlementaire
de 2003 à 2005. J’ai démissionné parce qu’aucun
travail ne m’a jamais été confié. La Commission
était paralysée par la majorité et l’opposition
ne parvenait pas à avoir un rôle effectif. Certains ont évidemment
pensé que je me contenterais d’une charge honorifique.
Concernant la législation, il faut savoir qu’en Italie toutes
les lois antimafia sont dictées par l’idée que la
mafia est une usine à meurtres : s’il y a coup de feu, il
y a mafia, pas dans le cas contraire. La loi antimafia de 1982 est arrivée
après l’assassinat du général-préfet
Dalla Chiesa, comme les autres lois sont arrivées après
les attentats massacres dans lesquels ont péri les magistrats Falcone
et Borsellino. Au cours des dernières années, les mafieux
ont compris que les grands crimes avaient des effets boomerang et que
mieux valait ne pas commettre d’atrocités retentissantes.
On parle de “mafia souterraine” ou “invisible”,
alors cela signifie, pour beaucoup, que la mafia n’existe plus ou
que nous ne devons plus nous en soucier. Une bonne partie de la législation
a été abrogée ou assouplie, les magistrats se sont
retrouvés avec une marge de manœuvre limitée, et les
commissaires chargés du racket et de la confiscation des biens
ont été licenciés ou remplacés par des personnages
inconsistants.
Le problème de ces dernières années, en Italie, est
le berlusconisme ; une forme d’occupation du pouvoir qui considère
l’illégalité comme une ressource et fait de l’impunité
son étendard. Les lois ad personam créées pour protéger
les intérêts de Berlusconi et de ses amis, l’attaque
de la magistrature, les facilités permettant le rapatriement de
capitaux de l’étranger et les exonérations ont engendré
un cadre socio-politique que j’ai qualifié de “légalisation
de l’illégalité”. Ce cadre est le plus propice
aux organisations mafieuses qu’ait connu l’Italie depuis l’Unité.
Comparativement aux cinquante années de pouvoir démocrate
chrétien nous avons fait un grand saut en matière de qualité
: le pouvoir démocrate chrétien était fondé
sur une méditation de tous les pouvoirs, mafia comprise ; le berlusconisme
est intrinsèquement fondé sur l’intérêt
privé et l’illégalité.
Je ne sais pas si les services secrets américains jouent actuellement
un rôle sur le terrain de la criminalité organisée.
La mafia a été soutenue par les Américains après
la seconde guerre mondiale, elle était alors un rempart contre
le communisme, mais il faut éviter des lectures de l’Histoire
du type : les ordres venaient de Washington. Il s’agissait d’une
union par consentement mutuel, où se sont retrouvés mafia,
propriétaires fonciers, partis conservateurs et facteurs géopolitiques.
Quelques années plus tard, on a tout fait pour empêcher la
coparticipation au pouvoir du Parti communiste, en ayant recours à
des attentats massacres (de la Piazza Fontana en 1969 à la gare
de Bologne en 1980) au cours desquels se sont rencontrés néo-fascistes,
piduistes (loge maçonnique P2 de Licio Gelli), services secrets
et où, dans certains cas, (attentat de Noël 1984) la mafia
a joué un rôle judiciairement avéré.
Pour ce qui est des attentats plus récents (1992 et 1993), nous
ne sommes pas parvenus à aller au-delà de la “coupole”
mafieuse et la requête visant à constituer des commissions
d’enquêtes parlementaires n’a pas abouti.
Question 3 :
Pouvez-vous nous parler de Pietro Grasso, nouveau procureur anti-
mafia ? De sa fonction ? Sur quoi établit-il sa politique ? Sa
nomination est récente, quels sont vos points de convergence et
vos oppositions, s'il y a lieu ? Voyez-vous dans l'avenir des zones d'ombre
ou des obstacles sérieux à sa politique ? Exerce-t-il une
quelconque influence à l'échelle européenne, institutions
gouvernementales, parlementaires, judiciaires, policières, renseignement
?
Umberto santino :
Pietro Grasso était juge-assesseur durant le maxiprocès
de Palerme (1986-1987) et rédacteur du jugement de première
instance. Il a ensuite été consultant pour la Commission
antimafia, conseiller au ministère de la Justice lorsque Giovanni
Falcone en assurait la direction, procureur adjoint près du Parquet
national antimafia et procureur principal à Palerme. Certains magistrats
lui ont reproché de ne pas poursuivre le travail du procureur Caselli
sur le plan des rapports entre la mafia et la politique, mais il faut
dire que les temps avaient changé, l’attention à l’égard
du phénomène mafieux avait fléchi et le rôle
de la magistrature, dans ce domaine, se limite aux affaires impliquant
des délits. Je crois que, politiquement, on ne lutte plus contre
la mafia depuis des années, le tout étant relégué
à la magistrature.
Grasso est actuellement superprocureur national antimafia : les forces
gouvernementales et de la majorité ont exclu Caselli par une loi
ad personam concernant la limite d’âge ; chose honteuse et
que j’ai dénoncée. Grasso n’a dit mot de cette
exclusion et c’est lui qui a rejoint le Super Parquet. Les partis
de droite ont évidemment préféré Grasso, lequel
a déclaré, le jour suivant sa prise de fonction, que la
lutte contre la mafia n’était plus au centre de l’attention,
que le problème ne concernait pas uniquement la mafia militaire
mais aussi la bourgeoisie mafieuse (expression que j’utilise dans
mon analyse du système relationnel mafieux). Il a également
clairement stipulé qu’il ne fallait pas, durant cette campagne
électorale, proposer la candidature d’hommes mis en examen
ou en procès, mais Forza Italia, et d’autres partis de centre
droite, ont polémiqué sur ces déclarations. Il y
a quelques jours, le Procureur Grasso a avoué que le thème
de la mafia était absent et qu'il faudrait en parler pendant la
campagne électorale et le Président de la Commission antimafia
a déclaré, à propos de Forza Italia, qu’il
s’agissait de “foutaises”. En somme, les droites croyaient
que Grasso était un personnage sur lequel on pouvait compter, mais
le procureur entend prouver qu’il est autonome et poursuit son propre
chemin.
En tant que superprocureur, il a un certain pouvoir, mais doit tenir compte
du cadre politique, et si des dispositions comme le mandat d’amener
européen ou la convention des Nations Unies, ratifiée à
Palerme en décembre 2000, existent au niveau européen ou
international, elles sont restées sur le papier, le gouvernement
Berlusconi ne les ayant pas signées.
Question 4:
Les moyens scientifiques des luttes civiles contre le crime organisé
mafieux ont-ils augmenté? Quelles ont été les retombées
du Forum Social anti-mafia et des campagnes citoyennes auprès des
différentes villes du bassin méditerranéen ?
Umberto santino :
Sur le plan scientifique, il n’existe pas de programmes coordonnés
de recherche. Nous agissons de manière autonome. Le Centre que
j’ai fondé en 1977 est entièrement autofinancé,
car la région sicilienne n’a pas de loi d’application
générale et octroie l’argent public sur des critères
de favoritisme. Il existe, en Sicile, d’autres centres d’études,
financés par des fonds publics ; ils organisent des colloques et
des débats mais n’effectuent pas de recherches. Les Universités
ne font pratiquement rien : quelques études menées individuellement
par certains professeurs et quelques séminaires, le plus souvent
organisés par les étudiants.
Après les grandes manifestations qui ont suivi les attentats massacres
de 92 et de 93, le rôle de la société civile s’est
réduit à l’engagement d’une poignée de
personnes. Les principales activités actuellement menées
par les diverses associations de la société civiles sont
les suivantes : le travail dans les écoles, la lutte antiracket
et, dans une certaine limite, un usage social des biens confisqués.
On parle, dans les écoles, de la légalité en règle
générale ; l’antiracket n’existe qu'en Italie
méridionale, alors que les extorsions et l’usure sont désormais
répandus dans toute l’Italie ; au sujet des biens confisqués
(encore trop peu), le gouvernement voulait instituer une loi qui fragilise,
rende non définitive, la confiscation : nouveau coup porté
à l’antimafia, et privilège pour la mafia.
Il existe en Italie, au niveau national, un réseau d’associations
appelé Libera qui s’emploie à diverses initiatives.
Les Forums antimafia et les campagnes impliquent un nombre limité
de personnes et il n’y a pas, dans la zone méditerranéenne,
de réelle conscience des phénomènes tels que le rôle
des organisations criminelles dans l’immigration clandestine ou
les trafics d’êtres humains. Il ne faut pas oublier qu’à
l’intérieur du processus de mondialisation, nombreux sont
les coins de la planète, zone méditerranéenne incluse,
mais principalement sur les côtes africaines et dans les Balkans,
où l’accumulation illégale est l’unique ressource
face à l’exclusion sociale qui touche une grande partie de
la population mondiale.
J’ai présenté, l’an dernier, au Forum de la
Méditerranée de Barcelone, un rapport concernant ces thèmes
mais l’attention demeure insuffisante. Au niveau européen,
l’organisme ENCOD (The European Ngo Council on Drugs and Development)
regroupe des organisations non gouvernementales mais n’a pas de
fonds, et ne peut, de ce fait, rien entreprendre. L’un de nos livres
sur le trafic de drogue, à destination des universités et
des écoles secondaires supérieures, publié en 1993,
en quatre langues (Dietro la droga, Derrière la Drogue, Behind
Drugs, Detrás de la droga), grâce à un financement
de la Communauté européenne, est aujourd’hui obsolète
mais nous n’avons pas d’argent pour le republier. En France
non plus, je ne crois pas que l’on fasse suffisamment. Une organisation
qui effectuait un travail sérieux sur le trafic international des
drogues, l’OGD (Observatoire Géopolitique des Drogues), dont
le siège était à Paris et avec laquelle je collaborais,
a dû cesser son activité par manque de financements.
[ Traduit de l’italien par Nathalie Bouyssès ]
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Question 1:
Umberto Santino :
Ho pubblicato il libro L’alleanza e il compromesso nel 1997, raccogliendo
i materiali dei miei due dossier su Salvo Lima, il parlamentare europeo
legato ad ambienti mafiosi, il primo presentato a Strasburgo nel 1984
e il secondo a Roma nel 1989. Nel libro facevo un’analisi dei rapporti
tra mafia e politica, utilizzando anche gli atti giudiziari del processo
ad Andreotti. Nella mia analisi il rapporto mafia-politica è costitutivo
del fenomeno mafioso, in duplice senso: la mafia è soggetto politico
in quanto esercita la signoria su un determinato territorio, controllando
le attività che si svolgono su di esso e anche le relazioni personali.
In un secondo senso la mafia ha un ruolo politico attraverso il sistema
di rapporti con uomini della pubblica amministrazione, dei partiti politici
e delle istituzioni. Nel libro pubblicavo anche le repliche di Lima ai
miei dossier: un caso unico, poiché non ci sono altri esempi di
risposte scritte di Lima alle accuse che gli venivano rivolte. Lima sosteneva
che non c’erano processi giudiziari sul suo conto. Io rispondevo
che le mie denunce riguardavano rapporti documentati con uomini di mafia
che, anche se non costituivano reati, erano pur sempre gravi sul piano
etico e politico.
Nel libro ho utilizzato anche, in parte, un testo anonimo che riguardava
l’ex ministro democristiano Calogero Mannino, ma dicevo esplicitamente
che i testi anonimi normalmente provengono, direttamente o indirettamente,
dal mondo mafioso e che è impossibile distinguere dov’è
la verità e dov’è la menzogna. Mannino mi ha citato
in giudizio civile, sostenendo che io avevo fatte mie le accuse dell’anonimo.
Sono stato condannato in primo grado e in appello, anche se a un pena
pecuniaria modesta. La sentenza di primo grado diceva che per esserci
diffamazione basta citare un documento, anche se non lo si condivide,
e la sentenza d’appello dice che non ho rispettato il principio
di verità: avrei dovuto accertare che ci fosse stata una pronuncia
in sede giudiziaria definitiva. In Italia sentenza definitiva è
quella della Cassazione che arriva dopo molti anni. Quindi i giornali
potrebbero chiudere e la ricerca possono farla solo i posteri.
Spesso, negli ultimi anni, uomini politici hanno fatto ricorso al giudizio
civile, che consiste solo nello scambio di documenti e non prevede il
dibattito e l’approfondimento. Così ha fatto il presidente
della provincia di Palermo e parlamentare europeo Francesco Musotto contro
il politologo Claudio Riolo, così ha fatto Mannino contro di me.
Nel 2001, dopo la sentenza di primo grado, Riolo e io, con alcune associazioni,
abbiamo lanciato una campagna per la libertà di ricerca e di stampa
nella lotta contro la mafia, sostenendo che problemi del genere dovrebbero
essere discussi davanti a un giurì d’onore, non davanti ai
tribunali, e le sanzioni non dovrebbero essere monetarie, come se l’onorabilità
fosse un genere da supermercato, ma dovrebbero consistere in repliche,
precisazioni, correzioni, integrazioni. Vogliamo continuare questa campagna,
perché riteniamo assolutamente necessario in una società
democratica analizzare i rapporti tra mafia e contesto sociale e soprattutto
con la vita politica.
Question 2:
Umberto Santino :
Sono stato consulente della Commissione parlamentare dal 2003 al
2005. Mi sono dimesso poiché non mi è mai stato assegnato
un lavoro. La Commissione era paralizzata dalla maggioranza e l’opposizione
non riusciva a svolgere un ruolo effettivo. Evidentemente qualcuno ha
pensato che mi sarei contentato di un incarico onorifico.
Quanto alla legislazione c’è da dire che in Italia tutte
le leggi contro la mafia sono dettate dall’idea della mafia come
fabbrica di omicidi: la mafia c’è se spara, se non spara
non c’è. La legge antimafia del 1982 è venuta dopo
l’assassinio del generale-prefetto Dalla Chiesa e anche le altre
leggi sono venute dopo le stragi in cui sono morti i magistrati Falcone
e Borsellino. Negli ultimi anni i mafiosi hanno capito che i grandi delitti
hanno avuto effetti boomerang e che è preferibile non compiere
delitti eclatanti. Si parla di “mafia sommersa” o “invisibile”
e per molti significa che la mafia non c’è più o comunque
non c’è da preoccuparsi. Così buona parte della legislazione
è stata cancellata o attenuata, i magistrati si sono trovati con
armi spuntate, i commissari che si occupavano di racket e di beni confiscati
sono stati licenziati o sostituiti con personaggi incolori.
Il problema degli ultimi anni in Italia è il berlusconismo, una
forma di occupazione del potere che considera l’illegalità
come una risorsa e fa dell’impunità una bandiera. Le leggi
ad personam, fatte per tutelare gli interessi di Berlusconi e dei suoi
amici, l’attacco alla magistratura, le facilitazioni al rientro
dei capitali dall’estero, i condoni, hanno determinato un quadro
socio-politico che ho definito “legalizzazione dell’illegalità”.
Questo quadro è il più ospitale per le organizzazioni mafiose
dall’Unità d’Italia a oggi. Rispetto ai cinquant’anni
di potere democristiano c’è stato un salto di qualità:
il potere democristiano si fondava sulla mediazione con tutti i poteri,
compresa la mafia; il berlusconismo è intrinsecamente fondato sull’interesse
privato e sull’illegalità.
Non credo che attualmente ci sia un ruolo dei servizi segreti americani
sul terreno della criminalità organizzata. La mafia è stata
favorita dagli americani, nel secondo dopoguerra, quando serviva come
baluardo armato contro il comunismo, anche se bisogna evitare letture
della storia del tipo: gli ordini venivano da Washington. Si è
trattato di un matrimonio consensuale, in cui si sono ritrovati mafia,
proprietari terrieri, partiti conservatori e fattori geopolitici. In anni
più recenti si è fatto di tutto per ostacolare la compartecipazione
al potere del Partito comunista, ricorrendo alle stragi (da Piazza Fontana
nel 1969 alla stazione di Bologna nel 1980) e qui si sono incontrati neofascisti,
piduisti (la loggia massonica P2 di Licio Gelli), servizi segreti e in
qualche caso (strage di Natale del 1984) c’è stato un ruolo,
accertato giudiziariamente, della mafia.
Per le stragi di mafia più recenti, del ’92 e del ’93
non si è riusciti finora ad andare oltre la “cupola”
mafiosa e la richiesta di costituire delle commissioni parlamentari d’inchiesta
non è stata accolta.
Question 3:
Umberto Santino :
Pietro Grasso è stato giudice a latere nel maxiprocesso
di Palermo (1986-1987) ed estensore della sentenza di primo grado. Poi
è stato consulente della Commissione antimafia , consigliere al
ministero di Grazia e Giustizia quando era direttore Giovanni Falcone,
procuratore aggiunto presso la Procura nazionale antimafia e procuratore
capo a Palermo. Alcuni magistrati lo hanno accusato di non aver continuato
il lavoro del procuratore Caselli sul terreno dei rapporti tra mafia e
politica, ma c’è da dire che i tempi erano cambiati, l’attenzione
verso il fenomeno mafioso era sminuita e in ogni caso il ruolo della magistratura
su questo terreno è limitato ai casi in cui ci sono reati. Penso
che da anni non si faccia lotta politica contro la mafia e si sia delegato
tutto alla magistratura.
Attualmente Grasso è superprocuratore nazionale antimafia: Le forze
governative e di maggioranza hanno escluso Caselli, con una legge ad personam
sui limiti di età: una cosa vergognosa che ho denunciato. Grasso
non ha detto una parola su questa esclusione ed è andato lui alla
Superprocura. Le destre evidentemente hanno preferito Grasso, che però
il giorno dopo l’insediamento ha dichiarato che la lotta contro
la mafia non è più al centro dell’attenzione, che
il problema non è solo la mafia militare ma la borghesia mafiosa
(espressione da me usata per l’analisi del sistema relazionale dei
mafiosi) e anche durante questa campagna elettorale ha detto chiaramente
che non bisogna candidare uomini indagati e sotto processo, ma Forza Italia
e altri partiti di centrodestra hanno polemizzato con queste dichiarazioni.
Anche qualche giorno fa ha detto che non si parla di mafia durante la
campagna elettorale e il Presidente della Commissione antimafia, di Forza
Italia, ha detto che queste sono “fesserie”. Insomma: le destre
credevano che Grasso fosse un personaggio di cui fidarsi, ma il procuratore
vuole dimostrare che è autonomo e che va per la sua strada.
Come superprocuratore ha un certo potere ma deve fare i conti con questo
quadro politico e a livello europeo e internazionale ci sono disposizioni,
come il mandato di cattura europea e la convenzione delle Nazioni Unite
firmata a Palermo nel dicembre del 2000, che sono rimaste sulla carta.
Il governo Berlusconi non le ha sottoscritte.
Question 4:
Umberto Santino :
A livello scientifico non ci sono programmi coordinati di ricerca.
Si procede autonomamente. Il Centro da me fondato nel 1977 è totalmente
autofinaziato, poiché la regione siciliana non ha una legge di
carattere generale ed eroga i soldi pubblici con criteri clientelari.
In Sicilia ci sono altri centri studi finanziati con fondi pubblici che
organizzano convegni e dibattiti ma non fanno ricerca. Le Università
fanno pochissimo, qualche studio di singoli docenti e qualche seminario,
spesso organizzato dagli studenti.
Dopo le grandi manifestazioni in seguito alle stragi del ’92 e del
’93 il ruolo della società civile si fonda sull’impegno
di pochi. Le attività continuative sono essenzialmente tre: lavoro
nelle scuole, antiracket, uso sociale dei beni confiscati, con dei limiti.
Nelle scuole si parla genericamente di legalità; l’antiracket
c’è solo in Italia meridionale, mentre estorsioni e usura
sono ormai diffuse in tutta Italia; sui beni confiscati (ancora troppo
pochi) il governo voleva fare una legge che rendesse precaria, non definitiva,
la confisca: un altro colpo all’antimafia e un favore alla mafia.
In Italia a livello nazionale c’è una rete di associazioni
che si chiama Libera che svolge varie iniziative. I Forum antimafia, le
campagne coinvolgono un numero limitato di persone e nell’area mediterranea
non c’è una consapevolezza adeguata di questi fenomeni, per
esempio del ruolo delle organizzazioni criminali nell’immigrazione
clandestina e nei traffici di persone. Non bisogna dimenticare che all’interno
dei processi di globalizzazione per molte aree del pianeta, compresa l’area
del Mediterraneo, soprattutto le coste africane e i Balcani, l’accumulazione
illegale è l’unica risorsa a fronte di processi di emarginazione
che riguardano gran parte della popolazione mondiale.
L’anno scorso al Forum del Mediterraneo di Barcellona ho fatto una
relazione su questi temi ma l’attenzione è ancora inadeguata.
A livello europeo un organismo che raccoglie le organizzazioni non governative
(Encod: European Ngo Council on Drugs and Development) non ha fondi e
può fare molto poco. Un nostro libro sul traffico di droghe per
le facoltà universitarie e le scuole medie superiori, in quattro
lingue (Dietro la droga, Derrière la Drogue, Behind Drugs, Detrás
de la droga) pubblicato nel 1993, grazie a un finanziamento della Comunità
europea, è ormai invecchiato ma non abbiamo i soldi per ripubblicarlo.
Anche in Francia non credo che si faccia abbastanza. Un’organizzazione
che si occupava seriamente di traffico internazionale di droghe, l’OGD
(Observatoire Géopolitique des Drogues) con sede a Parigi, con
cui collaboravo, ha dovuto chiudere per mancanza di finanziamenti.
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: corporate fraude, corporate crime, war crime"
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Anna Puglisi, Umberto Santino

“L’alleanza e il compromesso, mafia e politica
dai tempi di Lima e Andreotti ai nostri giorni”,
Umberto Santino, editore Rubbettino, 1997
|
Ni bonze, ni laïc home : linked222.free.fr
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