Le rôle de la femme
dans l'organisation mafieuse
et dans la lutte contre la mafia
Pour la liberté de la recherche
et de la presse
dans la lutte contre la mafia.
Anna Puglisi de Centro
Siciliano di Documentazione "Giuseppe Impastato",
Palerme, un très beau texte posté à linked222 par
le Professeur Umberto Santino le 7 juin 2006, une traduction de Nathalie
Bouyssès.
Les femmes dans l’organisation mafieuse
La documentation que nous avons recueillie jusqu’à
présent montre que, bien que la mafia soit encore une organisation
formellement monosexuelle, du moins de ce qu’on en sait des déclarations
de mafieux ayant collaboré avec la justice et des résultats
d’enquêtes et de procès, les femmes impliquées
dans les activités mafieuses sont nombreuses, et certaines même
dans des rôles de premier plan.
La monosexualité, du reste, n’est pas une prérogative
de la mafia, cette dernière étant une organisation qui est
née et a grandi dans une société sexiste (j’entends
ici, toutes les sociétés, pas uniquement la société
sicilienne).
Inversement à ce qu’on pense en général, la
chronique de ces dernières années nous offre divers exemples
de femmes impliquées dans des affaires de mafia, et la nouveauté
ne réside qu’en leur nombre. En fait, nous trouvons déjà
des femmes accusées d’activité mafieuse dans un procès
de la mafia des années 1927-1928. Parmi les 153 inculpés
(des mafieux et leurs sympatisants), se trouvaient 7 femmes accusées
d’assistance aux personnes en fuite, d’encaissement de pots-de-vin
et de détention d’argent. L’une des accusées,
Giuseppa Salvo, s’était distinguée à l’intérieur
de la cosca (famille mafieuse), et garda une parfaite attitude mafieuse
au cours du procès.
Parmi les femmes de familles mafieuses, nous avons relevé une variété
de comportements issus de leur personnalité, de leur provenance,
de leur éducation, qu’elles soient nées dans des familles
mafieuses ou proviennent d’autres milieux.
Ainsi, nous avons des femmes qui se contentent de jouir des bénéfices
des activités illicites, d’autres qui servent de prête-noms,
en tant que propriétaires de sociétés ou d’entreprises
utilisées le plus souvent pour écouler de l’argent
sale, d’autres exercent des activités criminelles en leurs
noms (par exemple, le trafic de drogue) ou dirigent la famille mafieuse
suite à l’arrestation ou à la fuite des hommes. Enfin,
nous avons des exemples de femmes qui n’ont pas hésité
à organiser des homicides.
Le mouvement antimafia et les femmes qui luttent
contre
Le rôle des femmes dans la lutte contre la
mafia a toujours été très important, mais souvent
oublié.
Les femmes ont été les protagonistes du mouvement antimafia
dès les luttes paysannes de la fin du XIXème siècle.
Dans de nombreux villages siciliens, à l’intérieur
des Fasci, on trouvait une présence massive de femmes ce qui suscita
l’étonnement des chroniqueurs et des spécialistes
contemporains. Même au cours des vagues successives de luttes pour
la réforme agraire et pour des conditions de vie plus humaines
dans les mines qui suivirent la première et la deuxième
guerre, la présence des femmes a été significative
bien que presque totalement ignorée, si l’on excepte quelques
cas. Et pourtant, les femmes aussi ont payé leur tribut de sang,
contrairement à ce qui a faussement été dit, à
savoir qu’autrefois la mafia respectait les femmes et les enfants
: les mafieux ont toujours tué sans se soucier du sexe ou de l’âge,
parce que leur violence répond à des logiques bien précises
d’acquisition et de maintien de pouvoir.
Dans le mouvement antimafia actuel la composante féminine est présente
depuis le début des années 80, avec la naissance de l’«Associazione
donne siciliane per la lotta contro la mafia » (Association des
femmes siciliennes pour la lutte contre la mafia). Elle a été
la première association de masse à se donner pour but la
lutte contre la mafia et il est emblématique que ce soient des
femmes qui l’ait voulue, des femmes de provenances diverses : certaines
voulaient continuer d’une autre manière une activité
commencée dans des partis et des mouvements politiques, d’autres
se rapprochaient pour la première fois du militantisme, conscientes
que la mafia viole nos vies, d’autres avaient été
atteintes par la violence mafieuse, comme les veuves de magistrats, d’autres
fonctionnaires d’État, ou de citoyens tués pour leur
droiture.
La remarquable activité de l’Association : travail dans les
écoles, débats, manifestations. Mais les moments les plus
importants de l’activité de l’Association sont ceux
durant lesquels un soutien a été apporté aux femmes
qui se sont constituées parties civiles dans les procès
contre la mafia. En particulier à un groupe de femmes qui, issues
du peuple sicilien, le plus sujet à la mafia, et ayant subi la
mort d’un proche de main mafieuse, ont collaboré avec la
justice plutôt que de rester silencieuses.
La première de toutes, la maman de Peppino Impastato, a continué
à sa manière la révolution de son fils, comme l’avait
fait dans les années 50 Francesca Serio, la mère de Salvatore
Carnevale, dirigeant des luttes paysannes.
[Fin]
Traduit de l’italien par Nathalie
Bouyssès
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Etat des luttes contre le crime organisé
mafieux du Professeur Umberto Santino
"Recherche de matériaux d'histoire
criminelle et judiciaire : corporate fraude, corporate crime, war crime"
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Felicia Bartolotta Impastato,
Madre di Peppino Impastato
(crédi photo : U.Santino)
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