CHAPITRE 1 (11-13)



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CHAPITRE 1 [1-10] : [11-13]

Les théories politiques du pouvoir de la parole et du comportement et les infractions au devoir de probité (une critique des dérives totalitaires bouddhistes)

Totalitarisme et "national-communautarisme" de la voie de l'essence-doctrine de la vacuité,
propriété, possession sans droit et interdits religieux,
l'enjeu politique, économique, social des liens religieux. Nous rappelons aux lecteurs que l'auteur n'est plus bouddhiste depuis quelques années...
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Le traité de la "pensée unique", vijnapti matrata siddhi (sanskrit) ou c'heng wei-shih lun (chinois), jo-yui-shiki-ron (japonais) soutient dans sa version originale : tout est pensée, rien que pensée (par.12).

Toutes les choses (dharma), réelles (couleur), fictives (cruche), imaginaires (une seconde lune) ne sont que pensée, vijnapti, vijnana ou citta. Tel est le livre de la "pensée unique" ou vijnapti matrata siddhi, démonstration du fait que toutes choses sont seulement pensée. La nature de la pensée est bhutatathata, vraie essence. Tout est donc pensée ou développement de la pensée. Elle est parfaitement pure chez les bouddha qui ont rejeté tous les voiles qui voilent la vue de la bhutatathata. Les bodhisattva sont purifiés dans la bhutatathata, dans la connaissance absolue et directe.
Vasubandhu écrit cette doctrine : "pour que ceux qui comprennent mal ou nient les deux vides (des êtres et des choses) en acquièrent une conception correcte. La réalisation des deux vides détruit la croyance en les êtres et les choses". Cette extrait theorique est issu du corps de doctrine classique des trois vehicules et établit le fond de notre critique du totalitarisme bouddhiste dans son contexte holistique.


Compassion, sagesse, recherches critiques, l'"amour" en tant qu'une métaphore du militantisme social
Cette doctrine du vide, centrale, est non théologique, ne reconnaît à ce titre : ni dieu, ni idole, ni temple, ni offrande, ni organisation, ni hiérarchie monastique, sociale ou politique. La croyance en la dogmatique du vide détruit bien l'attachement en les êtres et aux choses. Il est donc nécessaire que la compréhension et l'expérience de la vacuité se concoive simultanement sur la base d'un engagement social lié à la pauvreté; que l'expérience idéalisée de l'homme soit liée à celle du désintérêt, du don de soi, de la compassion et de la sagesse critique, de la recherche historique et de l'"amour" en tant qu'une métaphore du militantisme social contemporain sur le terrain de la misère. Cette expérience peut conduire aussi à l'érémitisme social ou à l'errance religieuse.

L'immoralité du maha-vajrayana (possession sans droit des hommes, du travail, des richesses et de la terre voulue absolue), comme l'immoralité des interpretations / applications du Coran par les sectes hanbalites ou malikites, ira plus loin dans la lutte contre l'attachement par le moyen de "l'ébranlement saint", ou de la "guerre sainte", "jihad" (Note 4, "Loi religieuse, activité rituelle d'Etat et crime religieux d'Etat").
Notons ici que le rejet de tout engagement religieux social sera proportionnel à l'usage dogmatique de l'immoralité sainte ou du grand ébranlement (la doctrine est bien, ici, tant dans le contexte bouddhiste du maha-vajrayana que musulman, une source judiciaire de l'histoire du crime religieux - guerres religieuses, régimes de terreur, tortures, exécutions).
Il est clair que les "hiérarques", le roi ne pouvant mal faire, iront jusqu'à l'assassinat religieux. Assassinat-icône, idéalisé, en tant qu'un moyen d'une "voie invincible " contre l'attachement au corps, à la raison, au jugement et donc à la vie, impliquant, de fait, une soumission absolue des sujets au pouvoir et au châtiment religieux. Ce dernier n'hésitera pas à frapper les aspects de la vie sociale, familiale, conjugale, opposés à ses normes. Il n'y aura pas, dans le contexte bouddhique, catholique et musulman extrême (mutilation, viol, persécution physique et psychique, torture, meurtre-libération) de compréhension des évènements (religieux ou politiques) sans consultation traditionnelle des sages ou des divinités spécifiques (bouddhisme, shintoisme, taoisme, confucianisme...).
L'engagement religieux social non violent et non-combattant (dans ce contexte) est bien rejeté ou absent. Nous noterons chez les groupes religieux interessés un "objectif avoué de modifier le caractère par trop libéral de la société". Le contexte économique et sociopolitique des XXème et XXIème siècles se prête bien à cette "mise en scène de l'immoralité" (politique, financière, religieuse, militaire).

Digression I
Retenons maintenant à l'aide de quelques digressions sociohistoriques quelques formes de l'immoralité (politique, industrielle, financière, idéologique, théorique, theologique) et observons en parallèle quelques traits marquants de l'année 1984 (année noire Orwelienne), du nazisme et du moyen-¯ge.

1984
"La compagnie pétrolière de Georges Bush Jr., Arbusto, pourtant déficitaire, écrit Jean Pierre Page dans "La croisade de Georges Bush Jr.", bénéficiait du soutien de riches saoudiens comme de l'Etat pétrolier du Bahreïn. Il est interessant de signaler que parmi les actionnaires figurait James Bath, intime de George W. Bush, très présent dans l'immobilier et la location-vente d'avions, en réalité homme de paille chargé du blanchiment d'argent pour le compte de personnalités du Golfe dont Salem ben Laden, l'un des 17 frères d'Oussouma" (in "L'Empire en guerre", Tania Noctiummes et J.P. Page, 2001, cité par G.Geuens dans "Tous pouvoirs confondus", EPO, 2003).
"Cette société, Arbusto, écrira Geoffrey Geuens dans "Les multinationales contre l'Etat", fusionna avec Spectrum 7 en 1984, sans être, il faut bien le dire un grand succès. Spectrum fut alors acheté par Harken Energy en 1986, ce qui offrit à George Bush Jr. un siège de cette société pétrolière. Plus récemment, la faillite de la société de services énergétiques Enron devait rappeler les liens étroits qui existaient, il y a peu encore, entre son président, Kenneth Lay (soutien de la theorie politique policière dite "tolérance zéro" de l'American Enterprise Institute, AEI, et du Manhattan Institute, MI), et l'actuel chef du gouvernement américain dont il avait largement, des années durant, subventionné les campagnes électorales" (in "Tous pouvoirs confondus", Geoffrey Geuens, EPO, 2003)
...Se reconnaissant publiquement dans le bilan de l'ancien maire républicain, Rudolph Giuliani - remplacé à ce poste (en 2001) par le magnat de la presse économique Michael Bloomberg - le Manhattan Institute s'est principalement fait remarqué pour sa campagne en faveur de la politique policière dite "tolerance zéro"; doctrine, depuis 2002, chère à Nicolas Sarkozy et Dominique Perben, respectivement ministre de l'Intérieur - aujourd'hui de l'Economie et des Finances- et Garde de Sceaux français et à l'IHESI, Institut des Hautes Etudes de la Sécurité Intérieure -émanation du ministère de l'intérieur - rédacteur concepteur de la "Fiche n°31" destinée à guider les maires de France dans l'établissement des contrats locaux de sécurité ; une fiche qui s'inscrit dans la doctrine de politique policière de pénalisation de la misère et la doctrine sur l'origine des inégalités sociales et raciales de Murray et Herrnstein (MI).

Digression II
"Loïc Wacquant, "Prisons de la misère" :
"En 1984, le M.I. ( Manhattan Institute de New York baptisé "centre névralgique de la campagne mondiale de pénalisation de la misère") fondé par Antony Fischer (mentor de Margaret Tahtcher) et William Casey (futur directeur de la CIA), pour appliquer les principes de l'économie de marché aux problèmes sociaux met sur orbite "Losing Ground" de Charles Murray (intellectuel eugéniste de l'ultra-droite) qui servira de bible à la croisade contre l'Etat-providence de Ronald Reagan.
"Selon ce livre tombé à point nommé pour donner une caution pseudo-savante à l'énergique politique de désengagement social menée par le gouvernement républicain (avec l'assentiment du Congrès à majorité démocrate), l'excessive générosité des politiques d'aides aux démunis ("squeegee pests", en fait "sans abris ou vermine") serait responsable de la montée de la pauvreté en Amérique : elle récompense l'inactivité et induit la dégénérescence morale des classes populaires (...) Murray recevra 30 000$ du Manhattan Institute pour la rédaction de ce pamphlet véritable arme de guerre du patronat et des conservateurs dans leur lutte contre lesdits "acquis sociaux".
"Dans cet ouvrage il affirmait notamment : "en essayant de faire plus pour les pauvres, nous avons réussi à faire plus de pauvre. En essayant de faire tomber les barrières qui interdisaient aux pauvres d'échapper à leur sort, nous leur avons par mégarde dressé un piège.
"Murray, encouragé par l'Institut, récidivera avec le psychologue Richard Herrnstein dans "The Bell Curve : Intelligence and Class Structure in American Life", dans lequel il soutiendra que les inégalités sociales et raciales aux Etats-Unis reflètent, en réalité, des différences individuelles en termes de capacités intellectuelles et cognitives.
Une rhétorique pour le moins réactionnaire qui trouvera rapidement ses afficionados comme Martin Feldstein, alors conseiller économique du Président Reagan..." (Albert O.Hirchman : "Deux siècles de réthorique réactionnaire", Fayard, Paris, 1991; Loïc Wacquant "Sur quelques contes sécuritaires venus d'Amérique", Le Monde Diplomatique, Mai 2002 et G. Geuens : "Tous pouvoirs confondus", EPO, Anvers, 2003).

Digression III
Rien ne lie entre eux, apriori, ces quelques évènements de l'année 1984 (DI et DII) sinon, une doctrine politique de la police, le pouvoir politique, quelques holdings, l'Arabie Saoudite, le Koweit, Bahreïn, les USA et quelques personnages du sommet de la hiérarchie sociale américaine :
Observons le Who's Who de l'élite financière dirigeant le Manhattan Institute :
1- "Peter M.Flanigan (de Warburg Dillon Read, lié au Groupe Bilderberg lancé par le Prince Bernhard des Pays Bas en 1952 puis dirigé par David Rockefeller, Kissinger, Davignon, Agnelli pour lutter contre le marxisme (initialement l'URSS) et les différentes variantes du modèle socialiste, ce groupe comportera des anciens des services secrets nazis),
2- Maurice Greenberg (American International, lié à l'American Council on Germany, promeut la communication entre les USA et l'Allemagne depuis 1952, chargé d'identifier et de réunir les futurs dirigeants du "privé" et du "public" à travers les Conférences des Jeunes Leaders),
3- John Hennessy (Crédit Suisse First Boston, lié à la Fondation Ditchley (1987). Ditchley est chargée du développement des relations transatlantiques entre le Royaume Uni et les USA, organise des conférences sur le contrôle mondial de l'armement, l'élargissement de la CEE, l'Euro, l'industrie de la Défense, la guerre du Kosovo sous la direction de John Major, 1er ministre britannique, président de Crédit Suisse First Boston, président du conseil européen de Carlyle Group. Carlyle Group est un fond d'investissement privé (il contrôle en 2003, 40% des capitaux de l'ex-groupe Hersant). Carlyle est cofondé en 1987 par Mellon Bank et est considéré comme "la banque de la CIA". Il est présidé par Frank C. Carlucci Jr (jusqu'en janvier 2003, ch.4), codirigé par James Baker (secrétaire au Tésor de Reagan en 1985), George Bush Sr. chargé de la promotion extérieure. F.C.Carlucci sera vice-directeur de la CIA de 1978 à 1980, conseiller de RAND (expertise en justice civile et santé, fondé en 1946 par US Airforce et créateur d'internet), secrétaire à la Défense de Ronald Reagan, 1987-1989, (Carlucci est également membre du Council on Foreign Relation aux côtés de George Bush Sr., Dick Cheney, Collin Powell. Le CFR siège à Washington et à New York et est considéré comme le gouvernement occulte des USA et des Nations Unies. Le CFR est lié aux fondations Bilderberg, Ditchley, à la Commission Trilatérale.),
4- Robert J. Hurst (Goldman Sachs & Co. lié à Bildelberg, arrière scène des politiques qui seront mises en place par le G8, le FMI et l'OMC, sont membres entre autres, Kissinger, James Wolfenshon (président de la Banque Mondiale), Paul Wolfowitz (secrétaire à la défense de G.W. Bush), Byron R. Wien (Morgan Stanley & Co. lié à Aspen... George Bush Sr. et Margaret Thatcher se concerteront à Aspen pour la mise sur pied d'une force multinationale lors de l'invasion du Koweit par l'Irak... Aspen Institute fondé en 1949 est présidé par Elmer W. Johnson, ancien vice-président du conseil exécutif de General Motors, ancien membre du comité légal d'avis de la Bourse de New-York... Aspen France est présidé par Raymond Barre, Ann Mac Laughlin, ancienne présidente d'Aspen, administratrice de General Motors, conseillère à la RAND)...
5- Charles Murray auteur de Losing Ground (pénalisation de la misère américaine, créateur en 1995 du concept policier "underclass" ou "pauvres aliénés"), sponsorisé par Manhattan Institute et Institute of Economic Affairs de Londres,
6- Richard Herrnstein, sponsorisé par Manhattan Institute, psychologue, co-auteur avec Murray d'une doctrine stipulant que les inégalités sociales et raciales aux USA sont le reflet des différences individuelles en terme de capacités intellectuelles et cognitives...

Digression IV
Théories politiques du pouvoir de la parole et du comportement, "race des seigneurs" et "race des sous hommes"

L'histoire de la doctrine nazie et l'histoire doctrinale de l'inquisition au moyen âge montreront le rôle clef que joueront la recherche théorique sur la "reproduction de l'espèce, la filiation, la pureté" et les théories politiques de police pour la suprématie d'une race, d'une nation, d'une ideologie ou d'une église.
L'histoire des doctrines nous rappelle le rôle que joueront dans l'idéologie nazie comme dans la formation de ses propagateurs :
- "l'Essai sur l'inégalité des races humaines" (1853-1855) de Gobineau, "Les fondements du XIXème siècle" (1899) et "Race et personnalité" (1925) de Houston Stewart Chamberlain , "Le mythe du XXème siècle" d'Alfred Rosenberg (1930) qui sera chargé par Hitler de superviser l'éducation idéologique dans le parti nazi.
Alfred Rosenberg, pour ordinaire qu'il fut, n'en sera pas moins chef du service politique étrangère du NSDAP (parti national-socialiste ou parti nazi, fondé à partir des racines ultranationnalistes, antisémites et ouvrières, du DAP d'Anton Drexler) et chargé des déportations massives des juifs et des ukrainiens. L'idéologie raciste d'un Gobineau, biologique et théologique d'un Chamberlain, anticipèrent bien, alors que se développait la théorie de la géopolitique qui "justifiera "la suprématie de l'Allemagne sur le reste du monde, la mystique anti-chrétienne du sang et du sol de Rosenberg, essence du NSDAP.

L'outil scientifique qui analysera le mieux les rapports existants entre la géographie, les populations et la politique à venir de l'Etat Allemand jusqu'en 1945 sera bien la toute nouvelle géopolitique du sudéois Rudolf Kjellen (1864-1922) transmise à Karl Haushofer (1869-1946) et à l'un de ses assistants, Rudolf Hess (1894-1987). Les différentes théories sur "la reproduction de l'espèce, la filiation et la pureté" transcenderont la géopolitique pour la maîtrise de l'Etat et du monde par l'élaboration scientifique, rationnelle, du pangermanisme et de l'antisémitisme.
Rudolf Hess, assistant doctoral de Karl Haushofer, rencontrera Dietrich Eckart qui l'intégrera dans l'anti-chambre de la stratégie géopolitique, la loge pangermaniste et antisémite "société de Thulé". Cette intégration accelèrera son adhésion au NSDAP où Hitler enseigne dès 1920.
Après la participation avec Martin Bormann à l'assassinat de Walter Kadow et au putsch raté conduit par Hitler à Munich, R.Hess deviendra, après avoir été condamné avec Hitler à cinq ans de prison, son secrétaire particulier à la prison de Landberg (1924-1925). C'est à Landberg que Rudolph Hess retranscrira sous la dictée : "Mein Kampf" ou "Mon combat".
Toutefois c'est par Himmler (1900-1945) que s'exprimera le mieux le lien entre la dogmatique transcendante de la supériorité aryenne (empruntée à Gobineau, Chamberlain et aux travaux de l'orientaliste Max Muller lié au bonze du jodoshinshu missionnaire de Kyoto, Nanjô Bun'yû, 1849-1927) et la théorie politique de la police sur les catégories de personnes.
Himmler créera dans ce but "un service de la race du peuplement" qui décidera de l'admission dans la SS (1930). Puis se sera en tant que commandant de la police politique allemande, entre 1933 et 1936, qu'il pourra le mieux contribuer à la Waffen SS et à la Geheime Staatspolizei ou Gestapo, à laquelle sera directement liée Goering. Goering organisera Orianenbourg (1934), chargé d'accueillir les premiers déportés communistes, socialistes, syndicalistes et démocrates, puis Dachau.

Himmler développera durant cette période des "catégories juridiques" nouvelles à travers les concepts policiers de "race des seigneurs" et de "race des sous-hommes", puis de "cobaye humain" pour les expériences de médecine nazie. Deux autres catégories juridiques feront surface dans le flot de la discrimination scientifique, celui d'"asoziale" ou les "asociaux" en tant qu'une catégorie d'individus en marge de la "communauté raciale populaire", volk : les vagabonds, les mendiants, les bohémiens, les nomades... Dès 1938, les "asociaux" seront envoyés dans les camps de concentration afin d'être rééduqués par le travail. Une ultime catégorie juridique et policière : "volksschadling", concernera les "irrécupérables"....

Les théories sur ces catégories ne seront pas mieux ficelées que celles composées aujourd'hui aux Etats-Unis par Charles Murray et Richard Herrnstein pour le compte du Manhattan Institute, son élite financière et industrielle internationale et Washington. Ces théories sur la pénalisation de la misère et l'origine des inégalités sociales et raciales, très directoriales, n'en rempliront pas moins leur mission d'influence et de commandement puisqu'elles construiront, selon Geoffrey Geuens ("L'information sous contrôle"), la légitimité scientifique sécuritaire du nouvel ordre mondial. Elles inspireront Nicolas Sarkozy, Dominique Perben (2002) et par eux, la justice nationale et la politique nationale de police ultra-sécuritaire d'une bonne partie des 32 000 communes de France. Les évènements de fin 2005/2006 couronnés par l'Etat d'urgence ne sont pas à mon sens dissociables.

Digression V
L'autre doctrine ultra-sécuritaire concerne la théorisation de la "reproduction de l'espèce, la filiation, la pureté" et les non moins dogmatiques décrétales d'Ugolino, comte de Segni ou Grégoire IX, pape et apôtre d'une authentique théorie politique du pouvoir de la parole et du comportement en 1234.
Cette théorie pratique de la protection de l'interdit (prohibition de l'inceste dans la généalogie du peuple corps de l'église) comme toutes les décrétales précédentes (celles du pape Sirice à la fin du IVème siècle, de Denys le Petit - collection dionysienne vers 525 - celles dites les "fausses décrétales" sans attribution exacte jusqu'à la fin du IXème siècle, celles de Gratien en 1150) en tant que Lois et constitutions de l'Eglise (réunies par le frère dominicain Raymond de Penafort) seront les clefs de l'organisation sociale, économique et politique et donc, de la filiation, de la reproduction et de la pureté du chrétien en Europe.
Le comput de la filiation transmis à travers les âges, les guerres et les falsifications, et l'on comprendra pourquoi, en tant qu'un support occulte de la filiation chrétienne, de l'autorité politique et judiciaire de l'église, trouvera son achèvement répressif en le pouvoir de la justice généalogique. Cette dernière sera aprement défendue par les magistrats enquêteurs, fransiscains et dominicains, des sinistres tribunaux de l'inquisition.
Grégoire IX, qui règnera entre 1227 et 1241 (et qui n'obtiendra pas moins deux fois l'excommunion de l'empereur Frédéric II, en 1227 et en 1237), leur accordera une absolue liberté inquisitoriale dès 1231.
Il y a réellement lieu de penser ici que les corps de doctrine qui inspirèrent tant Hitler que Grégoire IX deviendront à posteriori, deux sources judiciaires de l'histoire du crime d'Etat et du crime religieux d'Etat.

Digression VI
L'idéologie fondamentale de l'insécurité

Nous retrouverons cette obsession de la recherche fondamentale sur "la reproduction de l'espèce, la filiation ou la pureté de la race" au coeur de la dialectique, non moins politique, juridique et policière, du bouddhisme d'Etat. La chose à protéger, encore une fois au Tibet, est bien l'Etat ou le roi (le roi vivant de ses généalogies préservées et des lignées tantriques, les codes tibétains des rois Tsangs, de 1650 ou des Dalaï Lama) ou encore la divinité réincarnée (l'empereur au Japon ou en Chine).

Les moyens tantriques et policiers sont une chose, les hommes et l'effroyable pauvreté du peuple, sont une autre chose.
D'un côté : propitiation, offrandes somptuaires, oracles, magie, pratiques de déités spécifiques pour le bon fonctionnement du gouvernement ou pour le succès dans la guerre comme dans la paix... un système administratif, religieux et politique, extrêmement perméable aux ambitions personnelles.
De l'autre : un désert de pierres et de sable, le peuple tibétain sans généalogie, sans terre... des gens juridiquement intouchables et dont la reproduction sera soumise à toutes les formes de répression et de manipulation, base rationnelle du travail obligatoire ou forcé, clef du servage pour dettes.

L'Etat élaborera les limites temporelles et religieuses de l'homme en établissant les normes souveraines de la parole, de la pensée, des mouvements du corps, des activités, dans la vie comme dans la mort (jusque dans les enfers ou les paradis).
Le maître tantrique de l'immoralité (maha-vajrayana) accordera une vertu à toutes les formes de l'immoralité religieuse en action y compris le viol, le vol, le mensonge et le meurtre (crimes et délits saints). Le guru/divinité et sa doctrine seront le corps officiel de la loi religieuse et policière.
L'immoralité théocratique existe bien. Elle est, dans son contexte d'application ou de déviation stratégique, opposée au droit Shakyamunien de l'homme du Vème siècle avant Jésus-Christ.
Elle n'est guère différente de la théorie politique du pouvoir de la parole et du comportement sexuel, épicentre de la maitrise de l'interdit (inceste) de la chrétienté sous Grégoire IX ou Innocent IV (1243-1254), autorisant, pour des motifs spécifiques, l'usage légal de la torture.
Une théorie similaire sera dispensée sous une autre forme au Tibet, au roi et aux ministres par Padmasambhava, "né ni de père ni de mère", source de toutes les filiations et de tous devoirs, au IX ème siècle.
Le bouddhisme épargnant les rois et frappant l'égo du peuple comme la foudre la pierre est, du reste, enseigné aujourd'hui comme immoral au Sikkim, l'un des rares pays à présenter la doctrine sous sa forme criminelle.

L'immoralité sera cependant antérieure à Padmasambhava. On observera cet aspect du tantra en Inde, au Pakistan, en Iran, en Irak, en Afghanistan, en Ouzbékistan, au Turkménistan, au Kirghizistan, au Tadjikitan... En Chine, au Xinjiang ( ou l'islam et le bouddhisme cohabitent depuis le IXème siècle).
Le discours politiques de police ultra-sécuritaire et le discours sur les origines des inégalités sociales et raciales de Charles Murray et de Richard Herrnstein ne seront pas différents de ceux tenus par les élites et les lignées héréditaires du dharma d'Etat pour la sécurisation du royaume.
Les enseignements des plus hautes autorités bouddhistes seront bien dispensés "à chacun selon son mérite" (intellectuel et cognitif) et selon un strict respect des indices du mérite social (familial, professionnel, patrimonial, racial).
Les plus riches et les plus purs (ou les plus proches des rois selon l'ancien régime) seront indéniablement et doctrinalement les plus méritants. Les plus pauvres seront doctrinalement "des démons", entendons d'authentiques "non-humains" (hinin), "impurs" (eta), "hommes à quatre pattes" (yotsunin) au Japon. Les burakumin (gens des hameaux spéciaux ou ghettos) sont toujours persécutés par la société japonaise, tout comme le furent les "bêtes parlantes", nangzen en tibétain, jusqu'en 1949.
Ces catégories attestent de la violence des modélisations juridiques et religieuses pré-établies anciennes (bibliographie judiciaire et ethno-antropologique sommaire de notre Intro II , du Ch. II, enseignements tantriques tibétains et sources judiciaires de l'histoire du crime religieux).

Nous retrouverons la violence des enseignements oraux du vajrayana dans le corps même de certains sutra du mahayana. Depuis 2000 ans, une forme directe de discrimination est bien transmise au Tibet, en Inde, en Chine, au Japon et frappe la catégorie des "candala" ou "outcasts (hors castes), "landless" (sans terre ou sans droit à la terre, ou ayant droit au travail forcé sans profit), "beggars" (mendiants), "homeless" (sans maison)... équivalent des "asociaux" ou des "irrécupérables" du IIIème Reich, les asoziales et les volksschadling condamnés à mort en 1938.
Dans la tradition hindouiste de l'Inde et du Népal, ils s'appellent les dalit ou les "hommes brisés" :
ils sont également safai karamacharis (laveurs de latrines à la main), lohars (forgerons), sutars (charpentiers), mangs (intouchables fabricants de vieilles cordes), chambhars (intouchables cordonniers), mahars (hommes à tout faire du village dont relève Ambedkar, nettoyeurs de rues chargés de retirer les carcasses d'animaux morts, cantonniers, gardiens, porteurs de messages), naxalites (intouchables révoltés et armés, opèrant contre les membres des castes supérieures reconnus responsables de meurtres, de mutilations, de viols, de vols, d'incendies volontaires des villages et acquités par les tribunaux corrompus ou relachés par des policiers complices )...
Au Sri Lanka ils s'appellent nahvis, rodiyas ou rodi ou les "sales", bannis, accusés par les légendes passées d'avoir commis des crimes odieux et condamnés à la mendicité ou à l'aumône, condamnés à n'avoir ni terre ni emploi et à subir des traitements dégradants, ils s'appellent également pallas et nalavas, descendants d'esclaves, paraiyars ou "ceux qui sont condamnés à des tâches impures"...
Au Pakistan ils s'appellent qoum et sont balayeurs, laveurs, coiffeurs, bouchers musulmans de rite sunnite et dalit hindouistes fabriquants de briques. Ils vivent en condition de prisonniers et travaillent tant qu'ils n'ont pas payé leurs dettes et ce malgré l'abolition en 1992 du régime de travail servile...
Ils sont environ, en 2001, selon Rajendra Kalidas Wimala Goonesekere de la sous-commission des Droits de L'Homme des Nations Unies : 250 millions soit 1/25ème de l'humanité.


Inégalités socioreligieuses à la naissance et criminalité bouddhiste
Un fait est cependant certain, si la doctrine bouddhiste est modifiée au profit d'une théologie politique et policière de l'Etat (comme se fut si souvent le cas), ou même non modifiée mais mise en pratique dans un contexte contre nature : guerres de succession, trafics d'influence, servage pour dettes, manigances à domicile, sorcellerie et magie criminelle, mensonges, vols, viols, meurtres, incendies volontaires, etc... elle devient un indéniable support de tyrannie (en atteste l'histoire criminelle bouddhiste du Tibet, de la Chine, de la Corée, de l'Inde ou du Japon).
Le corps de doctrine tantrique dans les deux cas, avec modification et sans modification, appliqué sans discernement ou sans critique dans un contexte contre nature peut être considéré comme une cause de déviance grave et servir à terme d'argument dans un procès (ces déviances aux conséquences pénalisantes évidentes pour les plus pauvres doivent être recensées et nourrir les debats publics, la justice, la jurisprudence), devenir une source judiciaire de l'histoire du crime religieux.
Le devoir de critique en profondeur s'impose. Si le lien entre les inégalités socioreligieuses à la naissance et le crime bouddhiste est sociologiquement démontré il est plus évident encore quand le concept de karma (le lien entre l'inégalité socioreligieuse et le crime ou le délit) est rationnellement exploité pour l'organisation territoriale, démographique ou l'organisation du travail par une famille, un potentat regional ou par le pouvoir d'Etat (un roi, un prince ou un empereur), un maître assermenté, reconnu ou public, ou une communauté monastique historique.
Il y a bien un enjeu religieux, politique, économique, judiciaire du karma. Les inégalités socioreligieuses à la naissance et le crime bouddhiste sont le lien entre l'Etat moral, la communauté penitente, la personne fautive. La dependance au culte propitiatoire pour le pardon est une expression idéalisée, symbolique, du pouvoir judiciaire et du lien aux divinités vénérées dans toute l'Asie depuis des siecles. Certaines, tres puissantes, appartiennent au panthéon tantrique bicephale à la fois hindouiste et bouddhiste, citons: Brahma, Vishnou, Shiva, Indra, Amrita, Mahadeva, Rama, Ganapati...
Nous pouvons dire enfin que le pardon sera proportionnel à la personnalité juridique reconnue a chacune des divinités. Que dire maintenant de la sanction de la délinquance, du crime, des échecs et des erreurs des familles religieuses-Etat créatrices et gardiennes des cultes pour le pardon et, au regard des textes et des doctrines, corps subtils des divinités vénérées... Nous sommes bien, ici, confronté à un principe politique d'irresponsabilité ou d'intouchabilite religieuse. On entendra par irresponsabilité religieuse celle qui conduit à l'absence de sanctions de la délinquance, des crimes, des échecs et des erreurs dans la mise en oeuvre d'une "religion nationale" (par son personnel) - au delà des différends sur les concepts et les doctrines - désormais mode de gouvernement du politique, du militaire...du religieux. Nous lisons l'invention de ce principe politique d'irresponsabilite religieuse dans l'histoire criminelle des religions.
Là encore, nous pouvons dire que la doctrine bouddhiste déviante, en tant qu'une théologie politique au service de la police, du commerce ou de la guerre, du vol ou du meurtre, est bien une source judiciaire de l'histoire du crime religieux d'Etat (lire à ce sujet l'étude du fond doctrinal des "guerres saintes bouddhistes au Japon" par le professeur Ichikawa Hakugen dans "Zen en guerre" du bonze Brian Victoria, 2001, et "La personnalité de l'idole hindoue" dans "Le droit indien en marche"de David Annoussamy, Société de Législation Comparée, 2001).
Les sujets, dévôts des divinités tantriques, seront juridiquement et religieusement "tantôt serviteurs tantôt propriétés de la divinité". (D. Annoussamy)
La caste sacerdotale d'Etat (ou historique) s'occupant des modalités d'accès à la liberté.... "en dehors du rite, le châtiment" (lire Xiaoping Li, à propos du lien entre le confucianisme, le rite "Li", le chatiment "Fa", et le gouvernement traditionnel en Chine, "La civilisation chinoise et son droit", R.I.D.C. 3-1999).

Le Dr. Ambedkar, anthropologue constitutionnaliste, en se détachant de l'hindouisme "jugé injuste et cruel", réformera l'approche du bouddhisme indien des années 1950 par la conversion militante progressiste des parias et des intouchables hindouistes.
Cette conversion, pour ne pas reproduire le shéma stratégique hindouiste des inégalités karmiques (à la naissance), s'accompagnera dans le contexte socialiste individualiste égalitaire des droits de l'homme de garanties juridiques désormais constitutionnelles.
Malgré cet élan réformateur qui secouera le continent Indien en 1948 la défaite britannique laissera un goût amer dans le système administratif (nous y retrouverons les mêmes déviances critiquées par I. Kitamura à propos des modèles juridiques pré-établis au Japon) : le formalisme perfectionniste, le refus de l'initiative, le ritualisme, la fuite devant la liberté et le hiérarchisme matriciel.
Le cas de l'île Maurice - population métissée dotée d'une souche hindouiste et indienne majoritaire- est à ce titre interessant, les copies des examens universitaires sont corrigées en Grande Bretagne, à Oxford et à Cambridge, les brahmanes accèdent toujours aux postes clefs de l'administration tandis que les parias sont toujours maintenus, comme en Inde, en dehors des groupes humains légaux. Citons encore que deux diplômés mauriciens de même niveau, l'un de souche soudra (paysan, domestique) l'autre de souche brahmane (prêtre, lettré) n'auront pas la même promotion administrative. Cette forme très parlante d'autisme administratif et religieux n'est toujours pas tombée de l'arbre/planète bouddhiste au XXIème siècle.
(lire également sur le net et en bibliothèque "A critique based on the present state of discrimination against Buraku People", Kenzo Tomanaga, dans le contre-rapport au quatrième rapport périodique du Gouvernement Japonais (Buraku Liberation and Human Rigths Research Institute, 1998); "Annihilation of caste", Dr. Ambedkar, 1987; "Dr Ambedkar", leader intouchable et père de la constitution Indienne, Christophe Jaffrelot, Presses de Sciences Po, 2000; Mark Galenter, "Competing equalities - law and the background classes of India", 1984; "Broken people : caste violence against India's "intouchables"", Human Right Watch, mars 1999; M.D. Raghavan : "Handsome Beggars - the Rodyas of Ceylon", 1957)


12

Les inégalités codifiées, de la plus haute, la moins endettée des naissances dotée de tous les droits, à la plus humble, la plus endettée des vies, la plus immédiatement répréhensible et corvéable, sans droit...
L'on naît sur une grille de départ héréditaire négative pour l'existence : trame juridique et pénale, alimentaire et sanitaire, corvéable ou non...


Le saint indien Vasubandhu auteur de la doctrine du vide ou de la pensée / conscience unique (tout n'est que pensée) au IVème siècle voulut une doctrine simplifiée pour le peuple (en trente versets). Observons six versets de la traduction américaine que propose aujourd'hui Francis H. Cook du Numata Center for Buddhist Translation and Research de Berkeley, Californie :

(20) Because of whatever imagination
Such-and-such a thing is imagined
This imagined nature (pari kalpita-svabhava)
Does not exist
(21) The nature that is dependant on others (para tantra-svabhava)
Is discrimination born of conditions
The perfect (nature, parinispanna-svabhava) is
The eternel privation
Of the former nature from that (dependant nature)
(22) Therefore this (perfected nature)
And the dependant on others
Are neither different nor non-different
Like the nature of impermanence, etc...
One not perceived, the other is not perceived.
(23) (...) Therefore, the Bouddha taugth with a hidden
Intention, that all dharmas are natureless
(24) (...)The first (nature) is naturelessness of characteristics (laksana)
The next is naturelessness of self-existence
The last is the nature that results from the privation
Of the former, self and dharma that are grasped
(25) (...) This is the ultimate thruth of all dharmas
Its the thrue nature of conscienceness only


La sagesse holistique et la gauche
Le sage bouddhiste (ayant renoncé au pouvoir et à la faute, engagement par le voeu, condition initiale) étudie/médite les infimes variations des paramètres essentiels du vivant liés aux actes, aux paroles et aux pensées. Ses réflexions holistiques (la nature, l'homme, l'univers-souffrance comme un tout, les causes et les effets) seront consignées dans les traités d'abhidharma. Vasubandhu comme beaucoup d'autres consignera les siennes dans l'abhidharmakosa (ou traité d'abhidharma). Elles seront taduites par Hiuan Tsang, moine pélerin chinois du VIIème siècle puis par Louis de la Vallée Poussin, au siècle dernier, pour le compte de l'Institut Belge des Hautes Etudes Chinoises.

Le ahrat ou le sage (les lettrés Sariputra, Ananda, Maudgalyana, Vasubandhu, Hiuan Tsang...) est un spécialiste des causes et des effets et transmet gratuitement aux plus démunis les moyens de la compréhension holistique du vivant et de l'impermanence.
Une des bases doctrinales de l'origine des inégalités socioreligieuses et des catégories est consignée, à tout le moins pour le moine mendiant, dans les multiples codes du vinaya, de l'abhidharma, des sutras de l'école du sud, Inde du sud, Sri Lanka, ou du nord, Viêt-nam, Chine, Japon, Corée... Il y aura parmi eux de nombreux moines sociaux contestataires. Certains mourront assassinés par le pouvoir politique ou seront disgraciés par les instances même du dharma.

La sagesse et la compassion jouent un rôle essentiel dans l'approche de la souffrance individuelle mais ne peuvent vaincre la misère proprement dite, le paupérisme et la dureté des systèmes légaux supports du totalitarisme, des systèmes de parenté déloyaux, l'économie non équitable, le régime des castes, la discrimination ou l'apartheid ; sans critique du karma et des doctrines, causes des in¯galit¯s socioreligieuses ¶ la naissance, du crime bouddhiste, sans action sociales, politiques ou économiques adaptées à son temps, sagesse et compassion comme le droit, seront sans efficace social.
Les actions politiques des moines birmans contre la dictature des militaires, des moines thaïlandais contre les narcotrafiquants du triangle d'or, des moines cambodgiens contre Pol-Pot, des bonzes vietnamiens contre la folie militaire française, communiste vietnamienne et américaine, la recherche-action des bonzes Hakugen ou Victoria contre le r¯visionnisme historicoreligieux au Japon et la réaction dans l'approche des textes et des doctrines, contre l'institutionnalisation du bouddhisme japonais, attestent notre propos...

L'obsession généalogique des institutions bouddhiques, la pureté du sang et de la race et l'aliénation du droit shakyamunien de l'homme
Mais l'univers religieux, comme tout phénomène, est instable. Durant des siècles les moyens du bouddhisme seront objétisés, monétarisés, classés par catégories, numérotés accordant la première place à une histoire déformée par le national-communautarisme. L'esprit du bouddhisme perdra tôt, selon nous, sa vocation critique séculière pour devenir le support privilégié d'un historicisme négatif forcené et forcé.
La recherche de la préservation de la pureté du sang (associée très adroitement à la perfection de la préservation/transmission de la connaissance) ou de la préservation du lien à la filiation royale, impériale ou princière inaccessible et sacrée, inversera selon nous, le rapport du "pauvre" au droit shakyamunien de l'homme. Cette recherche aura pour corollaire de lier négativement l'organisation bouddhiste séculière "construite essentiellement autour d'un pouvoir par les connaissances" à l'organisation territoriale, économique et démographique. La pénalisation des pauvres liés aux inégalités socioreligieuses ¶ la naissance par le crime bouddhiste ou le délit sera sans aucun doute le ciment politique de cette organisation sociale repressive et territoriale négative. La pénitence au sein de la société criminelle bouddhiste ou hindouiste se fera par le travail forcé (karmayoga, par.13), l'esclavage pénal ou l'exclusion sociale.

Nous établirons par ailleurs un lien entre la destruction de "l'acte fondateur" de Siddharta Bouddha historique par ses héritiers (son reconcement historique à la filiation princière était la clé de voute de la société égalitaire pour vaincre l'ignorance cause de la souffrance) et le regime de pénalisation des pauvres liés aux inégalités socioreligieuses par la naissance, la dette, le crime ou le d¯lit bouddhistes. Il est clair que les droits fondamentaux de l'homme garantis au XXIème siècle par la société laique ne seront jamais garantis par le bouddhisme séculier, ce dernier en vivrait plutôt bien...
Un fait est également certain, l'on ne transmettra plus qu'au compte goutte la filiation au "pur dharma", en fait le lien aux familles "purifiées, pures et parfaites" ou seigneurs du dharma.
La recherche de la préservation de la "pureté du sang ou des généalogies sans tache" sera (et est toujours à ce jour) une obession directoriale. Les candalas ou "outcasts", "les sous-hommes", "les impurs", "les souillés", catégories juridiques bouddhistes des personnes pauvres sont toujours les "asociaux" et les volksschadling ou "irrécupérables" d'hier. Le sang et l'or l'emportent sur la misère... Au point que l'esprit de caste ou de classe, rendra les causes de la souffrance individuelle et collective illisibles. Les effets seront appréhendés séparément et le monde religieux à nouveau divisé et réduit sera hostile à la liberté et à la critique.

Le "dharma patrimoine commun de l'humanité", à ce titre, sera bien privatisé dans les coulisses des grandes familles bouddhistes et limité à la seule souveraineté des familles-Etat rivales. Aujourd'hui, l'expansion politique bouddhiste des grandes familles par les média et la maîtrise du capitalisme international est bien un boulet pour les pauvres religieux et les radicaux.
La doctrine de la "pensée unique" sera pourtant élaborée par un sage sans terre, un landless pour qui la richesse et la propriété représentaient deux obstacles à la vie spirituelle. Entre les mains des Trois Grands Seigneurs (aristocrates, fonctionnaires et moines) elle deviendra le support d'un despotisme regional transnationalis¯, sournois et efficace. Malgré tout Vasubandhu défendra les gens sans mémoire, sans généalogie, les aliénés sans moyens intellectuels et pauvres. Il adoptera un style vie conforme à l'ethique et à la morale du yogi prêcheur mendiant et condamnera "Tushita"... le monde des dieux.
Le dharma est bien "dharma-sunyata", "pudgala-sunyata" (ou les choses et les êtres, dharma et pudgala, sont vides, sunyata). "Il n'y a que çà à retenir !" pour admettre "le désintéret" consigné dans les trente versets de Vasubandhu. Demeure l'indispensable condamnation des moyens de la conservation, les r¯serves des lignees héréditaires, proprietes des familles-Etat ou des despotes regionaux.

Esthétique, cruauté et criminalité religieuse
La (les) doctrine(s) interprétée(s) et réécrite(s) pour les besoins du seul pouvoir monastique dans un contexte de cour, il reviendra aux moines virtuoses de créer une théologie et d'inviter les dieux, de renouveler le potentiel de fascination par la beauté, le mystère et la pompe des rituels officiels.
Un aspect du zen se développera, par exemple, dans la région de Tokyo, parce que telle branche du zen chinois de la dynastie Song (960-1279) est esthétique et que ce raffinement est garanti par un certain nombre de moines lettrés maniérés. La voie zen des Song, n'est pas le tch'an des Tang. Elle est, selon J.Ducor, Matsunaga et Paul Demiéville, un dyâna (en tant que l'expression d'une voie d'accomplissement incomplète) et à ce titre, un aspect édulcoré du tch'an chinois.

Le zen des Song est célèbre pour son raffinement de cour et ses peintres moines naturalistes. L'on citera le célèbre Sesshu Toyo (1420-1506) l'un des paysagistes inspirateurs japonais de cet élan vers le passé esthétique. Le bouddhisme bourgeois ne remplira son office que parmi les seigneurs de guerre et les moines créateurs. Le peuple ne vivant que de pierres et de sable.
C'est toutefois à cet art de vivre zen Chinois, qui subjugua tant la famille des shogun Ashikaga de l'ère Muromachi (1333-1573), que l'on devra, écrira l'un des fondateurs du parti socialiste japonais, Katayama Sen (1859-1933), "la fameuse attraction touristique de Kyoto, le "jardin protégé du Dragon" du monastère zen Ryoanji (1450)".
L'on devra également à Ashikaga Yoshimasa (1479) la construction du pavillon d'argent où l'on définira les rites de la célèbre cérémonie du thé. C'est également au "génie" politique et religieux, tant des Shogun que des esthètes du zen Song que l'on devra la période des guerres civiles sanglantes dite des royaumes combattants ou Sengoku-jidaï (principautés belligérantes, 1467-1603).

L'esthétisme et l'élégance des moines lettrés zen, chinois et japonais, alliés au goût pour le meurtre des shogun, l'emporteront. Les inégalités sociales , les naissances et le crime interagiront avec le puissant hiérarchisme monastique en appui sur les doctrines édulcorées, le droit shogunal militaire de la propriété et le système de parenté des familles militaires.
Il faudra attendre le XXème siècle écriront les juristes Tadakasu Fukase et Yoichi Higuchi pour que l'abus du droit de la propriété soit reconnu et condamné au Japon.

Il y aura toutefois, en parallèle, de nombreuses voies bouddhistes militantes et sociales. Tandis que le célèbre maître zen Dôgen (1200-1253) juge insupportable (ou opposée à la vie spirituelle) la vie maniérée, corrompue et trépidante, de Kyoto en 1243, le moine Ninshô (1217-1303) poursuivant les activités de son maître Eizon (1201-1290), fondateur du shingôn rinshu, créera le kitayama jûhakken-dô, le 1er établissement pour les lépreux à Yamato. Cette époque, grâce à l'impulsion de quelques éléments du shingôn Risshû, du jodoshû, du rinzaïshu, donnera naissance ¶ plusieurs centaines d'établissements de ce type dans les environs de Kyoto et de Kamakura. Cela dit, à l'instar du bouddhisme, la médecine, bouddhiste ou non, vivra des heures noires quand elle se livrera aux empereurs et aux cours ou tout simplement au business.

Le moine zen Manase Dôsan (1506-1594) du temple shokoku-ji abandonnera sa robe pour être plus proche de la souffrance. Célèbre pour sa probité et ses innovations en matière de diagnostic (le médecin se doit de connaître toutes les doctrines de médecine de son temps - y compris les classiques de la médecine chinoise holistique selon Li Dongyuan (1180-1228) et Zhu Dangxi (1281-1358) des Jin et des Yuan - pour formuler un avis sur la cause probable d'une maladie) il n'en combattra pas moins la corruption qui sévira dans le milieu médical (diagnostics de complaisance -violation de son 12ème précepte déontologique, ambitions politiques déviantes, cadeaux honoraires, professionnalisme) et dans celui, non moins lucratif de la pharmacie. Il écrira à ce sujet un code de déontologie en 57 préceptes (inséré dans son kirigami) et fondera le keiteki-in, la première école de médecine indépendante du Japon.
Il se convertira finalement au christianisme en 1584. Manase Dôsan se détachera très tôt de l'exorcisme (14ème précepte) et de la médecine dite de l'empereur, théologique, rituelle, propitiatoire et tantrique... réputée "magique" et absolument inefficace.


13

Cioran critiquant la vertu bouddhiste écrira : "nous condamnons le bouddhisme parce que la doctrine du vide condamne le désir". C'est surement très vrais, quoique...

Le bouddhisme tantrique, criminalisé pour l'exclusion des plus faibles
Au risque de choquer, beaucoup de bouddhistes forniquent et beaucoup de dirigeants bouddhistes laissent forniquer y compris dans les centres de dharma (il y aussi les "affaires classées" entre moines et nones, entre moines et moines, entre nones et nones...) Les dignitaires avouent ne jamais pousser à la faute.... La stratégie de l'immoralité bouddhiste conduit pourtant à l'immoralité (entre laïcs et résidents ordonnés) ou au délit professionnel.

Les confessions de Yeshé Tsogyal, "reine ésotérique du Tibet", sur "l'art de la masturbation et de la fellation du guru", sont célèbres. Un fait cependant, si tout le monde n'est pas épouse-disciple de Padmasambha, gageons que Padma ne sera jamais cocu. Il comptera pas moins de cinq épouses tantriques majeures et Yeshé Tsogyal, la première d'entre elles, qui ne sera jamais cocue, ne comptera pas moins d'une centaine d'amants, violeurs, assassins, vagabonds des montagnes, voleurs, voyous.... tous obtinrent, disent les textes, une voie de sainteté... félations gratuites, bonnes oeuvres tibétaines... du IXème siècle.

Aujourd'hui, "le plaisir d'être sauvé par le maître" (stratégiquement ou criminellement amant) vous "sauvera" à condition d'être riche et de bonne famille, propriétaire, rentier, célèbre... Dans le cas contraire il vous tuera ou vous nuira, en orient comme en occident.
Nous connaissons nombre de bouddhistes sikkimaises, népalaises et françaises, obligées de se prostituer à "Singa" (Singapour) pour "vivre de l'amour tantrique". Celui ou celle qui s'engage sur la voie stricte de l'amour religieux s'engage aujourd'hui sur une voie monétaire privatisée par les grandes familles. Ces dernières ne dispenseront plus que contre fortune (seul critère du mérite) les vraies orientations professionnelles.

La préservation de la pureté du sang ou de la race tantrique serait à ce prix ?... Il y a le yab-youm des dieux (union sacrée en tibétain qui entretient finalement les lignées "d'amoureux tantriques" réincarnés, historiques) et le yab-youm du sous-prolétariat pratiqué dans les bas-fonds du bouddhisme : Mexico, Delhi, Soweto, Santiago, Shanghaï ou Lhassa.

En 1935, Lhassa-township, fief saint des moines-rois gélugpa, comptera sur 1720 consultants 506 cas de syphilis, 139 cas de blénnorragie; Gyantse, ville sainte princière, sur 12 000 malades alignera 608 cas de syphilis et 374 cas de blennorragies.
En 1900, quatre ans avant l'invasion des troupes britanniques du colonel Younghunsband, une épidémie de variole tuera 6000 personnes uniquement à Lhassa, réputée pourtant pour l'efficacité de sa médecine tantrique par les divinités (collège médical de Lcags-po-ri).
En 1794, une stèle sera érigée à Lhassa sur ordre de l'empereur de Chine. Elle portera des instructions de quarantaine en cas d'épidémie de variole, et ordonnera (pour la seule ville des dieux) la construction d'hospices à cet effet. Cette stèle est toujours visible. L'histoire critique de la maladie au Tibet est du reste toujours fort mal connue pour des raisons de prestige tant politique que monastique... Lhassa est pourtant un foyer pour les fièvres typhoïdes et paratyphoïdes, la dysentrie bacillaire, le typhus exanthématique, la fière récurrente (due aux poux).

Les monastères du bouddhisme tantrique de la voie royale, imperfectible, en tant que voie des modèles royaux pré-établis, seront quant à eux ravagés, qu'ils soient karmapa, gélugpa, sakyapa, nyinmapa, kagyupa... par les troubles psychiques, les névroses dira-t-on (épilepsies, hystéries, obsessions, dépressions), plutôt que psychoses (R.Moise). La Vallée du Tsangpo (vallées des rois Tsang) est réputée pour les cas de myxoédème et de crétinisme. Parmi les maladies parasitaires signalons la gale, le ténia, l'ascaris, le tricocéphale.
Les conditions d'hygiènes des monastères tantriques étant excécrables, la tuberculose osseuse touchera une grande partie de la population des moines. Par contre les conjonctivites, blépharites, panophtalmies du trachome et de la cataracte, les maladies rhumatismales avec complications cardiaques, névrites sciatiques, frapperont sans sectarisme tant la race des seigneurs que celle des sous-hommes (lire R.Moise "Note sulla medicina e l'igiene nel Tibet", "A Lhasa e otre" de G. Tucci, Libreria delle Stato, Rome, 1956; F. Meyer : "Médecine Tibétaine-l'homme et son milieu" Himalaya Ecologie-Ethnologie, CNRS, Paris et "Gso-ba rigpa, le système médical Tibétain", Presses du CNRS, 1988).

L'amour tantrique (en tant que technique de méditation - dans les conditions très particulières du don sans condition, source d'hygiène du corps, de la parole et de l'esprit - outil d'accomplissement et d'éveil) pourrait faire regretter à Cioran de ne pas être bouddhiste.
Nous partageons toutefois la critique de Cioran en ce sens qu'elle soulève pour nous la question de la probité dans un contexte aujourd'hui dangereux, celui du désir religieux dans un contexte tantrique étouffé, épuisé et désormais extrêmement pénalisant pour les pauvres, héritiers pourtant naturels de cet aspect du bouddhisme réservé initialement aux illettrés et aux violents.
Il y aura toutefois de "grands hommes de désir", saints prêcheurs démunis et errants, forniqueurs de métier, courageux au point de pisser sur un roi karmapa ... qui se vantera d'être insensible à la beauté des femmes.
Nous condamnerons l'hypocrisie des maîtres, des groupes consensuels et le crime familial, sources d'une grande histoire judiciaire du bouddhisme autant que la doctrine du vide qui peut induire désormais, notre position a évolué, une déviance, une délinquance sexuelle, une exploitation sexuelle de la femme, de l'homme (nous l'avons connu, les beaux gosses, les jeunes capitalistes et les intellos rabattent les femmes et inversement, ou se consacrent sur ordre des lamas àla reproduction dans le but de souder les communautés), des enfants (beaucoup ont été souillés sans que la justice d'aucun pays soit inquiétée). Cioran ici a tort, le desir et le sexe jouent une part importante dans le bouddhisme tantrique.

Le mahayana, le pouvoir et le nouvel ordre mondial
La doctrine mahayaniste du vide et la voie de l'essence du vajrayana demeurent avant tout deux moyens historiques de libération pour la marge et l'altérité, les déshérités.... Lesquels sont aujourd'hui le point névralgique de la politique de pénalisation élaborée dans les coulisses du nouvel ordre mondial par les think tanks américains et britanniques, puis imposée par les élus néoconservateurs.
Rappelons brièvement les noms de quelques "boites à idées" ventilant la nécessité de criminaliser la pauvreté :
le Manhattan Institute, l'Institute of Economic Affairs de Londres (IEA), le Council on Foreign Relations (CFR), gouvernement fantôme des USA chargé de développer la compréhension des "affaires mondiales", de fournir des idées nouvelles en matière de politique étrangère (sur la base du Catastrophic Terrorism, équivalent US de la seconde guerre mondiale ou de la guerre froide) et de former la prochaine génération de leaders et d'intellectuels US, ou encore le NED, National Endowment for Démocracy, littéralement : "Don National pour la Démocratie" lancé par Ronald Reagan pour soutenir les groupes "authentiquement démocrates et pro-américains" dans l'hémisphère nord et sud, co dirigé par Frank Carlucci président de Carlyle Group et ancien directeur de la CIA, Wesley K. Clark, général et ancien chef des armées de l'Otan en Europe, de 1997 à 2000.

Il est utile ici de préciser que "l'homme de désir" dans le contexte theorique de la doctrine du vide signifie aussi : "un soi plein de désir qu'il faut persécuter et détruire"" et implique traditionnellement : "un meurtre de l'égo".
Cette dialectique du meurtre ne sera jamais tenue que par les écoles des lois pré-établies ou institutionnelles, voulues immuables par leurs héritiers royaux ou impériaux en Inde, en Chine, au Tibet ou au Japon. Cela dit les yogis contemporains rattrap¯s par la vie intrepide et la demographie ne diront pas moins. Les problèmes pleuvent.

Le nembustu populaire (qui s'exprime hors du contexte du pouvoir, de la connaissance orthodoxe écrite et du châtiment) concernera les discriminés, les prostituées et les vagabonds, les "amis des berges et du givre", les chômeurs, les voleurs, les pauvres aliénés, les asociaux, les irrécupérables, les "underclass" de Tony Blair (1999).
Le nembutsu et meme le zen, initialement populaires, ne s'opposeront pas au désir. Ils s'opposeront davantage à la stratégie de coulisse de l'ordre écrit "pré-pensé" et institutionnaliste qui en vit, ordonnant aux pauvres, pour reprendre une expression du sociologue Loïc Wacquant : "d'abjurer toute autonomie intellectuelle"... Le bonze Victoria reagira de facon similaire aux critiques ulc¯r¯s de Zen at War. Un pratiquant bouddhiste n'est pas un soldat !!...

Un vagabond-pédagogue du Tsin t'ou (Terre Pure Chinoise), sans âge et sans nom, critiquant l'époque Song écrira de sa prison en Chine :
"On ne peut emprisonner ce qui est vide. La vacuité n'est pas sécable ou formalisable. Le vide ne peut être attaqué ou défendu. Le vide est gratuit. Il est sans limite. Comment se rendre propriétaire de ce qui n'existe pas et qui pourtant est la nature de toute chose, bhutatathata. Si les choses sont vides, elles sont interdépendantes. Aussi celui qui cherche à se rendre maître du vide dévoilera son attachement aux choses. Corrompu par des liens illusoires il cherchera à se rendre maître des hommes et des choses. De tels liens sont sources de souffrance, de tels hommes sont vraiment prisonniers. Demain l'on me tranchera la tête mais en fait, que tranchera-t-on ?".

Le pouvoir religieux en Chine, au Japon ou au Tibet, contraindra les indépendants à abandonner la critique de la théologie monétaire (aujourd'hui theologie de march¯) sous peine de prison, de torture, de deportation ou de mort. Il est éxigé sous cet infecte régime policier de se protéger de l'ignorance, des évènements naturels (les dieux courroucés), de la misère en séparant stratégiquement la condition générale de la foi de l'esprit d'indépendance.

Les rites, codifiant le rapport au territoire, à la démographie à l'économie ou à la foi par la seule qualité des liens aux Dieux, construiront insensiblement un devoir de reconnaissance et de gratitude précisément envers ces mêmes dieux, l'empereur, le roi, les seigneurs locaux et les maîtres (note 3). Ce devoir d'une époque conduira à une dette sans âge contractée dès la naissance en ce monde. La qualité de votre naissance sera le reflet de vos crimes mais aussi de vos pénitences en cette vie. La dette désormais karmique (touchant toutes les créatures et la somme incalculable des vies passées) servira de fond théorique à l'idéologie totalitaire de l'insécurité (universelle) attribuant la faute aux plus pauvres et le pouvoir punitif aux maîtres "voyants" (parfois rois), et de ce fait (du fait de la voyance) experts en stratégie de police (karmique) et donc de gouvernement.

La catégorie juridique des personnes "landless" ou "sans terre", statut fixatif de vos qualités legales, civiques ou morales, de votre crédibilité et de votre identité, vous établi intrus (ou non) dès la naissance sur la terre des dieux. Elle sera par le fait la catégorie des exclus de toute forme de protection et de grâce et par là, cause de tous les malheurs. Trop nombreux ils sont une menace directe pour l'ordre, l'autorité, la société.... L'on se souviendra de ce célèbre verset juridique : "Que le juge fasse jurer un brahmane (prêtre) par sa véracité, un kchatrya (guerrier) par ses chevaux, ses éléphants ou ses armes, un vasya (commerçant) par ses vaches, ses grains et son or, un soudra (paysan ou domestique) par ses crimes" (code de Manou VIII- 113).
Le paysan sans terre, catégorie fossilisŽe dans le système juridique indien des inégalités graduées, est une catégorie "indigne du rameau central ou principal", il est hors cast (outcast), dalit, harijan ou encore au Japon eta, hinin, burakumin , "que seul le travail forcé pourra racheter (concept pénal du karmayoga)".
Les "irrécupérables" puisque improductifs, "underclass" ... seront les supports idéologiques de la politique du travail forcé pénal de Blair aux XX et XXIème siecles (Alan Deacon (ed.) From Welfare to Work : lessons from America Institute of Economic Affairs, I.E.A., 1997).

Le bouddhisme du maha-vajrayana qui aura préservé doctrinalement le mérite juridique (ou religieux) par les seules qualités à la naissance (et qui reconnaîtra le régime du travail forcé pour tous les êtres sans droit ou sans terre) est bien pénal. Les dieux situés par la croyance en haut de la hiérarchie de la représentation sont bien dotés d'une totale liberté de manoeuvre et d'imposition. Cette dernière (liberté guerrière et imposition - la mesure et le prix de la faute) sera bien reconnue chez les seuls puissants (en tant que maîtres de la terre, de l'économie et de la démographie) dans le droit de commander les guerres et l'absolue liberté en matière de fiscalité (fiscus).
Mener le pays au pas comme la troupe en multipliant la vocation d'intrusion de l'Etat (système de parenté, obligation de résidence et de travail) et d'intolérance pénale des juges à la base deviendra monnaie courante.

Entre 1600 et 1867, la maison japonaise ou "Ie", sera, selon Murakami, Kumôn et Satô (1979), un instrument du pouvoir et une matrice de la subordination de l'individuel au collectif. Cet instrument ne peut exister sans une solide théorie de la fiscalité, de la parenté et du travail à la base. "La permanence politique liée au monopole de la richesse, du travail et de son produit" est à ce prix. La présence permanente de la maison japonaise (Ie), à tout les niveaux de l'édifice social, garantira la stabilité de l'ordre politique et administratif.

La croyance en un corps de divinités protectrices, force de sédentarité par excellence, couplée à une police des déplacements (surveillance des allées et venues des maîtres de "maison-unité de production", interdiction aux maîtres de quitter le village sans autorisation de police) conduiront bien les dieux à manifester leur clémence, leur joie ou leur colère : foudre, tremblements de terre, pluies et inondations, typhons, famines, épidémies, sècheresses, incendies, invasions. Les dieux et les rites seront bien une police d'assurance multirisque face à l'adversité reflet de la délinquance familiale, ouvrière, commerciale ou princière. Hors la régularité des rites, hors le travail obligatoire et hors l'interdiction de la libre circulation selon une certaine conscience du dieu protecteur, de l'ancêtre ou du seigneur-empereur : le chaos, la destruction, ou plus exactement la police et la punition... l'exclusion et le marquage pour les plus démunis ?

Le théoricien économiste japonais Kaiho Seiryo (1755-1815) écrira dans zenchudan ou "conversations sur le bien" à propos des catégories juridiques de personnes discriminées "Eta" ou "impurs" :
"que les Eta qui ont tendance à se diluer dans la population ordinaire soient tatoués afin qu'on puisse les distinguer. Selon Kaiho Seiryo, les Eta sont de l'espèce des barbares étrangers et non des descendants d'Amatérasu la déesse du soleil. (...) Si on traite les Eta comme des bêtes, c'est parce qu'ils n'ont aucune morale et qu'ils diffèrent complètement des gens du rameau principal" (Kaiho Seiryo était un spécialiste de l'économie commerciale).

L'economiste néo-confucianiste Ogyu Sorai (1666-1728) théoricien du shogyn Yoshimune écrira dans "conversations politiques" (seidan) :
"...les putains et les habitants des berges sont des gens vils : voilà qui est commun en Chine comme au Japon, et c'est un fait qui de tout temps a existé. Car ces gens sont d'une race particulière".

Wakita Osamu, spécialiste contemporain de la discrimination à l'époque pré-moderne d'Edo (des Tokugawa, 1570-1868) écrira:
" ...pour (Ogyu) Sorai, cette nature particulière des prostituées et autres les fait agir à leur manière (...) Ils enlèvent les enfants des gens ordinaires pour les prostituer ou en faire des voyous, et ils constituent un danger social. Sorai pense que les enfants des filles de joies et des truands doivent être à leur tour filles de joies et truands et qu'il faut interdire à ces gens là tout contact avec les gens du rameau central".

Yamaga Soko (1622-1685) lettré confucianiste spécialiste des questions militaires, morales et politiques, écrira dans "Propos de Yamaga" :
"il ne faut pas laisser s'installer en ville certains religieux comme les femmes pratiquant les rituels de possession (Miko, selon Anne Bouchy, certaines d'entre elles n'auront aucun rapport avec l'Etat, les institutions religieuses, le commerce des services religieux, la sujétion et feront un vrai travail d'intégration sociale auprès des marginaux), il faut concentrer les mendiants Hinin ("les souillés") en un lieu précis et les empêcher de mendier sur la voie publique, les Eta ("les impurs") doivent continuer d'effectuer les tâches d'exécuteurs de la justice et celles d'équarrisseurs, il faut décider de certains blasons sur leurs vêtement (afin de les reconnaître)" (Wakita Osamu, "à propos de la discrimination à l'époque pré-moderne", Identités, Marges, Médiations, EFEO, 2001).

Cette théorie de la police ressemble à s'y méprandre à la théorie défendue aujourd'hui par Norman Denis et soutenue sans réserve dans "Zero Tolerance, policing a free society" ou "Tolérance zéro : comment policer une société Libre" pour le compte du redoutable Institute of Economic Affairs, (I.E.A. Londres)

Loïc Wacquant sociologue à Berkeley et critique de cette théorie dira :
"le titre résume la philosophie politique : "libre", c'est-à-dire libérale et non interventionniste "en haut", en matière de fiscalité et d'emploi ; intrusive et intolérante en bas pour tout ce qui touche aux comportements publics des membres des classes populaires pris en tenaille par la généralisation du sous-emploi et du salariat précaire, d'un côté, et le recul de la protection sociale et l'indigence des services publics de l'autre.
"Ces notions ont servi de cadre à la loi sur le crime et le désordre votée par le Parlement néotravailliste en 1998, la plus répressive de l'après guerre. Le premier minstre Tony Blair motivait son soutien à la "tolérance zéro" en ces termes : "Il est important de dire que nous ne tolérons plus les infractions mineures. Le principe de base ici, c 'est de dire que, oui, il est juste d'être intolérant envers les sans-abri dans la rue", (Guardian, 10 avril 1997).
"Quelques mois après la visite de Charles Murray, l' I. A. E. invitait l'ex-chef de la police New-Yorkaise, M. William Bratton, pour populariser la "tolérance zéro" au cours d'une conférence de presse maquillée en colloque à laquelle participaient les responsables de la police britannique. La "tolérance zéro" est en effet un complément policier de l'incarcération de masse à laquelle conduit la pénalisation de la misère en Grande Bretagne et aux USA. Lors de cette rencontre, à laquelle des médias dociles donnèrent un grand retentissement, on apprit que "les forces de l'ordre en Angleterre et aux USA s'accordent de plus en plus à penser que les comportements criminels et proto-criminels ("subcriminal") comme le jet d'ordures, l'insulte, le graffitage et le vandalisme doivent être fermement réprimés afin d'empêcher des comportements criminels plus graves de se développer". ("L'Idéologie de l'insécurité" ou " Ce vent punitif qui vient d'Amérique", Le Monde Diplomatique, Avril 1999).

Il faudra donc traquer le plus petit délit, la plus infime faute parmi les pauvres pour chasser la grande criminalité de la société...
Nous avons affaire ici à une parfaite doctrine bouddhiste ou hindouiste du karma liant le crime et le délit aux inégalités sociales et raciales à la naissance, ou bien encore confucianiste et shintoiste d'Etat, justifiant en Chine, au Tibet, au Japon la persécution physique et psychologique par les voies policières princières, royales et impériales des mendiants, du pauvre sans droit à la terre et au travail, des marginaux et des exclus.
Théorie politique (encore) de la police du sexe, de la parole, de la pensée, du comportement, du travail, de la famille, de la sécurité, elle contribuera à l'avènement d'une société totalitaire médiatisée par sa hiérarchisation archi-intransigeante, ritualiste et matricielle. Cette médiatisation sera du reste la principale préoccupation critique des intellectuels, des politiques, des militaires et des moralistes en Chine bien avant Confucius (551-479) et bien après lui.

Notons encore que la police confucianiste des moeurs aussi sévère qu'elle pût être à la base de l'édifice social n'empêchera pas la corruption des princes au sommet par les "affaires" et les "guerres justes" (Ch. I note 3 al. VI "une approche des rites et des rituels confucéens" d'après le juriste Xiaoping Li).
Le philosophe Mozi (479-390) artisan de la contre-réforme confucéenne considérera même Confucius comme un ennemi du "genre humain" et s'attachera durant sa vie à élaborer une théorie de la méthode logique qui aura pour fonction de saper la légitimité politique des rites funèbres et des relations inter-claniques" laissant, selon lui, trop peu de place à la formation du peuple".
Ayant lui même vécu à une époque confucianiste plusieurs guerres civiles et féodales Mozi s'opposera aux cycles criminels en dénonçant les liens d'intérêts qui unissent occultement les confucianistes aux guerres. De nombreux maîtres confucéens prêteront bien la main pour arriver au pouvoir et n'hésiteront pas pour s'y maintenir à amorcer le dangereux processus de la division politique par la guerre civile.
"Lorsque Mo, bien que d'origine plébéienne, entrera sur la scène politique, écrira Léon Vandermeersch, ce sera pour dissuader des princes puissants de lancer leurs armées sur de petits pays sans défense".

"Le plus glorieux des conquérants, dira Mo, responsable de quantité de morts, n'est qu'un meurtrier incomparablement plus criminel que l'assassin d'un seul homme".
"Voyant l'origine de la guerre et de tous les crimes dans l'hostilité avec laquelle l'homme en général, isolé dans son égoïsme, considère ceux de ses semblables qui lui sont étrangers, il prêche pour une vaste communauté humaine solidaire où chacun traiterait autrui par la pratique de l'amour universel, thème centrale de la doctrine moïste. Mozi, sensiblement inspiré par l'utopie de la Grande Harmonie ("Harmonie" chantée par le constitutionnaliste Tadakazu Fukaze et deux 1er ministres conservateurs Suzuki et Koizumi; "Harmonie" considérée comme un fléau du bouddhisme par les professeurs bouddhistes réformateurs Matsumoto, Hakamaya et Hakugen, Ch.II)," réclamera l'abolition des structures familiales de l'Etat ainsi que l'hérédité des fonctions en vue d'établir une nouvelle société hierarchisée selon le seul mérite et cimentée moins par l'emprise des pouvoirs dirigeants que grâce au consentement général à ce qu'il appelle le "contrat entre le prince, les ministres et le peuple".
"Le mérite y sera mesuré principalement au travail productif et à la sagesse avec laquelle celui-ci sera organisé. Afin d'éviter de stimuler les cupidités, la production devra se limiter au nécessaire à l'exclusion de tout luxe superflu, et notamment de celui que requéraient alors les cérémonies rituelles opposant toujours confucianistes et moïstes. Mozi poussera donc sa condamnation des excès de consommation jusqu'à un véritable malthusianisme économique. L'excès des revenus des membres du mouvement sera même versé à une caisse communautaire..."

Mo ne pourra éviter les dérives sectaires "nationales-communautaristes" de sa société politique "trop fermée" sur-hiérarchisée, absolutiste, puis militariste, ce qui peut paraître un paradoxe pour un chercheur de la paix mais qui est bien en fait un corollaire du dirigisme politique et religieux. Dans un tel contexte de concentration des pouvoirs ce sera bien l'activisme politique et l'action armée qui prendront le pas sur la recherche théorique de la paix... Cela dit nous croyons fermement que l'organisation collective ne peut être éthique.

Le moïsme sera toutefois de nouveau à l'honneur (après une quasi cessation) grâce l'historien Liang Qichao (1873-1929) et au philosophe humaniste Hu Shi (1891-1962).
Liand Qichao sera tour à tour apôtre de la démocratie, de la monarchie constitutionnelle, de la souveraineté populaire et de la république de Sun Yat Sen, ami-traducteur du "Contrat Social" de Rousseau et rédacteur de la première constitution Chinoise... Après de fortes déconvenues avec les mouvements impériaux et républicains en Chine, marxistes en Europe (marxisme qu'il comparera au confucianisme, dogmatique, froid, étroit comme l'esprit de chapelle et qui lui fera perdre sa foi en la culture occidentale) Liang Qichao rompera ses liens au politique pour se consacrer à l'histoire traditionnelle proprement chinoise...
Le philosophe Hu Shi, ambassadeur de Chine aux USA en 1938, président de l'université de Pékin en 1946 évoquera le moïsme dans son histoire de la philosophie chinoise tout en restant opposé aux mouvements révolutionnaires et extrêmistes de droite et de gauche. Il s'attachera à un humanisme réformateur (non sans avoir soutenu aux USA et en tant que boursier en 1910-1917, une thèse de doctorat sur "le développement de la Méthode Logique dans la Chine Ancienne" (Méthode Logique dont on attribue précisément l'origine à Mozi) ...
(L.Vandermeersch, "Mozi, un plébéien dissident du confucianisme", Dictionnaire de la Civilisation Chinoise, J. Gernet, E.U. 1988 et Fung Yulan, A history of Chinese Philosophy, Princeton, 1952 ; Y. P. Mei "The Ethical and political Works of Motse from the Original Chinese Text", Londres, 1929).


Ce texte a été corrigé, remanié le 28 juin 2006. C.Pose
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