Critiques
des ordres religieux globaux à l'époque des droits fondamentaux
de l'homme
Approche comparative critique de différentes
théories politiques et religieuses de la parole, de la pensée
et du comportement sexuel, pour une critique politique de la pénalisation/criminalisation
religieuse de la misère.
par Christian Pose
.............................................
Cette critique comparative des ordres religieux globaux s'inscrit dans
le prolongement du jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris
interdisant dans l'ombre de la Conférence des évêques
de France, la libre exploitation d'une représentation de la Cène
de Léonard de Vinci pour des motifs publicitaires.
Elle condamne l'alignement de la justice républicaine sur le
discours dogmatique de l'Eglise concernant le pur et l'impur, comme
elle condamne le discours général de l'Eglise sur l'usage
de la "douleur" (ici, associée à la passion
ou dernier repas du Christ) par le droit religieux ou canon.
Un discours et un droit discriminants : exclusion de la femme -l'impur-
de la passion, bien que la femme, même nue, ce qui n'est pas
le cas ici, comme l'union principielle de l'homme (de dos) et de la
femme, soient largement présents dans la gnose ésotérique
chrétienne et alchimique, non politique et non séculière.
L'Eglise, une fois de plus, comme aux temps des persécutions
politiques de Swift, de Rabelais, de Pasolini -et bien que Marithé
et François Girbaud, créateurs de mode, se situent à
un plan commercial de la "création"- dissimulera, à
un autre niveau de compréhension, le contexte populaire (nous
pouvons le voir ainsi) de l'accomplissement individuel et la beauté
solennelle de la provocation insolente, tout en renouvelant son propos
politique sur le comportement sexuel et la parole.
Un retour aux "peurs millénaristes", donc, largement
exploitées et mises en scène par le discours religieux
sur "le bien et le mal", "le paradis et l'enfer"
et à la "messianicité" des ordres religieux
et politiques globaux (fusion médiatique planétaire du
politique, de l'économique et de la parenté socio-religieuse
en une loi unique du comportement, de la pensée et de la parole)
en occident comme en orient.
Cette brêve analyse comparée (nous ferons allusion au bouddhisme,
à l'hindouisme, à l'islam et au confucianisme d'Etat)
fera suite à l'intéressante mise en garde de Jean Dornac
sur le "retour
de l'ordre religieux" publiée dans Altermonde le 11
mars dernier, peu après la publication du communiqué de
la LDH concernant le jugement de la "Cène" par la justice
des évêques et de la république.
La doctrine de l'interdit
Evoquer "la" doctrine chrétienne de l'interdit n'est
pas chose aisée.Toutefois, un schéma de doctrine morale
et politique ultra-sécuritaire de l'ordre religieux chrétien
semble se manifester au moyen-âge au carrefour de l'évolution
du droit canon et de la volonté ecclésiastique et papale
de fondre un modèle stable de parenté, juste pour l'église,
son pouvoir économique et la morale, sur la "reproduction
de l'espèce, la filiation et la pureté".
Une recherche occulte engageant les richesses et les pouvoirs du temps,
et que l'on retrouvera achevée et manifeste dans de nombreux
documents comme les lettres pontificales, les décrétales
d'Ugolino (communications des règles et des décisions
relevant de la doctrine et du droit ecclésiastique), comte de
Segni plus connu sous le nom de Grégoire IX, Pape et "apôtre"
d'une authentique théorie politique du pouvoir de la parole,
de la pensée et du comportement sexuel en 1234.
Cette théorie pratique de la protection de l'interdit (prohibition
de l'inceste dans la généalogie du peuple, corps de l'église)
comme toutes les décrétales précédentes
(celles du pape Sirice à la fin du IVème siècle,
celles de Denys le Petit- collection dionysienne vers 525, celles dites
des "fausses décrétales" sans attribution exacte
jusqu'à la fin du IXème siècle, celles de Gratien
en 1150) en tant que Lois de l'Eglise (réunies par le frère
dominicain Raymond de Penafort) seront les clefs de l'organisation sociale,
économique et politique au moyen-âge occidental. L'enjeu
du pouvoir religieux consiste en la maîtrise des écritures,
des codes de filiation, des principes fondamentaux de la reproduction
et de la pureté du sang chrétien en Europe. L'église
affirme son contrôle absolu sur le vivant, humain et non humain.
Le comput de la filiation (registre des calculs de parenté) transmis
à travers les âges peut être considéré
comme le corps "légal" de la filiation chrétienne
et de l'autorité politique, économique et judiciaire de
l'église. Il trouvera son achèvement, en terme de censure
des libertés du comportement, de la parole et de la pensée,
en la "justice généalogique" réduisant
l'autorité naturelle de l'homme aux commandements de l'église,
des tribunaux religieux et du pape.
Pourquoi l'église est intervenue dans l'affaire
de la "Cène", que veut la république ?
Le juriste traditionnaliste du droit civil romain antique P. Legendre
pose la question de l'institution des fils (produire le semblable à
partir du semblable) tout en s'opposant à la dualité :
"le fils peut-il battre le père ? qu'est-ce qu'un fils ?"
Puis "nous sommes enfants des images fondatrices et c'est en cela
que nous sommes fils de, fille de... ou images de Dieu et du monde (Imago
Dei et Mundi).
"Autrement dit, écrit Legendre, produire le semblable à
partir du semblable dans l'espèce parlante, c'est faire vivre
la logique de l'identité en instituant le discours des images...
Quel est le fondement des termes l'homme-image de Dieu, si ce n'est,
non pas un au-delà du monde de l'homme avec lequel l'homme serait
en rapport d'image, mais la parole sacrée de la Genèse,
une parole posée comme l'au-delà de la parole pour l'homme
?
"Nous avançons dans un vide sans réalité"
(de l'un indicible et dicible, Traité des premiers principes,
Damascus). Nous avons donc affaire (au regard du vide sans réalité,
postulat) à l'indicible, et cependant en l'occurence parfaitement
circonscrit par le théatre divin du texte, livre-sanctuaire de
l'inaccessible (métaphore qui nous fait représentable,
c'est-à-dire en somme palpable parce que parlable) qui aurait
raison de tout et aurait comme tel statut de principe des catégories;
en d'autres termes : statut de principe de Raison (définitivement
non humaine ou relevant de l'Essence).
"Ainsi considérée, la formule l'homme-image de Dieu
signifie simplement que la reproduction du semblable pour l'humanité
passe par un discours de la causalité, impliquant non seulement
un savoir sur la cause (quel que soit le contenu de ce savoir), mais
que ce discsours célèbre le principe d'un tel savoir,
de telle sorte que tout sujet, ressortissant légal de ce discours,
puisse entrer dans le lien d'image avec le principe fondateur, par le
biais précisément de la raison, du principe fondateur.
"Car en définitive, c'est bien de cela qu'il s'agit : la
formule l'homme-image de Dieu est fondamentalement une mise en scène
du principe de raison dans la culture d'Occident, et par là jette
les bases d'un discours normatif des catégories :
1 - fonder en raison la reproduction des fils et en
tirer des conclusions juridiquement transmissibles...
2 - mettre en relief le discours des images comme noyau
dur du Droit, l'institution du semblable à partir du semblable.
(Ainsi) la loi du vivre (lex vivendi) a été inscrite dans
le coeur de l'homme.
Cette métaphore irradie l'ensemble de discours et de règles
que nous appelons le Droit, mais aussi elle notifie que cet ensemble
relève d'un auteur de la loi du vivre, autrement dit d'un au
delà dont procède cette loi, de la Référence
qui lui donne statut d'être ce qu'elle est, c'est-à-dire
une loi constituant l'homme comme vivant.
"Nous voici non plus en présence d'une causalité
matérielle, mais de la légitimité, c'est-à-dire
de la marque, en l'homme, d'une paternité de la loi. Il s'agit
de causalité généalogique...
Tel est le passage qu'accomplissent les procédures institutionelles
en introduisant l'homme à son identité, en lui donnant
statut de fils de, fille de, c'est-à-dire en lui donnant statut
de semblable dans l'espèce.
"(Maintenant) si le langage est la première institution,
eu égard au déterminisme symbolique dont relève
la reproduction de l'espèce parlante, cela veut dire que le langage
n'est pas seulement le monument social de la langue et du système
sémantique, mais le discours instituant le langage comme loi
du sujet. Cela n'est pensable qu'en posant, à un niveau qui soit
pertinent dans la structure, les catégories fondatrices de la
différenciation pour le sujet comme catégories parentales.
"De ce fait, compte tenu que ces catégories échappent
par principe à tout arbitraire des familles, les parents concrets
se trouvent placés sous statut symbolique, en ce sens qu'ils
ne sont pas en position d'inventeurs de la loi généalogique,
pas plus qu'ils n'inventent le langage, mais que simplement ils soutiennent
en leur personne une fonction d'identification pour le sujet introduit
par leurs soins à la parole, autrement dit introduit, par la
médiation des fonctions parentales dans le concret des familles,
à l'institution du langage, c'est-à-dire à la loi
du vivre.
"Ainsi aperçevons-nous les deux niveaux distincts de la
construction institutionnelle ou se joue la reproduction humaine, qui
sont les deux niveaux solidaires de la filiation :
1 - un niveau que nous pouvons qualifier de théologico-politique,
définissant la place où se tient le discours de la Référence
comme place inaccessible au sujet - place théatrale où
la société se présente comme figure de l'espèce
;
2 - un niveau second du Politique, où se tient
le discours familial, en représentation symbolique de Référence
fondatrice - place où se joue indéfiniment, d'un module
généalogique à l'autre, la partie identificatoire
du sujet.
"Selon cette perspective de hiérarchisation fonctionnelle
des niveaux dans la structure, dit encore P.Legendre, le Droit peut
alors être défini : discours social ayant à charge
de verrouiller l'institution du langage. Verrouiller, en un double sens
: négatif et positif.
"Négativement : le Droit ferme l'entrée à
tout discours qui viendrait délirer sur l'ordre des places dans
la structure; le Droit maintenant l'écart entre les niveaux.
"Positivement, le Droit assure la communication entre les niveaux
par le commerce des interprétations, notemment par la casuistique..."
(Leçons VI "Le pouvoir généalogique
des Etats" dans "Les enfants du texte", "études
sur la fonction parentale des Etats" et Leçons IV "
Le dossier occidental de la parenté", P. Legendre, Fayard,
1985)
Cette "justice généalogique" sera l'ossature
de l'autorité de l'église en Europe occidentale. Sa représentation
formelle comme son infini discours, son langage en tant que la Loi du
sujet, seront, à ce
titre, âprement défendus par les magistrats enquêteurs
(qui ont accès au discours de la Référence), fransiscains
et dominicains, et inspireront tout un chapitre de l'histoire du crime
en animant les tribunaux de l'inquisition.
Le Pape Grégoire IX, qui règnera entre 1227 et 1241, et
qui obtiendra deux fois l'excommunion de l'empereur Frédéric
II, en 1227 et en 1237, leur accordera une absolue liberté inquisitoriale
dès 1231.
Il y a réellement lieu de penser ici que les corps de doctrine
qui inspirèrent tant Hitler (pureté de l'image, du discours,
de la référence au sens traditionnel du terme, du sang
et de la race, guerre contre l'impur et le faible) que Grégoire
IX au moyen-âge, deviendront, à posteriori, deux sources
judiciaires de l'histoire du crime d'Etat et du crime religieux d'Etat.
L'idéologie fondamentale de l'impureté
Nous retrouverons une même recherche, formelle et codifiée,
sur "la reproduction de l'espèce, la filiation ou la pureté
de la race" au coeur de la dialectique, non moins politique, juridique
et policiaire, du bouddhisme d'Etat.
L'objet juridique fondamental à protéger au Tibet après
le IXème siècle et jusqu'en 1949, sera bien l'Etat religieux
bouddhique, objet des rois religieux, des généalogies
politiques préservées et des lignées tantriques
familiales (humainement et divinement transmises), les codes bouddhistes
tibétains héréditaires des rois du Tsang ou des Karmapa,
de 1650 ou des Dalaï Lama (qui reconnaissent le talion).
Les pauvres, selon le
tableau des correspondances de Rebecca Redwood French (Yale) publié
dans sa thèse de IIIème cycle intitulée: "Golden
Yoke", ou le "Joug Flambloyant", les commentaires sur
le système
de servage tibétain du tibétologue chinois Yuan Sha (intro
II-1) et sur
le système féodal de circulation des propriétés
au Tibet de l'anthropologue et tibétologue américain Melvyn
C. Goldstein (intro II-2) , montreront les moines "de pure
conduite" en haut de la hiérarchie sociale, au dessus des
seigneurs propriétaires terriens, et ces derniers, de conditions
hautes-moyennes et basses, au dessus des sans-terres et des sans droits.
Les moyens tantriques et policiers appropriés seront une chose,
les hommes et l'effroyable pauvreté du peuple, seront une autre
chose.
D'un côté : propitiation, offrandes somptuaires, oracles,
magie, pratiques divinatoires pour le bon fonctionnement du gouvernement,
pour le succès dans la guerre comme dans la paix, un parfait
système de représentation: "un système administratif,
religieux et politique, extrêmement perméable aux ambitions
personnelles et à la vengeance" (Goldstein) ...
De l'autre côté : un désert de pierres et de sable,
le peuple tibétain sans généalogie, sans terre,
sans mérites...des gens juridiquement intouchables et dont la
reproduction sera soumise à toutes les formes de répression
et de manipulation, base rationnelle du travail obligatoire ou forcé,
clef du servage pour dettes (hautement lucratif pour les maîtres
du travail: fonctionnaires, moines et seigneurs).
L'Etat bouddhique établira bien, comme en occident au moyen-âge,
les limites temporelles et religieuses de l'homme en imposant souverainement
les normes de la parole, de la pensée, du mouvement, des activités,
dans la vie comme dans la mort jusque dans les enfers ou dans les paradis.
Sa doctrine sera dispensée au Tibet, aux rois et aux ministres,
au peuple, par Padmasambhava, en tant qu'une source de toutes les filiations
et fondateur de la théocratie au IXème siècle (fusion
du politique, de l'économique, de l'administratif, du religieux
en une seule loi) . Une théocratie assise sur 900 annnées
de rois esclavagistes pré-bouddhiques.
Le bouddhisme de Padmasambhava, appelé aujourd'hui au Sikkim
:"bouddhisme de l'immoralité sainte" (guère
différente de l'immoralité des philosophes et hommes politiques
néocons US comme L. Strauss, école de Chicago, ou Irving
Kristol, American Enterprise Institute et PNAC), épargnera toutefois
les rois bouddhistes, les princes et les moines, tout en frappant, à
l'aide de la doctrine du karma et du concept de la dette, "l'égo"
du peuple : "comme la foudre et l'éclat du diamant (vajra)
frappent la pierre (l'égo)".
L. Strauss dira : "l'homme de pouvoir sait qu'il n' y a pas de
morale à un certain niveau de pouvoir, que seul existe le droit
de prendre et de posséder, la force du fort contre celle du faible".
Le bouddhisme populaire sikkimmais (hors des routes bouddhiques touristiques),
et ceci sera dit sans parti pris, sera l'un des rares bouddhismes du
mahayana et du vajrayana sur la planète à présenter
la doctrine d'un point de vue préventif, sous sa forme criminelle
et pénalisante.
L'"immoralité sainte" sera cependant antérieure
à Padmasambhava. On observera cet aspect du tantra bouddhique
en Inde, au Pakistan, en Iran, en Irak, en Afghanistan, en Ouzbékistan,
au Turkménistan, au Kirghizistan, au Tadjikitan... également
Chine, au Xinjiang (régions ou l'islam sunnite et le bouddhisme
cohabiteront dès le IXème siècle).
Insécurité fondamentale et légétimité
des inégalités raciales et sociales
Le discours ultra sécuritaire et le discours sur les origines
biologiques des inégalités sociales et raciales de Charles
Murray et de Richard Herrnstein du Manhattan Institute de New York seront
guères différents de ceux tenus par les haut-fonctionnaires
du dharma d'Etat (doctrine, enseignement bouddhique ou hindouiste officiel).
Les enseignements des plus hautes autorités bouddhistes et hindouistes
seront bien dispensés "à chacun selon son mérite"
(intellectuel et cognitif) selon un strict respect des indices apparents
sinon biologiques (expertisables, tradition héréditaire
oblige) du mérite social : familiaux, professionnels, patrimoniaux,
raciaux.
Les plus riches et les plus purs (ou les plus proches des rois selon
les lois de l'ancien régime) seront indéniablement et
doctrinalement les plus méritants.
Les plus pauvres seront doctrinalement (selon des catégories
juridiques codifiées et écrites) "des hors castes",
entendons, selon la terminologie bouddhique japonaise d'authentiques
"non-humains" ou "hinin", "impurs" ou
"eta", "hommes à quatre pattes" ou "yotsunin".
Les burakumin au Japon (gens des hameaux spéciaux ou ghettos)
sont toujours persécutés par la société
japonaise, tout comme le furent les "bêtes parlantes"
ou "nangzen" en tibétain, jusqu'en 1949.
Ces catégories attestent de la violence des modélisations
juridiques et religieuses pré-établies anciennes (consulter,
si vous voulez, notre bibliographie judiciaire et ethno-antropologique
sommaire : fin de
l'Intro III-IV et fin du
Ch. II, enseignements tantriques et sources judiciaires de l'histoire
du crime religieux, dans "ni bonze ni laïc" sur linked222).
Nous retrouverons la violence des enseignements oraux du maha-vajrayana
(hindouiste et bouddhiste car l'un conduira à l'autre) dans le
corps même de certains sutras du mahayana comme le célèbre
sutra des preceptes du mahayana upasakasila de Dharmaraksa publié
aujour'dhui par
le très impérialiste et très missionnaire Bukkyo
Dendo Kiokaï (bouddhisme amidiste de la voie impériale)
du milliardaire Yehan Numata.
Depuis plus de 2000 ans une forme de discrimination (dite positive puisqu'au
service de l'éveil) est bien transmise par la tradition bouddhiste
du hinayana en Inde, au Japon, en Birmanie, en Thaïlande, au Vietnam,
en Chine, au Sri Lanka et la tradition bouddhiste du maha-vajrayana,
au Tibet, en Inde, en Chine, au Japon et frappe toujours aux Etats-Unis,
en Europe, au Japon, en Inde, la catégorie bouddhiste des exclus,
des "candalas" (sanscrit) ou "hors castes" (ceux
qui dans les vies passées, selon la doctrine écrite et
transmise, auront détruit les lois bouddhistes, les temples et
malménés les maîtres), "landless" (sans
terre ou sans droit à la terre, au travail, ou ayant droit au
travail forcé sans profit), "beggars" (mendiants),
"homeless" (sans maison)... équivalents historiques
des "asociaux", des "improductifs" ou des "irrécupérables"
du IIIème Reich, les "asoziales" et les "volksschadling"
selon la terminologie nazie, condamnés à la déportation
et à la mort en 1938.
La tradition hindouiste les appellera "dalits" ou "hommes
brisés". Citons parmi les milliers de sous-castes corporatistes
indiennes les safai karamacharis (laveurs de latrines à la main),
les lohars (forgerons), les sutars (charpentiers), les mangs (intouchables
fabricants de vieilles cordes), les chambhars (intouchables cordonniers),
les mahars (auxquels appartiendra le juriste Ambedkar, sous-caste des
nettoyeurs de rues chargés de retirer les carcasses d'animaux
morts, sous-caste des cantonniers, des gardiens de village et des porteurs
de messages), les naxalites (intouchables révoltés, armés
par le gouvernement fédéral afin d'opérer une vendetta
légale contre les brahmanes coupables de meurtres, de mutilations,
de viols, de vols, d'incendies volontaires des villages mais acquités
par les tribunaux corrompus ou relachés par des policiers complices)...
Au Sri Lanka ils s'appelleront les nahvis, les rodiyas ou les rodi,
les "sales", les bannis, accusés par la métaphysique
karmique d'avoir commis des crimes odieux dans leurs vies passées
et qui seront condamnés au XXIème siècle à
la mendicité ou à demander l'aumône, condamnés
à n'avoir ni terre ni emploi et à subir des traitements
dégradants, citons également les pallas et les nalavas,
descendants d'esclaves, les paraiyars ou "ceux qui sont condamnés
à des tâches impures"...
Au Pakistan ils s'appelleront "qoum" et seront balayeurs,
laveurs, coiffeurs, bouchers, cette fois-ci musulmans sunnites, et dalits
hindouistes fabriquants de briques. Ils vivent encore, aujourd'hui,
en condition de prisonniers et se doivent au travail forcé tant
qu'ils n'ont pas payer leurs dettes et ce malgré l'abolition
du régime de travail servile en 1992...
En 2001 et selon Rajendra Kalidas Wimala Goonesekere de la sous-commission
des Droits de L'Homme des Nations-Unies, ils (les intouchables, les
parias, les endettés) seront 250 millions, soit 1/25ème
de l'humanité.
Inégalités socioreligieuses et criminalité
Un fait est cependant certain, si la doctrine bouddhiste ou hindouiste
(voir l'organisation nationale-socialiste Hinduvta et son parti BJP
en Inde) est modifiée au profit d'une théologie politique
et policiaire de l'Etat, ou même non modifiée mais mise
en application dans un contexte de délinquance religieuse, politique
ou commerciale contre nature : guerres de succession, trafics d'influence,
servage pour dettes, manigances, sorcellerie et magie criminelles, mensonges,
vols, viols, meurtres, incendies volontaires, etc... elle deviendra
un indéniable support de tyrannie domestique et politique globale.
La doctrine, dans les deux cas, avec ou sans modification, appliquée
sans discernement ou sans critique dans un contexte contre nature, peut
être considérée, pénalement parlant, comme
une source judiciaire de l'histoire du crime religieux d'Etat.
Le devoir de critique s'impose. Si les liens entre les inégalités
socio-religieuses (bouddhiques ou hindouistes) et le crime (tel qu'il
est appréhendé par le dogme) sont doctrinalement, mais
aussi historiquement et judiciairement, démontrés, ils
sont plus évidents encore quand le concept de karma (la somme
des liens, précisément, entre l'inégalité
sociale, le délit et le crime, cause de votre misère présente)
est rationnellement ou politiquement exploité pour l'organisation
territoriale, démographique, sociale ou l'organisation du travail
par le pouvoir d'Etat religieux ou non (un roi, un prince, un empereur,
croyant ou non, un magistrat, un premier ministre, un ched d'Etat, croyant
ou non), ou par un maître assermenté, reconnu ou public,
ou par une communauté laïque ou monastique, influente ou
historique.
Il y a bien un enjeu religieux, politique, social et économique,
du karma. Le lien entre "les inégalités sociales,
le délit et le crime" prendra une dimension plus vertigineuse
selon qu'il liera (ou non) l'Etat, la communauté, la personne
physique au culte de "divinités" (dotées d'une
représentation symbolique, d'un temple, et à ce titre
personnes morales en droit indien et anglais) associées à
une théologie (codifiée) du mahayana et du vajrayana (entendez
et selon les enseignements du Collège de France, aussi bien hindouiste
que bouddhiste) indienne, tibétaine, manchoue, mongole, chinoise,
japonaise.
Citons parmi les divinités du panthéon tantrique hindo-bouddhique
"les plus riches" (monétairement parlant, selon l'expression
du juge Annoussamy et ayant pleine capacité de recevoir des libéralités),
ayant également le droit d'ester en justice (une idole tantrique
dotée d'une représentation physique, d'un temple, à
le droit de se porter partie plaignante auprès de son gouvernement,
Nataraja (forme de Siva) vs. Bumper Development Corporation, Cour Royale
de Londres, 1976-1991, Mullick vs. Mullick, 1925) et de posséder
des biens, mobiliers et immobiliers : Brahma, Vishnou, Shiva, Indra,
Amrita, Mahadeva, Rama, Ganapati, Mourougan, Ammane, Ayanar....
La personnalité juridique des idoles
Nous pouvons dire enfin que l'intensité de la délinquance
politique, économique et religieuse de l'Etat théocratique
(et souvent sa violence), sera proportionnelle à la personnalité
juridique de chacune des divinités.
Là encore nous pouvons dire que la doctrine bouddhiste (ou hindouiste)
déviante, en tant qu'une théologie politique au service
du commerce, de la police ou de la guerre, est bien une source judiciaire
de l'histoire du crime religieux d'Etat. La théocratie bouddhiste
ou hindouiste, à l'image de la théocratie chrétienne
ou islamiste, quoiqu'en disent moines, lamas, brahmanes, prêtres,
bonzes, immams et autres fonctionnaires de Dieu et de Bouddha, n'est
pas sans délinquances (lire l'étude sur les "guerres saintes
bouddhistes" au Japon du professeur Ichikawa Hakugen dans "Zen
en guerre" du bonze Brian Victoria, 2001, et "La personnalité
juridique de l'idole hindoue" dans "Le droit indien en marche"
par le professeur David Annoussamy, Société de Législation
Comparée, Paris, 2001).
Juridiquement, les sujets, dévôts des divinités
tantriques, seront, selon le pr. et juge Annoussamy : " tantôt
serviteurs tantôt propriétés de la divinité";
la caste sacerdotale d'Etat (ou historique) s'occupant des modalités
d'accès à votre liberté individuelle et de la reception
des dons.... autrement dit et selon la formule consacrée : "en
dehors du rite, le châtiment" (lire nos références
sur le rite
confucianiste "Li", le chatiment "Fa" et le gouvernement
traditionnel en Chine, "La civilisation Chinoise et son droit",
Xiaoping Li, R.I.D.C. 3-1999).
Le Dr.Ambedkar, anthropologue constitutionnaliste, en se détachant
de l'islam et de l'hindouisme jugés "injustes et cruels",
réformera l'approche du bouddhisme populaire shakyamunien indien
des années 1950 (issu, selon l'historienne politique et archéologue
progressiste indienne Romila Thapar, des conditions de la république
égalitaire et tolérante opposée à la monarchie
héréditaire et déjà présente en Inde
entre 600 et 321 avant JC, voir linked222
et notre soutien politique à la nouvelle histoire indienne, l'histoire
en tant que politique) par la conversion militante progressiste des
parias et des intouchables hindouistes. Cette conversion, pour ne pas
reproduire le schéma stratégique hindouiste des inégalités
karmiques, s'accompagnera dans le contexte socialiste individualiste
égalitaire des droits de l'homme, de garanties juridiques désormais
constitutionnelles.
Malgré cet élan réformateur qui secouera le continent
indien dès 1948, la défaite britannique laissera un héritage
conservateur, sinon réactionnaire, dans le système administratif
indien. Nous retrouverons les mêmes déviances au sein de
l'appareil administratif japonais, telles que critiquées du moins
par le juriste japonais Ichiro Kitamura dans son approche des formes
juridiques (droit-précepte, hô) et des formes pré-établies
(kata) au Japon : le formalisme perfectionniste, le refus de l'initiative,
le ritualisme, la fuite devant la liberté et le hiérarchisme
matriciel.
Le cas de l'île Maurice, par exemple - population métissée
dotée d'une souche hindouiste et indienne majoritaire- est à
ce titre intéressant. Les brahmanes accèdent encore en
2005 aux postes clefs de l'administration et les parias sont toujours
maintenus à l'écart des groupes humains détenteurs
du pouvoir politique et religieux, karma oblige.
Citons encore que deux diplômés mauriciens de même
niveau, l'un de souche soudra (paysan, domestique) l'autre de souche
brahmane (prêtre, lettré) n'auront pas la même promotion
administrative.
Cette forme très parlante d'autisme administratif, économique,
politique et religieux, est toujours parfaitement dissimulée
sous le discours doctrinal bouddhiste et hindouiste, à priori
égalitaire et non-violent, de la vacuité, de l'harmonie,
de l'amour et de la compassion au XXIème siècle.
Rappelons enfin qu'il existe aujourd'hui une réforme au sein
du bouddhisme japonais populaire "opposée à la dialectique
souveraine de l'harmonie et de la vacuité traditionelles"
(divorçant d'avec le bouddhisme de la voie impériale ou
de la voie des dieux) engagée dès 1975 par le bonze Ichikawa
Hakugen au sein même de l'université bouddhiste ("la
loi des causes et des effets", ch.2 (1-2) "ni bonze ni
laïc", sur linked222).
*Une remarque finale s'impose aux lecteurs qui iront un peu plus loin.
Bien que je ne sois plus bouddhiste, je demeure de façon subversive
un ardent défenseur de la liberté de conscience, objet
de mon intervention élémentaire sur le religieux sans
chercher à remettre en question, pour autant, l'objet même
de la "foi" qui relève de la compréhension et
de la liberté de chacun. Mes remarques, ci-dessus et plus loin,
sont écrites selon cet esprit, solidaire dans la lutte pour la
liberté, merci.
Rédacteur-en-chef de linked222
e-mai l: linked222@free.fr
··········
**
note bibliographique : lire également sur le sujet de la discrimination
des opprimés les très intéressantes études
"A critique based on the present state of discrimination against
Buraku People", Kenzo Tomanaga, dans le contre-rapport au quatrième
rapport périodique du gouvernement japonais (Buraku Liberation
and Human Rigths Research Institute, 1998) ; "Annihilation of caste",
Dr. Ambedkar, 1987 ; "Dr Ambedkar", leader intouchable et
père de la constitution Indienne by Christophe Jaffrelot, Presses
de Sciences Po, 2000; Mark Galenter, "Competing equalities - law
and the background classes of India", 1984 ; "Broken people
: caste violence against India's "intouchables", Human Right
Watch, mars 1999 et M.D. Raghavan : "Handsome Beggars - the Rodyas
of Ceylon", 1957.
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16 mars 2005
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