LIBERTES et ACTIONS CIVILES ET POLITIQUES NON VIOLENTES AU JAPON

L'Histoire du barrage illusoire   [ 2 ]

Un entretien exclusif avec l'historien japonais Shigeru Kobayashi
— Un drame historique autour de l'opposition civile au barrage d'Ogawa, 1967-2001 —
Réalisé par Christian Pose (traduit par Mami Yoshikawa, à Kamiosé, Ibaraki, Décembre 2006)
"L'histoire du barrage illusoire" [ 1 ] [ 3 ]    Page en japonais

"Quel est le caractère dominant du crime préfectoral ?
— C'est toute la question des "dango"... Les négociations préfectorales se font secrètement, sans que rien ne transparaisse. Si tu fais attention, ç'a n'apparait pas... Il n'y a pas de "crime" sans dénonciation. La dénonciation vient généralement des entreprises. Les dango seront le moteur des dénonciations. Si l'entreprise sait dissimuler les négociations, sait se taire, rien ne transparaîtra, rien ne sera découvert ou dévoilé... En Ibaraki (entreprises privées et gouvernement préfectoral) rien ne sort, personne ne parle... C'est un processus mafieux. Ici on a affaire à une mafia spécifique, à une mafia non violente. "Ils nouent leur bouche pour protéger leur vie... "





Kobayashi Sigeru

Shigeru KOBAYASHI

Né en 1931
A Kamiosé, ville de Hitachiomiya, préfecture d'Ibaraki
Il exercera le métier dagriculteur en même temps que celui de conseiller municipal. Il sera également Président du Conseil municipal d'Ogawa. Il exercera 7 mandats de conseiller municipal à Ogawa tout en étant Président du comité agricole affrontant le problème du barrage départemental d'Ogawa.
Il est actuellement Président du Club des Etudes Culturelles au Pays Natal d'Ogawa et membre du Comité du Conseil des Enseignants de l'Histoire d'Ibaraki.

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"L'histoire du barrage illusoire"
— 33 années du barrage d'Ogawa —
2002, Edition Bungei-sha


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"Sous le drapeau, le secours de tous les peuples"
— Une émeute de paysans en Ibaraki, Meiji 9 —
2006, Shigeru Kobayashi


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Q 13 -d Ces préfets étaient-ils membres d'un parti ou d'un groupe religieux (Kômeitô/Sôka Gakkaï, Jiminto, Kiosento - PC - sont aujourd'hui les groupes les plus influents d'Hitachiomiya) ?
R Takeuchi était de Jimintô. Iwakami sera soutenu au début de sa carrière par les groupes politiques les plus progressistes, socialistes et communistes. Il sera élu préfet mais la pression Jimintô au sein du comité des conseillers préfectoraux sera irrésistibe, "il changera de selle"... A partir de son second mandat il sera candidat Jiminto, soutenu par Jimintô. C'était un chrétien.

Q Aux dernières élections muncipales d'HitachOmiya, deux membres de Kômeitô seront élus conseillers...?
— Nous pouvons dire que Kômeitô est une émanation de la Sôka Gakkai. Ils sont consubstantiels... Sôka Gakkaï est un puissant groupe religieux. Un groupe qui pense en terme d'absolu. Sa voie est donc très très solide.

Q Sôka Gakkai au conseil municipal...?
— Cela ne veut pas dire que tous les conseillers sont ou seront croyants. Cela veut dire, par contre, que son système électoral est très structuré et très bien établi dans la région. Qu'il est conçu pour ramasser le plus de voies. Sôka Gakkaï fonctionne donc très bien. C'est très solide, très professionnel... Le Parti Communiste, en ce sens, est également une structure très solide et très professionnelle. Mais le Parti Communiste est incapable de ramasser des voies comme Sôka Gakkaï...

Q Que pensez-vous de la victoire de Sôka Gakkai ?
— Je ne pense pas que ce soit une bonne chose. Notre grand principe de séparation entre le politique ou l'Etat et le religieux est bafoué. On ne peut plus rien contre Sôka Gakkaï, c'est trop tard, le réferendum est bouclé. Ce n'est pas une bonne chose.

Q Kômeitô était déjà présent au sein du conseil municipal avant la fusion administrative de Heisei (2005) ?
— Oui, il y avait un conseiller Kômeitô... et quatre conseillers communistes.

Q A quelle classe sociale appartiennent les sympathisants de Kômeitô ?
— Kômeitô = Sôka Gakkai. La classe sociale des sympathisants est plutôt celle des pauvres, des démunis et des exclus. Ceux qui sont malades ou handicapés sont systématiquement visés par Kômeitô. C'est la cible. "Vous allez guérir avec nous, disent ils. Nous allons vous soigner". "Si vous devenez membres de Kômeitô vos enfants deviendront des gens importants, puissants et respectés, etc.. etc... C'est la stratégie Kômeitô/Sôka Gakkai... Ils sont extrêmement populistes.

Q Tokyo enverra un représentant de Sôka Gakkaï ?
— Tokyo ? Non, j'imagine plutôt un cadre de Mito... Sôka Gakkaï est un groupe monothéiste qui fédère les sectateurs autour de l'oeuvre du bonze Nichiren (XIIIème siècle) et du soutra du Lotus. Ce sont les deux objets fondamentaux de leur croyance. Ils discriminent, par contre, les autres "kami" (dieux/esprits des hommes, des choses, des animaux ou esprits locaux/territoriaux protecteurs) ou encore les autres religions. "Ce" (entité/activité religieuse, commerciale ou politique) qui n'est pas Sôka Gakkaï est traité comme une hérésie et est vivement critiqué. Un croyant de Sôka Gakkaï ne peut pas voter pour un autre parti que Kômeitô. C'est impossible. "Vote pour un autre parti et tu seras maudit du ciel ! Tu seras puni !". Quelle punition ? On ne sait pas vraiment. Objectivement on ne le sait pas. Mais eux savent.

Q -e Jiminto sera-t-il été impliqué dans nos affaires de corruption ?
— Les cadres de Jimintô ne conseillent pas la corruption... Mais il y a une seconde nature, chez eux, très forte. On peut s'en rendre compte quand ils collectent des fonds pour les élections ou lors du financement du parti. Je parle de cette faculté, très spéciale, qu'ils ont de collecter ou de reccueillir de l'argent. Il existe pourtant des réglements et des lois qui contrôlent le financement des partis politiques mais Jimintô les contourne, passe par derrière. Il y a, sans aucun doute, des raisons plus profondes à la corruption. La corruption au Japon relève d'un processus aussi physique et naturel que celui de la germination...

CORRUPTION THROUGH POLITICAL CONTRIBUTIONS IN JAPAN
After a series of corruption scandals shook Japan from 1988-1993, the long-time ruling Liberal Democratic Party (LDP) lost its majority in the Diet in the 1993 elections after 38 years in power. A multiparty coalition took over the government and initiated a package of political reform legislation. The four reform bills introduced a new electoral system, new regulations on political donations, government funding for political parties and a special legal status for political parties. (infos exactes mais T.I. I est est soutenu par le NED/CIA, experts en lutte anti-corruption, en gouvernance, société civile, secteur public et secteur privé, "Réaliser la transparence "...avec la bénédiction de l'UNESCO, )

Japan : Corruption Timeline
December 2003 – Two LDP lawmakers, Masanori Arai and Hiroshi Kondo, are arrested on suspicion of violating the Public Offices Elections Law by engaging in vote-buying during the November lower house election. Kondo resigns from the legislature later in the month, followed by Arai in January 2004. Both Kondo and Arai pleaded guilty to the charges against them in March 2004. (infos eactes mais T.I. est soutenu par le NED/CIA, experts en lutte anti-corruption, gouvernance, société civile, secteur public et secteur privé, "Réaliser la transparence "... avec la bénédiction de l'UNESCO)


Q -f Quel est le caractère dominant du crime préfectoral ?
— C'est toute la question des "dangô"... Les négociations préfectorales se font secrètement, sans que rien ne transparaisse. Si tu fais attention, ç'a n'apparait pas... Il n'y a pas de "crime" sans dénonciation. La dénonciation vient généralement des entreprises. Les dango sont le moteur des dénonciations. Si l'entreprise sait dissimuler les négociations, sait se taire, rien ne transparaît, rien n'est découvert ou dévoilé.

Q Une sorte de conflit (au sein de l'entreprise) est nécessaire pour découvrir l'affaire ?
— C'est çà. Ceux qui ne sont pas contents s'insurgent, les employés, par exemple. Si la police reçoit des infos elle est obligée de perquisionner la société, de fouiller les dossiers. En Ibaraki (entreprises privées et gouvernement préfectoral) rien ne sort, personne ne parle... Nous avons affaire à un processus (général) mafieux qui met en avant une mafia... mais une mafia non violente. "Ils nouent leur bouche pour protéger leur vie", dit-on...

Q -g Le gouvernement national sera-t-il impliqué dans ces affaires ?
— C'est délicat... Impliqué ? (rires). Les contrats de construction se chiffrent en milliards de yens et les projets sont généralement commandés par le ministère de la Construction (MLIT), donc... Il y avait, récemment, une affaire au sein de l'Agence de la Défense (ministère depuis 2007) on ne peut pas dire qu'elle ne soit pas impliquée.

Q -h Cette période noire a-t-elle changé votre rapport à la fonction, à l'organisation sociale, au système légal, à l'homme ?
— Nous travaillions durs et puis voilà que nous apprenons la corruption du préfet. Nous perdrons en motivation, c'est certain. Beaucoup parmi nous abandonneront. Cela dit, une fois la corruption découverte l'administration se redresse... momentanément. Après réflexion ou par peur, elle se redresse... momentanément.

Q -i L'on dit dans les grandes villes que les ruraux sont animés par une volonté sécessioniste, qu'en pensez-vous ?
— Oui, administrativement parlant... C'est plus sensible en milieu rural qu'en milieu urbain.

Q Que pensez-vous de l'indépendantisme et du régionalisme ?
— Nous avons fusionné avec Hitachiomiya... La grande fusion administrative intercommunale (Ogawa, Miwa, Gonzenyama) signifiera détruire (les chances) d'indépendance des villages. Mais notre village d'Ogawa était incapable, à tout point de vue, d'être indépendant. Nous avons été obligé de fusionner avec Hitachiomiya.

Q Quelle était votre postion ?
— J'ai exposé clairement ma position lors d'un meeting politique. Je disais que la fusion était une rationnalistaion et que financièrement elle n'augmentait ni les disponibilités financières ni les marges de manoeuvres. La fusion diminuait plutôt le personnel et par conséquence le travail et la qualité des services. Elle augmentait aussi les impôts. J'étais contre.

Q 14 -a Epuisé par l'incohérence du projet "Ville d'un million" et la durée de la lutte vous accepterez la construction du barrage d'Ogawa (qui n'aura cependant pas lieu) tandis que d'autres à Miwa continueront l'opposition. Que vous inspire aujourd'hui ce renoncement ?
R Reprenons. A la fin de la phase des examens préfectoraux nous connaitrons la part exacte des subventions publiques au plan de construction. Les habitants se sentiront coincés par cette phase spéciale, très psychologique, comme pris au piège, dans un cul de sac. La préfecture enquêtera auprès de chaque habitant... Elle fera du porte à porte. Il y aura, du coup, de moins en moins de résistance. Une forme tacite d'acceptation et de renoncement prendra corps en chacun. Nous avions pourtant fourni une pression pendant près de 10 ans jusqu'en 1976, Showa 51. Nous signerons l'accord préfectoral... Cela signifiait que le ministère de la Construction allait s'engager sur la voie de la construction du barrage. On ne pouvait plus revenir, à priori, en arrière. Ce sera une phase de grande faiblesse pour notre mouvement.

Q Vous regrettez ?
— Nous avions de moins en moins d'opposants, l'homologation du projet par le ministère faisait force de loi. C'était très oppressant, il n'y avait plus que des murs autour de nous. L'agriculture locale s'effondrait. L'avenir n'était plus assuré pour personne. Le question de la vieillesse devenait, subitement, extrêmement angoissante. Nous étions de plus en plus sombres. Il se passera alors quelque chose de paradoxal. Nous attendrons quelque chose du barrage, un peu de lumière, comme s'il pouvait désormais nous offrir un peu d'espoir.

Q ...
— Il y aura de moins en moins de résistance à Ogawa. A Miwa, par contre, il y avait encore 13 radicaux opposés au projet. Les autres signeront.

Q Où sommes-nous rendus maintenant que l'accord est signé ?
— Nous tournons le dos à la phase des oppositions et des examens pour entrer dans la phase de la lutte pour les conditions d'indemnisation; une phase de lutte encore plus longue. Elle opposera les propriétaires du barrage, la préfecture, les habitants.

Q Il n'y aura pas de déportaion des populations...
— Il n'y aura pas de déportation...

Q Les compensations...?
— La préfecture ne s'est pas encore penchée sur les compensations des particuliers. Rien n'est fait ou pensé... En fait, en signant l'accord, nous ignorions tout du terrain sur lequel nous allions nous engager. C'est toujours le dilemme.

Q Combien de foyers sont menacés à Ogawa ?
— 19 foyers, 19 maisons...

Q Vous parlez souvent de souffrance psychologique. Vous écrirez qu'elle est sans prix et que l'on ne peut l'estimer ?
— Très sincèrement, je crois que l'on ne peut pas plannifier une vie... La souffrance endurée, le stress, l'oppression au quotidien, ne sont pas quantifiables.Nous ne penserons recourir à une action en justice, une démarche très rationnelle, qu'après l'annulation effective du barrage. Après seulement...

Q Le droit à la vie a été violé...
— L'autorisation des travaux a été signée sous le mandat du préfet Takeuchi en 1991, Heisei 3. Takeuchi sera arrêté pour corruption en 1993, Heisei 5. La dimension historique de notre affaire s'effondrera avec l'un de ses auteurs. Notre combat cessera avec les protagonistes. Ce sera également un effondrement pour nous... Le préfet Hashimoto, successeur de Takeuchi, souhaitera ne rien entendre à notre sujet. Il ne voudra pas gérer notre affaire. C'était bel et bien fini... Il dira "non au barrage" à sa façon. Ce sera à nous, une fois de plus, d'assumer cette rupture dans notre histoire...

Q Pourquoi n'était-il pas motivé ?
— "Hashimto san" était, et est, un haut fonctionnaire. Il sait si l'eau manque ou non. Il sait étudier les documents techniques transmis par les fonctionnaires. Il a considéré très rationnellement que construire des barrages était chose complexe et, qu'ici, ce n'était pas nécéssaire. Takeuchi, lui, n'était pas clair. Mais il pensera souvent, lui aussi, tout annuler. L'eau, il le savait autrement, ne manquait pas en Ibaraki...

Q -b Quel souvenir gardez-vous de Tomoyuki Murohara du barrage de Shimouke (pref. Kumamoto / Oita) du groupe "l'Essaim d'Abeille" (nom de montagne), mort après 20 ans de lutte (1958-1970) ?
— Tomoyuki Murohara était un radical résolument opposé au barrage de Shimouke. La façon du ministère avait été expéditive, provocatrice, forcée, déraisonnable. Les résidents se révolteront, en partie, à cause de çà. Ils devaient être très têtus, aussi. Ce genre de lutte est impossible pour une personne normale ou de raison...
Tomoyuki Murohara était riche. C'était un grand propriétaire de montagnes et de forêts. Il donnera tout l'argent nécessaire à ses procès (il en financera 50 contre les pouvoirs publics et sera accusé 26 fois par ces derniers). A l'époque les terrains valaient quelque chose. En coupant un peu de bois on pouvait disposer de fonds pour la lutte. Une lutte spéciale que celle de Shimouke, violente, au point que ses camarades se sépareront de lui. Beaucoup le quitteront. Je ne suis pas d'accord avec la violence, ses moyens, une telle intensité dans la lutte. Lancer des pierres sur les fonctionnaires de la municipalité, ou lancer des excréments. Bien sur Tomoyuki Murohara bénéficiera d'une audience nationale et de nombreux procès, coup sur coup, sans arrêt. Mais il n'en gagnera aucun (Tomoyuki Murohara homme de droit érudit et homme d'action rusé provoquera souvent les constructeurs. Il fera courir, par exemple, sur son terrain, un tuyau d'eau de montagne que ne pouvaient déplacer légalement les constructeurs sans son autorisation. Quand les constructeurs chercheront à déplacer l'arrivée d'eau Tomoyuki Murohara refusera ce droit et conduira l'affaire devant le tribunal. Le juge donnera un avantage à Tomoyuki Murohara sur ce point du droit mais n'ira pas jusqu'à faire perdre la face aux puissants constructeurs. Ce sera son seul et unique fait de gloire devant les tribunaux, ndlr).
L'opposition historique démarera avec quelques opposants sur le site de construction sur la base des provocations des pouvoirs publics et des réactions de Tomoyuki Murohara. Mais les opposants ne pourront assumer ni la durée ni la violence du conflit. Ils s'effondreront les uns après les autres et la résistance sera inefficace. Tomoyuki Murohara en appellera alors aux syndicats ouvriers des préfectures de Oita et de Kumamoto !! "L'affaire" ne concernait pourtant que les paysans/forestiers de la région de Shimouke. Ce sera une terrible confrontation. Des milliers de personnes se rendront sur les lieux, ouvriers et policiers...

Shimouke
"Le Fort de l'Essaim d'Abeille", opposition civile au barrage de Shimouké

Q C'était trop violent...
— Nous pouvons insister sur ce point. Oui, les habitants finiront par s'en aller. De plus, le syndicat des ouvriers et le barrage n'avaient aucun rapport direct. Cette contradiction sera l'une des causes historiques de l'échec de Murohara... Il sera de plus en plus isolé et sans appui (il sera, du reste, le dernier résident de Shimouke et finira seul avec sa femme, ses filles, ses assistants et ses drapeaux, C.P.).

Q L'objectif était l'annulation du projet, non ?...
— Oui, mais : "je veux résoudre le problème par moi même...". Tu sais, on est pas forcément aidé par les autres. Pas mal d'habitants disent çà...

Q On peut demander de l'aide à l'extérieur...
— En conscience, non. Les paysans ne pourront aller jusque là... Ils seront même prêts à signer un accord avec les fonctionnaires et à déménager. Ils penseront que c'était là leur ultime chance ou avantage... Mais Murohara (homme de principe et de raison) s'entêtera et continuera, seul. Il utilisait sans cesse des "gambate, gambate, gambate" (allez, courage, courage, courage !...). Mais au fond il était extrêmement seul. Murohara devait être très triste à la fin de sa vie. Ryuichi Matsushita écrira une très belle étude à son sujet intitulée "Le Fort". J'ai lu cet ouvrage ... "se refugier dans un Fort", en fait. Le Fort portait bien le nom de la montagne, "Essaim d'Abeilles". C'était un mouvement d'opposition très spécial qui consistera en un front de résistance sur le site même du barrage. Les résistants se réfugieront à l'intérieur (d'un village de cabanons construit spécialement et perché à flanc de montagne, face au site du mur de barrage, avec banderolles et couloirs de circulation en bois). Murohara ne concèdera rien (faisant travailler les lois qu'il connaissait à la perfection) et dépensera une fortune en procès.

Mastushita Ryuichi "Le Fort", Ryuichi Matsushita, Edition Chikuma

Q L'attachement au lieu ou à sa terre sera l'une des causes du conflit ?
— Non. C'était plutôt la façon du ministère de la Construction qui ne lui plaisait pas, qui l'offensait. C'était cela, aussi, le sens de la révolte de Tomoyuki Murohara. L'offense... C'est ce que je comprendrai en tout cas de l'étude de Ryuichi Matsushita (ajoutons que Tomoyuki Murohara était un personnage typiquement japonais doté d'une grande autonomie de caractère et d'esprit, de beaucoup d'humour et d'érudition. Il est clair que durant 20 années son engagement sera d'une grande lisibilité, sincérité et intégrité. Le soutien de sa famille, de sa femme et de ses filles sera, malgré les difficultés, exemplaire. Tomoyuki Murohara quoiqu'autoritaire et dirigiste ne pourra rien entreprendre de durable sans l'humilité et l'humanité de sa famille, C.P.).

Q Vous l'avez rencontré...
— Non, c'était bien avant le barrage d'Ogawa. Mais je le connaissais par la télévision et la presse. Les journaux en parlaient beaucoup. Il se battait sans cesse (rires) "chan chan barabara" (bruits des lames dans un duel). C'était un escrimeur Tomoyuki Murohara.

Janvier 2000 : malgré 55% de "non" exprimés lors du réfendum sur la construction du barrage de Yoshinogawa (premier référendum de l'histoire du Japon sur la construction des barrages) et une population locale opposée à 90%, le Ministère de la Construction approuvera le projet; coût 104 milliards de yens.
2000 : barrage de Kawabegawa, 510 familles déportées. 2000 paysans opposés au nouveau système d'irrigation font un procès au gouvernement national. Ce dernier fabriquera 72 signatures de paysans décédés pour gonfler la liste des supporters au projet de construction. Après 32 ans d'une lutte épuisante les opposants à la construction perdront la bataille. Les unions de pêcheurs refusent cependant la défaite et se battent encore; coût 265/410 milliards de yens.
2001 : barrage de Tokuyama, étude de faisabilité en 1957, 113 confiscations de terre. Les 466 familles déportées du village aujourd'hui disparu souffrent toujours de précarité et la région d'endiguement économique... Le comité de lutte a été dissout. Ouverture du barrage prévue en 2007; coût 254 milliards de yens,
2000 : barrage de Kiotsugawa, 350 personnes déportées. Les opposants historiques au barrage abandonneront la lutte dans un grand état d'épuisement. Dissolution des deux associations de résistance et annulation du projet en 2002; coût 250 milliards de yens,
2001 : barrage de Tomata, 504 familles déportées, faisabilité en 1957. L'opposition de la mairie entrainera des pressions gouvernementales nationales et préfectorales qui se traduiront par un puissant chantage administratif (blocage des doléances municipales notamment). Les gouvernements obtiendront l'abandon des résistances en 1999 et les compensations seront utilisées comme autant de moyens de pression auprès des résidents. Entrée en fonction du barrage en 2005. La résistance de quelques 1000 résidents aux confiscations gouvernementales des terres échouera en justice en 2006; coût 194 milliards de yens.
2001 : barrage de Yamba, 340 familles déportées, faisabilité en 1952. Compte tenu de la durée et de la difficulté de l'opposition les résidents abandonneront la lutte et accepteront les compensations. Dissolution des associations de résistance puis renaissance des collectifs. Actuellement un procès est engagé par le collectif d'annulation auprès du tribunal de Mito-Ibaraki contre les constructeurs et les approvisionneurs (lire notre note page 1). Inauguration du barrage prévue mais improbable selon Shigeru Kobayashi en 2010. Selon les avocats de la défense de l'opposition civile les fonds du barrage ont un grand potentiel d'effondrement, le site du barrage est, en effet, prévu sur les contreforts du volcan actif Asama, préfecture Gumma/Nagano; coût 504 milliards de yens réhaussé à 800 milliards de yens, un record. Les préfectures de Tokyo, Saitama, Chiba, Tochigi, Gumma se joignent à la préfecture d'Ibaraki pour conduire en justice ce projet de construction.


Q -b Si c'était à refaire que changeriez-vous dans votre stratégie ? (5)
— A refaire ? (rires)... Non, il n'y a rien à refaire, rien à changer. Même façon d'avancer, comme avant... Constituer des groupes associatifs avec les résidents. Actuellement, la tendance de la préfecture est de ne pas trop forcer. Elle ne bouge, en fait, que si les mouvements de résidents bougent, autrement, non.

Q La force de Etat...
— Les cadres viennent bien pour négocier ou donner des explications mais s'ils ne sont pas motivés le barrage ne peut avancer. Aucun fonctionnaire, cela dit, ne mettra en péril son statut inutilement.

Q Que pensez-vous du référendum sur le barrage de Yoshinogawa ?
— Une bonne chose...

Q Est-ce systématique ?
— Non, ce n'est pas systématique. Lors d'un mouvement d'opposition civil, seulement. Il faut un contexte spécial, en dehors de ce contexte ce n'est pas envisageable.

Q C'est le rôle du maire de consulter...
— Oui, mais le référendum, ici, est essentiellement une sorte de "rappel" pour demander une annulation. Yoshinogawa, HitachiOmiya... Il y a des lois précises. Mais on ne peut pas proposer un référendum sans un mouvement civil. Y compris pour d'autres travaux publics...

Q Il n' y aura pas de proposition de référendum à Ogawa ?
— En effet... Une telle proposition aurait dû reposer sur une majorité au conseil. Le barrage ne concernait, diectement, qu'une partie des villageois. De toute façon, il aurait été impossible de soulever "toute la communauté", entendez avec un même intérêt altruiste...

Q Tous les habitants d'Ogawa...
— Ils s'en fichaient...


– 4 –


Q 15 -a La question des compensations est soulevée dans tous les cas de déportation que ce soit au Laos, au Brésil, en Afrique du Sud, en Inde, en Chine, en Turquie ou en Russie. Ogawa n'échappera pas à la règle de même que de nombreuses autres communes japonaises confrontées à ce problème (note colonne de gauche ci-dessus). Les experts de la Commission Mondiale des Barrages (qui rejoignent point pour point vos analyses) estiment que l'une des questions prioritaires est celle de la procédure d'évaluation des plaintes pour les dédommagements. Ces experts estiment que cette préoccupation concerne entre 40 et 80 millions de personnes déportées dans le monde.

L'indemnisation des paysans d'Ogawa et de Miwa se poursuit-elle ?

R Il n'y a pas eu d'indemnisations. Nous négocions quand le projet de barrage a été annulé. La préfecture savait en fait depuis très longtemps que le projet était annulé. Elle nous fermera les portes au nez.

Q Pas d'indemnités...
— Rien du tout, pas de médiation possible.

Q Aujourd'hui encore ?
— On a perçu une sorte d'allocation de logement, une aide municipale, vraiment rien...

Q -b La procédure d'enregistrement des plaintes en vue des indemnisations a-t-elle évoluée ?
— Il faut toujours négocier avec les délégués. Quatre associations se rendront à la préfecture pour négocier. Mais tout étant déjà annulé il n'y aura rien à négocier... La préfecture semblait ne plus fonctionner. Tout était arrêté, gelé. La procédure n'a pas changé...

Q Quelle loi couvre les procédures légales ?
— Elle est très ancienne... Elle est liée à une vieille loi sur les Travaux Publics. Cela remonte à Meiji (1868-1912), il y a plus de cent ans. A l'époque féodale de Tokugawa il y avait déjà une loi pour les indemnités, depuis Edo en fait (1603 -1868)... Les lois sont, à priori, toujours très claires et les textes sont sans ambiguité. Mais ce ne sont que des apparences. Les choses sont beaucoup plus compliquées quand la question de la valeur des biens privés se pose... La Loi sur les plaintes et les indemnités à laquelle tu fais allusion remonte à 1962. Les indemnités de déportation sont incluses dans le corps du texte. Il y avait de très fortes oppositions civiles à cette époque et la lutte antibarrage faisait rage. Il fallait des lois pour prévenir les plaintes et des indemnisations.
Le monde entier se pose les mêmes questions pour résoudre les mêmes problèmes. Près d'un million de personnes (700 000 à deux millions selon d'autres sources) seront déportées lors de la construction du barrage des Trois Gorges en Chine. Toucheront-elles des indemnités ?... Des larmes de moineaux, sans aucun doute. Il y a deux autres cas d'indemnisations très intéressants. Je fais allusion, ici, aux grands barrages d'Ogôchi, près de Tokyo (Okutama) (début des travaux en 1938 repris en 1948, achevé en 1957) et de Kuriyasawa (achevé en 1948) à Tochigi. Les compensations seront infimes, des larmes de moineaux, encore. Les montants ont peut être augmenté depuis...

Q ...
— Le propriétaire du projet de construction est généralement indifférent au malheur. On ne doit pourtant pas contsruire en force. Nous sommes en démocratie. Les populations doivent se défendre car elles ont une tendance à la passivité, trouver des délégués compétants, agir vite et de façon précise, détaillée, tout inventorier : "au mètre carré près". Il ne faut rien abandonner, ni les terrains agricoles, ni les récoltes, ni les maisons, ni les forêts, etc... Il faut toujours relancer les négociations car l'Etat minimise tout. Comme il est difficile de s'entendre, de trouver des points communs, il convient avant toute chose de dégager des plages de temps pour les négociations. C'est, je crois, le plus important car les parties en présence vont dans des directions opposées...

Q -c Poursuivez-vous le débat auprès du parlement, du gouvernement, des mairies ?
— Non, tout se joue ici à la préfecture (Mito). Il y a les procédures du ministère de la Construction, des textes ayant force de loi. Il n'y a pas de discussions possibles. Tout est écrit.

Q Le rôle d'un parlementaire consiste pourtant à débattre, (à critiquer) et à faire avancer les lois (selon les besoins), non ?
— Oui, mais dans le cas de la construction de notre barrage nous disposions déjà des orientations cadres de l'Etat. Et puis, ici, les partis de l'opposition ne peuvent pas intervenir dans nos affaires...

Q -d Comment combattre la Loi permettant l'achat/acquisition obligatoire des terres ?
— Il s'agit encore d'une négociation entre toi et les pouvoirs publics (préfecture). Il faudra beaucoup parler et prendre des décisions. Beaucoup de gens refusent encore l'entrée de leur maison à l'Etat ou à la préfecture. L'Etat, dans ce cas précis, a le droit de tout prendre et toi de tout perdre. L'Etat est la Loi (une loi qui remonte à Meiji 33/1900, modifiée 1951)... Si les pouvoirs publics décident de saisir telle ou telle propriété le paysan doit s'en aller, quelque soit sa volonté ou la force de son "non". Laisser l'Etat à sa place.... et accepter une infime indemnité en prime. A l'époque, nous avions tous peur de perdre nos biens. C'était possible. On ne pouvait pas résister aux pressions de la préfecture.

Q La loi sur les indemnités et les plaintes remonte à 1962... C'était aussi l'époque du Tone River System (Tonégawa, le plus grand fleuve d'Ibaraki au sud), la base du systeme hydrologique japonais, non ?
— Oui... Il n'y a que des barrages de Tonegawa à Gumma (Yamba et Gumma à Azuma, Kawamata et Ikari à Kinugawa). Mais, rappelle toi, l'Etat minimise systématiquement les indemnités et les habitants font l'inverse car leur vie est en jeu.

Q L'Etat a-t-il des projets de réforme ?
— Non...

« Sous un autre angle »
Shigeru Kobayashi est bouddhiste sans être vraiment croyant. Un bouddhisme un peu spécial si l'on songe au bouddhisme traditionnaliste, institutionnel ou impérialiste (voie de l'empereur), du bonze et du monastère. Un bouddhisme personnaliste, domestique, qui ne relève que des habitudes familiales rurales, de l'entretien de quelques minuscules temples sans obligations de conscience, et duquel semblent expurgés tant le pénal métaphysique et le politique des monastères (note 4a) que la magie, les rites propitiatoires, les divinations ou les malédictions. Il accepte d'aborder l'affaire du barrage sous cet aspect.


Q: Notre affaire a-t-elle un bon ou un mauvais karma ?
R: Le barrage ?
Q: Oui, quelle est la situation du brarrage d'un point de vue du karma ?
R: (Rires) Non, il n'y en a pas de rapport.
Q: Les enseignements bouddhistes traditionnels disent "bon ou mauvais karma"... Avec un tel barrage sur les épaules se serait plutôt un mauvais karma pour les habitants et un bon karma pour l'Etat...
R: (Rires) non je ne crois pas...
Q: Pourquoi ?
R: Je ne pense pas que ce soit lié aux vies pasées ou aux mauvaises naissances. La vie, selon moi, commence à la naissance. On fait ou non de bonnes ou de mauvaises actions ...
Q: On enseigne un peu partout que la souffrance en cette vie est dûe aux mauvaises actions dans une autre vie.
R: (Rires) Je ne crois pas, mais alors pas du tout...
Q: Donc pas de dette karmique ?
R: En effet, c'est absurde... pas de dette karmique.
Q: La réincarnation ?
R: Je ne crois pas en la réincaranation d'une partie ou d'une chose. Je suis né, j'ai grandi, je me suis marié, je veillis, je meurs, après ce sera au tour de mes gosses... Nous avons tous un cycle. C'est un peu comme la germination d'un fruit ou d'un légume. Nous obtiendrons selon le cycle de croissance de telle fleure ou de tel graine alimentaire, un fruit, une racine ou un légume... C'est par soit que tout se produit. Je ne crois pas en la réincarnation.
Q: Les bonzes traditionnalistes sont différents...
R: Oui, oui, ils sont différents... J'ai un cycle, mon enfant en a un, ses enfants en ont un... Moi, lui, eux, sommes tous très différents et je ne vais pas me réincarner pour autant.
Q: Ce n'est pas ce que disent les bonzes. Cette position est-elle le fruit d'une transmission, du père, du bonze, du philosophe ou de l'historien ?
R: De mes expériences dans la vie quotidienne, seulement.
Q: Vivez-vous cette différence sans état d'âme et les bonzes peuvent-ils vous menacer comme cela se verra à différentes périodes de l'histoire du Japon ?
R: J'ai un ami bonze du même age (74 ans), il ne dit rien... Il ne raconte pas ce genre d'histoires. Il ne faut pas philosopher comme çà, à la place il faut prier... Matin et soir (rires).
Q: Que pensez-vous des kamis et du shintoisme ?
R: Les kamis relève d'une forme d'animisme. Il y a un kami en chaque chose dans la nature (enseignement shinto). Mais je n'y crois pas car chaque chose à sa place dans la nature sans le kami. Le kami est spécifique dans la nature mais n'est pas la nature. En fait, je ne suis pas animiste et la nature est la nature. Quant au Shintô, je ne suis pas shintoiste, sur la même base...
Q: Ce bouddhisme est sans fétichisme ni superstition...
R: C'est le sens commun. Nous vivons entre amis... Ma relation à la communauté ou au village me conduit au temple. Ce n'est qu'une relation de bon voisinage. Etre sociable...
Q: Pas d'obligations de conscience vis a vis du temple.
R: Non, pas d'obligations de conscience.
Q: Humaniste...
R: Voisinage...
Q: Que pensez-vous du "temple de luxe" a l'entrée du village d'Ogawa ? (ouvrage traditionnel colossal, dressé sur la seule colline boisée préservée du village, bâti sur les fondations d'un ancien chateau fortifié aux côtés du cimetière municipal).
R: C'est un temple bouddhiste construit pour les cérémonies funéraires. On y fait venir du monde pour les incinérations, la prière. C'est très cérémonial. Les bonzes ne dispensent pas d'enseignements et n'y font pas de propagande...
Q: Beaucoup d'argent circule, non ?
R: Je n'appartiens pas à ce temple. Le mien est pauvre...
Q: Pourquoi est-il riche ?
R: Beaucoup de fidèles viennent. Ce temple reçoit donc des centaines de milliers de yens. Cela explique pourquoi les bâtiments sont toujours neufs. Les croyants sont bel et bien liés au temple et les bonzes inspirent les donations pour refaire les toits...
Q: Des relations avec les partis ?
R: Directement non. Mais les bonzes appuient Jimintô.
Q: Kômeitô (Sôka Gakkaï) ?
R: Pas davantage, mais la plupart des gens qui s'y rendent votent Jimintô...


Q -e Entretenez-vous des liens avec d'autres collectifs d'opposition (Suigenren, Kawabegawa, Nagara, Yoshinogawa, Tokuyama...) ?
— Pas vraiment... Avec nos 6 millions de tonnes d'eau nous étions un petit barrage. Chaque collectif d'opposition a une histoire qui relève des caractéristiques de son barrage. Un barrage comme Kyotsugawa, par exemple, contenait pas moins de 30 millions de tonnes d'eau et avait une histoire spécifique, très différente de la notre. Les gens de Kyotsugawa viendront nous voir mais chacun suivra une voie, avec ou sans alliés.

Q Grands ou petits barrages même causes, mêmes moyens, même conséquences, ...
— Oui oui...

Ogawa village
Ogawa village, zone initiale d'immersion, aujourd'hui un projet de route (indemnisation du barrage) remplace celui de barrage !
Ogawa riviere
Rivière d'Ogawa ex-site du mur du barrage, aujourd'hui site du futur pont de la future route.
Vieillarde
Habitante des berges préparant son bain chauffé au bois. "Dans 10 ans, lorsqu'il y aura la route devant chez moi, en tout cas, je serai morte !" dira-t-elle en riant. Elle a 85 ans.


Q Entretiendrez-vous des relations avec les victimes, avec les sinistrés/déportés ?
— Il n'y a pas de liens solidaires au niveau national... Il y a par contre des groupes de "propriétaires" de terrains agricoles (de maisons, de forêts, de montagnes) mais pas de comités ni d'alliances de "victimes" au niveau national.

Q Une fédération des déportés serait utile pourtant...
— Oui bien sur... Ce serait mieux d'avoir un système national. Il serait même plus efficace, à mon sens, de gérer les combats globalement plutôt que d'engager une lutte chacun de son côté.

Q 16 -a Les élus et les experts (certains de la Commission Mondiale des Barrages) ont considéré que l'organisation sociale dans les régions à sources était concevable sur la base de programmes d'aménagements spéciaux. La loi de showa 48 (1973) "suigen chiki taisaku toku betsu shochi ho" (dispositions, lois, mesures spéciales sur l'eau et les sources régionales) paraît prendre en compte la globalité du problème.

Quelle est cette loi ?

R La loi a été pensée pour stabiliser/régénérer les conditions de base de la vie des déportés : (construire des édifices sociaux, sanitaires, scolaires), creuser des canalisations, des égoûts, tracer des routes, créer des métiers. Il s'agit d'une loi globale. Elle concerne tous les aspects de la vie locale.

Q ...
— Je pense que c'était une bonne loi. Mais comme le projet préfectoral "Ville d'un million" et le barrage d'Ogawa seront annulés, elle ne sera pas appliquée...

Q Elle ne contient aucune clause pour les indemnisations ?
— Reprenons. Il s'agit d'un plan d'établissement régional mais sans projets concrets (de construction de barrage) pas d'application. La préfecture envisagera bien les deux mais sans poursuivre. Historiquement, la loi de showa 48 se manifestera dans un contexte d'actions civiles. Je pense notamment aux oppositions au barrage de Yamba (une affaire Yamba - rivière Azuma, préf. Gumma - qui débutera en 1952 et qui n'est pas terminée puisque NGOs, paysans, civils lésés et déportés de six préfectures : Tochigi, Ibaraki, Gumma, Tokyo, Chiba, Saitama, sont engagés dans un procès fleuve contre les distributeurs d'eau et les propriétaires du projet, à chacun selon son tribunal. Le 30/01/2007 il y aura procès à Mito, par exemple, ndlr). La loi de Showa 48 concernera des surfaces immergées spécifiques, au minimum 30 ha et 30 maisons noyées. Ogawa entrera dans cette catégorie. Mais j'ajouterai qu'il ne suffit pas d'indemniser. Il faut aussi assumer tous les aspects de l'existence après la déportation; pas seulement les problèmes de voisinage ou l'emploi car la vie et le mode de vie auront changé. Il faut penser a tout cela, indemniser ne suffit pas... A Yunishigawa (Tochigi), Nama, Yamba (Gumma), Mihalu et Mano (Fukushima), Hurayama et Kakkaku (Saitama) les oppositions continuent. La loi "suitokuho" (showa 48) est née dans ce contexte historique des luttes.

Yanba
"Lutte contre le barrage de Yamba", Yoshio Hagiwara, Edition Iwanami, 1996

Q -b L'on devra au comité anti-écluse/antibarrage de Nagara, préfecture de Mié (hydrogéographie & clichés des écluses) des modifications de la Loi sur les Rivières du ministère de la Construction. Les concepts "environementalement important" et "dialogue" seront consignés dans le texte de la Loi sur les Rivières, une première en 100 ans. Au final, 17 projets de barrage seront annulés et 12 suspendus. C'était en 1996/1997.

Cela servira-t-il à la communauté d'Ogawa ?

— Historiquement non. Je pense, par contre, que les opposants aux écluses de Nagara (ou aux écluses de Yoshinogawa, préfecture de Tokushima) disposaient d'un exceptionnel contexte associatif/mouvement environemental national. Ils auront raison d'en profiter. C'était une bonne stratégie. Mais L'Etat était en cheville avec les "superzenecon/gene(ral) con(tractors)" c'est-à-dire : Taisei Corporation et Kajima Corporation, deux consortiums de constructeurs crapuleux. Les entreprises au Japon sont catégorisables, "superzenecon" pour l'ensemble des consortiums BTP : Obayashi, Shimizu, Kajima, Taisei, Takénaka... , "zenecon" - infrastructures, "subcon" - électricité, chauffage, plomberie -, "maricon" - constructions maritimes, ports, digues, souterrains de la mer -, etc... Le ministère de la Construction pensera bien à construire mais pas à préserver l'écosystème ou l'environnement.

Q Le comité de Nagara se rendra même aux Etats-Unis, à la Chambre des Députés... (3 q,r)
— Oui, le comité anti-écluse.antibarrage de Reiko Amano (The Society Against the Nagara River Estuary Dam Construction / SANREDC composé de 63 groupes d'opposition). Elle a écrit d'excellents ouvrages aussi...

Amano Reiko
"Le barrage et le Japon", Reiko Amano, Edition Iwanami

Q Les Etats-Unis ont abandonné la construction des barrages en 1994.
— Oui, ils les ont plutôt détruits.

Q C'est une bonne chose en soit.
— A l'époque de Roosevelet on construisait de grands barrages. Aujourd'hui ce n'est plus nécéssaire. On casse.... Reiko Amano a sans doute été influencée par les Etats-Unis.

Q La considérez-vous comme un bon penseur de l'écologie ?
— Oui, très bon.

The Situation of Dam Removal in Japan
Reiko Amano (Leader of NGO Association for Public Works Review)
"A woman governor in Kumamoto Prefecture made a decision to remove a dam for the first case in December 2003. She could do so because the construction group of the local Liberal Democratic Party thought removing dams are "new public works". Taking a broader view of the matter, it seems that 21st century will not be a century of development in Japan. But it is still uncertain, and citizens have to unite globally to make it sure.
We hold this session and start America-Japan Dam Committee in this afternoon to achieve it.
The chairman of American side is Mr. Daniel Beard and that of Japanese side is the governor of Nagano Prefecture Mr. Yasuo Tanaka who announced "No Dam Declaration". First of all, we would like to make a coalition with U.S. people to address this issue. Mr. Tanaka will be a first governor who achieves dam removal in Japan. "


Q 17 -a L'absence d'intégrité des gouvernements nationaux et préfectoraux semble rejoindre celle du préfet Hashimoto (Heisei 13/2001) dans sa "célèbre" lettre d'excuses aux villageois. Ce dernier affirmera que s'il est impossible de parler d'indemnisation monétaire les habitants lésés pourront, en compensation, construire des établissements sociaux à moindre frais en fonction de leurs besoins.

Quels souvenirs gardez-vous de cette lettre et de cette fin de partie ?

R En Heisei 12/2000, le Préfét Hashimoto prononcera l'annulation préfectorale au projet d'Ogawa. Cela mettra un terme à 33 ans de tensions. Les fonctionnaires préfectoraux seront favorables aux indemnisations individuelles mais Hashimoto préférera "indemniser" avec des routes, un "community center", des bâtiments, des ouvrages publics... pas individuellement, ni monétairement. Il n'y avait pas, dira-t-on, de raisons légales pour être indemniser. Avec un barrage on aurait pu espérer. Mais avec un "barrage illusoire" c'est-à-dire sans construction réaliste, pas d'indemnisations... Nous étions sans recours.

Q Reste l'article 13 de la Constitution...
— Oui oui. A Tottori (région de Chugoku, 180 barrages, gvr. Yoshihiro Katayama), il y aura un cas similiare d'annulation, un cas très intéressant. Il s'agit du barrage de Chubu ... Le maire (de Misasa Town) avancera l'idée que sans maisons neuves la population partirait. L'on trouvera des compensations familiales/foyers miracles : 3 000 000 de yens, ici, 800 000 yens, là, 500 000 yens, ici, 50 millions de yens, là, pour redynamiser les activités de la région.

Q Un maire Jimintô et des copains constructeurs ?
— Non, un environnement plutôt Jimintô et un préfet progressiste ex-haut-fonctionnaire du Ministère de l'Autonomie (Jichishô) - comme Hashimoto, du reste (notons, ici, que les préfets seront à quelques exceptions près toujours opposés aux indemnités individuelles)... Le préfet de Tottori, Yoshiro Katayama, sera donc plus "progressiste" que Hashimoto. Quelqu'un de la préfecture d'Ibaraki se rendra jusqu'à Tottori pour se rendre compte de la situation des compensations. Il sera choqué. La population bénéficiait de conditions vraiment avantageuses, de maisons luxueuses, du grand confort. Une population, donc, très correctement installée avec des indemnisations en prime. Il reviendra complètement sonné (rires).

Q Hashimoto (actuel préfet d'Ibaraki) est-il corrompu ?
— Je ne pense pas. Cela dit, certains disent qu'il agit soit pour effacer l'odieux héritage Takeuchi (The Lord of Mito) soit pour ne pas se faire prendre (rires). Dans les deux cas rien n'est prouvé...

Q Libéralisme et dérégulation sont deux mots clefs de la dialectique préfectorale... J'associe les deux à la délinquance économique.
— Il y a eu, récemment, des élections prefectorales en Ibaraki. Il y avait de fortes critiques sur les dépenses et les travaux publics. On fait actuellement allusion à la transformation de la base militaire de Hyakuri (Omitama city) en un aéroport civil... Les gens disent qu'il n'y aura pas de clients même pour des lignes intérieures.

Hyakuri
"Une piste annexe de la base de Hyakuri "courbée" par la force du mouvement d'opposition "Mouvement 3 mètres carrés (Hitotsubo undô)". Les opposants civils pacifistes et écologistes achèteront le terrain en vert aujourd'hui Parc municipal".

« Propos off »
Q: Y a-t-il des prisons secrètes (civiles ou militaires) au Japon ?
R: Non (rires).
Q: Y a-t-il des abris anti-atomiques secrets ?
R: Non (rires).
Q: Un pays (militariste) de 4000 iles sans prisons secrètes ?
R: On ne sait pas ce qui se passe sur les bases miltaires américaines.
Q: La loi et l'extraterritorialité interdisent de s'y rendre...
R: Oui...les lois s'y opposent.
Q: (Rires) "US go home!"
R: (Rires) Oui...
Q: Le gouvernement japonais est-il manipulé ?
R: Oui...


Q Pour les forces armées alors (rires) ?
— Oui oui... Les aménagements de pistes sont avancés tout comme la route d'accès... Ce n'est pas très éloigné de Fukushima, de Tokyo. Il y a une piste militaire pour le Jietaï et une piste civile. On pense que l'armée américaine pourra également l'utliser.

Q La vie sera plus que polluée... Comme à Okinawa, à Atsugi (Kanagawa).
— Oui... par les accidents d'avions, aussi. Ajoutons la pollution sonore et atmosphérique. Comme à camp Zama... Mais il y a déjà des oppositions civiles locales.

Q 18 -a En 2000, le président de la Commission Mondiale des Barrages et Ministre de l'Éducation d'Afrique du Sud, Pr. Kader Asmal, déclarait : "Il ne sert à rien de construire des barrages d'un milliard de dollars, si vos monuments aliènent les plus faibles"...
Une préoccupation qui est récurrente tout au long de votre ouvrage. Selon Medha Patkar, pionnière de la lutte antibarrage en Inde et dans le monde, les grands barrages indiens ne sont pas parvenus à réaliser ne serait-ce que 50% de leurs objectifs et violent les droits constitutionnels des populations : droits à la vie, droits aux moyens d'existence, droits des communautés tribales, droits des sanctuaires... (3m).

Les objectifs des grands barrages japonais ont ils été atteints ? Je pense notamment à ceux de Kurobe, d'Okutadami, de Kuromata ?

R Kurobe, Okutadami, (Kuromata), sont des barrages de production d'électricité. Je pense que ça fonctionne puisqu'ils produisent... Kurobe est également une curiosité touristique (au Japon on ne construit pas de barrages géants sans zone de bien-être, touristique ou sportive, façon de faire avaler la pillule aux populations voisines : "ce n'est pas dangereux et...c'est beau!" ndlr).

Q Des barrages "écologiquement corrects", ce serait nouveau ?
— Non. Un barrage ne peut être "écologiquement correct". Le barrage détruit l'environnement. Il n'y a pas d'exemple contraire... Le côté destructeur de la nature est omniprésent. De plus les barrages sont des zones de déchets et de dépôts (kuromata). Les fonds sont complètement pollués... C'est un support d'action pour la lutte antibarrage.

Q Vous vous opposez toujours aux constructions...
— C'est parfaitement inutile d'en construire. Le barrage de Yamba (1), par exemple, est en construction depuis 1952. Il a été conçu pour approvisionner en eau la ville de Tokyo. Mais il y a déjà un barrage à Tokyo, Oguchi, pour la prévention de la sécheresse. Tokyo n'aura donc pas besoin de cette eau ni du barrage de Yamba. Ce ne sera jamais une bonne affaire. Il y a une contradiction interne dans cette histoire. Ibaraki est par ailleurs l'un des nombreux clients de Yamba. Les contribuables de notre préfecture ont payé une part de Yamba, au début 12,3 milliards de yens, une part qui se transformera en 26,9 milliards de yens... Yunishigawa "pompera" 21.3 milliards de yens puis 25,8 miliards de yens.

Q L'ouverture de Yamba est prévue en 2010 (aux dernières nouvelles de mars 2008, en 2015) ?
— Oui... mais ce ne sera pas possible. Ils n'en sont qu'au dégagement du site et à l' aménagément, et non à la construction de la structure.

Q -b Les profits réalisés par les sociétés d'exploitation sont-ils élevés ?
— L'Etat gagne... le Ministère de la Construction gagne, le département industriel de la Préfecture aussi.

Q L'Etat cherche les clients ?
— Après avoir construit le barrage on ne cherche pas le client. Comme je te l'ai dit, c'est déjà fait, avant, contractuellement. De plus quand on parle de gestion de barrage, il faut entendre "fera-t-on ou non couler de l'eau quand on en a besoin"... C'est technique, et non économique.

Q Qui sont les abonnés ?
— Les entreprises, les particuliers.

Q L'eau est-elle chère ?
— Ca dépend des coûts du barrage...

Q Est-ce que c'est rentable ?... Yamba coûte 26,9 milliards de yens à la préfecture d'Ibaraki (pour un coût global de 504 milliards de yens) sans compter la facture d'eau mensuelle par foyer...?
— Oui, c'est rentable, mais il n'y a pas de bénéfices. L'Etat récupère ce que tu paies mais ne dégage aucun bénéfice. S'il y avait des bénéfices, les gens se plaindraient...

Q Cela représente un énorme volume d'argent...
— Oui, c'est énorme...

Q Ibaraki reçoit des aides d'Etat pour la construction ?
— Pour la moitié des travaux.

Q -c Le Japon (127 millions d'habitants) comme l'Inde (plus d'un milliard d'habitants) est un pays de puits individuels. En Inde 55,6% des surfaces cultivables sont irriguées par des puits individuels alors que la part des grands barrages - 30% - n'est plus prédominante en 2000 pour la production des graines alimentaires, riz et blé (3m).

Le puit individuel représente-t-il un enjeu pour l'économie agricole et la consommation ?

— Il y a trop de bactéries pour consommer l'eau directement. Il est donc conseillé de boire de l'eau du robinet (rires). Pour la consommation nous utilisons l'eau de ville mais l'eau de ville, chez nous, c'est l'eau du puit foré à côté de la rivière (rires)... Elle provient d'un puit collectif qui pompe l'eau sous la rivière. Mais ce n'est pas l'eau de la rivière. 98% des habitants d'Ogawa reçoivent cette "eau de ville". L'eau est purifiée/filtrée et distribuée aux maisons. L'eau de consommation provient donc d'un type de puits très particulier... Autrefois, il n'y avait pas d'examen de la qualité de l'eau. Aujourd'hui, c'est très technique. Il y a des chiffres partout et beaucoup de contraintes. Je pense, malgré tout, qu'on ne mourra pas si l'on boit de l'eau de puit non purifiée. (Selon d'autres sources des techniciens muncipaux se rendent aux puits à la demande des particuliers et se livrent tout de même à des examens pour la boisson. Certaines muncipalités encouragent ce genre de procédures sanitaires, incitatives, dans le cadre de programmes régionaux de réhabilitation de l'habitat traditionnel).

Ogawa river L'eau claire de la rivière d'Ogawa

Q Pour ce qui est de l'irrigation ?
— Si l'eau du puit individuel ne concerne pas la consommation directe, elle concerne d'autres besoins... Ibaraki est un pays de puits individuels. Les puits individuels ou privés sont utilisés pour le nettoyage, l'eau du bain et l'irrigation des terres agricoles. C'est très important...

Q Le filtrage individuel est aussi une solution...
— On ne peut pas purifier l'eau des puits individuels mais seulement la filtrer... Javéliser l'eau d'un puit naturel est bien entendu inconcevable. Dans le cadre d'un projet collectif muncipal c'est économiquement et sanitairement possible. Ogawa détient, du reste, le record des raccords en eau de ville d'Ibaraki.

Q L'eau des rizières ?
— Le puit à côté de la rivière ou le tuyau de l'hydropompe plongé directement dans l'eau de rivière. On pompe également l'eau depuis la montagne. C'est une source naturelle d'approvisionnement depuis des générations... Depuis très longtemps on pompe l'eau dans nos montagnes (rires).

Q Comment ?
— A l'hydropompe (rires)...

I ) BEYOND DAMS
The River Law reformed in 1997
Issue 1: Inappropriate Timing for public participation, too late, too little -----Article 16-2 requires public participation for detail planning if necessary. However, prior to planning, the Ministry decides Basic Policy according to Article 16. And the Basic Policy determines concrete plans.
II ) Green dams, ecsosystem & japanese forests
III ) The Aarhus Convention :
Convention on access to information, public participation in decision-making and access to justice in environmental matters, adopted at the Forth Minstrel Conference "Environment for Europe" in Aarhus, Denmark, on 25 June 1998.
Japanese NGO Network, ”Aarhus Net Japan” was organized in 2003 to work for better public participation, butter access to information and better judicial system.
IV ) The 3rd World Water Forum participation session "Are dams constructions necessary?"
"Governments have built dams and people who did not adequately consider the impacts that dams would have on the fish, the people and the water supply of others. Change in the traditional philosophy and religion of dams will only occur if we develop an active conversation between the government, the local people and scientists to find alternative ways to manage our rivers and water. Dams need to be discussed in a way that allows for logical and scientifically based decisions to be made and for alternative options to be evaluated. Change will not occur unless we work together..."
V ) Amartya Sen, Prix Nobel d'économie 1998,
VI ) Le RIC, Référendum d'Initiative Citoyenne selon Etienne Chouard "Récapitulatif sur le RIC" (soutien de la campagne d'Yvan Bachaud) et "Yvan Bachaud - RIC candidat présidentiel 2007" ....
VII ) "Le tirage au sort", d’Etienne Chouard à Ségolène Royal, Wiki-enquête sur un revival athénien, mardi 24 octobre 2006.
"Et là, à ma stupéfaction, Etienne me sort cette idée géniale de tirage au sort. Pour lui, le tirage au sort des responsables est "la" solution à la crise de la démocratie représentative. La manière d’en finir avec la professionalisation de la politique, qu’Etienne voit comme source de tous les maux. La manière d’en finir avec ces politiques octogénaires accrochés à leurs postes comme moules à leur rocher, avec les cumulards, avec les trahisons des promesses électorales. Plus de promesses à trahir, puisqu’il n’y aura plus de promesses (car plus de campagnes)...."


Q -d Quelle alternative proposez-vous aux barrages ?
— Le "barrage vert" plutôt que le barrage de béton.

Q "Green dam"...
— Oui, "Green dam"... C'est l'un des sujets de Reiko Amano. Si l'on déboise les monts l'eau innonde (le sable), la terre, une partie de la montagne. Cela détruit au final les réserves naturelles en eau. C'est l'un des plus graves problèmes du Japon. Entretenir les forêts de nos montagnes (et non encourager le reboisement commercial par les pins) est la meilleure des idées pour préserver les fonctions hydrologiques naturelles et les réserves en eau des sous-sols (les sous-sols des 25 millions ha de la forêt japonaise contiennent 9 fois la quantité d'eau des 2600/(3000) barrages actuellement en activité, C.P.). Ce type de projet constitue une source d'approvisionnement en eau ou un barrage vert, "green dam" et c'est, bien entendu, une solution idéale pour traiter les questions de nos réserves naturelles, de la régulation des rivières ou les problèmes d'effondrement de nos montagnes et d'écoulements de boue sur les villages.

Q -e Quel enseignement vous inspire la lutte antibarrage au Japon ? (3o, p)
— Que les consultations populaires sont indispensables. Que si l'opinion des résidents est opposée aux projets de constructions alors il faut en tenir compte et annuler les projets contestés...

Q Le référendum ?
— Concrétement, oui. Il faut le référendum. Les décisions importantes doivent être prises par référendum.

Q Le Référendum d'Initiave Citoyenne (R.I.C.) en France est un argument éthique pour les euro-constitutionnalistes alternatifs...
— Oui, c'est une très bonne chose pour la démocratie.

Q L'on pensera même à un tirage au sort pour les fonctions importantes, répondre aux besoins fondamentaux de la société, plus d'élection, plus de représentation politique à partir de partis corrompus, vieux, non renouvelables ou hors d'usage (Etienne Chouard (vi), Yvan Bachaud (vi).
— Il y aura des problèmes avec le tirage au sort...

Q Lesquels ?
— Je pense que les élections procèdent de gens qui ont une direction et une pensée sociopolitiques. Ce qui m'ennuie dans ta proposition c'est que l'on puisse choisir un "non politique", un homme ou une femme sans pensée politique. Sur quelle dynamique s'appuient ou s'appuieront les "représentants/délégués", sur quels critères objectifs l'opinion fondera ses critiques ?...

Q Chez les réformistes-constitutionnalistes il y a une forme de pensée (pratique) autogestionnaire en germination, donc non partisanne ou traditionnelle...
— Comment trouves-tu les candidats ?

Q Par tirage au sort (vii), un nombre proportionnel à la population de chaque département, les uns et les autres étant inégalement peuplés... L'esprit du choix se rapproche de celui du choix des jurés au tribunal. Personne n'est à priori un professionnel de la justice, juge, procureur ou avocat. La fonction est pourtant importante et tout le monde un jour peut l'exercer. C'est sans doute une expérience démocratique très importante...
— Je crois que ce n'est pas possible dans un conseil municipal conventionnel. Dans un procès, il y a les avocats, l'avocat général, le président de la Cour et les jurés qui disent "oui" ou "non"... Notre travail de conseiller muncipal est avant tout politique et ne se résume pas à dire "oui" ou "non". Nous devons être professionnels. Il faut gérer, négocier des situations difficiles, répondre aux problèmes autrement que par "oui" ou par "non"...

Q Oui, mais pourquoi appartenir à un parti. On peut gérer une crise ou représenter/défendre l'intérêt général sans parti politique, non ?... Ce n'est pas essentiel. Ce n'est plus, pour moi, un critère pertinent. C'était la raison de ma remarque. EtienneChouard, par exemple, parlera en ce sens...
— Je ne suis pas de ton avis mais d'une certaine façon cela peut se comprendre, oui...

Q La politique classique est abandonnée au profit d'une analyse éthique du politique. Je penche pour cette approche. Mais allons plus loin, jusqu'au chapitre de l'économie de l'endettement peu abordé par Etienne Chouard. J'observe - en m'inspirant des analyses éthiques de l'économie d'Amartya Sen (v) - que la gestion des communes et des Etats endettés dans le contexte uilitariste et instrumental du libre-échange n'est pas compatible avec l'éthique, la paix, la justice et par voie de conséquence avec une "fonction politique régulatrice". Je trouve que c'est un point de vue pertinent pour la critique de la représentation politique classique et du rôle de la constitution, son pivôt.
Le Japon présenté comme seconde puissance économique selon des critères utilitaires est, après les Etats-Unis, le pays le plus endetté au monde. Ces deux pays se veulent malgré tout leaders du bien-être, de la justice, de la paix, de l'éthique et champions toute catégorie de la démocratie représentative. Si, sur cette base, l'on analyse éthiquement l'endettement la représentation politique apparaît vite inconcevable... au point que le rôle de la constitution est frappé d'inutilité. La représentation politique, ici, contribuera même à l'appauvrissement, à la précarité alimentaire et sanitaire, à l'exclusion voire au délit et au crime.
Pour résumer je dirai que la justice, la gestion des collectivités locales et des Etats, la représentation politique, le nombre (les populations), dans un contexte de libre-échange et d'endettement ne peuvent être éthiques et vont même dans le sens opposé à l'éthique; que la sur-activité économique (libre-échange et dérégulation) et l'endettement - le plus souvent insjustifié -, conduisent à la "légalisation de l'illégalité" (Santino), à la manifestation formelle de la "criminocratie" (Santino). L'on parlera, du reste, aujourd'hui, d'Etats-voyous (Derrida)...

— Je retiens de mon expérience démocratique, qu'idéalement, il y a de nombreuses collectivités locales, communes ou groupes. Ces groupes sont naturellement de 4000 à 5000 personnes et souvent plus. Ces milliers de personnes ne peuvent pas humainement, spatialement ou temporellement, se parler. La démocratie politique répond à ces trois problèmes techniques fondamentaux... ll faut donc des représentants librement choisis ou élus pour y parvenir. Ces derniers accueilleront les doléances, conduiront les exposés et les débats, gèreront les oppositions pour le bien de tous. Les élections sont donc, à ce titre, nécessaires. Je pense que ton système est bizarre, comment faire...

Q Vous reconnaitrez cependant que l'espace progressiste de la démocratie au sein du conseil municipal d'Ogawa se limitera souvent à 2 opposants contre 15 conservateurs (2/17). La démocratie représentative sera réduite à "j'existe contre eux mais je n'ai aucun pouvoir pour"... Comment se manifestera dans un contexte aussi restreint l'influence ethique sur la décision (décision qui ne prendra plus en compte, par ailleurs - une fois les élections emportées - tous les caractères de l'histoire privée des familles, des personnes et les besoins réels de chaque habitant dans chaque circonscription); contexte alimenté par ailleurs par des tendances corruptives ?
— Le système démocratique exprime une majorité et une minorité garanties et respectées. C'est la grande leçon de la démocratie politique. Avec ton système on s'en éloigne. Mon avis, si tu permets, est que si l'on utilise la démocratie politique pour autre chose que la démocratie politique on court à la catastrophe. Je ne crois pas que ta solution en soit une. Franchement, elle ne me plaît pas. Je ne crois pas qu'elle soit bonne...

Q 19 Je remarque encore qu'en réduisant la vie aux effets des droits, des revenus, du bien-être, de la justice et des libertés sur les personnes, les élus japonais se contentent de provoquer/stimuler les réactions mentales de la population et jugent, par le fait, l'organisation sociale superficiellement. Cette approche de l'homme est intégrée, de plus, à des méthodes de gestion infiltrées par le néolibéralisme qui se nourrit déjà de cette approche de l'homme et de l'organisation instrumentalisés.
Il ressort que les maires japonais se considèrent davantage comme des chefs d'entreprises que comme des délégués, des représentants ou des élus. Tels des managers ils courrent après l'argent - car l'impôt et les aides d'Etat ne suffisent plus - pour boucler les fins de mois, payer leurs conseillers élus, leurs fonctionnaires ou leurs enseignants et contractent souvent des "obligations" contre nature.
Au final, les mairies qui n'ont rien de sociétés marchandes - et pourquoi devraient-elles l'être - entretiennent non seulement un endettement/déficit chronique qui représente pas moins de 41% du PIB en 2006 mais également un stress social doublé de contraintes psychologiques insupportables; une tension très male vécue par les populations les plus démunies ou à faibles budgets.
Notre ville Hitachiomiya (à laquelle se sont agrégées les communes d'Ogawa, de Gozenyama et de Miwa) accuse un déficit public de 27 milliards de yens (à peu près le prix du barrage d'Ogawa, + -26 milliards de yens) soit un endettement de 640 000 yens (+- 5000 euros) par citoyen pour l'année 2006; notons encore que la dette publique nationale équivaut à un endettement par habitant de 6 480 000 yens (+- 55 000 euros)...

R Ce constat est juste. Nous avons bien affaire ici à un cas type de "gérance nonchalante". A HitachiOmiya les élus sont obsédés par la construction : batîments administratifs, centres sociaux de bien-être (fukushi), centres polyvalents, salles de concert internationales en rase campagne, équipements sportifs de grande classe. Une "évolution hight tech" qui ne sert à personne. Résultat, l'endettement municipal est phénoménalement "high tech". Les élus n'écoutent pas les habitants, c'est un fait. Ils devraient. C'est à mon sens une grave erreur d'orientation. C'est aussi le fruit d'un manque évident de perspectives. Le Centre Culturel d'Ogawa et les équipements sportifs, leurs coûts, existaient avant la fusion. Les élus n'ont cependant pas pensé à la fusion administrative intercommunale ni aux conséquences de cette fusion (essentiellement budgétaires, ce qui était économiquement inconcevable avant, l'était plus encore après). Ils ont agi sans prévoyance ni perspective...

Q Vous avez dit plus haut que le capitalisme n'était pas compatible avec la bonne gestion d'une ville ?
— Les cadres de la mairie découvrent l'endettement hébétés. "Qui va payer ?" se disent-ils... Ils pensent seulement en terme de confort, de bien être et d'immédiateté. Ils ne voient pas "au loin" et n'ont, de plus, aucun sentiment de culpabilité. Notre endettement sera généreusement offert aux générations ultérieures. Les cadres de la mairie ont réellement le sentiment de traverser notre époque très confortablement et de vivre l'instant présent (en bons bourgeois). Notre système de gestion ressemble vraiment à une planification ratée...

Q Fétichisme et instrumentalisation...
— Oui, oui, c'est çà. Même si les cadres pensent qu'une "affaire" est un échec, qu'ils font de grosses bêtises, ils ne reculent jamais. "Avec un projet, dit-on au Japon, on ne recule jamais" (sévère). C'est un trait caractérique de notre admnistration. On ne recule jamais. Y compris quand l'absurde est au rendez-vous. Nos élus construisent à tout va sans tenir compte des critères objectifs d'évaluation... Les coûts globaux des projets et leur rentabilité sont deux éléments d'un constat qui ne sera fait qu'à postériori, et encore par hasard. Le port international d'Hitachinaka, par exemple, coûtera 730 milliards de yens (+-6 milliards d'euros) aux contribuables... Chaque bloc de béton de la grande digue jeté au fond du Pacifique vaut la bagatelle d'1 milliard de yens (+-7,5 millions d'euros), une digue portuaire de cinq étages immensément chère pour un trafic réduit à deux porte-conteneurs par jour. Nos fonctionnaires sont vraiment douteux....

Q Votre opposition démontre que la représentation politique est incapable de prendre en compte les besoins vitaux des populations et les différents aspects de l'histoire privée des personnes. Elle montre également que les élus ne sont pas/plus des indicateurs fiables du bien moral.
Ce mauvais système nourrit de toute évidence l'indifférence envers les démunis, les handicapés, les malades, les personnes seules ou agées. Il n'est pas rare de surprendre au bord des routes de Yamagata (commune d'Hitachiomiya) des femmes de 80 ans en tenue travaillant au désherbage de la voirie avec de jeunes ouvriers de la ville.

— Une vieille sur le bord de route... Oui, les projets de nettoyage des communes sont très souvent confiés aux constructeurs.

Q Les constructeurs BTP emploient des gens de 75 ou 80 ans... Il n'y a donc pas de politique sociale ?
— Le gouvernement donne de moins en moins d'allocations sociales aux filles-mères et aux vieux...

La dépendance des communes ou des Etats aux mauvais systèmes théoriques ou politiques empêche les populations les plus démunies d'accéder aux capabilités de base en cas de crise, de maladie ou de vieillesse; capabilités à produire certains actes fondamentaux, à se nourrir, à se vêtir, à se déplacer, à se soigner, à se loger, à se protéger, à communiquer socialement, à créer des valeurs alternatives, etc... Ce sera l'une des causes psychologiques du "stress hydrique" que les déportés des zones de barrages du monde auront à endurer (5).
Ce sera également l'une des causes du mouvement d'opposition - parmi tant d'autres malheureusement - au projet de barrage de La Parota (Papagayo), au Mexique. En mars 2006, 18 villages et 25 000 paysans seront menacés d'engloutissement et de déportation. Ce barrage aura pour objectif de fournir de l'électricité à Acapulco qui revendique "une gestion éthique et morale au service du peuple" (gestion normalisée des services et management de la qualité certifié ISO 9001:2000) mais qui demeure, malgré tout, une plateforme du crime organisé et du "corporate crime" ou "crime entrepreneurial" (Développement constitutionnel d'Acapulco).
A deux pas de la cité des plaisirs des barricades paysannes sont dressées. L'on s'y bat avec des machettes, des outils agraires et des pierres. Les leaders de l'opposition paysanne sont menacés de mort, un conducteur de bus militant est tué par balles, l'on déplore des cas d'agression, d'emprisonnement arbitraire, de torture, l'existence d'assemblées de faux paysans payés par la Commission Fédérale d’Electricité, entreprise publique commanditaire du projet. (6)


Q Moins de gens, moins de jeunes, moins d'impôts, moins d'allocations, une organisation pyramidale, élitiste et spartiate... Iroshi Itoh, maire de Kutchan à Hokkaido nous écrira : "Nous, les maires de communes, sommes dans la même situation que les présidents de moyennes et petites entreprises (PME). A chaque fin d’année, nous devons nous battre pour recueillir des fonds." La démocratie représentative serait en péril et en voie de privatisation (lire l'important entretien de Murray Bookchin par Janet Biehl sur l'avenir du municipalisme libertaire et le danger de la privatisation des municipalités, Vermont, 1996). Iroshi Itoh accèdera en indépendant à la mairie de Kutchan; il est cependant membre du PLD-Jiminto, ce qui est particulièrement intéressant. Le maire élu court comme un entrepreneur qui se bat pour la survie de son entreprise...
— Quand le néolibéralisme règne, c'est le rationnalisme qui règne.

Q Selon les données de l'OMS 4,5 milliards d'hommes et de femmes vivent avec plus ou moins 2$ par jour...
— Oui oui... les riches sont peu et les pauvres sont de plus en plus nombreux à la base de la pyramide sociale. Les pauvres de chez nous, comme ceux des PVD, sont en mauvaise posture. Dans les années 1980 on disait que nos 100 millions de japonais appartenaient indistinctement à la "middle class" (superstition ou fétichisme pour ne pas dire qu'ils étaient aisés, riches ou... pauvres (?)). Apès "bubble" (années 1985/1990) il y aura un grand effondrement et de plus en plus de différences entre les riches et les pauvres. Nous vivrons, alors, dans ce que j'appellerai une "société de la différence".

Q 20 Je ne crois pas que les activités criminelles (crime préfectoral, crime entrepreneurial, crime organisé, crime de rue) soient le fruit du hasard... Un récent rapport de l'Académie de Police Nationale du Japon (2004) fait état de plus de 61 300 yakuza, soit 70 % de la population criminelle du Japon. L'on sait le pouvoir du crime organisé sur le business, la politique locale et nationale. L'ex-premier ministre Koizumi déclarera au sujet du crime organisé lié à la "bad debt", aux "non performing loans" ou aux "bad loans", emprunts contractés par des entreprises privées incapables d'en honorer le montant du fait de la soudaine récession économique et de la déflation dans les années 1990 : "aucun parlementaire japonais ne peut ignorer le nom du parrain de sa circonscription"...
Par ailleurs, le montant des prêts bancaires irrecouvrables, "non performing loans" ou "bad loans", est estimé à 1000 milliards de $ (pour certains à 2000 milliards de $). Ajoutons qu'en 1992, au lendemain de bubble, 80% de ces pertes ne figurent plus aux bilans des banques, que 800 milliards de $ de ces prêts bancaires irrecouvrables sont couverts par les pouvoirs publics, que 50% de ces garanties publiques couvrent des prêts contractés initialement par des sociétés écrans dirigées par des yakuza.
J'ai le sentiment, sur ce dernier point, que l'on peut parler de "criminocratie formelle", d'infiltration du crime organisé dans le marché et le droit, finalement dans les institutions politiques... (7)

R Dans le contexte préfectoral, oui, il est aisé (d'infiltrer les cercles du pouvoir et) de tricher. Nous observerons ces dernières années une inflation des "crimes préfectoraux".

Q Est-ce que nous avons affaire à un système criminogène ?
— Non. Je ne crois pas qu'un système puisse être criminogène en soi ou qu'un système puisse, en particulier, pousser un préfet ou un élu au crime. C'est plutôt le caractère du préfet, une inclination psychologique qui conduira ou non au crime préfectoral.

Q Le capitalisme favorise-t-il ce genre d'inclination ?
— Tu connais ma position sur la question du Capital. Cela dit, je ne crois pas, sociohistoriquement parlant, que le crime soit le monopole du capitalisme. Ici nous avons affaire à l'homme, sa psychologie réelle, sa fonction dans l'organisation préfectorale. Je ne crois pas, encore, que le capitalisme nourrisse par "ses seuls moyens" le crime préfectoral.

Q La gestion des villes est incompatible avec le capitalisme disiez-vous...
— Oui... mais par les lois préfectorales et le code de l'administration "on ne peut pas" ou "l'on ne doit pas" commettre de crimes. Ce n'est pas une hypothèse théorique. C'est une obligation.

Q ...
— Certains cols blancs, cependant, contourneront les lois et exploiteront les faiblesses de l'administration...

Q La délinquance administrative, le crime institutionnel (je pense aux enquêtes criminelles des ombudsmen et aux efforts de la société civile dans toutes les préfectures) et la criminalité entrepreneuriale sont des données sensibles de l'économie marchande, de la justice, de la politique...
— Cette délinquance est particulièrement sensible à la base du processus électoral... Il y a une proposition tacite, un deal entre candidats et électeurs. Cela se résume à "si tu me donnes de l'argent, je te donne du travail". Une telle déviance psychologique crée des habitudes et parfois un système dont la base, ici, est purement électoraliste. Le danger est réel car le prefet détiendra par la suite tout pouvoir sur l'administration, le personnel et l'argent. Il peut et sait l'utiliser. Il décide du budget et de son affectation. Le préfet est omnipotent. Il est : "tennokoe" ou "la voie du ciel". Maintenant, revenons au propos précédent : "si tu as une mauvaise pensée ou un mauvais esprit, tu produits une mauvaise action". C'est vrai quelque soit le système...
Une autre expression "amakudari" illustre bien le pouvoir extrême de certains fonctionnaires parachutés dans leur fonction : "celui qui descend du ciel"... Un homme est parachuté par la hiérarchie ministérielle et doté de pouvoirs exceptionnels. Le préfet "descend du ciel". S'il s'inscrit dans la psychologie de la délinquance du "deal pré-électoral" il se sentira parfaitement libre de renvoyer, de remplacer qui il veut, quand il veut, comme il veut... essentiellement les fonctionnaires rétifs. Il choisira, enfin, ses collaborateurs directs, son cabinet, ses chefs d'entreprises.

Q Que penser de la "bad debt", des "prêts irrecouvrables" ?
— Il y aura beaucoup d'emprunts fonciers en milieu rural (comme partout au Japon) durant "bubble" (1985/1990). Le prix de la terre, du fait de la croissance, sera très élevé. Les banques, à l'aide d'une politique incitative, prêteront de l'argent aux paysans afin qu'ils achètent de la terre et..."puissent faire des affaires". Soudain "bubble" éclate (déflation des prix et récession économique), le prix de la terre s'effondre. Les paysans "braderont" leurs terres aux banques pour rembourser les emprunts, le prix de la terre étant très bas ils vivront endettés et malheureux pendant de longues années.

Q ...
— Ce sera le drame de la terre.

Q ...
— La spéculation boursière et l'actionnariat s'effondreront aussi, la spéculation sur les terrains de golf également...

Q C'est-à-dire...?
— Prenons le secteur de la construction des terrains de golf. "Bubble" se caractérise aussi par des investissements massifs dans ce secteur. Au moment de la crise, l'effet "bulle" se transforme en "effet effondrement". Les prix des terrains de golf s'effondrent et la gestion des clubs devient impossible. La profondeur des déficits sera sans fond (en 1996, le Golf Club de Rock Hill d'Ogawa accusera un déficit de 182 milliards de yens (+ -1,4 milliards euros), en 2003 son dépôt de bilan sera prononcé au tribunal à Tokyo autour d'un déficit de 63 milliards de yens (+ - 477 millions euros). Durant "bubble" Rock Hill proposera, par exemple, une carte/cotisation à 20 millions de yens (+ -155 000 euros) par adhérent. Au moment de l'effondrement elle vaudra 5 millions de yens, puis trois millions de yens puis 1 million de yens (+ - 8000 euros). (Selon de recentes informations les nouveaux propriétaires de Rock Hill auraient décidé de populariser l'activité du club. Il n'y aurait plus d'actions, de cartes de membres et le prix des cotisations annuelles individuelles serait fixé à 30 000 yens, + - 250 euros...ndlr).

Q ...
Revenons, si tu permets, à la question des groupes violents soulevée en début d'entretien (propos "off", Rock Hill). On peut dire, sans risque de se tromper, que l'utilisation de groupes de type mafieux pour l'arrangement des mauvaises créances est réel. On note, en effet, l'intervention régulière de yakuza dans les affaires de recouvrement. Les banques utilisent des boryokudans ou des yakuza à travers des sociétés fantômes pour des opérations de recouvrement. Lors de (l'effondrement de bubble), par exemple, les yakuza seront chargés de faire monter les prix des terrains...

Q La société criminelle s'est développée avec la crise..
— Comme le développement des règles policières préfectorales...

Q En 2004, on recencera 43 meurtres en Ibaraki...
— C'est peu. Il y en a davantage à l'ouest du Japon.

Q Des panneaux "Aum dehors" sont exhibés dans les "onsen" (sources chaudes)...
— Oui, avec interdiction d'accès aux "tatoués" (yakuza) et exclusion systématique des groupes violents.



Yajirushi R [ 1 ]L'histoire du barrage illusoire [ 3 ]  Yajirushi


    [ 1 ]    Japon : Reforme, Grande Fusion de Heisei, Dissolution
    [ 2 ]    LIBERTES et ACTIONS CIVILES ET POLITIQUES NON VIOLENTES AU JAPON, Tableau national et Carte régionale d'Ibaraki de la Grande Fusion de Heisei
    [ 3 ]    "DES BRIOCHES, DES EAUX ET DES CHOUX", Kusatsu et Tsumagoi
    [ 4 ]    "La Grande Fusion de Heisei s'oppose au futur du Japon !",  Hiroshi Itoh, maire de la ville de Kutchan, Hokkaido
    [ 6 ]    "Ce que chacun peut réellement faire ou être", ou évaluer la justice dans un contexte de décroissance, "YAMBA, le plus lourd fardeau des contribuables de l'histoire des barrages du Japon"



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