Q : Votre ancêtre
?
— Il a été pendu...
Q : "Subleader" ?
— Oui, oui, il était l'un des deux
subleaders.
Q : Avez-vous été élevé dans la consience
de cette histoire familiale ?
— Oui, oui... Ma mère a maintenu vivante
cette histoire. Pas mon père. Mon père ne voulait pas. Cette
histoire n'était pas assimilée à une histoire d'anciens
combattants ordinaire. A l'époque, les révoltés,
étaient considérés/traités comme des hors-la-loi.
Mon ailleul était considéré comme un criminel. Mon
père ne voudra plus en entendre parler... Ma mère, si. La
préfecture enfermera 26 personnes et la police infligera au total
1064 amendes..."
Photo extraite d' un tract du Parti communiste
japonais lors de la "Grande Marche pour la Paix du Peuple —
No more Hiroshima, Nagasaki, plus d'armes nucléaires au Japon et
dans le Monde"
Shigeru Kobayashi, paysan historien de Hongo, à droite, Komuro
Michio, paysan de Senda au centre, Horie Kakuji, leader paysan du PC d'Hitachiomiya,
à gauche.
Shigeru KOBAYASHI
Né en 1931
A Kamiosé, ville de Hitachiomiya, préfecture d'Ibaraki
Il exercera le métier dagriculteur en même temps que celui
de conseiller muncipal de la commune d'Ogawa. Il sera également
Président du conseil municipal d'Ogawa. Il exercera 7 mandats de
conseiller municipal tout en étant Président du Comité
Agricole Affrontant le Problème du Barrage Départemental
d'Ogawa.
Il est aujourd'hui Président du Club des Etudes Culturelles au
Pays Natal d'Ogawa et membre du Comité du Conseil des Enseignants
de l'Histoire d'Ibaraki.
·
·
·
"L'histoire du barrage illusoire"
— 33 années de résistance au barrage d'Ogawa —
2002, Edition Bungei-sha
|
– 6 –
Lors d'un entretien sur les oppositions historiques
à la Fusion de Heisei et l'autonomie des collectivités locales
à Hokkaïdo avec le Député Seiji Osaka, membre
du Parti Démocratique du Japon et du Comité Spécial
pour la Recherche sur la Constitution du Japon de la Chambre des Députés,
je contestais le caractère démagogique d'un rapport
sur la Constitution signé en avril 2005 par Nakayama Taro, membre
du PLD et Président de ce comité. Nakayama Taro accordait,
en effet, une confiance aveugle au pouvoir de justice égalitaire
de la Constitution en proposant une approche particulièrement optimiste
(sociologique et évolutionniste) des effets des sciences, des techniques,
de l'économie, de la medecine, de la bio-éthique, d'internet,
sur l'organisation sociale et les personnes.
Nakayama Taro affirmait que la Constitution du Japon devait avant tout garantir
la protection des intérêts et des droits fondamentaux de l'homme.
Cela dit, l'histoire des luttes sociales et la jurisprudence au Japon nous
prouvent le contraire. En effet, les droits constitutionnels des japonais
et les droits de la propriété individuelle ne font toujours
pas le poids face aux droits des grosses entreprises et de l'Etat...
Q 21 -a A-t-on peur des droits de l'homme au Japon ?
Kobayashi Je ne crois pas que l'on ait peur des
droits de l'homme. La loi doit protéger les droits de l'homme. Pour
répondre à cette question je dirai également que nous
sommes entrés en démocratie après la guerre. Cela fait
soixante ans d'exercice légal... Notre société est
certes une démocratie mais elle est déjà en danger
malgré les lois. Une réforme récente de la loi sur
l'éducation range, par exemple, les compétences de chacun
à l'aune de son patriotisme. Cela signifie que tu as des qualités
si tu loues la patrie comme l'Etat le souhaite. Une autre loi a été
voté, pas moins inquiétante. Elle concerne le temps de travail
et considère que la nation doit être engagée de force
dans l'économie.
Q La multinationale Dentsu
contrôle/modèle hyperactivement l'évolution du marché
japonais et mondial de la communication (depuis le début du XXème
siècle), les mentalités, l'opinion et ses tendances, et en
même temps conseillerait directement ou indirectement le pouvoir central
sur la réforme de la Constitution...?
— Oui, oui, je vois où tu veux en venir. Tu connais bien la
société japonaise.
Q Nakayama Taro, dit qu'il
n'y a pas de manipulation des populations...
— Je crois que tu as raison d'insister sur la force et la puissance
de l'Etat et des entreprises au Japon. Sous un certain angle nous n'avons
pas de droits. Quant à la valeur des lois... Nakayama Taro est bien
le chef de la réforme constitutionnelle mais ses propos comme sa
position, ici, me semblent très hypocrites...
Q Il se dit à l'écoute
de la société en transformation, du net, de la science, de
la bioéthique, de la médecine... Mais il se trouve que cette
société est également le champ d'exercice des multinationales
(si proches du pouvoir historique, de Koizumi, d'Abé et du PLD).
Construire une constitution sur de tels référents (à
partir du cercle Dentsu par exemple) signifierait, selon lui, être
à l'écoute de l'individu et de la société, en
un mot de "l'évolution" (Nakayama Taro se reconnait évolutionniste)...
— Pour "dégager des bénéfices" l'entreprise
doit accepter un certain "sacrifice" (des libertés individuelles
et des droits ?), s'abstenir de quelque chose d'important semble indispensable,
ca veut dire ça aussi.
Q Nakayama Taro considère
que son approche de la société est sociologique. Il a fait
appel à des médecins, des économistes, des scientifiques,
des penseurs, il est médécin lui même... Je pense plutôt
à un holocauste, la société serait sacrifiée
sur l'autel des constructeurs et des producteurs.
— C'est vrai...Tout comme le Jietai (Forces d'Auto-Défense)
envoyé en Irak a sacrifié un peu plus de nos libertés
et de nos droits constitutionnels. Cette intervention était inconstitutionnelle
et donc prohibée (The
lawsuit to stop dispatching self defense force to Iraq). Cette réforme
de Nakayama Taro consiste bien à enlever des articles fondamentaux
qui limitent/entravent les activités économiques...
Q En étudiant la
jurisprudence on constate que les individus cherchant à régler
des litiges avec les entrepreneurs ou l'Etat sont régulièrement
sacrifiés au principe utilitariste de "l'intérêt
général". Les entreprises et l'Etat gagnent plus souvent...
On le constate lors des indemnisations des particuliers expropriés
ou déportés. |
Tadakazu Fukase, professeur à la faculté
de droit d'Hokkaido, retiendra l'affaire "jisakunô-sôsetsu-hô"
(loi sur la création des cultivateurs qui possèdent leurs
propres terres)... A la suite d'une grande réforme agraire des
paysans intenteront un recours d'inconstitutionnalité contre l'indemnisation
payée pour l'expropriation de leurs terrains comme ne correspondant
pas à la "juste compensation... après expropriation"
garantie par l'art. 29. al. 3 de la Constitution, 23.12.1953. Ils perdront,
la Cour Suprême retiendra que si les compensations n'étaient
pas justes ou parfaites, elles étaient équitables et calculées
par une méthode raisonnable en se fondant sur le prix estimé
du terrain à la période de l'expropriation. La Cour Suprême
a ainsi justifié la grande réforme agraire... Tadakazu Fukase
soulignera, toutefois, que pour l'expropriation ordinaire des propriétés
de citoyens japonais, la loi, l'opinion courante des publicistes et la
pratique sont d'accord pour qu'une "parfaite compensation" soit
opérée, car les citoyens ordinaires vivent dans une réalité
économique tellement sévère qu'ils ne pourront plus
vivre ailleurs avec leurs famille s'ils ne reçoivent pas une "parfaite
compensation" de leur propriété perdue.
Tadakazu Fukase s'inspirant d'un cours de M. Nakamura intitulé
"La privatisation des services publics au Japon" écrira
en 1988 dans "Les juges et les grands choix politiques et administratifs
de l'Etat, droit constitutionnel japonais" : "Un intéressant
thème de discussion franco-japonaise :" quel "grand choix
poliltique" économique est-il salutaire pour les juges (japonais),
soit l'orientation vers la planification et la nationalisation à
la française, soit vers la libre concurrence et la dénationalisation
à la japonaise"...
|
— Oui... Je connais un autre exemple.
Celui du comité de lutte antibarrage de Kawabegawa.
Il gagnera une partie de son procès contre l'Etat pour l'annulation
d'un projet d'irrigation et l'annulation d'une procédure d'achat
obligatoire des terres et des droits de pêches avec expropriation
("Kyôsei Shûyô") en 2003.
Q C'est plutôt
rare.
— Au Japon, il y a bien séparation des trois pouvoirs : Exécutif,
Législatif, Judiciaire. L'influence du gouvernement demeure cependant
certaine... Les entreprises ne peuvent pas tout. Il y a également
la Cour d'Appel, la Cour Suprême, subissent-elles une influence
? De l'Etat sans doute...
Q Le renouvellement
des hauts fonctionnaires de la Cour Suprême (Secrétariat
Général) est rare...
— Il y a peu de juges humanistes. Le Cabinet nomme les juges de
la Cour Suprême (qui a le pouvoir de statuer sur la constitutionnalité
des lois, des règlements, des décrets, de tous les actes
officiels). Il est quasiment impossible qu'il n'y ait pas d'influence
et que l'esprit de séparation des pouvoirs soit respecté
à la lettre. Au niveau municipal et régional les civils
peuvent espérer gagner contre la municipalité, la préfecture,
mais au niveau de la Cour Suprême et contre l'Etat, ils perdront,
c'est sur.
Q Yosiyuki Noda écrira
"on n'aime pas le droit au Japon" et Ichiro Kitamura proposera
une étude psychanalitique de l'homme juridique au Japon (1987).
Il analysera le rapport de l'homme juridique japonais au droit et insistera
sur les états pathologiques qui naissent chez les japonais quand
ils sont confrontés au droit... Des inquiétudes, sous-jacentes
aux propos de Nakayama Taro, qui inciteront à la sur-normalisation
juridique (nouvelles orientations des règles et des normes); un
enjeu pour la maîtrise des marchés civils et militaires,
le libre-échange, la privatisation graduelle des services et, pourquoi
pas, du gouvernement politique.
— Oui oui, je comprends...
Q Cela reviendrait à
glisser le vieux système militariste et nationaliste "kokutai"
sous la pensée moderne du droit... Le droit deviendrait ainsi l'habit
de l'autorité absolue. Le sujet de droit serait ravalé au
rang d'objet sans valeur.
— C'est vrai... Je suis d'accord avec ce que tu dis. Avant la guerre
le système Tennô (empereur) était conçu pour
la protection du système kokutaï. De même que l'ainé
était le premier fils dans la famille, etc.. La Constitution tendra
vers ce système. Après la guerre Tennô est devenu
une décoration. Le droit du peuple, le droit de l'homme, sont bien
supérieurs aux anciens droits. Le peuple reconnait la qualité
de notre constitution. Le gouvernement a établi le fondement légal
de la démocratie. Ce sera très important pour nous mais
les grosses entreprises n'accepteront pas ces lois démocratiques
et égalitaires. Ce sont elles qui actuellement font pression pour
changer les lois (pas les sujets de droit)...
Q Influencer la psychologie
du droit et des lois...
— Oui, tout a fait. Pour que l'Etat entre dans le coeur de chacun.
Q Est-ce alarmant ?
— Oui, c'est alarmant, Jiminto vise au contrôle psychologique
du peuple.
Q ...
— Jusqu'a créer l'"atmosphère idéale",
le "monde idéal", de laquelle ou duquel on ne pourra
plus critiquer...
Q Je craignais cela
en lisant le rapport de Nakayama Taro.
— Je crois cependant, à mon sens, qu'il est impossible de
tout contrôler y compris en terme de psychologie du comportement
ou de liberté d'édition ou d'expression...
Q J'ai souvent le sentiment
que nous sommes seulement libres de rester dans nos jardins...Voltaire
dira quelque chose dans ce goût.
— Non, je ne pense pas.
Q Comment expliquer
que le parti gouvernant soit riche et les autres non ?
— Le parti gouvernant reçoit de l'argent du monde économique,
"yotou". Mais on ne peut pas gouverner le coeur du peuple par
l'argent.
Q Ne pas pouvoir gouverner
le coeur ? Mais Dentsu Co., Yasukuni, Shinzo Abé, y parviennent...
— Oui. Ils parviennent à formater l'opinion en contrôlant
les médias. Par les médias c'est possible...
Q Je n'ai pas le sentiment
qu'en France nous puissions changer grand chose par la seule liberté
d'opinion. On est libre, une fois de plus, de s'exprimer dans son jardin
mais en dehors il faut du temps...
— (Rires) C'est comme le Japon, alors. Je croyais qu'on y vivait
plus libre.
Q Je ne partage pas
votre option démocratique étatique. Pour moi l'Etat français
est un ennemi de la liberté. Comme les systèmes traditionnels,
en fait, il n'y a plus de spontanéité... Il y avait l'ancien
régime, il y a maintenant un nouveau régime. Le nouveau
est tout aussi dirigiste, manipulateur et prévisible que l'ancien...
— Et la révolution française, et l'égalité
?... A l'époque, seuls les rois et les aristos avaient des droits.
Le peuple était considéré comme un insecte sans droit
de vivre... Avoir la liberté est un atout. Je parle d'une évolution
humaine.
Q Oui, je suis d'accord.
Il y a bien une évolution mais institutionnelle plutôt qu'humaine.
— A mon avis, l'évolution concerne le peuple. Ses droits
sont plus importants, plus forts tout au long de l'histoire. Si l'Etat
cherchait à contrôler le peuple, le peuple résisterait.
Q Nous n'avons pas réussi
a changer le comportement politique des élus par les seules lois.
Les politiques ont réussi, par contre, à modeler le comportement
politique du peuple à leur goût, comme le comportement des
médias, de l'économie, du droit ou de la socioculture.
— Je ne sais pas comment sont les choses en France. Mais je ne crois
pas qu'elles soient aussi tragiques. Je ne pense pas ainsi. Je crois que
les possibilités de chacun se sont affirmées et que l'espace
de chacun a augmenté.
Q L'élite, seule,
arrive a changer ou à aménager sa vie avec des qualités
substantielles, à faire pâlir un pauvre.
— Les élites au Japon sortent de l'université de Todaï,
l'université de Tokyo. Ce sont eux qui entrent au service de l'Etat.
Vous avez une démocratie vieille de 200 ans, non ?...
Q Le monde entier nous
dit çà, l'Inde, le Bangladesh, le Pakistan, les Etats-Unis,
l'Amérique-Latine, la Russie, le Japon aussi. Notre démocratie
a seulement à peine plus de 200 ans...
— Tu fais allusion à Meiji (1868 -1912)... Mais la démocratie
de Meiji était totalement inexistante. Je parle, moi, de la démocratie
japonaise post-1946.
Q En France il y a eu
la grande coupure napoléonienne. Napoléon a créé
le droit civil, une arme de guerre (pour faire barrage aux monarchies
totalitaires et héréditaires européennes). Il a,
comme Meiji, réalisé un coup d'Etat. Un singulier progrès
politique, en fait... Le peuple, le népotisme impérial,
les armées hors de prix, les vieilles familles royales européennes
plus ou moins vaincues, la chrétienté politique conspirationniste
inquiète de son autorité bousculée, la conquête
sanguinaire des nouveaux marchés par les capitalistes américains...
La république cherchera son espace sous les cendres et dans le
sang, dans un contexte de guerres et de violence insurrectionnelle. (Gambetta,
Favre, Ferry proclameront la Troisième République en septembre
1870, puis il y aura le siège de Paris, la Commune....) Que sont
devenues les valeurs républicaines et démocratiques ? Je
me souviens, il y a peu, de l'Etat
d'urgence de décembre 2005 et de cette statistique navrante
: " Seulement 10% des étudiants français issus de foyers
ouvriers sont admis à l'université ou dans les grandes écoles..."
— ...
Q Les pauvres, en France,
n'ont pas accès aux libertés fondamentales, à la
connaissance, à la transmission universitaire...
— Sans fortune les japonais ne vont pas davantage à l'université
ou dans les grandes écoles. Les riches deviennent plus riches et
les pauvres plus pauvres. Les riches sont d'un côté et les
pauvres de l'autre. Les hautes classes ont établi un statu quo,
de hautes études aux révenus très élevés.
Q -b Pensez-vous que
la peur ou le refoulement du droit au Japon soit une source de non reconnaissance
du droit des personnes et une source de criminalité dans les cercles
du pouvoir et des affaires ?
— Je ne crois pas que le japonais ait peur des lois ou du droit.
Nous n'avons simplement plus conscience du droit... Nous perdons la conscience
du droit quand nous travaillons. Et puis l'on n'a pas besoin du droit
ou de lois tout le temps, seulement quand il y a un crime ou un délit.
Q Les gens sont-ils
protégés par le droit ?
— De moins en moins...
Q Les droits de l'homme
?
— Nous les aimons car nous sommes nombreux. "Le respect des
lois ou du droit", cela sonne comme un vrai solgan (rires).
Q Connaissez-vous les
tribunaux d'opinion contre Koizumi, Bush, Blair ?
— Non...Je pense que çà n'existe pas.
Q Il existe pourtant
des procès d'opinion... L' I.C.T.I.
par exemple, (nous apprendrons ces derniers temps l'existence d'un mouvement
national de 5300 civils dans 11 grandes villes)
— Ah bon, très bien...
Q -c Je soutiens ces
procès... Koizumi, Bush, Blair, criminels contre l'humanité.
Aimez-vous le droit et qu'est-ce que le droit pour vous ?
— Oui. J'ai une conscience qui veut que les lois protègent
le droit de vivre.
Q -d Quel rôle
doit jouer selon vous la Constitution ?
— Protéger la paix, la démocratie, les droits de l'homme.
Les trois pouvoirs séparés sont garantis par la Constitution.
Ces pouvoirs, en retour, protègent la Constitution. L'art 9 traitant
du renoncement à la guerre dit clairement que l'on ne doit pas
avoir recours à la force militaire. L'on a créé Jietaï
et notre budget militaire est le second après celui des Etats-Unis.
Notre direction s'éloigne de l'esprit de la Constitution. Nous
ne parvenons pas à maitriser la situation faute de pouvoirs. La
loi d'urgence de Koizumi, donc, doit être modifiée. Elle
ne respecte pas notre Constitution.
Q -d Lui reconnaissez-vous
actuellement une présence régulatrice et un quelconque pouvoir
de justice ?
— Notre constitution est idéale, plus qu'ailleurs je crois.
Nous aurons une lourde responsabilité durant la dernière
guerre. C'était atroce. Nous étions liés à
des dictateurs et à des Etats totalitaires. Trois dictateurs contre
le reste du monde : Mussolini, Hitler, Hirohito... Nazisme, fascisme,
impérialisme étaient unis contre les démocraties.
L'actuelle constitution est née de cette expérience douloureuse.
Elle est donc forcément pacifiste et démocratique excluant
la dictature et respectant les droits de l'homme. Selon moi, cette Constitution
était probablement l'une des Constitutions les plus idéales
au monde. C'était un bon texte. Je voudrais
ajouter, si tu permets, quelque chose d'important. Ce texte japonais,
aussi imparfait qu'il soit, contrôle la vitesse de tout dispositif
d'engagement étatique vers une nouvelle guerre. Une opinion extrême,
irréversible, ne peut naître du fait de cette Constitution...
Q -f Que pensez-vous
de son actuelle révision par Shinzo Abe ?
— L'année dernière Koizumi et Jiminto ont dressé
une liste des réformes. Abé modifie déjà cette
liste, selon son goût. Il pense parvenir à changer cette
Constitution pour 2012. Je suis absolument opposé à cette
modification.
Q -g Quelle serait selon
vous la meilleure des Constitutions pour le Japon ?
— Je pense que nous avons déjà la meilleure des Constitutions.
Q Excepté l'article
consacré au Tennô ?
— Cet article va probablement disparaitre, tôt ou tard. Cela
dit, je pense réellement que c'est la meilleure... pour l'instant.
– 7 –
Q 22 -a Vous venez de
diffuser un nouvel ouvrage intitulé "Sous le drapeau, le
secours de tous les peuples". Ce livre est consacré à
la révolte des paysans d'Osé, notre village, ici, en Ibaraki.
Les paysans, dont votre arrière-arrière-arrière-grand-père,
refuseront de payer l'impôt exigé en 1876 par Okubo Toshimichi
l'un des leaders de la restauration impériale, ministre de l'Intérieur
de l'empereur Meiji. Les paysans d'Osé s'armeront de pics de bambous,
de fusils de chasse et d'outils agraires pour lutter contre l'injustice.
Pouvez-vous nous expliquer le sens du titre de ce livre ?
"Sous le drapeau, le secours de
tous les peuples"
— Une émeute de paysans en Ibaraki, Meiji 9 (1876) —
2006, Shigeru Kobayashi
Kobayashi "Baminkyu"... C'est-à-dire
"sauver tous les peuples". C'était le slogan de
l'époque. Les banderoles disaient : "le secours de tous
les peuples". Il était question de libérer les peuples
du joug de la réforme des impôts fonciers. On se réunissait
alors sous le "drapeau", un tissu cousu sur une hampe
et sur lequel apparaissait le slogan. Après avoir hissé le
"drapeau", le groupe était conduit jusqu'à
la préfecture.
Q -b Quel était
le contexte socio-économique et politico-militaire de l'époque
?
— C'était une époque de transistion. Celle du passage
du clan des Tokugawa (Ere des shoguns Tokugawa d' Edo, 1603-1868), du féodalisme,
à l'empereur Meiji... Avant Meiji tu pouvais payer l'impôt
avec du riz ou autre chose. Meiji avait besoin de beaucoup d'argent et de
droits sur la terre (Il se servira). Il réformera les impôts
fonciers. Il faudra, désormais, déposer de l'argent liquide.
C'était un système d'imposition très moderne.
En France l'on passera d'un régime monarchiste à un régime
républicain. Au Japon c'est un peu différent. Après
la restauration impériale Meiji les aristocrates resteront au pouvoir...
Les français appelleront cela une "révolution bourgeoise".
Meiji opèrera donc une sorte de révolution bourgeoise mais
ce ne sera pas trop sensible (en terme de biens ou d'avantage) chez les
paysans et les ruraux d'Ibaraki.
Pour ce qui est du contexte politicomilitaire observons que le clan des
Tokugawa au pouvoir était essentiellement composé de chevaliers
et d'anciens samouraï. L'armée jouera un rôle important
(dans l'organisation sociale-familiale). Après son coup d'Etat Meiji
instaurera un service militaire... les plus robustes d'office, selon les
besoins.(Il y aura également un examen médical : "apte
pas apte"), les plus faibles seront choisis, toutefois, par tirage
au sort... C'était des garçons de 20 ans.
Q A l'époque d'Edo
il n'y avait pas de service militaire (conscription) ?
— Seuls les guerriers professionnels se battaient. Il n'y avait pas
de conscription pour les paysans. Après Meiji les paysans et les
artistocrates bien que mélangés seront tous visés.
L'on recensera en temps de paix 31 680 soldats et en temps de guerre 46
350 soldats. Six garnisons verront le jour à Tokyo, Sendaï,
Nagoya, Osaka, Hiroshima et Kuamoto. Après le coup d'Etat de Meiji
les samouraï d'Edo connaîtront le chômage et survivront
en devenant les cadres instructeurs de la nouvelle armée impériale.
Les soldats de la conscription seront essentiellement des paysans.
Q -c Pourquoi ce conflit,
combien de temps durera-t-il et qui l'emportera ?
— Il s'agira d'un mouvement d'opposition à la réforme
des impôts fonciers. Okubo Toshimichi était le ministre de
l'intérieur et avait tous les pouvoirs. Ce n'était pas, à
proprement parler, un "gouvernement Okubo" mais Okubo dirigeait
et gouvernait souverainement. Sanjô Sanetomi était le 1er ministre
de l'époque. Bien qu'aristocrate il ne bénéficiera
pas de plus de pouvoir. La réforme de l'impôt foncier, émanation
du ministère de l'Intérieur, soulèvera le Japon. L'on
comptera à cette époque une révolte (ikki) tous les
mois.
Le mouvement paysan proprement dit débutera chez nous en avril de
Meiji 9/1876 (création du yen/monnaie nationale en 1871, port du
sabre interdit aux anciens samouraï en mars 1876 et ouverture de la
bourse de Tokyo en 1878). Notre conflit, à Osé, se déroulera
entre le 6 décembre et le 10 décembre 1876. Il y aura un soulèvement
armé contre la préfecture. La préfecture gagnera. Nous
perdrons.
Q ...
— Poursuivons. Tu demandes "qui a gagné la bataille ?...
". Je dirai que la préfecture a gagné policièrement.
Oui, la répression a gagné mais nous gagnerons à un
autre niveau en faisant accepter notre requête : "baisser les
impôts". Le peuple a obtenu un droit nouveau. D'une certaine
façon le peuple a gagné...
Q Des morts ?
— Oui. Côté préfectoral : 4 policiers tués
(dont un chef), cinq blessés graves, deux blessés légers.
Côté paysan : sept morts... et trois condamnés à
mort : 1 décapité, deux pendus. Sous Meiji il y aura plusieurs
catégories d'exécution.
Q Quelles catégories
?
— Le leader sera décapité... et les deux "sub-leaders"
(lieutenants) seront pendus. Il faudra également un bourreau spécialiste.
Q ...
— En France vous aviez la guillotine... C'était très
efficace, aussi, pour envoyer du rebelle par dessus bord (rires).
Q Ca fonctionnait pas
mal, en effet, sous Robespierre... Risquiez-vous d'être décapité
sous Meiji ?
— Oui, probablement.... (rires). Pas de doute là-dessus.
Q Votre ancêtre
?
— Il a été pendu...
Q "Subleader"
?
— Oui, oui, il était l'un des deux subleaders.
Q Avez-vous été
élevé dans la consience de cette histoire familiale ?
— Oui, oui... Ma mère a maintenu vivante cette histoire. Pas
mon père. Mon père ne voulait pas. Cette histoire n'était
pas assimilée à une histoire d'anciens combattants ordinaire.
A l'époque, les révoltés, étaient considérés/traités
comme des hors-la-loi. Mon ailleul était considéré
comme un criminel. Mon père ne voudra plus en entendre parler...
Ma mère, si. La préfecture enfermera 26 personnes et la police
infligera au total 1064 amendes.
Stèle à la mémoire
du "peuple juste" (des révoltés d'Osé ikki)
"Gimindô" autel des victimes d'Osé ikki (gauche)
Noms des paysans et des policiers morts (droite)
Q Les lois sécuritaires
changeront-elles ?... Contrôle de police, assignation à domicile
ou interdiction de sortie pour les familles liées à la révolte,
etc... ?
— Il y aura beaucoup de "dégâts" et un regain
d'espionnage côté préfecture. On cherchera à
contrôler les mouvements de populations. Avant les évènements
il n'y avait pas de poste de police, ici, à Osé/Ogawa. Plus
tard, en Meiji 15/1883, il y aura un très important poste de police.
Beaucoup plus important que celui d'aujourd'hui (rires)... Le pouvoir avait
peur, je crois.
Q La police aura-t-elle
peur avec le barrage, "Kobayashi recommence" ? (rires).
— (Rires) non, non... C'était une époque différente.
Il n'y aura pas d'espionnage ou d'enquête spéciale (sauf une
fois, le Kôan, à propos des indemnités). Je suis pacifiste
et démocrate, tu sais...
Q Zapatiste (rires)...
— (Rires) Non... pas du tout, je suis très différent.
Faire bouger les droits civils pacifiquement, oui. C'est mon objet; les
civils d'un côté, les gouvernements de l'autre.
Q C'est également
le mien... Notera-t-on d'autres révoltes ?...
— A cause de l'impôt foncier ? Oui. Il y aura Osé ikki
(Osé/Ogawa), Mié, Gifu, chaque mois une nouvelle révolte
(ikki). Chaque province ou préfecture était plongée
dans une condition de souffrance analogue. Il y a aura bien d'autres mouvements
mais sans concertation au niveau national. Nous n'aurons pas d'influence
sur les autres mouvements, et inversement. Techniquement, il était
difficile de communiquer entre préfectures. Les évènements
conduisaient (à une certaine étanchéité entre
les provinces). Personne n'avait vraiment le moyen de savoir s'il y avait
des contrôles de police chez le voisin... Osé ikki était
en marche mais c'était partout Osé ikki !!
Q Tout le Japon ?
— (Un peu partout) mais chaque mouvement n'aura pas la gravité
de celui d'Osé. Notons, encore une fois, que cette "affaire
nationale malgré elle", influencera durablement le débat
démocratique au Japon puisqu'elle contribuera à la création
d'une assemblée, précisément, nationale. Nous passerons,
donc, d'une représentation régionale à une représentation
nationale.
Q Les mouvements paysans
(violents et non violents) ont donc amorcé un processus irréversiblement
civil, citoyen et démocratique...
— Les mouvements paysans pour les libertés... Auparavant des
assemblées régionales existaient mais l'Assemblée Nationale
n'existait pas. Les comités de fonctionnaires régionaux réunis
à Tokyo, jusque là, discutaient entre eux mais sans aucune
organisation nationale. L'Assemblée Nationale sera créée
en Meiji 22/1889 (11 février 1889, promulgation de la Constitution;
1er juillet 1890, première élection générale
à la Diète, 25 novembre 1890, ouverture de la première
session parlementaire, Chambre
des Députés & Chambre
des Conseillers). Tous les mouvements revendicatifs paysans, tous les
collectifs régionaux, contribueront aux premiers débats nationaux
parlementaires.
Q -f Doit-on comprendre
à travers ces deux ouvrages "L'histoire du barrage illusoire"
et "Sous le drapeau, le secours de tous les peuples" que l'injustice
sociale justifie - dans certaines conditions historiques - tantôt
l'opposition non violente, tantôt l'insurrection (fatalement armée)
?
— Il existe une grande différence entre la violence et la non
violence... Une requête pacifique adressée, à l'époque,
aux autorités politique de Meiji était impossible. Seuls les
moyens violents étaient possibles. Aujourd'hui, la violence ne s'impose
plus. Nous n'en n'avons pas eu besoin durant l'affaire du barrage. De toute
façon, je suis non violent.
Q Pourquoi ce sujet de
recherche ?
— La lutte antibarrage d'Ogawa et la révolte paysanne d'Osé
sont deux évènements spécifiquement régionaux.
Je n'ai pas trouvé de sujets plus évidents. Je souhaitais
depuis longtemps aborder la révolte d'Osé afin de traiter
la question du pouvoir criminel... Ce sera la problématique de ma
recherche et même l'objet de ma vie d'historien, l'étude approfondie
du pouvoir et de l'autorité. La relation entre le peuple et le pouvoir
autoritaire est au coeur de toutes mes activités et préoccupations.
Q Vous présidez
le Club des historiens d'Ogawa et vous dirigez une revue d'histoire. Ces
historiens ont-ils enquêté avec vous sur le sujet, étudié
les documents ?
— Il s'agit, plus exactement, du "Club des Recherches Culturelles
sur le Pays Natal d'Ogawa". Certains confrères se sont spécialisés
dans la recherche locale, l'étude historique des villages, des noms
(le nom de Kainoské (Kamiosé), etc... ), des pierres gravées,
des traces, des jalons depuis Edo, la micro-archéologie, l'étude
des annales, des documents d'archive, des rapports anciens de la police.
Q -i Vous étudiez
le rapport existant entre la puissance et la guerre. Que voulez-vous démontrer
?
— J'ai assisté à différentes conférences
à Tokyo. J'y ai rencontré des professionnels du Moyen-Orient,
du conflit américano-irakien, de l'Afghanistan. Il apparaissait clair
à tout le monde que si l'on s'amusait à tripoter la mosaïque
d'un pays quelconque, à "bidouiller" des rapports artificiels
ou superficiels avec les ethnies, les communautés religieuses, les
cultures, cela déclenchait un processus de destruction, cela précipitait
le pays dans le chaos...
Q Comment se manifeste
le double processus japonais de la puissance et de la provocation envers
les vosins... Le débordement ? Quelle explication fournissez-vous
?
— Je pense qu'il y a une tendance depuis la restauration impériale
de Meji au developpement militaire qui se résume dans sa phase moderne
à : "être comme les occidentaux" alors que le pays
n'a pas de ressources naturelles. Il faudra "pomper" ces ressources
ailleurs. Il y aura donc des guerres. Pensons aux invasions japonaises de
la Russie, de la Chine, aux objectifs stratégiques de l'Asie du Sud-Est
qui déclencheront les offensives américaines contre le Japon...
Q Vos études sur
le rapport du peuple au pouvoir (à l'Etat)...
— Je pense que le mouvement civil (ou citoyen) est parfaitement justifié.
Même s'il y a parfois un débordement violent. Il s'agit d'une
réaction très naturelle à l'autorité
qui fait souffrir. Ici, bien que je ne cautionne pas l'usage de la violence,
les révoltes violentes me paraissent justifiées...
Q 23 Dans un précédent
entretien vous direz que la chose la plus importante était la démocratie.
Le philosophe français Jacques Rancière (8)
et le sociologue québécois Pierre Mouterde (spécialiste
de l'Amérique Latine) pensent que la démocratie est l'espace
politique privilégié des gens sans naissance, qui ne sont
rien, qui n'ont pas de titre de noblesse à faire valoir. La démocratie
serait une interruption dans l'histoire du pouvoir de l'ancêtre et
de la richesse, de ceux qui sont les garants du rapport aux divinités...
Une vue d'autant plus importante quand on sait le poids de la tradition
des ancêtres, des grandes familles, de l'empereur (tennô), de
la richesse, des divinités...
R Oui, oui, je suis d'accord avec ces propositions.
Q La démocratie
serait une interruption de la richesse ?
— Oui... Si l'on admet qu'au début il n'y avait ni riche ni
pauvre, mais c'est le point de vue d'un paysan. Certains pauvres s'enrichiront
au détriment de leurs frères. Il y aura des riches et des
pauvres issus de pauvres naturels... Aux âges primitifs nous étions
tous pauvres et égaux. |
De fil en aiguille
Je pense à une histoire indienne du IVème siècle,
aux réserves de grains alimentaires... Le gardien des champs et
des réserves de grains choisi pour sa moralité administrera,
par la force des choses, un territoire de plus en plus vaste. Le pauvre
et modeste gardien deviendra raja, puis propriétaire, lèvera
l'impôt, se fera le défenseur armé des réserves
contre les voleurs. Le raja deviendra roi et lèvera une armée
pour se défendre d'une invasion. De victoire en victoire il deviendra
le garant des dieux et du royaume...
"R : La base de la démocratie c'est le même droit accordé
à tout le monde, riche ou pauvre. La démocratie c'est aussi
le droit de vote, dès l'âge de 20 ans, à l'époque
les japonaises n'avaient pas ce droit... Seule une personne par foyer
détenait ce droit antidémocratique. C'était le Japon
de tennô...
Q : ...
R : Cela dit, constitutionnellement, tennô n'a pas le droit de vote,
ou le droit à la libre expression... Il n'a pas non plus le droit
de se marirer avec qui il veut... Il n'a pas d'histoire privée.
Ce genre de tradition est contraire à la démocratie. Tout
est controlé par le ministère. Ce n'est pas pour rien que
la princesse Masako est devenue folle...
*Apropos de la révolution classique et du conflit
comme une donnée de fait
"L'appropriation des moyens de production par les travailleurs en
Europe de l'Est, écrira André Thibault, avait autant d'authenticité
que l'Illiade en version hollywoodienne : les images donnaient le change,
mais le sens n'y était pas. (...) L'Etat dit socialiste a dû
se donner un pouvoir politique encore plus dur que le pouvoir économique
des capitalistes privés, en ajoutant l'oppression à l'exploitation.
Autrement dit, lorsque cet Etat a fait main basse sur les usines, il a
réalisé par d'autres moyens la concentration du pouvoir
économique que l'accumulation avait permise en régime libéral.
"(...) Entre les sociétés qui se présentent
comme libérales et celles qui furent basées sur le capitalisme
d'Etat et qu'on disait "en transition vers le socialisme", les
rapports de production se sont avérés de simples variations
sur un même thème : à l'Est autant qu'à l'Ouest,
les salariés vendaient leur force de travail, la division des tâches
séparait l'être humain du produit de son activité,
sa rémunération était rarement équivalente
à l'effort qu'il avait fourni, la conception demeurait généralement
séparée de l'exécution"...
André Thibault nous proposera pour clôre ce débat
une réflexion axiale sur les luttes classiques, les conflits sociaux
et la place qu'elles/ils occupent sur la scène sociopolitique aujourd'hui
: "Je reconnais que le conflit est une composante inéluctable
de la vie en société. Mais quoi qu'en ait pensé grand
papa Marx, je vois le conflit comme une donnée de fait, non comme
une valeur en soi dépositaire de quelque mystérieuse primauté
philosophique...
"(Par contre) je perds toute tolérance dans les cas où
l'entreprise pratique des formes grossières d'exploitation, quand
elle traite ses employés comme de simples facteurs de production,
quand travailler à l'usine réduit l'espérance de
vie.
"Je souhaite (donc) une mise à jour de la critique, principalement
sur le terrain de l'organisation du travail. La dimension des activités
des entreprises, le type de productivité recherchée, dépossèdent
de leur activité des travailleurs de tous niveaux. Le rôle
de chacun est encadré au point d'être étouffant. Les
grandes administrations semblent condamnées à cette absurdité
qui les limite dans leur essence même. Au fond, je souhaite à
tous ceux qui ont besoin de s'actualiser dans leur métier ou leur
profession de trouver du travail ailleurs !..." (Extrait de notre
critique de Ses
propres Moyens, Ch.III, L'Economie et le travail, essai de sociologie et de philosophie d'André
Thibault, Editions Nota Bene)
|
Q 24 Pierre Mouterde
écrira dans un entretien autour de son essai "Repenser l'action
politique de gauche" : "la révolution (on pourrait dire
aussi la rupture démocratique) est d’abord et avant tout
un acte d’affirmation et d’auto défense collectif...
Elle est aujourd’hui moins ce qui nous ouvrirait à un avenir
prometteur que ce moyen dont nous disposons pour arrêter la catastrophe
»".
Etes-vous en accord ou en désaccord avec cette approche ? (9)
R Le mot "révolution" n'existe
plus. Ce concept est mort... Je crois que cela tient au fait qu'au Japon
la notion de lutte des classes n'est pas concevable. Pourquoi ? Parce
que nous sommes une nation sans classe... La révolution française
s'est produite sur la base de la lutte des classes. Les classes étaient
sensibles et réelles. Il y avait, pour simplifier, les dominants
et les dominés. "La classe d'en bas" a renversé
la situation. La situation s'est bien renversée au profit d'une
classe... (Autre aspect des choses), la révolution est toujours
violente et relève d'une confrontation physique tandis que le fondement
de notre démocratie japonaise (1946) est le vote (c'est-à-dire
constitutionel). Ce n'est pas le cas de la révolution. Notons que
même s'il y a encore des "différences" (sociales,
le vote est garanti). Si tu maintiens le droit de vote il ne peut y avoir
de violence... Renverser la situation "par les pauvres" au Japon
serait difficile voire impossible car les pauvres, chez nous, ne sont
pas une classe au sens (marxiste du terme). Ils auraient, par le fait,
toujours du mal a gouverner. Il n'y parviendraient pas même s'ils
pouvaient renverser l'échelle des valeurs à leur avantage.
La démocratie politique contemporaine par contre est le support
historique de la "révolution par la paix", ou "la
paix par le vote..."* A contrario, toutes les révolutions
historiques, russe, chinoise, cubaine, française, (américaine),
se sont déroulées dans la violence extrême...
Q 25 "L'histoire
n'est pas ce qui nous reste du passé - pas plus qu'elle n'est le
progrès ou même la civilisation, l'art, la philosophie -
une sorte d'histoire des vainqueurs... faire oeuvre d'historien ne signifie
pas "comment les choses se sont passées", mais s'emparer
d'un souvenir tel qu'il surgit au moment du danger...L'histoire serait
l'expression de nos liens cachés à la souffrance oubliée,
des correspondances au passé censuré des vaincus"...
Que vous inspire cette conception philosophique benjaminienne de l'historien
et de l'histoire ?
R L'histoire est vivante. Elle n'est pas "ce
qui reste du passé". L'histoire officielle serait une sorte
d'histoire des vainqueurs ? C'est la vérité, les vaincus
n'apparaissent pas...
Q Les vainqueurs parlent
en terme de victoire... Victoire du droit, civil, pénal, commercial,
public, ... en terme de destruction des "sociétés indigènes"
(traditionnelles) pour imposer une démocratie bourgeoise avec son
sens très restreint de l'individu, entité juridique (clef
des marchés)... Civiliser, donc, signifie habiller ce qui "n'est
plus"... promouvoir une idéologie dominante, également,
sous la forme de l'art officiel, de l'architecture monumentale, etc....(Lowy
traitant le concept d'histoire de Benjamin) ?
— Oui, je suis d'accord. Je pense qu'il est indispensable d'appréhender
l'histoire sous l'angle des défaites, des vaincus et des opprimés.
Je suis d'accord avec Benjamin. Il est très difficile de faire
apparaitre l'histoire des vaincus. Tout le monde sait comment Rome a été
créé (les victoires militaires, la domination politique,
la cruauté, les césars). Oui, tout le monde sait. Je n'ai
par contre rien lu (avec un rayonnement similaire) sur les qualités
des esclaves et des gladiateurs.
Q Hollywood l'a fait
et le fait (rires) ?
— Ben-Hur, Gladiator... (rires).
Q Benjamin (qui s'inspirera
également du romantisme) dit que faire oeuvre d'historien ne signifie
pas comment les choses se sont passées, mais s'emparer d'un souvenir
tel qu'il surgit au moment du danger... Il propose un lien moderne au
passé.
— Oui, oui. Ici, il ne transcrit pas. Le "fait passé"
est projeté comme un élément (ou un tout) éclairant
dans notre présent. Je peux également concevoir sur la base
d'une telle projection une vérité d'expérience, une
pensée de sagesse voire une pensée ayant la force d'une
morale...
Q Cette histoire, celle
des révoltés d'Osé, était-elle un souvenir
ou l'expression d'un danger ?
— J'ai souhaité faire apparaître (ou projeter) Meiji
aujourd'hui. Le passé conflictuel est conforme à mon sens
du danger contemporain; ce passé je le souhaite projeté
dans notre présent, comme un regard contemporain sur la diminution
de notre liberté d'expression, diminution et difficultés
des oppositions (civiles et politiques). Nous avons de moins en moins
d'espace... C'est ainsi que j'appréhende notre révolte de
1876, en la projetant dans l'injustice de notre temps. Si le lecteur voit
les choses ainsi, tant mieux. Un de mes lecteurs japonais me dira, à
propos du livre sur le barrage d'Ogawa, qu'autrefois notre opposition
civile était "ikki", c'est-à-dire une émeute
violente (l'on dit du reste Osé-ikki, pour la révolte paysanne
d'Osé). Il a raison, autrefois, nous aurions été
obligés de concevoir une action violente... J'ai réellement
souhaité dans mon approche historique un parallélisme autant
qu'un surgissement du passé dans notre époque dangereuse
(Kobayashi me dira lors d'un entretien ultérieur : "durant
la période d'Edo - 1603/1868 - l'on recensera 3000 ikki, mille
ikki par siècle...").
Q 26 Eric Hobsbawm abandonnera
le militantisme communiste dès les années 1950 pour régler
les tensions psychologiques qui naitront de son adhésion au PC
britannique (autodissout en 1991), de son goût pour l'idéologie
politique et de sa vocation pour la recherche et l'histoire. Il se repliera
sur son métier d'historien.
Vous plongez dans l'histoire civile, extrêmement détaillée,
la mémoire de la résistance paysanne d'Osé, votre
région natale - qui est également le théatre de l'opposition
au barrage d'Ogawa - vous vous rapprochez, sans en être membre,
du Parti Communiste japonais. Votre démarche est inverse.
Comment l'expliquez-vous ?
R Je dois te dire, avant toute chose, que je
n'aime pas les partis politiques. C'est important à préciser,
plus encore le Parti Communiste. (Cela dit, Horié Kakuji, le
leader du PC d'Hitachiomiya -voir photo ci-dessus-, est un ami paysan
de toujours et il a besoin d'un coup de main. Nous nous sommes vus, tu
étais là avec Mami, lors d'une conférence de soutien
peu avant les dernières élections. J'ai soutenu l'ami, vrai;
situation off). Mais je ne suis pas membre du Parti même si
j'ai fait l'éloge, à la tribune, de sa probité et
de son intégrité politique et sociale. Cela dit, je ne te
l'apprendrai pas, la tendance du PC est d'être "hyper non transparente".
Ce parti est très sectaire et je m'en méfie. Mais quand
j'envisage l'avenir d'Hitachiomiya, la politique locale et nationale,
je conçois une stratégie électorale. Il paraît
indispensable, compte tenu des forces conservatrices en présence,
que le PC ait plus de pouvoir, c'est vital pour la démocratie participative.
Mon soutien vise donc à créer plus d'espace pour l'opposition
démocratique. Mon aspiration au communisme est à comprendre
en ce sens.
Q Comment liez-vous
pensée politique et histoire ?
— Quand on pense on ne peut-être a-politique. Aucun historien
n'est fondamentalement sans pensée politique. L'historien n'est
pas neutre selon moi... Je suis fondamentalement un "social-démocrate".
Je ne fais pas allusion au Parti Social Démocrate japonais mais
à l'espace social-démocrate de l'héritage communiste
de notre région. Je ne suis donc pas communiste au sens partisan
ou exclusif du terme. Je me sens seulement proche des acteurs sociopolitiques
locaux et d'un "espace communiste" régional historique,
social et démocratique.
Le communisme japonais se vit davantage avec le peuple et très
peu, selon moi, en terme de représentation parlementaire. La raison
est qu'aujourd'hui, au Japon, on ne négocie plus que sur la base
politique du bien-être et de la qualité du vieillissement.
On vit au sein d'une démocratie sociale. Il faut donc se positionner
par rapport à cette démocratie sociale... La pensée
communiste (traditionnelle) consiste en une force centralisée de
la mobilisation et du militantisme. Je n'aime pas cela. C'est politiquement
et individuellement beaucoup top dirigiste. Je n'aime pas la centralisation
du pouvoir politique et le parti s'impose le plus souvent comme tel. Le
PC est centralisé. La spécificité des problèmes
régionaux est lavée et relavée pour être traitée
de façon globale à Tokyo. Ce n'est pas compatible, à
mon sens, avec la région politique et la vie politique locale que
je veux vivre pleinement.
Q C'est le problème
de la centralisation étatique. "La démocratie c'est
le pouvoir (garanti) de la minorité" dites-vous, mais au fond
c'est aussi la lutte permanente pour le pouvoir central... la domination
d'un seul parti. Ce n'est pas seulement un droit fondamental de l'homme.
C'est aussi une douloureuse lutte, incessante. C'est ce qui contribue
aussi à la violence institutionnelle. Le rapport de l'Etat à
l'individu est faussé du fait de la centralisation de la délégation...
C'est également une cause de l'autoritarisme.
— La démocratie est avant tout non violente.
Q La conquête
du pouvoir politique est plutôt violente, même dans un espace
démocratique. Les élus se battent pour régner. La
démocratie est désormais l'expression d'une domination.
Un rapport de délégation sans retour...
— Le marxisme est violent aussi (dans sa phase révolutionnaire
armée traditionnelle), non ?
Q Pour moi, Marx, est
un économiste-historien et un philosophe politique. Il propose
une réflexion qui permet à ma conscience de s'interroger
radicalement sur les difficiles questions du capital, du travail, des
marchandises...
— Lénine l'a appliqué. La conquête du pouvoir,
ici, se traduira par la révolution.
Q La démocratie
serait aussi l'espace de la lutte pour le pouvoir...
— Oui oui je comprends.
Q Vous faites une recherche
sur l'autoritarisme et ses causes mais en même temps vous refusez
d'admettre que la démocratie contemporaine soit devenue un espace
partisan autocratique sur une base électorale. L'élu ne
serait plus un délégué au service du peuple mais
le représentant d'un pouvoir personnel.
— Le Japon, je le déplore, c'est vrai, n'est plus démocratique
(au sens stricte) car l'autorité contrôle le peuple.
Q Certaines entreprises
veulent un Etat pour la bonne marche de leurs affaires et d'autres cherchent
à l'anéantir pour les mêmes raisons...
— Oui, les grosses entreprises japonaises ont beaucoup de pouvoir.
Elles oeuvrent avec un objectif commun... "Business". Tandis
que les PME-PMI revendiquent leurs droits tout en refusant de subir le
droit.
|
Entreprise japonaise, entre profit transnational et éthique du
mensonge...
Je pense au scandale d'août 2006, celui de la firme bouddhiste Mitutoyo
Corp., n°1 mondial de la micromesure, à l'arrestation de ses
5 exécutifs dont le président Kazusaku Tezuka et le vice-président
Norio Takatsuji... Une entreprise clef dans le programme nucléaire
iranien puisqu'elle était chargée des mesures de l'effet
centrifuge dans le processus d'enrichissement de l'urnanium.
La police métropolitiane de Tokyo fera irruption dans les locaux
de la Mitutoyo Corp. en février 2006 après trois années
d'enquêtes menées collatéralement par l'International
Atomic Energy Agency (IAEA) sur des fraudes à l'exportation. Ici,
il s'agira de la vente frauduleuse d'appareils ultrasophistiqués
de mesures électroniques 3-D. Les pays poursuisant un programme
nucléaire sous contrôle international ayant acheté
des apparareils 3-D de la Mitutoyo Corp. seront principalement, ces dernières
années, la Chine, la Libye, Singapour, la Malaisie, l'Iran et très
probablement la Corée-du-Nord.
Mitutoyo Corp. entreprise patriarcale pratiquant le culte de l'ancêtre
en début de journée, "la sagesse, la bienveillance
et la valeur pour devenir un homme complet" utilisera des sociétés
écrans étrangères pour duper les douanes, le Ministère
du Commerce Extérieur (MITI), l'IAEA, produira de fausses licences
et fournira de fausses déclarations pour 25 000 machines de mesures
en pleine violation des Lois sur les échanges extérieurs
et le commerce extérieur.
Cette affaire prendra corps, en fait, au tout début des années
1990, années importantes dans l'histoire du marché noir
international du nucléaire qui inclus également l'écoulement
d'armes nucléaires. La
Mitutoyo Corp. vendra ses machines de mesures sur ce marché
noir international du nucléaire.
Je me souviens que quelques années auparavant j'étudiais
le bouddhisme mahayana japonais de l'école amidiste du jôdoshinshû
à partir des collections de soutras du Tripitaka (les Trois Corbeilles
ou enseignements de bouddha Sakyamuni) du Bukkyo
Dendo Kyokaï, association de recherche bouddhique et de traduction,
aujourd'hui planétaire, fondée en 1965 par le milliardaire
bouddhiste nationaliste japonais Yehan Numata, Berkeley/Tokyo. Le
Révérent Dr. Yehan Numata se distinguera en tant que le
fondateur et président de la Mitutoyo Corp..
La mort du Révérent Numata surviendra en 1994, année
de l'inauguration d'une fililale en Corée-du-Sud, alors que les
ventes de machines de mesures de la Mitutoyo Corp. sur le marché
noir international du nucléaire étaient déjà,
probablement, en plein essor (Coroporate
philosophy). Notons enfin que de nombreuses
filliales de la Mitutoyo Corp. dans le monde seront certifiées
conforme aux normes internationales de la qualité de service ISO
9002 dès 1993, soit un an avant sa mort. (C.P)
|
Q Les PME PMI auraient
également un rôle à jouer pour la paix. L'entreprise
ne serait plus, dans ce cas, un "espace moral" garanti pour
la droite et la conservation (Thibault).
— Oui oui... Cela dit, les chefs d'entreprise, petits ou grands,
ont les mêmes tendances... Au Japon, les PME-PMI sont avec Jiminto
tandis que leurs employés peuvent être pauvres et même
communistes. Les chefs d'entreprises (PME-PMI) sont également très
élitistes et se croient suprêmement protégés
par Jiminto. Il n'y a pas de chef d'entreprise de gauche au Japon.
Q Certains d'entre eux
sont bouddhistes et souhaitent vendre à bas prix pour les pauvres...
mais avec le temps deviennent de véritables empereurs capitalistes
transnationaux, intraitables et tricheurs (Août 2006, scandale de
la Mitutoyo Corp. du Rev. Yehan Numata).
— Oui...
Q Il y a également
des chefs d'entreprises chrétiens altruistes, mais avec le temps
et la pression du marché changent et deviennent nationalistes,
militaristes, autoritaires et... ultra captalistes.
— Oui... Que dire...
Q Les cultures devrait
penser a préserver leur originalité ou plutôt leur
intégrité fondamentale.
— Se faire respecter, oui, ethnies et religions.
Q Pourquoi ne pas favoriser
la culture horizontale des réseaux solidaires, abandonner la culture
verticale et la représentation ?
— Tout à fait. Je suis d'accord avec toi. "Imposer une
pensée aux autres" ne vaut rien. La guerre américano-irakienne,
j'insiste, le prouve. Cette version de notre histoire est absolument odieuse...
Q Est-ce la paix à
Ogawa ?
— C'est la paix. Mais il y a tout de même beaucoup de petits
conflits. D'ailleurs...
« Fin »
[ 1 ] —
[ 2 ] L'histoire du barrage illusoire
————————————————————
Notes
[ 1 ] Rappelons ici que le processus historique de fusion
administrative des communes enclenché depuis Meiji (1889) réduira
le nombre de communes de 71 314 à 15 859 et aboutira au final à
1822 communes lors de la dernière Grande Fusion de Heisei de 2005...
Selon le
Pr. Takaharu KOHARA la seule préfecture d'Ibaraki accusera
en 2005 une diminution de 51.8% de ses villes et communes, le nombre passera
de 85 à 44.
[ 2 ] Vous proposez comme repères historiques
les innondations catastrophes de Meiji 23/29/35, Taisho 3/6/9, celles
de Osé 21 morts, 36 maisons disparues, d'Hizawa, 4 morts...
[ 3 ]
a ) - Notons que le chiffre d'affaire mondial de l'industrie
des barrages - 45 000 constructions dont plus de 35 000 après
la seconde guerre mondiale - diffusé par la Commission Mondiale
des Barrages est estimé à 42 milliards $ US en 2000
b ) - Impact
des grands barrages sur l’environnement humain et naturel, Ewa
Mariéthoz, CUEH
c ) - Les
barrages et le risque sismique
d ) - Making
Every Drop Count... .We drink it, we generate electricity with it,
we soak our crops with it. And we're stretching our supplies to the breaking
point. Will we have enough clean water to satisfy all the world's needs
? by Peter H. Gleick
e) - Voir les abondants documents
actualisés de nos amis belges d'ACME, Association
pour le Contrat Mondial de l'Eau
f ) - Water
Resources Development Promotion Law, the seven river systems, ..."The
basic plans are determined by the Cabinet, in consultation with related
ministries, by hearing opinions of related prefectual governors and the
National Land Development Council..."
g ) - Water
Resources Development Promotion Law
h ) -Tone
River System 1962 and Ara River System 1975
i ) - Japan
Water Agency, JWA projects, Project implementation procedure,
j ) - Plan type (cliquez ci dessous) de la consommation
d'eau et du cycle hydrologique au Japon selon les gouvernements néolibéraux
Koizumi et Abé. Si l'on sait que l'essentiel de la consommation
en eau des personnes et de l'agriculture provient des rivières
et des sous-sols, l'on observera, ici, sur cette représentation,
qu'elles sont quasi inexistantes. Selon une lecture développementiste
néolibérale l'essentiel des approvisionnements en eau et
du développement industriel, urbain et agricole, reposerait sur
une stratégie à long terme du barrage... Notons aussi qu'en
période de réchauffement les nuages chargés d'eau
sont devenus intelligents puisqu'ils s'arrêtent soit sur les stations
de sport d'hiver soit sur les grands barrages. Les rivières et
les nappes souterraines qui font la spécificité du Japon
évitent par contre consciencieusement et disciplinairement les
sous-sols ruraux du pays, lesquels, ici, ne sont pas représentés,
et ne seraient exploitables, en appoint, qu'en lisière
des mégapoles.
k ) - Barrages
dans la région du Kanto, barrages voisins d'Ibaraki
l ) - Réseau
hydrologique national, MLIT,
Yoshinogawa,
Tokuyama, Ms Reiko
Amano Society against Nagara River Estuary Dam Construction Dams in Japan
with a Special
Focus on the Nagara River
m ) - Coup d'oeil solidaire en Inde, très bon
document lié à notre propos antibarrage au Japon et dans
le monde : "Le
débat sur la Narmada : l'Inde face au dilemme des grands barrages,
Jean-Luc Racine, CNRS.
- Jetez un coup d'oeil également sur les catastrophiques propositions
du gouvernement fédéral indien pour la Narmada. Le gouvernement
japonais injectera 200 millions de $ pour ce projet hydrologique ... mais
le mouvement "Sauvons la Narmada" de Medha Patkar aura le dessus
y compris face aux technocrates de la Banque
Mondiale - 400 millions de $ - à Washington et à Tokyo,
lignes de crédit fermées en 1990,
- Linked222 soutient par ailleurs le Narmada
Bachao Andolan (NBA) et les Amis
du Fleuve Narmada.
n ) - Coup d'oeil solidaire en Chine
Help Protect China’s
Nu River for Future Generations,
"Your help is needed to keep the Nu (Salween) River in China flowing
freely. The river is one of only two undammed rivers in China. The Yunnan
Provincial government plans to construct a series of up to thirteen dams
on the Nu River. The river forms part of the Three Parallel Rivers World
Heritage Site, which is known to be one of the ecologically richest temperate
regions of the world. The area contains over 6,000 different plant species
and is believed to support over 25% of the world’s and 50% of China’s
animal species. The dams will threaten the rich biodiversity of the area,
affecting many rare and endangered species. Despite concerns about the
dam impacts, the Chinese government plans to approve construction of the
projects without releasing the environmental impact assessment (EIA) to
the public...." et
IRN’s Southeast Asia Campaign,
o ) - Coup d'oeil solidaire en indonésie.
Indonesian dam-affected communities break the information blockade, welcome
Japanese
Diet members (méfiance donc)... "The five Japanese parliament
members from the Liberal Democratic Party and Social Democratic Party
made a visit to Kampar on August 21. This visit dealt with the claim the
dam-affected people made in Tokyo's court due to the construction of PLTA
Koto Panjang dam. These five Japanese representatives are willing to witness
the condition of people who became victims of the construction of PLTA
Koto Panjang, where the fund came from Japan. The five Japanese parliament
members were Nikise Daimon, Haku Sinkum, Yusuke Suroho, Takeaki Kasimura
and Maekawa. They were accompanied by three activists from Japan Bank
Information Centre (JBIC), and the other two persons from Japanese Ambassador
in Jakarta. Their visit was welcomed by the mass action about the relocation
of dam-affected people..."
L'Indonésie (comme la Chine, les philippines, l'Asie du Sud-Est)
fait toujours partie des projets de l'empire néolibéral
japonais et bien entendu du PLD pro-américain. Shinzo Abé
a tout récemment exigé de l'Indonésie qu'elle abaisse
ses barrières commerciales sur les hydrocarbures, alors que Thomas
Shieffer ambassadeur US à Tokyo exigeait que Shinzo Abé
abaisse les barrières commerciales du marché agricole japonais
pour écouler la surproduction agricole US (riz, blé,...).
En aout 2006 des parlementaires japonais du PLD se sont rendus en Indonésie
pour soutenir le mouvement d'opposition au barrage PLTA Koto Panjang co-financé
par le Japon.
Les nombreux gouvernements japonais depuis 1936 ont toujours une affection
particulière pour les hydrocarbures indonésiens, les systèmes
hydrologiques asiatiques en appui sur le FMI et la Banque Mondiale et
l'islam en Asie, trois platerformes du renseignement pour Koizumi et Shinzo
Abe en appui sur un projet de "super Naicho "(Cabinet Information
Research Office). National Security Council sous une autre forme, une
structure du renseignement de plus au service de la politique sécuritaire
globale asiatique, des zones de libre-échange nippo-asiatiques
(supports notamment du marché stratégique de l'eau, de l'industrie
des barrages et des hydrocarbures) et nippo-américaines...
p ) - Coup doeil sur les résistances
japonaises ...
Suigenren, Kawabegawa,
Nagaragawa,
... ASLE-Japan (the Association
for the Study of Literature and Environment in Japan)
q ) - No
more dam illusions, the growing success of dam opponents in Japan
& Environmental NGOs' International Symposium on Dam The Citizens
Campaign to Save the Nagara River : Raising
Consciousness and Concern Regarding Public Works Projects
r ) - STATUS
REPORT OF PLANNED DAMS IN EAST AND SOUTHEAST ASIA
[ 4 ] Bref aperçu historique sur le nationalisme,
les dérives fascistes et religieuses, le militarisme des années
1970-1980 au Japon
a ) - "Il va sans dire, écrira le maître
zen Yasutani Hakuun (1887-1973), que les dirigeants du Syndicat des enseignants
sont à l'avant-garde des faibles d'esprit (...) de concert avec
les quatre partis politiques de l'opposition, le Syndicat des travailleurs
de la fonction publique, l'Association des jeunes juristes, la Ligue des
citoyens pour la paix au Vietnam, etc., ont entrepris de trahir la nation...
Les universités que nous avons doivent être écrasées
une bonne fois pour toutes..." (Zen en guerre, Brian Victoria, Seuil,
septembre 2001)
b ) - 1975, publication au Japon de "Religion et
Fascisme" par le bonze zen Ichikawa Hakugen et à New York
de "The Crisis of Democraty. Report on the Governability of Democraties
To The Trilateral Commission", en fait pamphlet contre la démocratie,
écrit par les politilogues et sociologues Michel Crozier, Samuel
Huntington, Joji Watanuki.
c ) - L'office central des sanctuaires -organe gérant
les intérêts des sanctuaires shinto privatisés après
la guerre - préconisait en 1979 dans sa plate-forme d'action le
développement d'un mouvement de normalisation de l'éducation
"ayant pour axe le maintien du prestige de la Maison Impériale"
:
"1 - promotion d'une éducation renforçant l'esprit
de solidarité nationale, l'affection et la révérence
envers la Maison Impériale.
"2 - promotion d'une éducation développant l'esprit
du patriotisme, le respect de l'hymne et du drapeau national.
"3 - promotion d'une éducation du sentiment religieux, inculquant
le respect des dieux et des ancêtres.
"4 - promotion d'un juste enseignement de la langue japonaise et
de l'histoire, respectueux des traditions et des mythes.
"5 - promotion d'une éducation visant à réhausser
la morale nationale et appuyée sur le rescrit impérial sur
l'éducation.
d ) - Janvier 1983 : A Washington, M.Nakasoné,
1er ministre, fait part de sa volonté de faire du Japon un "porte-avion
incoulable" et à la Diète, dans son discours de politique
générale, évoque le "bilan général
de l'après-guerre".
"(...) Tois ans plutôt, en juillet 1980, le ministre de la
justice Okuno Seisuke déclare : "défendre le Japon
: voilà une notion qui fait défaut dans notre pays tout
au long de l'après-guerre. C'est là un point noir dans l'enseignement
de l'école et qu'il convient de corriger, tant du point de vue
de l'éducation que dans une perspective globale de sécurité.
"(...) En octobre de la même année, Tanaka Tatsuo, ministre
de l'éducation, devait lui aussi reconnaître devant la Diète
que "le peu de place consacré aux développements sur
le patriotisme dans les manuels, fait problème".
"En novembre, le président de la commission spéciale
de la Chambre des Représentants sur la sécurité,
Sakata Michio, dans un symposium organisé par l'Université
George Washington aux Etats-Unis souligne la nécessité du
traité de sécurité nippo-américain et de l'insertion
du patriotisme dans les manuels.
"En décembre, le président de l'association des manuels
scolaires, Kyokasho Kyokai, fait état d'une requête du PLD
(droite et ultradroite) demandant que - notamment sur la question du patriotisme
- des aménagements soient apportés dans les manuels sans
attendre leur révision partielle qui doit intervenir tous les trois
ans.
"En fait, cette campagne pour la promotion du patriotisme dans les
manuels scolaires s'inscrit dans la seconde "attaque" orchestrée
par les conservateurs contre les livres de classe, langue dans le primaire,
instruction civique dans les collèges, société contemporaine
dans les lycées. Le PLD est bien sûr à la pointe de
ces critiques, mais il est soutenu par un parti d'opposition, le parti
démocrate-socialiste, Minshato, une fraction du "zaikai",
et des intellectuels de droite organisés autour de l'Université
de Tsukuba, de la ligue internationale de lutte contre le communisme,
Kokusai shôkyô rengô, et de l'académie pour la
paix mondiale.
"On fait reproche aux manuels d'être imprégnés
d'une phraséologie marxisante - quand on n'incrimine pas tout simplement
la main de Moscou - de se montrer bienveillant envers l'Union Soviétique
et mal disposés envers les Etats-Unis et le Japon même, de
faire des descriptions tendancieuses des forces d'autodéfense ou
de la propagande communiste sous couvert de pacifisme, de faire la part
trop belle dans les descriptions constitutionnelles aux droits et pas
assez aux devoirs des citoyens, d'attaquer les entreprises, d'accorder
trop d'importance à la lutte des classes et pas assez à
la piété filiale, de négliger à dessein la
Maison Impériale, de se complaire dans un dénigrement antinational,
d'encourager les grêves et les manifestations de rue sous pretexte
de démocratie, de saper la politique de défense du gouvernement,
etc,... (...) "(in "Les manuels scolaires des collèges
: des livres douteux", Takihara Toshihiko et Morimoto Shinsho, 1981
et "les manuels scolaires : des tissus de mensonges", 1983,
Tatsui Nobuya et Morimoto Shinsho, cités par Seizelet dans "L'insersion
dans les manuels scolaires de développements particuliers sur le
patriotisme", Les petits-fils du ciel, 1988)
[ 5 ]
a ) - Amartya Sen, Commodities and Capabilities, 1985
& On ethics and Economics, 1991, nobel économie, 1998
b ) - Miwa connaîtra ses barricades en 1972 (showa
46/47)
[ 6 ] ACME
- FORUM DE MEXICO : Au Mexique, une rébellion antibarrage.
Des paysans résistent au futur engloutissement de leur village.
Et Le barrage
de la peur à Acapulco
[ 7 ]
a ) - Par exemple, Ishikawa Rokuro, président
de la multinationale de construction Kajima, constructeur du barrage d'Okutadami,
est fréquemment cité dans les programmes de recherche associatifs
de Nippon Foundation, de Japan Foundation, du Global
Forum of Japan où l'on retrouve l'élite conservatrice
intellectuelle, commerciale, militaire et politique japonaise, américaine
ou même européenne, tout comme l'on retrouve au bureau des
administrateurs et des conseillers de Sasakawa Peace Foundation des représentants
de Fuji Xerox, Taiheiyo Cement Co., Recruit Cosmos Ltd., Tokyo Electric
Power Co. Ltd., JAL, ANA, et plus surprenant des professeurs des universités
Chuo, Waseda, Tsukuba,...
b ) - Etat
des luttes contre le crime organisé mafieux, entretien avec
Umberto Santino
c ) - Appello
per la libertà di ricerca, CSP, Palerme
d ) - MAFIA,
ENTREPRISE ET SYSTEME RELATIONNEL, Umberto Santino, CSP
e ) - Mafia,
crime transnational et mondialisation, Umberto Santino, CSP
[ 8 ] La Haine de la démocratie - Chroniques des
temps consensuels II de Jacques
Rancière
[ 9 ] Quelques questions à propos de "Repenser
l'action politique de gauche" de Pierre Mouterde, entretien e-mail,
Paris/Montréal, Christian Pose.
[ 10] Nous
utiliserons également tout au long de l'entretien quelques repères
statistiques et chronologiques de la série d'histoire contemporaine
"Japoscope" 2001 de Claude
Leblanc (Editions Ilyfunet).
[ 1 ] —
[ 2 ] L'histoire du barrage illusoire
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