LIBERTES et ACTIONS CIVILES ET POLITIQUES NON VIOLENTES AU JAPON

L'Histoire du barrage illusoire   [ 3 ]

Un entretien exclusif avec l'historien japonais Shigeru Kobayashi
— Un drame historique autour de l'opposition civile au barrage d'Ogawa, 1967-2001 —

Réalisé par Christian Pose (traduit par Mami Yoshikawa, à Kamiosé, Ibaraki, Décembre 2006)

"L'histoire du barrage illusoire" [ 1 ]  [ 2 ]    Page en japonais


Q : Votre ancêtre ?
— Il a été pendu...

Q : "Subleader" ?
— Oui, oui, il était l'un des deux subleaders.

Q : Avez-vous été élevé dans la consience de cette histoire familiale ?
— Oui, oui... Ma mère a maintenu vivante cette histoire. Pas mon père. Mon père ne voulait pas. Cette histoire n'était pas assimilée à une histoire d'anciens combattants ordinaire. A l'époque, les révoltés, étaient considérés/traités comme des hors-la-loi. Mon ailleul était considéré comme un criminel. Mon père ne voudra plus en entendre parler... Ma mère, si. La préfecture enfermera 26 personnes et la police infligera au total 1064 amendes..."






Photo extraite d' un tract du Parti communiste japonais lors de la "Grande Marche pour la Paix du Peuple — No more Hiroshima, Nagasaki, plus d'armes nucléaires au Japon et dans le Monde"
Shigeru Kobayashi, paysan historien de Hongo, à droite, Komuro Michio, paysan de Senda au centre, Horie Kakuji, leader paysan du PC d'Hitachiomiya, à gauche.




Shigeru KOBAYASHI

Né en 1931
A Kamiosé, ville de Hitachiomiya, préfecture d'Ibaraki
Il exercera le métier dagriculteur en même temps que celui de conseiller muncipal de la commune d'Ogawa. Il sera également Président du conseil municipal d'Ogawa. Il exercera 7 mandats de conseiller municipal tout en étant Président du Comité Agricole Affrontant le Problème du Barrage Départemental d'Ogawa.
Il est aujourd'hui Président du Club des Etudes Culturelles au Pays Natal d'Ogawa et membre du Comité du Conseil des Enseignants de l'Histoire d'Ibaraki.

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"L'histoire du barrage illusoire"
— 33 années de résistance au barrage d'Ogawa —
2002, Edition Bungei-sha





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Lors d'un entretien sur les oppositions historiques à la Fusion de Heisei et l'autonomie des collectivités locales à Hokkaïdo avec le Député Seiji Osaka, membre du Parti Démocratique du Japon et du Comité Spécial pour la Recherche sur la Constitution du Japon de la Chambre des Députés, je contestais le caractère démagogique d'un rapport sur la Constitution signé en avril 2005 par Nakayama Taro, membre du PLD et Président de ce comité. Nakayama Taro accordait, en effet, une confiance aveugle au pouvoir de justice égalitaire de la Constitution en proposant une approche particulièrement optimiste (sociologique et évolutionniste) des effets des sciences, des techniques, de l'économie, de la medecine, de la bio-éthique, d'internet, sur l'organisation sociale et les personnes.

Nakayama Taro affirmait que la Constitution du Japon devait avant tout garantir la protection des intérêts et des droits fondamentaux de l'homme. Cela dit, l'histoire des luttes sociales et la jurisprudence au Japon nous prouvent le contraire. En effet, les droits constitutionnels des japonais et les droits de la propriété individuelle ne font toujours pas le poids face aux droits des grosses entreprises et de l'Etat...


Q 21 -a A-t-on peur des droits de l'homme au Japon ?
Kobayashi Je ne crois pas que l'on ait peur des droits de l'homme. La loi doit protéger les droits de l'homme. Pour répondre à cette question je dirai également que nous sommes entrés en démocratie après la guerre. Cela fait soixante ans d'exercice légal... Notre société est certes une démocratie mais elle est déjà en danger malgré les lois. Une réforme récente de la loi sur l'éducation range, par exemple, les compétences de chacun à l'aune de son patriotisme. Cela signifie que tu as des qualités si tu loues la patrie comme l'Etat le souhaite. Une autre loi a été voté, pas moins inquiétante. Elle concerne le temps de travail et considère que la nation doit être engagée de force dans l'économie.

Q La multinationale Dentsu contrôle/modèle hyperactivement l'évolution du marché japonais et mondial de la communication (depuis le début du XXème siècle), les mentalités, l'opinion et ses tendances, et en même temps conseillerait directement ou indirectement le pouvoir central sur la réforme de la Constitution...?
— Oui, oui, je vois où tu veux en venir. Tu connais bien la société japonaise.

Q Nakayama Taro, dit qu'il n'y a pas de manipulation des populations...
— Je crois que tu as raison d'insister sur la force et la puissance de l'Etat et des entreprises au Japon. Sous un certain angle nous n'avons pas de droits. Quant à la valeur des lois... Nakayama Taro est bien le chef de la réforme constitutionnelle mais ses propos comme sa position, ici, me semblent très hypocrites...

Q Il se dit à l'écoute de la société en transformation, du net, de la science, de la bioéthique, de la médecine... Mais il se trouve que cette société est également le champ d'exercice des multinationales (si proches du pouvoir historique, de Koizumi, d'Abé et du PLD). Construire une constitution sur de tels référents (à partir du cercle Dentsu par exemple) signifierait, selon lui, être à l'écoute de l'individu et de la société, en un mot de "l'évolution" (Nakayama Taro se reconnait évolutionniste)...
— Pour "dégager des bénéfices" l'entreprise doit accepter un certain "sacrifice" (des libertés individuelles et des droits ?), s'abstenir de quelque chose d'important semble indispensable, ca veut dire ça aussi.

Q Nakayama Taro considère que son approche de la société est sociologique. Il a fait appel à des médecins, des économistes, des scientifiques, des penseurs, il est médécin lui même... Je pense plutôt à un holocauste, la société serait sacrifiée sur l'autel des constructeurs et des producteurs.
— C'est vrai...Tout comme le Jietai (Forces d'Auto-Défense) envoyé en Irak a sacrifié un peu plus de nos libertés et de nos droits constitutionnels. Cette intervention était inconstitutionnelle et donc prohibée (The lawsuit to stop dispatching self defense force to Iraq). Cette réforme de Nakayama Taro consiste bien à enlever des articles fondamentaux qui limitent/entravent les activités économiques...

Q En étudiant la jurisprudence on constate que les individus cherchant à régler des litiges avec les entrepreneurs ou l'Etat sont régulièrement sacrifiés au principe utilitariste de "l'intérêt général". Les entreprises et l'Etat gagnent plus souvent... On le constate lors des indemnisations des particuliers expropriés ou déportés.

Tadakazu Fukase, professeur à la faculté de droit d'Hokkaido, retiendra l'affaire "jisakunô-sôsetsu-hô" (loi sur la création des cultivateurs qui possèdent leurs propres terres)... A la suite d'une grande réforme agraire des paysans intenteront un recours d'inconstitutionnalité contre l'indemnisation payée pour l'expropriation de leurs terrains comme ne correspondant pas à la "juste compensation... après expropriation" garantie par l'art. 29. al. 3 de la Constitution, 23.12.1953. Ils perdront, la Cour Suprême retiendra que si les compensations n'étaient pas justes ou parfaites, elles étaient équitables et calculées par une méthode raisonnable en se fondant sur le prix estimé du terrain à la période de l'expropriation. La Cour Suprême a ainsi justifié la grande réforme agraire... Tadakazu Fukase soulignera, toutefois, que pour l'expropriation ordinaire des propriétés de citoyens japonais, la loi, l'opinion courante des publicistes et la pratique sont d'accord pour qu'une "parfaite compensation" soit opérée, car les citoyens ordinaires vivent dans une réalité économique tellement sévère qu'ils ne pourront plus vivre ailleurs avec leurs famille s'ils ne reçoivent pas une "parfaite compensation" de leur propriété perdue.


Tadakazu Fukase s'inspirant d'un cours de M. Nakamura intitulé "La privatisation des services publics au Japon" écrira en 1988 dans "Les juges et les grands choix politiques et administratifs de l'Etat, droit constitutionnel japonais" : "Un intéressant thème de discussion franco-japonaise :" quel "grand choix poliltique" économique est-il salutaire pour les juges (japonais), soit l'orientation vers la planification et la nationalisation à la française, soit vers la libre concurrence et la dénationalisation à la japonaise"...

— Oui... Je connais un autre exemple. Celui du comité de lutte antibarrage de Kawabegawa. Il gagnera une partie de son procès contre l'Etat pour l'annulation d'un projet d'irrigation et l'annulation d'une procédure d'achat obligatoire des terres et des droits de pêches avec expropriation ("Kyôsei Shûyô") en 2003.

Q C'est plutôt rare.
— Au Japon, il y a bien séparation des trois pouvoirs : Exécutif, Législatif, Judiciaire. L'influence du gouvernement demeure cependant certaine... Les entreprises ne peuvent pas tout. Il y a également la Cour d'Appel, la Cour Suprême, subissent-elles une influence ? De l'Etat sans doute...

Q Le renouvellement des hauts fonctionnaires de la Cour Suprême (Secrétariat Général) est rare...
— Il y a peu de juges humanistes. Le Cabinet nomme les juges de la Cour Suprême (qui a le pouvoir de statuer sur la constitutionnalité des lois, des règlements, des décrets, de tous les actes officiels). Il est quasiment impossible qu'il n'y ait pas d'influence et que l'esprit de séparation des pouvoirs soit respecté à la lettre. Au niveau municipal et régional les civils peuvent espérer gagner contre la municipalité, la préfecture, mais au niveau de la Cour Suprême et contre l'Etat, ils perdront, c'est sur.

Q Yosiyuki Noda écrira "on n'aime pas le droit au Japon" et Ichiro Kitamura proposera une étude psychanalitique de l'homme juridique au Japon (1987). Il analysera le rapport de l'homme juridique japonais au droit et insistera sur les états pathologiques qui naissent chez les japonais quand ils sont confrontés au droit... Des inquiétudes, sous-jacentes aux propos de Nakayama Taro, qui inciteront à la sur-normalisation juridique (nouvelles orientations des règles et des normes); un enjeu pour la maîtrise des marchés civils et militaires, le libre-échange, la privatisation graduelle des services et, pourquoi pas, du gouvernement politique.
— Oui oui, je comprends...

Q Cela reviendrait à glisser le vieux système militariste et nationaliste "kokutai" sous la pensée moderne du droit... Le droit deviendrait ainsi l'habit de l'autorité absolue. Le sujet de droit serait ravalé au rang d'objet sans valeur.
— C'est vrai... Je suis d'accord avec ce que tu dis. Avant la guerre le système Tennô (empereur) était conçu pour la protection du système kokutaï. De même que l'ainé était le premier fils dans la famille, etc.. La Constitution tendra vers ce système. Après la guerre Tennô est devenu une décoration. Le droit du peuple, le droit de l'homme, sont bien supérieurs aux anciens droits. Le peuple reconnait la qualité de notre constitution. Le gouvernement a établi le fondement légal de la démocratie. Ce sera très important pour nous mais les grosses entreprises n'accepteront pas ces lois démocratiques et égalitaires. Ce sont elles qui actuellement font pression pour changer les lois (pas les sujets de droit)...

Q Influencer la psychologie du droit et des lois...
— Oui, tout a fait. Pour que l'Etat entre dans le coeur de chacun.

Q Est-ce alarmant ?
— Oui, c'est alarmant, Jiminto vise au contrôle psychologique du peuple.

Q ...
— Jusqu'a créer l'"atmosphère idéale", le "monde idéal", de laquelle ou duquel on ne pourra plus critiquer...

Q Je craignais cela en lisant le rapport de Nakayama Taro.
— Je crois cependant, à mon sens, qu'il est impossible de tout contrôler y compris en terme de psychologie du comportement ou de liberté d'édition ou d'expression...

Q J'ai souvent le sentiment que nous sommes seulement libres de rester dans nos jardins...Voltaire dira quelque chose dans ce goût.
— Non, je ne pense pas.

Q Comment expliquer que le parti gouvernant soit riche et les autres non ?
— Le parti gouvernant reçoit de l'argent du monde économique, "yotou". Mais on ne peut pas gouverner le coeur du peuple par l'argent.

Q Ne pas pouvoir gouverner le coeur ? Mais Dentsu Co., Yasukuni, Shinzo Abé, y parviennent...
— Oui. Ils parviennent à formater l'opinion en contrôlant les médias. Par les médias c'est possible...

Q Je n'ai pas le sentiment qu'en France nous puissions changer grand chose par la seule liberté d'opinion. On est libre, une fois de plus, de s'exprimer dans son jardin mais en dehors il faut du temps...
— (Rires) C'est comme le Japon, alors. Je croyais qu'on y vivait plus libre.

Q Je ne partage pas votre option démocratique étatique. Pour moi l'Etat français est un ennemi de la liberté. Comme les systèmes traditionnels, en fait, il n'y a plus de spontanéité... Il y avait l'ancien régime, il y a maintenant un nouveau régime. Le nouveau est tout aussi dirigiste, manipulateur et prévisible que l'ancien...
— Et la révolution française, et l'égalité ?... A l'époque, seuls les rois et les aristos avaient des droits. Le peuple était considéré comme un insecte sans droit de vivre... Avoir la liberté est un atout. Je parle d'une évolution humaine.

Q Oui, je suis d'accord. Il y a bien une évolution mais institutionnelle plutôt qu'humaine.
— A mon avis, l'évolution concerne le peuple. Ses droits sont plus importants, plus forts tout au long de l'histoire. Si l'Etat cherchait à contrôler le peuple, le peuple résisterait.

Q Nous n'avons pas réussi a changer le comportement politique des élus par les seules lois. Les politiques ont réussi, par contre, à modeler le comportement politique du peuple à leur goût, comme le comportement des médias, de l'économie, du droit ou de la socioculture.
— Je ne sais pas comment sont les choses en France. Mais je ne crois pas qu'elles soient aussi tragiques. Je ne pense pas ainsi. Je crois que les possibilités de chacun se sont affirmées et que l'espace de chacun a augmenté.

Q L'élite, seule, arrive a changer ou à aménager sa vie avec des qualités substantielles, à faire pâlir un pauvre.
— Les élites au Japon sortent de l'université de Todaï, l'université de Tokyo. Ce sont eux qui entrent au service de l'Etat. Vous avez une démocratie vieille de 200 ans, non ?...

Q Le monde entier nous dit çà, l'Inde, le Bangladesh, le Pakistan, les Etats-Unis, l'Amérique-Latine, la Russie, le Japon aussi. Notre démocratie a seulement à peine plus de 200 ans...
— Tu fais allusion à Meiji (1868 -1912)... Mais la démocratie de Meiji était totalement inexistante. Je parle, moi, de la démocratie japonaise post-1946.

Q En France il y a eu la grande coupure napoléonienne. Napoléon a créé le droit civil, une arme de guerre (pour faire barrage aux monarchies totalitaires et héréditaires européennes). Il a, comme Meiji, réalisé un coup d'Etat. Un singulier progrès politique, en fait... Le peuple, le népotisme impérial, les armées hors de prix, les vieilles familles royales européennes plus ou moins vaincues, la chrétienté politique conspirationniste inquiète de son autorité bousculée, la conquête sanguinaire des nouveaux marchés par les capitalistes américains... La république cherchera son espace sous les cendres et dans le sang, dans un contexte de guerres et de violence insurrectionnelle. (Gambetta, Favre, Ferry proclameront la Troisième République en septembre 1870, puis il y aura le siège de Paris, la Commune....) Que sont devenues les valeurs républicaines et démocratiques ? Je me souviens, il y a peu, de l'Etat d'urgence de décembre 2005 et de cette statistique navrante : " Seulement 10% des étudiants français issus de foyers ouvriers sont admis à l'université ou dans les grandes écoles..."
— ...

Q Les pauvres, en France, n'ont pas accès aux libertés fondamentales, à la connaissance, à la transmission universitaire...
— Sans fortune les japonais ne vont pas davantage à l'université ou dans les grandes écoles. Les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres. Les riches sont d'un côté et les pauvres de l'autre. Les hautes classes ont établi un statu quo, de hautes études aux révenus très élevés.

Q -b Pensez-vous que la peur ou le refoulement du droit au Japon soit une source de non reconnaissance du droit des personnes et une source de criminalité dans les cercles du pouvoir et des affaires ?
— Je ne crois pas que le japonais ait peur des lois ou du droit. Nous n'avons simplement plus conscience du droit... Nous perdons la conscience du droit quand nous travaillons. Et puis l'on n'a pas besoin du droit ou de lois tout le temps, seulement quand il y a un crime ou un délit.

Q Les gens sont-ils protégés par le droit ?
— De moins en moins...

Q Les droits de l'homme ?
— Nous les aimons car nous sommes nombreux. "Le respect des lois ou du droit", cela sonne comme un vrai solgan (rires).

Q Connaissez-vous les tribunaux d'opinion contre Koizumi, Bush, Blair ?
— Non...Je pense que çà n'existe pas.

Q Il existe pourtant des procès d'opinion... L' I.C.T.I. par exemple, (nous apprendrons ces derniers temps l'existence d'un mouvement national de 5300 civils dans 11 grandes villes)
— Ah bon, très bien...

Q -c Je soutiens ces procès... Koizumi, Bush, Blair, criminels contre l'humanité.
Aimez-vous le droit et qu'est-ce que le droit pour vous ?

— Oui. J'ai une conscience qui veut que les lois protègent le droit de vivre.

Q -d Quel rôle doit jouer selon vous la Constitution ?
— Protéger la paix, la démocratie, les droits de l'homme. Les trois pouvoirs séparés sont garantis par la Constitution. Ces pouvoirs, en retour, protègent la Constitution. L'art 9 traitant du renoncement à la guerre dit clairement que l'on ne doit pas avoir recours à la force militaire. L'on a créé Jietaï et notre budget militaire est le second après celui des Etats-Unis. Notre direction s'éloigne de l'esprit de la Constitution. Nous ne parvenons pas à maitriser la situation faute de pouvoirs. La loi d'urgence de Koizumi, donc, doit être modifiée. Elle ne respecte pas notre Constitution.

Q -d Lui reconnaissez-vous actuellement une présence régulatrice et un quelconque pouvoir de justice ?
— Notre constitution est idéale, plus qu'ailleurs je crois. Nous aurons une lourde responsabilité durant la dernière guerre. C'était atroce. Nous étions liés à des dictateurs et à des Etats totalitaires. Trois dictateurs contre le reste du monde : Mussolini, Hitler, Hirohito... Nazisme, fascisme, impérialisme étaient unis contre les démocraties. L'actuelle constitution est née de cette expérience douloureuse. Elle est donc forcément pacifiste et démocratique excluant la dictature et respectant les droits de l'homme. Selon moi, cette Constitution était probablement l'une des Constitutions les plus idéales au monde. C'était un bon texte. Je voudrais ajouter, si tu permets, quelque chose d'important. Ce texte japonais, aussi imparfait qu'il soit, contrôle la vitesse de tout dispositif d'engagement étatique vers une nouvelle guerre. Une opinion extrême, irréversible, ne peut naître du fait de cette Constitution...

Q -f Que pensez-vous de son actuelle révision par Shinzo Abe ?
— L'année dernière Koizumi et Jiminto ont dressé une liste des réformes. Abé modifie déjà cette liste, selon son goût. Il pense parvenir à changer cette Constitution pour 2012. Je suis absolument opposé à cette modification.

Q -g Quelle serait selon vous la meilleure des Constitutions pour le Japon ?
— Je pense que nous avons déjà la meilleure des Constitutions.

Q Excepté l'article consacré au Tennô ?
— Cet article va probablement disparaitre, tôt ou tard. Cela dit, je pense réellement que c'est la meilleure... pour l'instant.



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Q 22 -a Vous venez de diffuser un nouvel ouvrage intitulé "Sous le drapeau, le secours de tous les peuples". Ce livre est consacré à la révolte des paysans d'Osé, notre village, ici, en Ibaraki. Les paysans, dont votre arrière-arrière-arrière-grand-père, refuseront de payer l'impôt exigé en 1876 par Okubo Toshimichi l'un des leaders de la restauration impériale, ministre de l'Intérieur de l'empereur Meiji. Les paysans d'Osé s'armeront de pics de bambous, de fusils de chasse et d'outils agraires pour lutter contre l'injustice.

Pouvez-vous nous expliquer le sens du titre de ce livre ?



"Sous le drapeau, le secours de tous les peuples"
— Une émeute de paysans en Ibaraki, Meiji 9 (1876) —  2006, Shigeru Kobayashi


Kobayashi "Baminkyu"... C'est-à-dire "sauver tous les peuples". C'était le slogan de l'époque. Les banderoles disaient : "le secours de tous les peuples". Il était question de libérer les peuples du joug de la réforme des impôts fonciers. On se réunissait alors sous le "drapeau", un tissu cousu sur une hampe et sur lequel apparaissait le slogan. Après avoir hissé le "drapeau", le groupe était conduit jusqu'à la préfecture.

Q -b Quel était le contexte socio-économique et politico-militaire de l'époque ?
— C'était une époque de transistion. Celle du passage du clan des Tokugawa (Ere des shoguns Tokugawa d' Edo, 1603-1868), du féodalisme, à l'empereur Meiji... Avant Meiji tu pouvais payer l'impôt avec du riz ou autre chose. Meiji avait besoin de beaucoup d'argent et de droits sur la terre (Il se servira). Il réformera les impôts fonciers. Il faudra, désormais, déposer de l'argent liquide. C'était un système d'imposition très moderne.
En France l'on passera d'un régime monarchiste à un régime républicain. Au Japon c'est un peu différent. Après la restauration impériale Meiji les aristocrates resteront au pouvoir... Les français appelleront cela une "révolution bourgeoise". Meiji opèrera donc une sorte de révolution bourgeoise mais ce ne sera pas trop sensible (en terme de biens ou d'avantage) chez les paysans et les ruraux d'Ibaraki.
Pour ce qui est du contexte politicomilitaire observons que le clan des Tokugawa au pouvoir était essentiellement composé de chevaliers et d'anciens samouraï. L'armée jouera un rôle important (dans l'organisation sociale-familiale). Après son coup d'Etat Meiji instaurera un service militaire... les plus robustes d'office, selon les besoins.(Il y aura également un examen médical : "apte pas apte"), les plus faibles seront choisis, toutefois, par tirage au sort... C'était des garçons de 20 ans.

Q A l'époque d'Edo il n'y avait pas de service militaire (conscription) ?
— Seuls les guerriers professionnels se battaient. Il n'y avait pas de conscription pour les paysans. Après Meiji les paysans et les artistocrates bien que mélangés seront tous visés. L'on recensera en temps de paix 31 680 soldats et en temps de guerre 46 350 soldats. Six garnisons verront le jour à Tokyo, Sendaï, Nagoya, Osaka, Hiroshima et Kuamoto. Après le coup d'Etat de Meiji les samouraï d'Edo connaîtront le chômage et survivront en devenant les cadres instructeurs de la nouvelle armée impériale. Les soldats de la conscription seront essentiellement des paysans.

Q -c Pourquoi ce conflit, combien de temps durera-t-il et qui l'emportera ?
— Il s'agira d'un mouvement d'opposition à la réforme des impôts fonciers. Okubo Toshimichi était le ministre de l'intérieur et avait tous les pouvoirs. Ce n'était pas, à proprement parler, un "gouvernement Okubo" mais Okubo dirigeait et gouvernait souverainement. Sanjô Sanetomi était le 1er ministre de l'époque. Bien qu'aristocrate il ne bénéficiera pas de plus de pouvoir. La réforme de l'impôt foncier, émanation du ministère de l'Intérieur, soulèvera le Japon. L'on comptera à cette époque une révolte (ikki) tous les mois.
Le mouvement paysan proprement dit débutera chez nous en avril de Meiji 9/1876 (création du yen/monnaie nationale en 1871, port du sabre interdit aux anciens samouraï en mars 1876 et ouverture de la bourse de Tokyo en 1878). Notre conflit, à Osé, se déroulera entre le 6 décembre et le 10 décembre 1876. Il y aura un soulèvement armé contre la préfecture. La préfecture gagnera. Nous perdrons.

Q ...
— Poursuivons. Tu demandes "qui a gagné la bataille ?... ". Je dirai que la préfecture a gagné policièrement. Oui, la répression a gagné mais nous gagnerons à un autre niveau en faisant accepter notre requête : "baisser les impôts". Le peuple a obtenu un droit nouveau. D'une certaine façon le peuple a gagné...

Q Des morts ?
— Oui. Côté préfectoral : 4 policiers tués (dont un chef), cinq blessés graves, deux blessés légers. Côté paysan : sept morts... et trois condamnés à mort : 1 décapité, deux pendus. Sous Meiji il y aura plusieurs catégories d'exécution.

Q Quelles catégories ?
— Le leader sera décapité... et les deux "sub-leaders" (lieutenants) seront pendus. Il faudra également un bourreau spécialiste.

Q ...
— En France vous aviez la guillotine... C'était très efficace, aussi, pour envoyer du rebelle par dessus bord (rires).

Q Ca fonctionnait pas mal, en effet, sous Robespierre... Risquiez-vous d'être décapité sous Meiji ?
— Oui, probablement.... (rires). Pas de doute là-dessus.

Q Votre ancêtre ?
— Il a été pendu...

Q "Subleader" ?
— Oui, oui, il était l'un des deux subleaders.

Q Avez-vous été élevé dans la consience de cette histoire familiale ?
— Oui, oui... Ma mère a maintenu vivante cette histoire. Pas mon père. Mon père ne voulait pas. Cette histoire n'était pas assimilée à une histoire d'anciens combattants ordinaire. A l'époque, les révoltés, étaient considérés/traités comme des hors-la-loi. Mon ailleul était considéré comme un criminel. Mon père ne voudra plus en entendre parler... Ma mère, si. La préfecture enfermera 26 personnes et la police infligera au total 1064 amendes.

Ose Ikki Gimin hi
Stèle à la mémoire du "peuple juste" (des révoltés d'Osé ikki)
Ose ikki Gimindo Gimin noms
"Gimindô" autel des victimes d'Osé ikki (gauche)
Noms des paysans et des policiers morts (droite)


Q Les lois sécuritaires changeront-elles ?... Contrôle de police, assignation à domicile ou interdiction de sortie pour les familles liées à la révolte, etc... ?
— Il y aura beaucoup de "dégâts" et un regain d'espionnage côté préfecture. On cherchera à contrôler les mouvements de populations. Avant les évènements il n'y avait pas de poste de police, ici, à Osé/Ogawa. Plus tard, en Meiji 15/1883, il y aura un très important poste de police. Beaucoup plus important que celui d'aujourd'hui (rires)... Le pouvoir avait peur, je crois.

Q La police aura-t-elle peur avec le barrage, "Kobayashi recommence" ? (rires).
— (Rires) non, non... C'était une époque différente. Il n'y aura pas d'espionnage ou d'enquête spéciale (sauf une fois, le Kôan, à propos des indemnités). Je suis pacifiste et démocrate, tu sais...

Q Zapatiste (rires)...
— (Rires) Non... pas du tout, je suis très différent. Faire bouger les droits civils pacifiquement, oui. C'est mon objet; les civils d'un côté, les gouvernements de l'autre.

Q C'est également le mien... Notera-t-on d'autres révoltes ?...
— A cause de l'impôt foncier ? Oui. Il y aura Osé ikki (Osé/Ogawa), Mié, Gifu, chaque mois une nouvelle révolte (ikki). Chaque province ou préfecture était plongée dans une condition de souffrance analogue. Il y a aura bien d'autres mouvements mais sans concertation au niveau national. Nous n'aurons pas d'influence sur les autres mouvements, et inversement. Techniquement, il était difficile de communiquer entre préfectures. Les évènements conduisaient (à une certaine étanchéité entre les provinces). Personne n'avait vraiment le moyen de savoir s'il y avait des contrôles de police chez le voisin... Osé ikki était en marche mais c'était partout Osé ikki !!

Q Tout le Japon ?
— (Un peu partout) mais chaque mouvement n'aura pas la gravité de celui d'Osé. Notons, encore une fois, que cette "affaire nationale malgré elle", influencera durablement le débat démocratique au Japon puisqu'elle contribuera à la création d'une assemblée, précisément, nationale. Nous passerons, donc, d'une représentation régionale à une représentation nationale.

Q Les mouvements paysans (violents et non violents) ont donc amorcé un processus irréversiblement civil, citoyen et démocratique...
— Les mouvements paysans pour les libertés... Auparavant des assemblées régionales existaient mais l'Assemblée Nationale n'existait pas. Les comités de fonctionnaires régionaux réunis à Tokyo, jusque là, discutaient entre eux mais sans aucune organisation nationale. L'Assemblée Nationale sera créée en Meiji 22/1889 (11 février 1889, promulgation de la Constitution; 1er juillet 1890, première élection générale à la Diète, 25 novembre 1890, ouverture de la première session parlementaire, Chambre des Députés & Chambre des Conseillers). Tous les mouvements revendicatifs paysans, tous les collectifs régionaux, contribueront aux premiers débats nationaux parlementaires.

Q -f Doit-on comprendre à travers ces deux ouvrages "L'histoire du barrage illusoire" et "Sous le drapeau, le secours de tous les peuples" que l'injustice sociale justifie - dans certaines conditions historiques - tantôt l'opposition non violente, tantôt l'insurrection (fatalement armée) ?
— Il existe une grande différence entre la violence et la non violence... Une requête pacifique adressée, à l'époque, aux autorités politique de Meiji était impossible. Seuls les moyens violents étaient possibles. Aujourd'hui, la violence ne s'impose plus. Nous n'en n'avons pas eu besoin durant l'affaire du barrage. De toute façon, je suis non violent.

Q Pourquoi ce sujet de recherche ?
— La lutte antibarrage d'Ogawa et la révolte paysanne d'Osé sont deux évènements spécifiquement régionaux. Je n'ai pas trouvé de sujets plus évidents. Je souhaitais depuis longtemps aborder la révolte d'Osé afin de traiter la question du pouvoir criminel... Ce sera la problématique de ma recherche et même l'objet de ma vie d'historien, l'étude approfondie du pouvoir et de l'autorité. La relation entre le peuple et le pouvoir autoritaire est au coeur de toutes mes activités et préoccupations.

Q Vous présidez le Club des historiens d'Ogawa et vous dirigez une revue d'histoire. Ces historiens ont-ils enquêté avec vous sur le sujet, étudié les documents ?
— Il s'agit, plus exactement, du "Club des Recherches Culturelles sur le Pays Natal d'Ogawa". Certains confrères se sont spécialisés dans la recherche locale, l'étude historique des villages, des noms (le nom de Kainoské (Kamiosé), etc... ), des pierres gravées, des traces, des jalons depuis Edo, la micro-archéologie, l'étude des annales, des documents d'archive, des rapports anciens de la police.

Q -i Vous étudiez le rapport existant entre la puissance et la guerre. Que voulez-vous démontrer ?
— J'ai assisté à différentes conférences à Tokyo. J'y ai rencontré des professionnels du Moyen-Orient, du conflit américano-irakien, de l'Afghanistan. Il apparaissait clair à tout le monde que si l'on s'amusait à tripoter la mosaïque d'un pays quelconque, à "bidouiller" des rapports artificiels ou superficiels avec les ethnies, les communautés religieuses, les cultures, cela déclenchait un processus de destruction, cela précipitait le pays dans le chaos...

Q Comment se manifeste le double processus japonais de la puissance et de la provocation envers les vosins... Le débordement ? Quelle explication fournissez-vous ?
— Je pense qu'il y a une tendance depuis la restauration impériale de Meji au developpement militaire qui se résume dans sa phase moderne à : "être comme les occidentaux" alors que le pays n'a pas de ressources naturelles. Il faudra "pomper" ces ressources ailleurs. Il y aura donc des guerres. Pensons aux invasions japonaises de la Russie, de la Chine, aux objectifs stratégiques de l'Asie du Sud-Est qui déclencheront les offensives américaines contre le Japon...

Q Vos études sur le rapport du peuple au pouvoir (à l'Etat)...
— Je pense que le mouvement civil (ou citoyen) est parfaitement justifié. Même s'il y a parfois un débordement violent. Il s'agit d'une réaction très naturelle à l'autorité qui fait souffrir. Ici, bien que je ne cautionne pas l'usage de la violence, les révoltes violentes me paraissent justifiées...

Q 23 Dans un précédent entretien vous direz que la chose la plus importante était la démocratie. Le philosophe français Jacques Rancière (8) et le sociologue québécois Pierre Mouterde (spécialiste de l'Amérique Latine) pensent que la démocratie est l'espace politique privilégié des gens sans naissance, qui ne sont rien, qui n'ont pas de titre de noblesse à faire valoir. La démocratie serait une interruption dans l'histoire du pouvoir de l'ancêtre et de la richesse, de ceux qui sont les garants du rapport aux divinités... Une vue d'autant plus importante quand on sait le poids de la tradition des ancêtres, des grandes familles, de l'empereur (tennô), de la richesse, des divinités...
R Oui, oui, je suis d'accord avec ces propositions.

Q La démocratie serait une interruption de la richesse ?
— Oui... Si l'on admet qu'au début il n'y avait ni riche ni pauvre, mais c'est le point de vue d'un paysan. Certains pauvres s'enrichiront au détriment de leurs frères. Il y aura des riches et des pauvres issus de pauvres naturels... Aux âges primitifs nous étions tous pauvres et égaux.

De fil en aiguille
Je pense à une histoire indienne du IVème siècle, aux réserves de grains alimentaires... Le gardien des champs et des réserves de grains choisi pour sa moralité administrera, par la force des choses, un territoire de plus en plus vaste. Le pauvre et modeste gardien deviendra raja, puis propriétaire, lèvera l'impôt, se fera le défenseur armé des réserves contre les voleurs. Le raja deviendra roi et lèvera une armée pour se défendre d'une invasion. De victoire en victoire il deviendra le garant des dieux et du royaume...
"R : La base de la démocratie c'est le même droit accordé à tout le monde, riche ou pauvre. La démocratie c'est aussi le droit de vote, dès l'âge de 20 ans, à l'époque les japonaises n'avaient pas ce droit... Seule une personne par foyer détenait ce droit antidémocratique. C'était le Japon de tennô...
Q : ...
R : Cela dit, constitutionnellement, tennô n'a pas le droit de vote, ou le droit à la libre expression... Il n'a pas non plus le droit de se marirer avec qui il veut... Il n'a pas d'histoire privée. Ce genre de tradition est contraire à la démocratie. Tout est controlé par le ministère. Ce n'est pas pour rien que la princesse Masako est devenue folle...

*Apropos de la révolution classique et du conflit comme une donnée de fait
"L'appropriation des moyens de production par les travailleurs en Europe de l'Est, écrira André Thibault, avait autant d'authenticité que l'Illiade en version hollywoodienne : les images donnaient le change, mais le sens n'y était pas. (...) L'Etat dit socialiste a dû se donner un pouvoir politique encore plus dur que le pouvoir économique des capitalistes privés, en ajoutant l'oppression à l'exploitation. Autrement dit, lorsque cet Etat a fait main basse sur les usines, il a réalisé par d'autres moyens la concentration du pouvoir économique que l'accumulation avait permise en régime libéral.
"(...) Entre les sociétés qui se présentent comme libérales et celles qui furent basées sur le capitalisme d'Etat et qu'on disait "en transition vers le socialisme", les rapports de production se sont avérés de simples variations sur un même thème : à l'Est autant qu'à l'Ouest, les salariés vendaient leur force de travail, la division des tâches séparait l'être humain du produit de son activité, sa rémunération était rarement équivalente à l'effort qu'il avait fourni, la conception demeurait généralement séparée de l'exécution"...
André Thibault nous proposera pour clôre ce débat une réflexion axiale sur les luttes classiques, les conflits sociaux et la place qu'elles/ils occupent sur la scène sociopolitique aujourd'hui : "Je reconnais que le conflit est une composante inéluctable de la vie en société. Mais quoi qu'en ait pensé grand papa Marx, je vois le conflit comme une donnée de fait, non comme une valeur en soi dépositaire de quelque mystérieuse primauté philosophique...
"(Par contre) je perds toute tolérance dans les cas où l'entreprise pratique des formes grossières d'exploitation, quand elle traite ses employés comme de simples facteurs de production, quand travailler à l'usine réduit l'espérance de vie.
"Je souhaite (donc) une mise à jour de la critique, principalement sur le terrain de l'organisation du travail. La dimension des activités des entreprises, le type de productivité recherchée, dépossèdent de leur activité des travailleurs de tous niveaux. Le rôle de chacun est encadré au point d'être étouffant. Les grandes administrations semblent condamnées à cette absurdité qui les limite dans leur essence même. Au fond, je souhaite à tous ceux qui ont besoin de s'actualiser dans leur métier ou leur profession de trouver du travail ailleurs !..." (Extrait de notre critique de Ses propres Moyens, Ch.III, L'Economie et le travail, essai de sociologie et de philosophie d'André Thibault, Editions Nota Bene)


Q 24 Pierre Mouterde écrira dans un entretien autour de son essai "Repenser l'action politique de gauche" : "la révolution (on pourrait dire aussi la rupture démocratique) est d’abord et avant tout un acte d’affirmation et d’auto défense collectif... Elle est aujourd’hui moins ce qui nous ouvrirait à un avenir prometteur que ce moyen dont nous disposons pour arrêter la catastrophe »".

Etes-vous en accord ou en désaccord avec cette approche ? (9)

R Le mot "révolution" n'existe plus. Ce concept est mort... Je crois que cela tient au fait qu'au Japon la notion de lutte des classes n'est pas concevable. Pourquoi ? Parce que nous sommes une nation sans classe... La révolution française s'est produite sur la base de la lutte des classes. Les classes étaient sensibles et réelles. Il y avait, pour simplifier, les dominants et les dominés. "La classe d'en bas" a renversé la situation. La situation s'est bien renversée au profit d'une classe... (Autre aspect des choses), la révolution est toujours violente et relève d'une confrontation physique tandis que le fondement de notre démocratie japonaise (1946) est le vote (c'est-à-dire constitutionel). Ce n'est pas le cas de la révolution. Notons que même s'il y a encore des "différences" (sociales, le vote est garanti). Si tu maintiens le droit de vote il ne peut y avoir de violence... Renverser la situation "par les pauvres" au Japon serait difficile voire impossible car les pauvres, chez nous, ne sont pas une classe au sens (marxiste du terme). Ils auraient, par le fait, toujours du mal a gouverner. Il n'y parviendraient pas même s'ils pouvaient renverser l'échelle des valeurs à leur avantage. La démocratie politique contemporaine par contre est le support historique de la "révolution par la paix", ou "la paix par le vote..."* A contrario, toutes les révolutions historiques, russe, chinoise, cubaine, française, (américaine), se sont déroulées dans la violence extrême...

Q 25 "L'histoire n'est pas ce qui nous reste du passé - pas plus qu'elle n'est le progrès ou même la civilisation, l'art, la philosophie - une sorte d'histoire des vainqueurs... faire oeuvre d'historien ne signifie pas "comment les choses se sont passées", mais s'emparer d'un souvenir tel qu'il surgit au moment du danger...L'histoire serait l'expression de nos liens cachés à la souffrance oubliée, des correspondances au passé censuré des vaincus"...

Que vous inspire cette conception philosophique benjaminienne de l'historien et de l'histoire ?

R L'histoire est vivante. Elle n'est pas "ce qui reste du passé". L'histoire officielle serait une sorte d'histoire des vainqueurs ? C'est la vérité, les vaincus n'apparaissent pas...

Q Les vainqueurs parlent en terme de victoire... Victoire du droit, civil, pénal, commercial, public, ... en terme de destruction des "sociétés indigènes" (traditionnelles) pour imposer une démocratie bourgeoise avec son sens très restreint de l'individu, entité juridique (clef des marchés)... Civiliser, donc, signifie habiller ce qui "n'est plus"... promouvoir une idéologie dominante, également, sous la forme de l'art officiel, de l'architecture monumentale, etc....(Lowy traitant le concept d'histoire de Benjamin) ?
— Oui, je suis d'accord. Je pense qu'il est indispensable d'appréhender l'histoire sous l'angle des défaites, des vaincus et des opprimés. Je suis d'accord avec Benjamin. Il est très difficile de faire apparaitre l'histoire des vaincus. Tout le monde sait comment Rome a été créé (les victoires militaires, la domination politique, la cruauté, les césars). Oui, tout le monde sait. Je n'ai par contre rien lu (avec un rayonnement similaire) sur les qualités des esclaves et des gladiateurs.

Q Hollywood l'a fait et le fait (rires) ?
— Ben-Hur, Gladiator... (rires).

Q Benjamin (qui s'inspirera également du romantisme) dit que faire oeuvre d'historien ne signifie pas comment les choses se sont passées, mais s'emparer d'un souvenir tel qu'il surgit au moment du danger... Il propose un lien moderne au passé.
— Oui, oui. Ici, il ne transcrit pas. Le "fait passé" est projeté comme un élément (ou un tout) éclairant dans notre présent. Je peux également concevoir sur la base d'une telle projection une vérité d'expérience, une pensée de sagesse voire une pensée ayant la force d'une morale...

Q Cette histoire, celle des révoltés d'Osé, était-elle un souvenir ou l'expression d'un danger ?
— J'ai souhaité faire apparaître (ou projeter) Meiji aujourd'hui. Le passé conflictuel est conforme à mon sens du danger contemporain; ce passé je le souhaite projeté dans notre présent, comme un regard contemporain sur la diminution de notre liberté d'expression, diminution et difficultés des oppositions (civiles et politiques). Nous avons de moins en moins d'espace... C'est ainsi que j'appréhende notre révolte de 1876, en la projetant dans l'injustice de notre temps. Si le lecteur voit les choses ainsi, tant mieux. Un de mes lecteurs japonais me dira, à propos du livre sur le barrage d'Ogawa, qu'autrefois notre opposition civile était "ikki", c'est-à-dire une émeute violente (l'on dit du reste Osé-ikki, pour la révolte paysanne d'Osé). Il a raison, autrefois, nous aurions été obligés de concevoir une action violente... J'ai réellement souhaité dans mon approche historique un parallélisme autant qu'un surgissement du passé dans notre époque dangereuse (Kobayashi me dira lors d'un entretien ultérieur : "durant la période d'Edo - 1603/1868 - l'on recensera 3000 ikki, mille ikki par siècle...").

Q 26 Eric Hobsbawm abandonnera le militantisme communiste dès les années 1950 pour régler les tensions psychologiques qui naitront de son adhésion au PC britannique (autodissout en 1991), de son goût pour l'idéologie politique et de sa vocation pour la recherche et l'histoire. Il se repliera sur son métier d'historien.
Vous plongez dans l'histoire civile, extrêmement détaillée, la mémoire de la résistance paysanne d'Osé, votre région natale - qui est également le théatre de l'opposition au barrage d'Ogawa - vous vous rapprochez, sans en être membre, du Parti Communiste japonais. Votre démarche est inverse.

Comment l'expliquez-vous ?

R Je dois te dire, avant toute chose, que je n'aime pas les partis politiques. C'est important à préciser, plus encore le Parti Communiste. (Cela dit, Horié Kakuji, le leader du PC d'Hitachiomiya -voir photo ci-dessus-, est un ami paysan de toujours et il a besoin d'un coup de main. Nous nous sommes vus, tu étais là avec Mami, lors d'une conférence de soutien peu avant les dernières élections. J'ai soutenu l'ami, vrai; situation off). Mais je ne suis pas membre du Parti même si j'ai fait l'éloge, à la tribune, de sa probité et de son intégrité politique et sociale. Cela dit, je ne te l'apprendrai pas, la tendance du PC est d'être "hyper non transparente". Ce parti est très sectaire et je m'en méfie. Mais quand j'envisage l'avenir d'Hitachiomiya, la politique locale et nationale, je conçois une stratégie électorale. Il paraît indispensable, compte tenu des forces conservatrices en présence, que le PC ait plus de pouvoir, c'est vital pour la démocratie participative. Mon soutien vise donc à créer plus d'espace pour l'opposition démocratique. Mon aspiration au communisme est à comprendre en ce sens.

Q Comment liez-vous pensée politique et histoire ?
— Quand on pense on ne peut-être a-politique. Aucun historien n'est fondamentalement sans pensée politique. L'historien n'est pas neutre selon moi... Je suis fondamentalement un "social-démocrate". Je ne fais pas allusion au Parti Social Démocrate japonais mais à l'espace social-démocrate de l'héritage communiste de notre région. Je ne suis donc pas communiste au sens partisan ou exclusif du terme. Je me sens seulement proche des acteurs sociopolitiques locaux et d'un "espace communiste" régional historique, social et démocratique.
Le communisme japonais se vit davantage avec le peuple et très peu, selon moi, en terme de représentation parlementaire. La raison est qu'aujourd'hui, au Japon, on ne négocie plus que sur la base politique du bien-être et de la qualité du vieillissement. On vit au sein d'une démocratie sociale. Il faut donc se positionner par rapport à cette démocratie sociale... La pensée communiste (traditionnelle) consiste en une force centralisée de la mobilisation et du militantisme. Je n'aime pas cela. C'est politiquement et individuellement beaucoup top dirigiste. Je n'aime pas la centralisation du pouvoir politique et le parti s'impose le plus souvent comme tel. Le PC est centralisé. La spécificité des problèmes régionaux est lavée et relavée pour être traitée de façon globale à Tokyo. Ce n'est pas compatible, à mon sens, avec la région politique et la vie politique locale que je veux vivre pleinement.

Q C'est le problème de la centralisation étatique. "La démocratie c'est le pouvoir (garanti) de la minorité" dites-vous, mais au fond c'est aussi la lutte permanente pour le pouvoir central... la domination d'un seul parti. Ce n'est pas seulement un droit fondamental de l'homme. C'est aussi une douloureuse lutte, incessante. C'est ce qui contribue aussi à la violence institutionnelle. Le rapport de l'Etat à l'individu est faussé du fait de la centralisation de la délégation... C'est également une cause de l'autoritarisme.
— La démocratie est avant tout non violente.

Q La conquête du pouvoir politique est plutôt violente, même dans un espace démocratique. Les élus se battent pour régner. La démocratie est désormais l'expression d'une domination. Un rapport de délégation sans retour...
— Le marxisme est violent aussi (dans sa phase révolutionnaire armée traditionnelle), non ?

Q Pour moi, Marx, est un économiste-historien et un philosophe politique. Il propose une réflexion qui permet à ma conscience de s'interroger radicalement sur les difficiles questions du capital, du travail, des marchandises...
— Lénine l'a appliqué. La conquête du pouvoir, ici, se traduira par la révolution.

Q La démocratie serait aussi l'espace de la lutte pour le pouvoir...
— Oui oui je comprends.

Q Vous faites une recherche sur l'autoritarisme et ses causes mais en même temps vous refusez d'admettre que la démocratie contemporaine soit devenue un espace partisan autocratique sur une base électorale. L'élu ne serait plus un délégué au service du peuple mais le représentant d'un pouvoir personnel.
— Le Japon, je le déplore, c'est vrai, n'est plus démocratique (au sens stricte) car l'autorité contrôle le peuple.

Q Certaines entreprises veulent un Etat pour la bonne marche de leurs affaires et d'autres cherchent à l'anéantir pour les mêmes raisons...
— Oui, les grosses entreprises japonaises ont beaucoup de pouvoir. Elles oeuvrent avec un objectif commun... "Business". Tandis que les PME-PMI revendiquent leurs droits tout en refusant de subir le droit.

Entreprise japonaise, entre profit transnational et éthique du mensonge...
Je pense au scandale d'août 2006, celui de la firme bouddhiste Mitutoyo Corp., n°1 mondial de la micromesure, à l'arrestation de ses 5 exécutifs dont le président Kazusaku Tezuka et le vice-président Norio Takatsuji... Une entreprise clef dans le programme nucléaire iranien puisqu'elle était chargée des mesures de l'effet centrifuge dans le processus d'enrichissement de l'urnanium.
La police métropolitiane de Tokyo fera irruption dans les locaux de la Mitutoyo Corp. en février 2006 après trois années d'enquêtes menées collatéralement par l'International Atomic Energy Agency (IAEA) sur des fraudes à l'exportation. Ici, il s'agira de la vente frauduleuse d'appareils ultrasophistiqués de mesures électroniques 3-D. Les pays poursuisant un programme nucléaire sous contrôle international ayant acheté des apparareils 3-D de la Mitutoyo Corp. seront principalement, ces dernières années, la Chine, la Libye, Singapour, la Malaisie, l'Iran et très probablement la Corée-du-Nord.
Mitutoyo Corp. entreprise patriarcale pratiquant le culte de l'ancêtre en début de journée, "la sagesse, la bienveillance et la valeur pour devenir un homme complet" utilisera des sociétés écrans étrangères pour duper les douanes, le Ministère du Commerce Extérieur (MITI), l'IAEA, produira de fausses licences et fournira de fausses déclarations pour 25 000 machines de mesures en pleine violation des Lois sur les échanges extérieurs et le commerce extérieur.
Cette affaire prendra corps, en fait, au tout début des années 1990, années importantes dans l'histoire du marché noir international du nucléaire qui inclus également l'écoulement d'armes nucléaires. La Mitutoyo Corp. vendra ses machines de mesures sur ce marché noir international du nucléaire.
Je me souviens que quelques années auparavant j'étudiais le bouddhisme mahayana japonais de l'école amidiste du jôdoshinshû à partir des collections de soutras du Tripitaka (les Trois Corbeilles ou enseignements de bouddha Sakyamuni) du Bukkyo Dendo Kyokaï, association de recherche bouddhique et de traduction, aujourd'hui planétaire, fondée en 1965 par le milliardaire bouddhiste nationaliste japonais Yehan Numata, Berkeley/Tokyo. Le Révérent Dr. Yehan Numata se distinguera en tant que le fondateur et président de la Mitutoyo Corp..
La mort du Révérent Numata surviendra en 1994, année de l'inauguration d'une fililale en Corée-du-Sud, alors que les ventes de machines de mesures de la Mitutoyo Corp. sur le marché noir international du nucléaire étaient déjà, probablement, en plein essor (Coroporate philosophy). Notons enfin que de nombreuses filliales de la Mitutoyo Corp. dans le monde seront certifiées conforme aux normes internationales de la qualité de service ISO 9002 dès 1993, soit un an avant sa mort. (C.P)


Q Les PME PMI auraient également un rôle à jouer pour la paix. L'entreprise ne serait plus, dans ce cas, un "espace moral" garanti pour la droite et la conservation (Thibault).
— Oui oui... Cela dit, les chefs d'entreprise, petits ou grands, ont les mêmes tendances... Au Japon, les PME-PMI sont avec Jiminto tandis que leurs employés peuvent être pauvres et même communistes. Les chefs d'entreprises (PME-PMI) sont également très élitistes et se croient suprêmement protégés par Jiminto. Il n'y a pas de chef d'entreprise de gauche au Japon.

Q Certains d'entre eux sont bouddhistes et souhaitent vendre à bas prix pour les pauvres... mais avec le temps deviennent de véritables empereurs capitalistes transnationaux, intraitables et tricheurs (Août 2006, scandale de la Mitutoyo Corp. du Rev. Yehan Numata).
— Oui...

Q Il y a également des chefs d'entreprises chrétiens altruistes, mais avec le temps et la pression du marché changent et deviennent nationalistes, militaristes, autoritaires et... ultra captalistes.
— Oui... Que dire...

Q Les cultures devrait penser a préserver leur originalité ou plutôt leur intégrité fondamentale.
— Se faire respecter, oui, ethnies et religions.

Q Pourquoi ne pas favoriser la culture horizontale des réseaux solidaires, abandonner la culture verticale et la représentation ?
— Tout à fait. Je suis d'accord avec toi. "Imposer une pensée aux autres" ne vaut rien. La guerre américano-irakienne, j'insiste, le prouve. Cette version de notre histoire est absolument odieuse...

Q Est-ce la paix à Ogawa ?
— C'est la paix. Mais il y a tout de même beaucoup de petits conflits. D'ailleurs...

« Fin »



Yajirushi R [ 1 ] [ 2 ] L'histoire du barrage illusoire


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Notes

[ 1 ] Rappelons ici que le processus historique de fusion administrative des communes enclenché depuis Meiji (1889) réduira le nombre de communes de 71 314 à 15 859 et aboutira au final à 1822 communes lors de la dernière Grande Fusion de Heisei de 2005... Selon le Pr. Takaharu KOHARA la seule préfecture d'Ibaraki accusera en 2005 une diminution de 51.8% de ses villes et communes, le nombre passera de 85 à 44.

[ 2 ] Vous proposez comme repères historiques les innondations catastrophes de Meiji 23/29/35, Taisho 3/6/9, celles de Osé 21 morts, 36 maisons disparues, d'Hizawa, 4 morts...

[ 3 ]
a ) - Notons que le chiffre d'affaire mondial de l'industrie des barrages - 45 000 constructions dont plus de 35 000 après la seconde guerre mondiale - diffusé par la Commission Mondiale des Barrages est estimé à 42 milliards $ US en 2000
b ) - Impact des grands barrages sur l’environnement humain et naturel, Ewa Mariéthoz, CUEH
c ) - Les barrages et le risque sismique
d ) - Making Every Drop Count... .We drink it, we generate electricity with it, we soak our crops with it. And we're stretching our supplies to the breaking point. Will we have enough clean water to satisfy all the world's needs ? by Peter H. Gleick
e) - Voir les abondants documents actualisés de nos amis belges d'ACME, Association pour le Contrat Mondial de l'Eau
f ) - Water Resources Development Promotion Law, the seven river systems, ..."The basic plans are determined by the Cabinet, in consultation with related ministries, by hearing opinions of related prefectual governors and the National Land Development Council..."
g ) - Water Resources Development Promotion Law
h ) -Tone River System 1962 and Ara River System 1975
i ) - Japan Water Agency, JWA projects, Project implementation procedure,
j ) - Plan type (cliquez ci dessous) de la consommation d'eau et du cycle hydrologique au Japon selon les gouvernements néolibéraux Koizumi et Abé. Si l'on sait que l'essentiel de la consommation en eau des personnes et de l'agriculture provient des rivières et des sous-sols, l'on observera, ici, sur cette représentation, qu'elles sont quasi inexistantes. Selon une lecture développementiste néolibérale l'essentiel des approvisionnements en eau et du développement industriel, urbain et agricole, reposerait sur une stratégie à long terme du barrage... Notons aussi qu'en période de réchauffement les nuages chargés d'eau sont devenus intelligents puisqu'ils s'arrêtent soit sur les stations de sport d'hiver soit sur les grands barrages. Les rivières et les nappes souterraines qui font la spécificité du Japon évitent par contre consciencieusement et disciplinairement les sous-sols ruraux du pays, lesquels, ici, ne sont pas représentés, et ne seraient exploitables, en appoint, qu'en lisière des mégapoles.
k ) - Barrages dans la région du Kanto, barrages voisins d'Ibaraki
l ) - Réseau hydrologique national, MLIT,
Yoshinogawa, Tokuyama, Ms Reiko Amano Society against Nagara River Estuary Dam Construction Dams in Japan with a Special Focus on the Nagara River
m ) - Coup d'oeil solidaire en Inde, très bon document lié à notre propos antibarrage au Japon et dans le monde : "Le débat sur la Narmada : l'Inde face au dilemme des grands barrages, Jean-Luc Racine, CNRS.
- Jetez un coup d'oeil également sur les catastrophiques propositions du gouvernement fédéral indien pour la Narmada. Le gouvernement japonais injectera 200 millions de $ pour ce projet hydrologique ... mais le mouvement "Sauvons la Narmada" de Medha Patkar aura le dessus y compris face aux technocrates de la Banque Mondiale - 400 millions de $ - à Washington et à Tokyo, lignes de crédit fermées en 1990,
- Linked222 soutient par ailleurs le Narmada Bachao Andolan (NBA) et les Amis du Fleuve Narmada.
n ) - Coup d'oeil solidaire en Chine
Help Protect China’s Nu River for Future Generations,
"Your help is needed to keep the Nu (Salween) River in China flowing freely. The river is one of only two undammed rivers in China. The Yunnan Provincial government plans to construct a series of up to thirteen dams on the Nu River. The river forms part of the Three Parallel Rivers World Heritage Site, which is known to be one of the ecologically richest temperate regions of the world. The area contains over 6,000 different plant species and is believed to support over 25% of the world’s and 50% of China’s animal species. The dams will threaten the rich biodiversity of the area, affecting many rare and endangered species. Despite concerns about the dam impacts, the Chinese government plans to approve construction of the projects without releasing the environmental impact assessment (EIA) to the public...." et IRN’s Southeast Asia Campaign,
o ) - Coup d'oeil solidaire en indonésie.
Indonesian dam-affected communities break the information blockade, welcome Japanese Diet members (méfiance donc)... "The five Japanese parliament members from the Liberal Democratic Party and Social Democratic Party made a visit to Kampar on August 21. This visit dealt with the claim the dam-affected people made in Tokyo's court due to the construction of PLTA Koto Panjang dam. These five Japanese representatives are willing to witness the condition of people who became victims of the construction of PLTA Koto Panjang, where the fund came from Japan. The five Japanese parliament members were Nikise Daimon, Haku Sinkum, Yusuke Suroho, Takeaki Kasimura and Maekawa. They were accompanied by three activists from Japan Bank Information Centre (JBIC), and the other two persons from Japanese Ambassador in Jakarta. Their visit was welcomed by the mass action about the relocation of dam-affected people..."
L'Indonésie (comme la Chine, les philippines, l'Asie du Sud-Est) fait toujours partie des projets de l'empire néolibéral japonais et bien entendu du PLD pro-américain. Shinzo Abé a tout récemment exigé de l'Indonésie qu'elle abaisse ses barrières commerciales sur les hydrocarbures, alors que Thomas Shieffer ambassadeur US à Tokyo exigeait que Shinzo Abé abaisse les barrières commerciales du marché agricole japonais pour écouler la surproduction agricole US (riz, blé,...).
En aout 2006 des parlementaires japonais du PLD se sont rendus en Indonésie pour soutenir le mouvement d'opposition au barrage PLTA Koto Panjang co-financé par le Japon.
Les nombreux gouvernements japonais depuis 1936 ont toujours une affection particulière pour les hydrocarbures indonésiens, les systèmes hydrologiques asiatiques en appui sur le FMI et la Banque Mondiale et l'islam en Asie, trois platerformes du renseignement pour Koizumi et Shinzo Abe en appui sur un projet de "super Naicho "(Cabinet Information Research Office). National Security Council sous une autre forme, une structure du renseignement de plus au service de la politique sécuritaire globale asiatique, des zones de libre-échange nippo-asiatiques (supports notamment du marché stratégique de l'eau, de l'industrie des barrages et des hydrocarbures) et nippo-américaines...
p ) - Coup doeil sur les résistances japonaises ...
Suigenren, Kawabegawa, Nagaragawa, ... ASLE-Japan (the Association for the Study of Literature and Environment in Japan)
q ) - No more dam illusions, the growing success of dam opponents in Japan & Environmental NGOs' International Symposium on Dam The Citizens Campaign to Save the Nagara River : Raising Consciousness and Concern Regarding Public Works Projects
r ) - STATUS REPORT OF PLANNED DAMS IN EAST AND SOUTHEAST ASIA

[ 4 ] Bref aperçu historique sur le nationalisme, les dérives fascistes et religieuses, le militarisme des années 1970-1980 au Japon
a ) - "Il va sans dire, écrira le maître zen Yasutani Hakuun (1887-1973), que les dirigeants du Syndicat des enseignants sont à l'avant-garde des faibles d'esprit (...) de concert avec les quatre partis politiques de l'opposition, le Syndicat des travailleurs de la fonction publique, l'Association des jeunes juristes, la Ligue des citoyens pour la paix au Vietnam, etc., ont entrepris de trahir la nation... Les universités que nous avons doivent être écrasées une bonne fois pour toutes..." (Zen en guerre, Brian Victoria, Seuil, septembre 2001)
b ) - 1975, publication au Japon de "Religion et Fascisme" par le bonze zen Ichikawa Hakugen et à New York de "The Crisis of Democraty. Report on the Governability of Democraties To The Trilateral Commission", en fait pamphlet contre la démocratie, écrit par les politilogues et sociologues Michel Crozier, Samuel Huntington, Joji Watanuki.
c ) - L'office central des sanctuaires -organe gérant les intérêts des sanctuaires shinto privatisés après la guerre - préconisait en 1979 dans sa plate-forme d'action le développement d'un mouvement de normalisation de l'éducation "ayant pour axe le maintien du prestige de la Maison Impériale" :
"1 - promotion d'une éducation renforçant l'esprit de solidarité nationale, l'affection et la révérence envers la Maison Impériale.
"2 - promotion d'une éducation développant l'esprit du patriotisme, le respect de l'hymne et du drapeau national.
"3 - promotion d'une éducation du sentiment religieux, inculquant le respect des dieux et des ancêtres.
"4 - promotion d'un juste enseignement de la langue japonaise et de l'histoire, respectueux des traditions et des mythes.
"5 - promotion d'une éducation visant à réhausser la morale nationale et appuyée sur le rescrit impérial sur l'éducation.
d ) - Janvier 1983 : A Washington, M.Nakasoné, 1er ministre, fait part de sa volonté de faire du Japon un "porte-avion incoulable" et à la Diète, dans son discours de politique générale, évoque le "bilan général de l'après-guerre".
"(...) Tois ans plutôt, en juillet 1980, le ministre de la justice Okuno Seisuke déclare : "défendre le Japon : voilà une notion qui fait défaut dans notre pays tout au long de l'après-guerre. C'est là un point noir dans l'enseignement de l'école et qu'il convient de corriger, tant du point de vue de l'éducation que dans une perspective globale de sécurité.
"(...) En octobre de la même année, Tanaka Tatsuo, ministre de l'éducation, devait lui aussi reconnaître devant la Diète que "le peu de place consacré aux développements sur le patriotisme dans les manuels, fait problème".
"En novembre, le président de la commission spéciale de la Chambre des Représentants sur la sécurité, Sakata Michio, dans un symposium organisé par l'Université George Washington aux Etats-Unis souligne la nécessité du traité de sécurité nippo-américain et de l'insertion du patriotisme dans les manuels.
"En décembre, le président de l'association des manuels scolaires, Kyokasho Kyokai, fait état d'une requête du PLD (droite et ultradroite) demandant que - notamment sur la question du patriotisme - des aménagements soient apportés dans les manuels sans attendre leur révision partielle qui doit intervenir tous les trois ans.
"En fait, cette campagne pour la promotion du patriotisme dans les manuels scolaires s'inscrit dans la seconde "attaque" orchestrée par les conservateurs contre les livres de classe, langue dans le primaire, instruction civique dans les collèges, société contemporaine dans les lycées. Le PLD est bien sûr à la pointe de ces critiques, mais il est soutenu par un parti d'opposition, le parti démocrate-socialiste, Minshato, une fraction du "zaikai", et des intellectuels de droite organisés autour de l'Université de Tsukuba, de la ligue internationale de lutte contre le communisme, Kokusai shôkyô rengô, et de l'académie pour la paix mondiale.
"On fait reproche aux manuels d'être imprégnés d'une phraséologie marxisante - quand on n'incrimine pas tout simplement la main de Moscou - de se montrer bienveillant envers l'Union Soviétique et mal disposés envers les Etats-Unis et le Japon même, de faire des descriptions tendancieuses des forces d'autodéfense ou de la propagande communiste sous couvert de pacifisme, de faire la part trop belle dans les descriptions constitutionnelles aux droits et pas assez aux devoirs des citoyens, d'attaquer les entreprises, d'accorder trop d'importance à la lutte des classes et pas assez à la piété filiale, de négliger à dessein la Maison Impériale, de se complaire dans un dénigrement antinational, d'encourager les grêves et les manifestations de rue sous pretexte de démocratie, de saper la politique de défense du gouvernement, etc,... (...) "(in "Les manuels scolaires des collèges : des livres douteux", Takihara Toshihiko et Morimoto Shinsho, 1981 et "les manuels scolaires : des tissus de mensonges", 1983, Tatsui Nobuya et Morimoto Shinsho, cités par Seizelet dans "L'insersion dans les manuels scolaires de développements particuliers sur le patriotisme", Les petits-fils du ciel, 1988)

[ 5 ]
a ) - Amartya Sen, Commodities and Capabilities, 1985 & On ethics and Economics, 1991, nobel économie, 1998
b ) - Miwa connaîtra ses barricades en 1972 (showa 46/47)

[ 6 ] ACME - FORUM DE MEXICO : Au Mexique, une rébellion antibarrage. Des paysans résistent au futur engloutissement de leur village. Et Le barrage de la peur à Acapulco

[ 7 ]
a ) - Par exemple, Ishikawa Rokuro, président de la multinationale de construction Kajima, constructeur du barrage d'Okutadami, est fréquemment cité dans les programmes de recherche associatifs de Nippon Foundation, de Japan Foundation, du Global Forum of Japan où l'on retrouve l'élite conservatrice intellectuelle, commerciale, militaire et politique japonaise, américaine ou même européenne, tout comme l'on retrouve au bureau des administrateurs et des conseillers de Sasakawa Peace Foundation des représentants de Fuji Xerox, Taiheiyo Cement Co., Recruit Cosmos Ltd., Tokyo Electric Power Co. Ltd., JAL, ANA, et plus surprenant des professeurs des universités Chuo, Waseda, Tsukuba,...
b ) - Etat des luttes contre le crime organisé mafieux, entretien avec Umberto Santino
c ) - Appello per la libertà di ricerca, CSP, Palerme
d ) - MAFIA, ENTREPRISE ET SYSTEME RELATIONNEL, Umberto Santino, CSP
e ) - Mafia, crime transnational et mondialisation, Umberto Santino, CSP

[ 8 ] La Haine de la démocratie - Chroniques des temps consensuels II de Jacques Rancière

[ 9 ] Quelques questions à propos de "Repenser l'action politique de gauche" de Pierre Mouterde, entretien e-mail, Paris/Montréal, Christian Pose.


[ 10] Nous utiliserons également tout au long de l'entretien quelques repères statistiques et chronologiques de la série d'histoire contemporaine "Japoscope" 2001 de Claude Leblanc (Editions Ilyfunet).




Yajirushi R [ 1 ] [ 2 ] L'histoire du barrage illusoire


    [ 1 ]    Japon : Reforme, Grande Fusion de Heisei, Dissolution
    [ 2 ]    LIBERTES et ACTIONS CIVILES ET POLITIQUES NON VIOLENTES AU JAPON, Tableau national et Carte régionale d'Ibaraki de la Grande Fusion de Heisei
    [ 3 ]    "DES BRIOCHES, DES EAUX ET DES CHOUX", Kusatsu et Tsumagoi
    [ 4 ]    "La Grande Fusion de Heisei s'oppose au futur du Japon !",  Hiroshi Itoh, maire de la ville de Kutchan, Hokkaido
    [ 6 ]    "Ce que chacun peut réellement faire ou être", ou évaluer la justice dans un contexte de décroissance, "YAMBA, le plus lourd fardeau des contribuables de l'histoire des barrages du Japon"



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