LIBERTES et ACTIONS CIVILES ET POLITIQUES NON VIOLENTES AU JAPON
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L'Histoire
du barrage illusoire [ 1 ]
Un entretien exclusif avec l'historien japonais Shigeru Kobayashi
— Un drame historique autour de l'opposition civile
au barrage d'Ogawa, 1967-2001 —
En hommage aux enfants, aux femmes, aux
hommes déportés par les constructeurs de barrages et les
pouvoirs, aux résistants de la lutte antibarrage japonaise et mondiale,
à la pensée sociale écologique locale et planétaire,
aux champs, aux récoltes, aux rivières, au ciel, au vent,
aux montagnes, aux océans, aux étoiles, à la lune,
au soleil, à la nuit noire
Réalisé par Christian Pose (conception et guide de l'entretien)
et Mami Yoshikawa (interprète),
à Kamiosé, Ibaraki, novembre/décembre
2006
"L'histoire du barrage illusoire"
[ 2 ] [ 3 ] Pages
en japonais
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Shigeru
Kobayashi évoque les temps forts d'une action civile en milieu
rural au Japon, préfecture d'Ibaraki, communes d'Ogawa et de Miwa.
Cet entretien met en évidence tant l'inertie politique crapuleuse
des élus que l'impuissance des opposants, paysans pour la plupart,
dépouillés de leurs droits constitutionnels par les pouvoirs
publics.

Shigeru KOBAYASHI
Né en 1931
A Kamiosé, ville de Hitachiomiya, préfecture d'Ibaraki
Il exercera le métier dagriculteur en même temps que celui
de conseiller municipal. Il sera également Président du
conseil municipal d'Ogawa. Il exercera 7 mandats en tant que conseiller
municipal à Ogawa tout en étant Président du comité
agricole affrontant le problème du barrage départemental
d'Ogawa. Il est actuellement Président du Club des Etudes Culturelles
au Pays Natal d'Ogawa et membre du Comité du Conseil des Enseignants
de l'Histoire d'Ibaraki.
————
"Chaque maison et chaque rue étant équipées
d'un appareil de réception/diffusion de messages de la police municipale
(élections, fêtes locales, catastrophes naturelles, menaces
nationales, disparitions) nous réceptionnons un message radio à
la question 24 - Shigeru Kobayashi vit seul. Il est veuf et laisse le récepteur
en veille. Il dit s'amuser des messages.
Ces messages sont parfaitement intégrés à son mode
de vie et confirmeront une intuition sur l'"institutionnalisation"
de son tempéramment. Shigeru Kobayashi est toutefois hyperactif,
imprévisible, critique et politique. Il s'en prend volontiers à
la police, à l'Etat et aux institutions sur la base d'une expérience
socioprofessionnelle passée au service des autres et d'une vaste
érudition calée sur le rationalisme philosophique de la
"pure expérience comme seule réalité" de
Nishida Kitaro (1870-1945) qu'il apparentera à Kant, mais également
sur celui de Karl Marx qu'il étudiera dans sa jeunesse en rentrant
des champs.
Shigeru Kobayashi comme tous les japonais d'un certain âge (74)
témoigne sous une apparence affable d'une certaine "inflexibilité"
que l'on pourrait attribuer à un goût naturel pour le commandement
ou à une tendance dirigiste fruit, sans doute, d'un goût
réel pour la controverse mais également d'une maîtrise,
d'une voie, d'un "absolu identitaire" qu'il véhiculera
par la transmission de l'expérience au gré des opportunités.
La police annonce donc par radio la disparition d'un vieille homme à
Hitachiomiya - les disparitions et les crimes sont nombreux cette année
au Japon, beaucoup de cadavres découpés, démembrés,
émasculés, décapités. La police donne son
signalement et invite la population à téléphoner
au poste et à collaborer. Quelques heures plus tard, en fin d'entretien,
à l'heure du thé, nous apprendrons par un nouveau message
que le vieil homme est sain et sauf, un particulier a reconnu le vieil
homme perdu sur une route et a collaboré ...
Ces messages, tantôt de la municipalité, tantôt de
la police, sont diffusés de jour comme de nuit dans les communes,
sur les routes, au milieu des rizières. L'heure est annoncée
à intervalle régulier. Une musique de funérarium
sonne 17 heures chaque soir. Rien n'est le fruit du hasard. Les voix,
je m'en plaindrai souvent, tantôt masculines, tantôt féminines,
envahissent les collines, les forêts, couvrent les rivières...
"
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"L'histoire du barrage illusoire"
— 33 années du barrage d'Ogawa —
2002, Edition Bungei-sha

page 8, Bassin d'Ogawa (rivière), entre la réserve en noir
et la zone verte irriguable, le barrage, en bleu le bassin de Nakagawa
(Naka rivière)

page 122, Préfet Takeuchi, proposition du projet de construction
du barrage d'Ogawa

page 127, Signature de l'accord de construction, Shigeru Kobayashi à
gauche, Préfet Takeuchi au centre...
(photos : de "L'histoire du barrage illusoire")

"Sous le drapeau, le secours de tous les peuples"
— Une émeute des paysans en Ibaraki, Meiji 9 —
2006, Shigeru Kobayashi
« D'autres ouvrages sur le barrage d'Ogawa »

"Le village n'a pas été immergé"
— dossier sur le barrage inachevé d'Ogawa —
Tsuneo Migawa, Ed.Naka shobo, 2001
"Problèmes liés à l'eau"
— Trace de barrage Ogawa —
Tsuneo Migawa, Ed.Tsukuba shorin, 1994
NO MORE DAM - SUIGENREN
Association japonaise de lutte antibarrage de rayonnement
national. Mr.Tshimazu spécialiste national de l'approvisionnement
en eau des usines en est le coordinateur. Il travaillera longtemps en
tant qu'ingénieur conseil aux services des Eaux de la ville de
Tokyo, poste très important puisqu'il sera contacté en 2004
par des ombudsmen (enquêteurs - médiateurs, généralement
avocats, ex-fonctionnaires ou magistrats chargés à la demande
de civils de découvrir dans le cadre de litiges impliquant les
pouvoirs publics et la bureaucratie tous les manquements aux règles,
les détournements de lois, les cas de corruption). Ces ombudsmen
proposeront à Mr. Tshimazu d'appuyer de toute son expérience
la lutte antibarrage de Yamba. Nous le rencontrerons au tribunal de Mito
(préfecture d'Ibaraki) le 30 janvier 2007 lors de l'action en justice
contre les constructeurs du barrage de Yamba intentée par les opposants
civils de Yamba. Mr.Tshimazu nous introduira auprès du pool de
quatre avocats dont un ombudsman chargés de défendre les
droits de l'opposition au barrage ainsi qu'auprès du collectif
des opposants au barrage de
Yamba de la préfecture d'Ibaraki (voir photos page
japonaise).
The
World Bank and Japan's Dams
In Japan there are 5 dams which were constructed with
financing received from The World Bank - all completed around 1960. These
dams were built in geologically inferior regions, and after only 40 years
both deterioration and sand build up have become a problem. Furthermore,
the building of these dams brought with it the relocation of many residents.
The residents made sacrifices – despite this, there was no system
of environmental assessment in place at the time. Large scale destruction
of the ecosystem has created lasting problems.
L'Assemblée Mondiale des Elus et
des Citoyens pour l'Eau (AMECE)
Nous invitons tous les mouvements, les associations, les
représentants d’institutions publiques, les syndicats, les
élus locaux, régionaux, nationaux et internationaux, les
représentants des gouvernements locaux et nationaux qui se reconnaissent
dans les principes, les objectifs et les propositions contenus dans les
déclarations de Bamako, Caracas et Mexico à participer activement
à l’organisation et à la réalisation de l’Assemblée
Mondiale des Elus et des Citoyens pour l’Eau 18 au 20 mars 2007
au Parlement Européen, à Bruxelles (source mondialisation.be).
Association pour le Contrat Mondial
de l'Eau (ACME)
Nous venons d'Afrique, d'Amérique Latine, d'Amérique
du Nord, d'Asie, d'Europe. Nous nous sommes rassemblés à
trois reprises en 1998 sans autre légitimité et représentativité
que celle d'être des citoyens concernés par le fait qu'1
milliard et 400 millions de personnes sur 5,8 milliards d'habitants de
la planète n'ont pas accès à l'eau potable, source
primordiale de vie. Ce fait est inacceptable. Or, le risque est grand
qu'en 2020, lorsque la population mondiale atteindra environ les 8 milliards
d'êtres humains, les personnes n'ayant pas accès à
l'eau potable s'élèvent à plus de 3 milliards. Cela
est inadmissible. On peut, on doit empêcher que l'inadmissible devienne
acceptable. Comment ? Le
Manifeste de l'Eau pour un Contrat Mondial de l'Eau de Riccardo Petrella
ACME-Lutte
antibarrage actualités
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Le
Japon amorce dans les années 1960/1970 une profonde réforme
de sa structure hydrologique commerciale au nom de l'approvisionnement,
de l'énergie et de la protection civile. La politique développementiste
industrielle des barrages affectera les régions plongées
dans le chaos psychologique, la précarité et la désespérance
civile. Une génération disparaîtra emportée
par le tsunami de béton qui envahira les rivières et les
sources du Japon stérilisant la vie paysanne affaiblie par l'exode
ininterrompu des populations vers les villes... Rien ne justifiait, en
fait, humainement, économiquement ou environnementalement, un tel
bouleversement.
Tokyo tirera sans ménagement les ficelles de la république
clientéliste et bananière. La corruption et l'endettement
se répandront, pandémiques, dans toutes les préfectures;
un désastre particulièrement sensible à Mito-préfecture,
Ibaraki. Les préfets de Mito tomberont, en effet, les uns après les
autres nourrissant les traumatismes, la colère et la fracture sociale,
le divorce entre les villes arrogantes et le monde rural discriminé.
Shigeru Kobayashi, jeune fonctionnaire municipal à l'époque
et l'un des leaders du mouvement paysan anti-barrage d'Ogawa, affrontera
un désert de sel pendant plus de trente années.
Dans cet entretien il nous donnera également son opinion sur l'éthique
en économie et en politique, le néolibéralisme, la
dérégulation économique, la Constitution du Japon.
Nous présenterons, très brièvement, son dernier ouvrage
d'histoire : "Sous le drapeau, le secours des tous les peuples",
ouvrage consacré à la révolte paysanne de Osé
de 1876 (aujourd'hui "quartier" ou "lieu-dit" d'Ogawa,
Hitachiomiya City), haut lieu de la résistance contre l'impôt
foncier du ministre de l'intérieur Okubo Toshimichi du gouvernement
de Sanjo Sanetomi sous le règne de l'empereur Meiji...
Shigeru Kabayashi abordera en conclusion le rôle de la démocratie
politique, la révolution, la conception philosophique de l'histoire,
l'engagement politique de l'historien, le Parti communiste japonais...
Remarque introductive :
les japonologues constateront que la version japonaise de cet entretien
diffère quelque peu de la traduction française. La traduction
en français est, en effet, augmentée de quelques propos
"off" de Shigeru Kobayashi, Mami Yoshikawa et moi-même.
Les documents de la colonne de gauche contiennent certains éléments
de ces propos et sont intégrés, en alternance, avec des
documents web. Ils sont également présents dans les questions
et les réponses.
L'entretien est construit sur une belle traduction orale de l'ouvrage
de Shigeru Kobayashi "L'histoire du barrage illusoire" de Mami
Yoshikawa. Comme chacun sait la transmission orale offre parfois des propos
inattendus soit de la part du traducteur soit de l'écoutant. Il
y a échange, exercice de mémoire, répétition,
réflexion, vie, j'en tiendrai compte.
Les débats avec Shigeru Kobayashi se dérouleront consécutivement
à la traduction durant un mois et demi. Chaque séance d'oralité
avec l'historien se déroulera dans son modeste bungalow situé
sur une route de campagne, le long de la tumultueuse Ogawa aux pieds d'une
colline et de grands arbres, près du petit pont de Hongo, quartier
du village d'Ogawa et durera entre trois heures pour la plus courte et
près de sept heures trente pour la plus longue; des séances
bien entendu entrecoupées de pauses pour le thé.
Travail de patience, donc, de mesure, de passion également, que
reflètera, je l'espère, cette brêve exploration du
caractère et de l'oeuvre d'un historien-paysan en Ibaraki, brêve
exploration d'un combat civil et politique non violent, d'une région,
de quelques villages et de quartiers ruraux sauvés des eaux, d'une
tradition, celle de la lutte antibarrage au Japon, vivante, très
vivante et à laquelle nous dédions ce travail historique
de mémoire et d'action.
– 1 –
Shigeru Kobayashi, bonjour, vous
avez été conseiller municipal d'Ogawa pendant près
de trente ans, vous êtes paysan et historien d'Hongo, et aux dernières
élections muncipales d'Hitachiomiya vous avez soutenu le Parti communiste
japonais... Mon propos concernera l'opposition paysanne à la construction
du barrage d'Ogawa. Une affaire qui remonte aux années 1967-1968
et qui se terminera il y a quelques années seulement. Un drame qui
affectera durablement la vie des communautés paysannes de Miwa et
d'Ogawa (préfecture d'Ibaraki)...
Vous êtes l'auteur d'un volumineux ouvrage consacré à
la lutte antibarrage - dans la grande tradition des luttes antibarrage au
Japon - qui opposera les communautés rurales aux élus, une
lutte inégale, psychologiquement épuisante, traumatisante.
Elle durera plus de trente ans, "pour rien", écrirez-vous,
d'où le titre de l'ouvrage : "L'histoire du barrage illusoire".
En contre-point, puisqu'il s'agit de réflexions, d'histoire et de
mémoire civile, je vous propose ce document de la Commission Mondiale
des Barrages impliquant représentants de peuples indigènes,
gouvernements, société civile, écologistes, chercheurs-enseignants
académiques, ingénieurs, populations déportées
et secteur privé, intitulé "Barrages
et Développement : Un nouveau cadre pour la prise de décision".
Ce document du 16 novembre 2000 recensera les points-clefs nécessaires
à la construction de 45 000 grands barrages dans le monde - des projets
soutenus par la Banque Mondiale et le FMI.
Je remarque que les critères humains, techniques et économiques
retenus pour les projets de construction de barrages géants : Turquie,
Norvège, États-Unis, Zambie, Zimbabwe, Thaïlande, Pakistan,
Brésil, Afrique du Sud, Inde, Chine, Russie, et ceux retenus pour
des projets plus modestes ne relevant pas du FMI ou de la Banque Mondiale,
ceux par exemple des régions et des municipalités japonaises,
sont les mêmes.
Je remarque également que dans les deux cas le chaos économique
et environemental infligé aux populations ainsi que l'effraction
psychique (due à l'imposition des projets sans droits) et le traumatisme
psychologique (dû à l'absence d'affiliation sociale) vécus
par les habitants déportés sont strictement les mêmes.
Dans les deux cas les pouvoirs publics n'attendent pas de réponses
aux questions qu'ils soulèvent. Les réponses ne seront lisibles
que dans les pages du double processus historique des orientations politiques
et du capitalisme; un double processus généralement corruptif,
liberticide, homicide...
Il ressort finalement que les coûts de l'économie développementiste
en terme de souffrance, de perte, d'exclusion et de précarité
sont les mêmes pour un grand comme pour un petit projet, qu'il soit
conçu au nom de la protection civile (contrôle des innondations,
pluies et rivières) ou encore au nom du développement des
ressources en eau ou en énergie.
Question 1 Vous avez été
conseiller municipal d'Ogawa pendant près de trente ans...
Réponse : Kobayashi Je suis devenu conseiller
à l'âge de trente ans. J'ai été, également,
le délégué du Comité des jeunes d'Hongo. Durant
les années 1960 la question de la sécurité militaire
du Japon via le Traité nippo-américain était au coeur
d'une profonde crise de régime. C'était l'époque des
promesses d'autonomies militaires des gouvernements américain et
japonais, la sécurité militaire... (sur la base des négociations
sur le réarmement signé en 1951, entré en vigueur en
1952 au détriment de l'article 9 de la Consititution de 1947. Les
négociations pour un nouveau traité amorcées par le
1er ministre Kishi Nobusuke en 1958, ex-criminel de guerre de Classe "A"
et grand père de l'actuel 1er ministre Shinzo Abé, se conclueront
par une signature à Washington en 1960, ndlr).
Il y avait une opposition nationale à cette époque. Elle débordait
des villes. Il y avait lutte. Je serai délégué à
la jeunesse dans ce contexte socio-politique... C'est également ce
contexte des années 1960-1961 qui me propulsera au conseil municipal
d'Ogawa. La force du grand mouvement d'opposition au Traité nippo-américain
agira sur moi de façon décisive. Elle sera à l'origine
de mes engagements politiques adultes.
En 1968, deux représentants se manifesteront à la tête
de la lutte antibarrage. Moi-même dans ce quartier de Hongo rattaché
à Ogawa, poussé en quelque sorte par des impératifs
globaux, et un représentant de la commune voisine de Miwa.
Je n'étais pas révolutionnaire comme les étudiants
de gauche des grandes villes. J'étais progressiste et critique dans
un contexte rural extrêmement conservateur. L'influence du Parti Liberal
Démocrate "Jimintô" (actuellement au pouvoir) était
grande sans que les ruraux d'ici soient membres du parti ou d'un autre groupe
conservateur. Pour tout dire mon engagement politique débutera deux
années plutôt, j'avais, en fait, 28 ans...
Je me souviens avoir souhaité lors de mon second mandat (sur sept
de quatre ans) rester en phase avec le monde. La communauté vivra
cela comme une sorte de contradiction. La réaction locale était
forte et les deux mondes ne co-habitaient que fort peu... Il y avait "deux
grands mondes" qui s'affrontaient : "le monde et la commune".
En tant que conseiller progressiste je m'occupais de cet affrontement. Ce
ne sera pas facile car le village devait "passer en premier".
Les évènements nous offraient des moyens - pas forcément
les meilleurs - et de nouvelles grilles de lecture. Ce n'était pas
perçu par les conservateurs comme une bonne chose. Ce sera même
assimilé à un danger : "ne pas régler les problèmes
correctement". Le caractère prioritaire de la vie locale sera
perçu comme menacé. Ma conscience progressiste sera sensible
à ce problème...
Q ...
— Régler ces interférences sans appartenance partisane
deviendra impératif. Je n'ai pas changé sur ce point.
Q Vous étiez
fonctionnaire...
— Mon statut de conseiller communal ne sera pas assimilable à
celui d'un fonctionaire moderne avec obligation de présence. J'étais
conseiller à mi-temps.
Q Rémunéré
?
— Oui... Mais je n'avais pas à me rendre à la mairie
tous les jours. L'administration m'appelait plusieurs fois par semaine.
Notre planning convenait de quatre grandes réunions annuelles. Chacune
durait parfois dix jours. Il y avait les réunions pour les affaires
urgentes et celles pour les affaires courantes. Parfois l'on travaillait
le week-end.
Q Serez-vous nommé, volontaire, élu
?...
— Elu, conseiller élu par les citoyens de Hongo...
Q Etait-ce une charge importante ?
— Oui, oui, très importante.
Q 2 - a N'avez-vous pas l'impression que cette
fonction a subi une altération depuis les années 1980, début
du néolibéralisme ?
R La question est à replacer dans le contexte
économique de surinvestissement de l'époque - marchés
boursiers et immobiliers des années 1980 -... L'Etat et les gouvernements
préfectoraux bouderont le monde rural. Les aides financières
seront de plus en plus rares ou de moins en moins significatives... L'argent
coulera à flôt ailleurs.
Q Le rôle du conseiller a-t-il changé
?
— Non, mais la charge est de plus en plus lourde. Il y a peu de marge.
Les budgets ne sont plus adaptés aux besoins. Je contestais beaucoup
à l'époque. Les déséquilibres budgétaires
étaient très importants, comme aujourd'hui du reste... Il
ne fallait pas emprunter. Il fallait cesser de dépenser à
tout va, réfléchir, prendre le temps. Je faisais beaucoup
de propositions en ce sens.
Q La qualité du service muncipal n'était
pas bonne...
— Il y avait dix-huit conseillers à Ogawa. La plupart était
pour une politique d'endettement et d'emprunt... J'y étais opposé.
J'étais pour des finances saines. C'est-à-dire : "pas
de dettes".
Q La mairie travaillait-elle avec des banques
privées ?
— Travailler avec les banques ? Pas exactement. Non.... (Mais) il
y avait une banque toute désignée... avec laquelle nous avions
des liens professionnels. La municipalité s'était engagée
avant la fusion auprès de la banque privée Joyo (Jôyô
ginkô). Elle déposait l'argent de la mairie sur un compte de
Joyo... et pouvait obtenir des lignes de prêts. Joyo est toujours
la plus grande banque privée de la préfecture d'Ibaraki.
Q Est-elle liée au développement
industriel ?
— Oui... ce lien est très puissant. C'était/c'est "la"
banque désignée aux communes d'Ibaraki par la préfecture.
Joyo est en quelque sorte la banque privée officielle d'Ibaraki.
Q Quels types d'hommes dirigeaient cette banque
?
— Des hauts fonctionnaires parachutés par le gouvernement,
le Ministère des Finances
(MOF)...Des hommes qui, disait-on : "descendaient du ciel"
(amakudari)... "Des hommes d'en haut" ... Je me souviens de Mr.
Aoshika, "l'homme venu du ciel..."
Q Ces hommes parachutés sont-ils proches
de Jiminto ou d'un autre parti ?
— Pas nécessairement... Ce sont généralement
des hauts fonctionnaires. Ils n'appartiennent pas réellement à
un parti, mais la particularité du banquier et de la banque est de
prêter et de générer des bénéfices, d'entretenir
de puissants appétits industriels pour le développement, donc...
Q La mairie d'Ogawa a-t-elle beaucoup emprunté
? A-t-elle contracté des dettes ?
— Oui... Par quel moyens ? La construction, généralement...
L'actuel Centre Culturel d'Ogawa (19 545 habitants) a coûté
1,8 milliards de yens (15 millions d'euros.)... 1/3 emprunt d'Etat, 1/3
aide d'Etat et 1/3 emprunt public régional.
Q Après la grande
fusion administrative intercommunale de Heisei, Hitachiomiya City (Ogawa-mura,
- Hongo, Osé -, Miwa-mura...) traitera-t-elle toujours avec Jôyô
?
— Il y a plusieurs banques privées... Je retiendrai essentiellement
la "banque agricole" JA et Joyo. Joyo représente avant
tout les intérêts industriels... JA, le crédit agricole
coopératif, récolte les dépôts des paysans, propose
des mutuelles sur la vie, de l'assurance sur le matériel agricole,
des services bancaires. Joyo accorde également des prêts comme
n'importe quelle banque à l'échelle muncipale (shinnoren)
ou préfectorale (shingyoren).
|
Japan
Agricultural Cooperatives (JA) développe une activité
économique coopérative à l'échelle municipale,
au niveau preéfectoral avec les Unions préfectorales des
coopératives agricoles et au niveau national avec l'Union centrale
nationale des coopératives agricoles. JA relève de la Loi
sur la
Coopérative agricole associative. JA est doté d'une
branche dans chacune des 47 préfectures du Japon et dispose de
son propre système bancaire jusqu'en 1998.
Véritable lobby conservateur au service du PLD, il poussera, à
l'aide de ses 878 bureaux (2005), à la modernisation et à
la production pour le seul bénéfice, finalement, des gros
producteurs. Ce lobby bancaire agricole est aujourd'hui supervisé
par une institution bancaire gouvernementale centralisée - Banque
Centrale de l'Agriculture et de la Forêt. La Banque Centrale de
l'Agriculture et de la Forêt contrôle toutes les opérations
financières de JA en fournissant également des services
à faibles coûts, JASTEM. Shéma du crédit coopérativiste
pour l'agriculture,
la pêche, la forêt.
|
Q En tant que conseiller
avez-vous eu affaire aux banques ?
— Non, c'était une attribution du maire, des hauts-fonctionnaires
financiers, pas des conseillers...
Q Est-ce que la mairie
d'Hitachiomiya (48 108 habitants) place de l'argent sur les marchés
financiers comme en Europe ou aux Etats-Unis ?
— Ici, non...
Q Connaissez-vous des
villes qui le font ?
— Non... Ca ne se fait pas. Il y a trop de risques de dérapages.
C'est dangereux et puis il n'y a pas suffisamment de marge ou de bénéfices.
S'il y avait des profits dégagés, sans doute, peut-être,
mais non... ce n'est pas suffisant.
Q De grandes communes
françaises ouvertes aux activités mondiales placent des
fonds importants sur le marché financier international, le marché
immobilier Californien ou même le marché de la viande de
Chicago...
— Oui oui, c'est possible à l'étranger.
Q Les banques privées
placent-elles les fonds municipaux sur les marchés financiers ?...
— Oui... Les villes dégagent ainsi des profits, des intérêts,
achètent des actions, des obligations, empruntent comme les particuliers...
L'argent peut travailler sur les marchés financiers étrangers
également. Une loi protège cependant les "clients municipaux"
de la faillite bancaire (y compris frauduleuse). En cas de dépôt
de bilan, cela arrive régulièrement, c'est l'Etat qui garantit
le portefeuille de la ville ou qui rachète la banque.
Q 2 -b Comment expliquez-vous
que la prise de décision de la construction du barrage d'Ogawa
(très lourde en terme de coûts et de risques) ait eu lieu
sans la consultation de la population ?
R Il y avait un conseiller préfectoral,
Mr. Mimura, qui souhaitait amener une grande affaire au village, pour
son développement. Quand il y a de grandes affaires, il y a de
grands benéfices ou profits... Peut-être pensait il gagner
de l'argent, de l'argent propre (un temps). Mais peut être espérait-il
également, qui sait, un pot-de-vin ou une commission...(un temps).
Dans un premier temps le maire ne parlera pas aux habitants puisqu'il
accèdera directement à la caution du ministère de
la Construction. A ce stade de la procédure légale il n'est
pas nécessaire de consulter l'opinion. C'était vers showa
40...1965. La préfecture lancera alors ses études. C'est
seulement après que l'on annoncera les orientations municipales,
le projet de construction (photos ci-dessus). Cela dit, le barrage ne
pouvait être construit ou même conçu sans la pleine
participation ou le plein accord des populations locales.
Q 3 -a N'était-il
pas contradictoire d'envisager un barrage préventif et d'approvisonnement
à une époque (1967-1968-1969) où l'on constatait
un fort exode des populations rurales vers les villes; particulièrement
important au Japon entre 1956 (showa 31) et 1970 (showa 45) ? (1)
R Au départ, non..."calmer l'eau,
comme on dit, c'est calmer le pays..." La préfecture avait
un énorme projet de construction. La construction d'une ville d'un
million d'habitants. Projet de croissance rapide avant la grande fusion
de Heisei avec un fort exode rural vers Mito-préfecture. Nom du
projet : "Ville d'un million" (hyakumantoshi). Mito s'était
persuadé de prendre Ogawa comme l'une de ses sources d'approvisionnement...
Ce qui était, nous le verrons plus loin, complètement inconcevable.
Q 3 -b Pensez-vous que
la nouvelle politique d'orientation agricole de 1961 (sur la base de la
Loi d'orientation agricole de 1961) ait exercé une influence sur
l'organisation agricole (remembrement et développement) à
Ogawa et à Miwa ?
R Oui, bien sur... Cette loi a modifié
beaucoup de choses. En premier lieu notre rapport aux aides financières.
A cette époque, la différence des niveaux de vie entre les
villes et les campagnes étaient déjà colossale. Cette
loi de 1961 se présentera, très avantageusement, comme une
chance de diminuer cette injustice. Elle préconisera la diversité
agricole, la polyculture, en intégrant par exemple la production
jusque là inexistante de fruits : raisins et pommes, et l'élevage,
inexistant également jusque là : porcs, poulets (oeufs),
vaches, etc... Une économie rurale diversifiée qui rapportera
plus que la monoculture du grain alimentaire, riz et blé. Pour
ce qui est du remembrement (disons) qu'il ne sera rentable qu'aux grandes
propriétés. Notre région est valonnée et montagneuse
le remembrement sera donc limité au plus avantageux, les grandes
terres. La loi, sur ce point, ne pourra jamais atteindre son objectif
égalitaire initial.
Q Un échec selon
vous ?
— Un échec, oui... Insistons, encore, sur le fait que certains
agriculteurs profiteront et d'autres non. La loi de 1961 favorisera exclusivement
les gros agriculteurs. Ce qui signifie que 60 % de la population agricole
ne profitera pas de l'enrichissement...
Q Fracture sociale,
inégalités,..
— Oui... Les petits ne peuvent plus vivre de l'agriculture et filent
vers les villes... En 1962 le petit agriculteur ne peut plus être
agriculteur à plein temps. Il lui faut deux métiers.
Q Vous avez eu de la
chance ?
— Je suis plutôt un "gros" agriculteur (rires)...
Q Combien d'ha ?
— 1ha 1/2... En tant qu'agriculteur au Japon c'est très petit,
mais ici, à Hongo, c'est plutôt grand... J'étais également
conseiller. Je cumulais deux métiers. Cela me permettra de survivre
sans aller à la ville.
Q Cette loi a-t-elle
favorisé la mécanisation ?
— On pense que oui... La machine a été introduite
intensivement à peu près à cette époque sur
la base du remembrement et de l'extension des propriétés
agricoles.
Q 3 -c Le fait que la
préfecture d'Ibaraki soit concernée par la Loi sur la Promotion
et le Développement des Ressources en Eau de 1962 (Tone River System)
(3h), loi qui donnera progressivement
naissance aux 7 grands réseaux hydrologiques du pays, jouera-t-il
un rôle dans la prise de décision pour la construction du
barrage d'Ogawa ?
R Ogawa ne relèvera pas de cette loi...
En fait, les gens d'ici pensaient dès le début que c'était
un projet absurde. De leur côté les fonctionnaires de la
préfecture pensaient que la loi permettrait de concevoir l'avenir
urbain d'un million d'habitants... C'était quelque chose. Tout
le monde y pensait. L'influence exercée tant par les ambitions
politiques préfectorales que par la conjoncture législative
nationale sera réelle sinon déterminante. Cela dit, le barrage
d'Ogawa proprement dit, ne relèvera pas de la section préfectorale
ou gouvernementale du "Développement Eau"...
Q Le maire d'Ogawa s'est
senti soulevé par l'idée du développement local...
— Le maire d'Ogawa était spontané. Il disait "ok
ok..." C'était facile pour lui...
Q Quelle était
l'origine sociale du maire ?
— Mr. Uchida appartenait à la catégorie des "hommes
fortunés" de la région. Il avait été
maire de Yasato et deviendra celui d'Ogawa après la fusion administrative
de Showa (1953). Il exercera sept mandats.... Il était également
propriétaire de montagnes et forestier. Il faisait le commerce
du bois. Il vendait soit de la montagne, l'on vivait bien à l'époque
du commerce de la montagne, soit du bois. Il était également
de Jiminto...(01). Mr Uchida est le père de l'actuel maire-adjoint
de Hitachiomiya...
Q Cette loi de 1962
conduit à la centralisation administrative et politique de la régulation
des eaux de rivières (3g,
3i, 3j) ?
— En effet. Il s'agira bien d'un dispositif de contrôle centralisé
des eaux.
Q Quelle sera la motivation
du gouvernement ?
— Distribuer de l'eau, prévention et approvisionnement.
Q Une motivation civile,
économique...
— Un peu des deux... mais c'était aussi un choix de politiciens.
Il y avait la volonté de "calmer l'eau" et de distribuer,
certes. Il y avait sans doute, aussi, une forte commission à la
clef, entendez un pot-de-vin, qui aurait circulé tôt ou tard
des poches de la société de construction à celles
des politiciens comme cela se fait au Japon...
Q Vous voulez dire que
les élus sont corrompus ?
— Toutes les constructions de barrage au Japon relèvent d'un
régime de corruption. Les pots-de-vin dans ce secteur sont réels
et ne sont jamais négligeables. En fait, nous pouvons parler de
corruption systématique.
Q C'est-à-dire...
?
— On parle beaucoup en ce moment de préfets démissionnaires...
En cause, les négociations avant les prises de décision.
On appelle cela "dangô". Des négociations secrètes
et illégales, des "boulettes historiques",... Les élus
promettent aux entrepreneurs démarcheurs : "la prochaine fois
c'est toi, la prochaine fois c'est toi"... Oui, au Japon, la corruption
est totale y compris pour un projet d'un million de yens (moins de 10
000 euros)...
Q Il n'y a jamais d'observateurs
impartiaux lors des négociations ?
— Non. Si l'administration doit choisir entre, mettons, 5 sociétés
de constructeurs, elle promettra aux uns et aux autres. Les entrepreneurs
concurrents distribueront des pots-de-vin à tour de rôle
pour remporter le marché... C'est systématique.
Q L'on reviendra plus
tard sur les affaires de corruption...
— Oui.
Q 4 Les arguments civils
préventifs contre les innondations justifiaient-ils un tel projet
? (2)
R Non, il n'y avait aucun danger donc aucune
prévention... Nous savions tout dès le début (rires).
Tout le monde s'opposera à ce projet. Tu sais, nous vivons ici.
Nous connaissons notre terre. Le barrage ne pouvait contrôler les
rivières ou maîtriser les pluies... On ne recensera aucun
dégat majeur, aucune catastrophe naturelle importante en Ibaraki
jusqu'en 1967 (idem de 1967 à nos jours)...
|
« Propos off »
Q : Est-ce que cela vous ennuie de parler du crime organisé ?
R : Oui... Je n'aime pas.
Q : Pourquoi ?
R : Parce que le risque est réel.
Q : Quel risque ?
R : D'être menacé.
Q : Avez-vous été menacé ?
R : Non...
Q : On dit que le Golf Club "Rock Hill" (Ogawa) a été
financé par les yakuzas...
R : Rock Hill (un temps)... Les yakuza ont bien empêché
la vente du terrain. Quelqu'un a parlé aux yakuza. Pourquoi ?
On ne sait pas... Rock Hill (un temps)... Il y a un lien, mais on ne sait
rien de plus.
D'autres informateurs prétendront que "Rock Hill" appartient
à des yakuza, qu'il y a bel et bien des délinquants ruraux
contrôlés par les yakuza de Mito, préfecture d'Ibaraki.
Le Golf Club serait, selon d'autres sources, un investissement des yakuza.
L'on dira également qu'il n'y a pas de yakuza dans la région
d'Ogawa et d'Hitachiomiya, centre d'activités commerciales en liaison
avec de nombreux investisseurs. L'on y recense cependant de nombreuses
salles de jeu tenues par des yakuza ou qui sait, des gangs nord-coréens.
Le business des "pachinko"est estimé à 200 milliards
de dollars par an.
Parfois, les yakuza se montrent aux bains publics ou aux sources chaudes
: "onsen" où ils affichent d'évidents signes d'appartenance,
leurs tatouages par exemple, ou lors de spectacles locaux - diverstissements
associatifs saisonniers. Certains se montrent ostentatoirement en présence
de membres de l'"extrême-droite" nationaliste militariste,
également sectateurs religieux de l'empereur (culte du kami, Dieu
ou esprit des lieux, des choses et des hommes, lié au shintoisme
institutionnalisé ou au bouddhisme institutionnalisé)...
Un rapport de police nationale de 2004 recense 61 300 membres de gangs
yakuza, familles : Yamaguchi-gumi, Inagawa-kai et Sumiyoshi-kai. Ces derniers
représentent 70% de la criminalité organisée japonaise.
La répression du grand banditisme les appelle "gangsters"
ou boryokudan. Il existerait 24 groupes boryokudan. Selon les catégories
de la Loi anti-boryokudan 29 325 gangsters ou boryokudan seront arrêtés
en 2004. 9 180 seront des membres affiliés aux familles. Une politique
policière incitative ani-boryokudan a été instaurée
par le gouvernement central et est relayée par chaque gouvernement
préfectoral.
Pour la seule année 2004 les statistiques nationales recenseront
1419 meurtres, 43 en Ibaraki, contre 38 l'année précédente.
Entre 1960 et 1980 la croissance soutenue surmultipliera les besoins domestiques
en eau. Garantir au secteur industriel son approvisionnement en eau sera
cependant l'une des orientations majeures de la politique nationale de
l'eau au Japon. Les préfets, relais de l'Etat, des régions
et des municipalités, seront au centre du dispositif des prises
de décision, un dispositif à la fois administratif, politique
et commercial, irrepressiblement corruptif.
Shéma
général de la distribution d'eau (cliquer sous le dessin
pour un agrandissement). La lecture se fait de gauche à droite,
chaque tranche correspond à une prise en charge financière
par l'Etat (la réserve, le barrage, les sources souterraines, les
rivières, l'océan), la préfecture (procédure
technique de purification des eaux), la commune (les réserves municipales,
tanks ou chateaux d'eau), le particulier... au robinet.
|
Q 5 La population active
agricole japonaise est passée entre 1947 et 1980 de l'indice 16.6
à 5.5 tandis que la population active de l'industrie est passée
de l'indice 5.4 à 13 et celle des services de l'indice 4.3 à
10.3. Par ailleurs les zones habitées représentent seulement
7% à 10% du territoire tandis que les zones cultivées irrigables
moins de 14%.
Quels sont les types de barrages existant ?
R Citons celui de Gozenyama, barrage de distribution
d'eau pour les rizières. Nous en parlerons plus loin... Celui d'Ogawa
qui était également un barrage pour l'approvisionnement
d'eau... Il y a, en fait, deux types de barrages, les barrages multiples
et les barrages simples. Le barrage d'Ogawa était multiple (prévention
et approvisionnement d'eau domestique et agricole).
Q A quand remonte l'industrie
nationale des barrages ?
— Probablement aux années soixante. C'était l'époque
des gros barrages à usage multipe : agriculture, industrie et vie
civile...
Q A-t-on noté
une influence américaine ?
— Non, pas d'influence américaine... Des circonstances spécifiquement
japonaises exigeaient une industrie du barrage à usage multiple.
Actuellement, le Japon n'a plus besoin de barrages, quelques soient les
usages. Ce n'est plus utile... Le barrage d'Ogawa relevait du ministère
de la Construction, celui de Gozenyama, sera conçu pour l'irrigation
des rizières et l'agriculture. Il ne relève pas du "Département
Eau" de la préfecture mais du Ministère de l'Agriculture,
de la Forêt et des Pêches (Nôrinsuisanshô
- MAFF). Pour tout dire, les paysans ne veulent pas de l'eau du barrage
de Gozenyama... Ils ne veulent pas payer, non plus, le prix de l'eau.
Q A-t-on noté
une hausse du prix de l'eau ?
— Le coût de l'eau depend avant tout du coût du barrage.
A Ogawa on boit de l'eau d'ici... On a creusé un puit à
côté de la rivière. C'est cette eau qui est bue. Pas
besoin de barrage pour çà. Cette eau, de plus, est beaucoup
moins chère...
Q Donc l'eau n'a pas
le même prix selon les préfectures ?
— Oui...
Q Est-ce un marché
concurrentiel ?
— Non...il n'y a pas de marché car on ne peut pas choisir
sa source d'approvisionnement.
Q Pas de mise en bouteille
? Pas de camions citernes itinérants ?
— Non... Il y a suffisamment d'eau pour tous au Japon... Manque
l'eau miraculeuse qui guérit tout et qui rend intelligent... Celle
là n'existe pas encore... (rires).
Q 6 Ces trente dernières
années nous observerons une chute de l'économie locale,
une diminution des réseaux familiaux et entrepreneuriaux régionaux
en appui sur le micro-crédit bancaire, les chemins de fer et les
postes dont la privatisation implique une désertification : fermetures
de lignes rurales et de gares peu fréquentées, abandon de
bureaux postaux éloignés.
Nous assistons dans un même temps à un "boom" de
la protection civile : lois, décrets, amendements, décentralisation
de pouvoirs, afin de répondre, dira-t-on, aux besoins des populations
lésées par les catastrophes naturelles.
Ces lois couplées à "l'effet catastrophe" ne seront-elles
pas une manne pour l'industrie des barrages (2620 à 3000 unités
selon les catégories en 2006, 350 projets en cours) que garantiront
les usages clientélistes du Parti Libéral Démocrate
au pouvoir; un parti dont on connait depuis longtemps les relations avec
les compagnies de travaux publics ? (3)
R Je ne vois pas de rapport directe entre les
lois, les barrages et "l'effet catastrophe" à Ogawa...
Q Je pensais au niveau
national...
— Oui, au niveau national il y en a un ... Il y a des lois, en effet,
quand il y a des catastrophes mais en Ibaraki cela ne sera pas justifié.
C'est une préfecture chanceuse, peu d'innondations et de tremblements
de terres dévastateurs.
Q Les constructeurs
(TP) espèrent des lois favorables... et le PLD au pouvoir utilise
ses relations avec les entrepreneurs (TP)...
— Il y a de plus en plus de différences entre la vie citadine
et la vie rurale... Jiminto (PLD) utilise ces différences à
son avantage... Jiminto (parti au pouvoir, hier Koizumi, aujourd'hui Abé)
propose toujours de "grosses affaires", essentiellement de "gros
projets" de travaux publics. C'est le moyen politique le plus habile
pour fabriquer artificiellement de l'économie rurale... Nous avons
réellement affaire à une politique mensongère.
Q L'industrie des barrages
accompagnera l'exode rurale vers les villes...
— Jiminto a construit notre économie rurale à partir
d'une politique nationale de travaux publics. Jiminto laisse croire que
le gouvernement décentralise des activités et de l'argent
en milieu rural comme si l'on pouvait créer de la vie rurale ainsi...
C'est une caractéristique de Jiminto que de donner de l'argent
sans compter à un secteur de l'économie, celui des constructions
en particulier.
Q N'y a-t-il pas une
contradiction entre le nombre des lois sur la protection civile et le
dépeuplement rural ?
— Oui oui, il y en a une... Je pense que, dans un même temps,
chercher à augmenter le niveau de vie rural par une politique de
grands travaux, je me répète mais c'est important, est parfaitement
inadapté... C'est également une autre contradiction.
Q Exploite-t-on le pouvoir
législatif ?
— Je dirai qu'il y a moins de bonnes affaires agricoles donc moins
de bénéfices, moins de jeunes, tous partent à Tokyo,
moins de travailleurs, d'enfants à naître, un plus grand
vieillissement des populations...
Q Y-a-t-il encore des
projets de barrages isolés ?
— Oui, pour l'approvisionnement de certaines villes.
Q 7 De toute évidence
la gestion et l'indépendance financière des collectivités
locales, la compétence technique des élus et les exigences
morales ou éthiques qu'exige normalement toute prise en charge
des affaires publiques sont incompatibles avec la dérégulation
de l'économie japonaise - affichée comme une providence
par la préfecture d'Ibaraki et la plupart des préfectures
à fort potentiel industriel et à fort taux d'investissement.
L'économie capitaliste s'oppose-t-elle à la bonne gestion
des villes au Japon ?
R Totalement... c'est absolument incompatible.
Cette économie est essentiellement "prétextiste".
Q C'est votre constat...
— La politique de Koizumi était basée sur les notions
de bénéfice et de profit. Son équation était
très primitive : bénéfice = argent... Ce sera, du
reste, le prétexte de la privatisation de la poste. Cette politique
conduit toujours à un appauvrissement aussi bien en milieu urbain
qu'en milieu rural. Nous constatons de plus en plus de différences
entre les riches et les pauvres... Autrefois, il y avait des mines de
charbon en Ibaraki et en Iwaki (préfecture de Fukushima au nord
d'Ibaraki, région de Joban), l'économie minière sera
remplacée par l'économie du bien-être, du tourisme
et du plaisir. A la fermeture des mines l'on créera un aqualand
géant, le célèbre : "Hawaï Spa Center"...
Je ne crois pas que ce soit une solution même si cela a bien fonctionné
ces quarante dernières années.
A Hokkaido, à Yubari, autre important foyer de mineurs, le charbon
était d'excellente qualité, l'on cherchera à investir
massivement dans l'économie touristique. Ce sera un échec
et la ville, maître d'oeuvre, devra mettre en faillite... Tout depend,
en fait, de la clairvoyance, des aptitudes et des goûts des élus,
des maires, des préfets... Mais savent-ils être clairvoyants
? La politique de Koizumi, qui se caratérisera par une absence
totale de clairvoyance, sera la cause des profonds déséquilibres
structurels entre la province et la ville.
Q En tant que conseiller
avez-vous proposé des réformes dans la gestion des affaires
communales ?
— Je faisais de nombreuses remarques sur le développement
local et proposais de nouvelles idées pour les produits régionaux...
En réalité rien ne fonctionnait. Le rationalisme économique
ne convient pas au mode de gestion des collectivités en milieu
rural. C'est sans doute plus adapté aux régions industrielles.
Gouverner signifier régler cet antagonisme. La politique sociale
du "système Koizumi" se résumera à se consacrer
aux "gagnants" et à abandonner systématiquement
ce qu'il appellera les "perdants"...
|
Il y a trois ans, JA, Japan Agricultural Cooperatives, détruira
4400 tonnes de choux. Chaque année les désésquilibres
socioéconomiques entre les villes et le monde rural conduisent
à la surproduction et à la destruction de cette surproduction.
Cet hiver 2006, 10 kg de choux (kabeitsu) dans la région d'Aichi
valaient entre 78 et 250 yens. Les marges seront très faibles.
En 2005, 10 kg de choux valaient 1000 yens... Ce problème des excédents
est important, il touche également d'autres productions comme celle
du gros radis (daikon).
Régler les prix agricoles au Japon signifie avant tout détruire
la surproduction. Il est clair que l'absence de politique sociale envers
les exclus, les plus démunis, le monde rural vieillissant, contribue
à régler le droit à l'autonomie alimentaire sur les
objectifs annuels des plus gros producteurs régionaux. (Nôkyô)
Mantra
for Japan farmers in global trade : Cooperatives,
Isami Miyata president JA Zenchu : “Japan started the process of
liberalisation through multilateral trade negotiations 30 years back.
The country’s food self-sufficiency rate gradually eroded and farm
imports rose 3.5 times in the past 30 years. Today, Japan imports 60 %
food to meet its needs. We are the largest food importers among the developed
countries...”
Japan rice trade
"This case involves the United States who demanded that Japan
replace all of its import bans and quotas on rice with tariffs, a
policy known as tariffication, through the GATT Uruguay Round of
multilateral negotiations.
On September 30,1993, the Japanese
government decided to go into the international rice market on a
major scale of the first time in three decades..."
Interview
with Japanese Farmers'and Consumers' Cooperatives Representatives
Mika Iba : (from the Network for Safe and Secure Food and Environment
- NESSFE) : "I can briefly introduce you to Japanese agriculture.
The population of Japan is now somewhere around 130 million people. Out
of this 130 million people the farmers are about 6%. However over 90%
of the farmers are part-time farmers. The majority of the part-time farmers
have a higher income from outside of the farm, than from the farm. In
other words the farmers are keeping the rice paddies at least for their
own consumption. The average farm land acreage is about 1.2 hectares.
It's very small. It's about 2.5 acres..."
|
– 2 –
Q Vous aviez 36 ans en
1967 et vous étiez un conseiller débutant. La réserve
d'eau du barrage devait engloutir votre histoire, celle des villages, 68
ha de terres (rizières, champs, forêts), 132 maisons (70 sous
les eaux et 62 détruites pour la recomposition du réseau routier).
Comment réagirez-vous ?
R Mal, bien entendu. Cela dit, il y aura débat.
Une remarque, auparavant les conseils municipaux étaient plutôt
majoritairement conservateurs et réactionnaires. Il se dégageait,
cependant, une opposition et parfois un caractère progressiste original,
souvent minoritaire mais réel. Une activité politique prenait
corps et même un équilibre. Pour le réglement de certaines
affaires nous étions souvent à "50/50".
Aujourd'hui les choses ont changé. D'une part, je ne suis plus conseiller
et d'autre part l'activité politique se résume à :
"tout le monde est pour le maire ou pour "le chef" contre
le communiste". Il n'y a plus de combats démocratiques. Plus
d'alternatives. Le jeu politique communal se résume à un jeu
sans opposition... Il n'y a bien entendu plus de socialisme. Reste (dans
l'espace exigu de notre démocratie) le parti communiste...
Q Etiez-vous politisé
en 1968 ?
— Les conseillers sont quasiment tous politisés. Ils ne sont
pas membres d'un parti pour autant ...
Q Appartiendrez-vous à
un parti de gauche ?
— Non. J'étais progressiste... très engagé dans
un milieux qui ne l'était guère. Je n'étais ni anarchiste
contre l'Etat ni un opposant radical.
Q 68 ha de terres sont
condamnés. 132 maisons seront menacées de destruction...
— Il ne sera pas question d'un tel désastre au début
et la vérité prendra une toute autre forme.... On annoncera,
par exemple, un barrage de 3 000 000 de tonnes d'eau. Il sera question,
en fait, de 6 000 000 de tonnes. Quand la population sera en mesure d'apprécier
les contraintes elle comprendra le sens de l'opposition. Géographiquement,
le site était plutôt plat et géologiquement les montagnes
étaient (et sont toujours) très fragiles, friables... Ce qui
est génant pour un barrage ou pour contenir de l'eau.
Le mur de barrage devait s'élever (à partir des versants montagneux)
de la commune d'Ogawa et du quartier de Hongo, et la zone immergée
s'étendre sur celle de Miwa... En fait, quand la population réalisera,
le projet sera vécu comme une catastrophe naturelle (l'orage et la
tempête). Les villages se sentiront impuissants car le drame venait
du ciel, "d'en haut" (l'orage, la tempête et l'administration).
Nous avions conscience de la taille de nos adversaires... Il y aura malgré
tout une vive opposition. Nous stopperons les études préfectorales
préparatoires, les examens de terrains, de telle sorte que l'administration
n'ose plus toucher à la terre...
Nous gèlerons le projet dix ans. Le préfet Iwakami nous soutiendra
un temps, au début. "Si vous êtes opposés au projet,
disait-il, ça ne peut pas se faire". Etre politicien est difficile
(rires). Le politicien doit faire le contraire de ce qu'il dit. Il ne peut
être fidèle à ses principes ni respecter ses engagements
envers les habitants. C'est la grande faiblesse des politiciens ...
Q Quelles étaient
les dimensions du barrage ?
— 36 mètres de hauteur, pas de vallons, un mur de barrage très
long de 310 mètres, 112 000 mètres cube de béton...
C'était un petit barrage.
Rivière d'Ogawa et au fond à gauche "onsen" (bain
thermal), zone initiale d'immersion.
Q 7 -b Quelles seront
les principales étapes de l'opposition civile ?
R Il y avait deux comités. Celui que je
représentais (Comité d'Ogawamura) et celui du délégué-maire
de Miwa, Mr. Aita (délégué de l'Alliance pour le règlement
de l'objection au barrage de Miwa). Il fallait être solidaire. Nous
étions tous concernés. A l'époque, il y avait les opposants
à la construction de l'aéroport de Narita (près du
village paysan de Sanrizuka proche politiquement et religieusement de la
famille impériale ; début des études préparatoires
en 1962 et début des expropriations en 1972 ; 291 paysans seront
arrêtés et plus de 1000 seront blessés lors des affrontements).
C'était une époque importante... On pensait que d'autres opposants
viendraient comme à Narita, des étudiants de gauche. En fait,
non... Notre opposition était locale et n'avait pas, à priori,
de résonnance nationale. De toute façon, nous redoutions les
débordements... Combattre aux côtés d'"inconnus"
ou d"étrangers" nous gênait. Nous redoutions, sans
doute, des infiltrations...
Q Comment expliquez-vous
que le PC et le PS ne soient pas venus ?
— Ils sont venus pour étude mais ne nous ont rien proposé.
Q Comment avez-vous pris
cela ?
— En fait, nous ne voulions pas de politiques professionnels. Nous
souhaitions tout faire nous même...
Q Un mouvement purement
civil ?
— Oui, un mouvement d'opposition civil et paysan... Sans professionnels,
sans extrêmistes comme à Narita. Nous n'avions peur de personne
(extrêmistes ou autres) mais nous ne voulions pas être récupérés
par les professionnels des mouvements sociaux, les gens des villes, les
érudits, des gens très intelligents qui tôt ou tard
nous auraient écrasé. Nous étions, et nous sommes toujours,
de pauvres paysans (malmenés). Cela dit, les extrêmistes ne
nous feront pas de propositions.
Q Les étudiants
?
— Oui. Mais rappelons que nous agissions vraiment pour notre compte...
Nous étions très conscients de notre indépendance.
La ligne de conduite était claire. Je connaissais un conseiller préfectoral
socialiste... je n'ai jamais fait appel à lui. Nos affaires étaient
paysannes et nous devions veiller, avant tout, à notre autonomie
et à l'unité civile de notre action. "Des paysans rien
que des paysans..." c'était le mot d'ordre.
Q D'autres paysans viendront
?
— Non, aucun...
Q Combien de personnes
ont participé à cette opposition ?
— Trente foyers à Ogawa, soit 100 personnes... et 160 foyers
à Miwa, soit 600 personnes. Plus de 700 personnes...
Q La police est elle intervenue
?
— Non, pas directement.
Q A quel niveau est-elle
intervenue ?
— Elle a enquêté...
Q Quel type de police
?
— Le Koan (Kôan
Chôsa Chô) . La sécurité du territoire, la
police politique.
Q La police politique...?
— Oui... Elle existe encore.
Q Tout le monde était
fiché ?
— Non. C'est "au secret" de faire çà. Une
police secrète parfaitement illégale ...
Q Existe-t-il une police
officielle chargée de ce genre de liste ?
— Non, c'est hors-la-loi, même si çà existe...
Quand on negociera pour les indemnités le Kôan se rendra chez
moi mais je vous raconterai çà plus tard... C'était
un agent spécial. Il se présentera comme tel. C'était
assez drôle.
Q Que pensez-vous du "projet
NSC" (National Security Council) de Shinzo Abé ?
— C'est incroyable.
Q Que pensez-vous de sa
paranoïa ?
— Ce projet de "NSC", s'il est officialisé, n'aura
plus besoin d'enquêteurs secrets. Tout sera su. Et puis il existe
déjà la loi sur le contrôle des mouvements sociaux et
politiques, l'interdiction des associations politiques...
Q Notre association est-elle
illégale ?
— Non (rires), ça va... Nous sommes en règle. Nous faisons
de la recherche, de l'étude sociale... |
Du béton et des dollars
Le premier ministre japonais Shinzo Abé offrira aux Philippines
des prêts en yens pour un montant d'environ 74 millions de dollars,
destinés à aider à l'aménagement des rivières.
La proposition sera faite lors de sa visite aux Philippines, à
partir du 8/12/06. L'accord attendu, sur l'assistance aux Philippines
sous forme de prêts en yens, a pour objectif de contribuer à
la prévention des inondations et d'améliorer la qualité
des eaux fluviales ...(NHK, 6/12/2006)
Coup
d'oeil solidaire en indonésie
L'Indonésie (comme la Chine, l'Inde, les Philippines, l'Asie du
Sud-Est) fait toujours partie des projets de l'empire néolibéral
japonais et bien entendu du PLD pro-américain. Shinzo Abé
a tout récemment exigé de l'Indonésie qu'elle abaisse
ses barrières commerciales sur les hydrocarbures tandis que Thomas
Shieffer, ambassadeur US au Japon, exige que Shinzo Abé abaisse
les barrières commerciales du marché agricole japonais pour
écouler la surproduction agricole US (riz, blé,...).
En août 2006 des parlementaires japonais du PLD se rendront en Indonésie
pour soutenir un mouvement d'opposition au barrage PLTA Koto Panjang co-financé
par le Japon.
Les gouvernements japonais depuis 1936 ont toujours une affection particulière
pour les hydrocarbures indonésiens, les systèmes hydrologiques
asiatiques en appui sur les politiques d'infiltration du FMI et de la
Banque Mondiale ainsi que pour l'islam en Asie, trois plateformes du renseignement
pour Koizumi, hier, et Shinzo Abe, aujourd'hui. Tel sera, en partie, l'objetif
du projet japonais de centrale d'espionnage de type NSC calqué
sur le modèle américain. Ce National Security Council sera
une structure du renseignement de plus au service de la politique sécuritaire
globale asiatique, des zones de libre-échange nippo-asiatiques
(Shinzo Abé et Manmohan Singh, 1er ministre indien, s'entretiennent
actuellement pour la conclusion d'un accord de libre-échange, 9/12/06)
et des zones nippo-américaines...
|
Q 9 Le maire d'Ogawa
mettra délibérément les familles en danger en négligeant
son rôle d'informateur/négociateur auprès des citoyens.
Comment expliquez-vous l'inertie des conseillers ?
R Quand une affaire concerne la préfecture
ou la municipalité, le comité des conseillers a le devoir
de présenter son avis : "pour ou contre". A l'époque,
les conseillers étaient au nombre de 18. La plupart étaient
des partisans politiques du maire. Quand il y avait décision/vote,
si l'on exclu le président du conseil qui statutairement ne vote
pas, c'était "15 vs. 2". C'est ainsi que la proposition
de construction du barrage sera adoptée. Le conseiller progressiste
que j'étais n'avait pas beaucoup de pouvoir à cette époque.
La minorité au sein du conseil n'a toujours strictement aucun pouvoir...
J'ai donc ressenti, comme tu dis, beaucoup d'inertie.
Q Il n'y aura pas débat...
— En terme de démocratie ou d'usage, oui, il n'y a plus de
débat... Le "chef" n'écoute pas les débats
contradictoires ou les oppositions et ne discute pour ainsi dire jamais.
Il n'y a plus d'espace de concertation. Plus d'espace pour la réflexion
collective. Plus assez en tout cas....
Q Avez-vous noté
un caractère illégal dans le déroulement de la procédure...
— Illégal ? Au sens stricte, non... Cela dit, il y a un côté
dictatorial chez le maire du village, chez le maire de la ville et également
chez le préfet. Est-ce illégal ? C'est un trait de caractère
dominant qui accompagne l'exercice du pouvoir au Japon, à tous
les niveaux de la représentation politique et de la vie administrative.
Le "chef", chez nous, a réellement un énorme pouvoir.
Je dirai même que la corruption publique ne peut être sans
cette forme d'autoritarisme et que l'un ne va jamais sans l'autre... En
ce moment l'on parle beaucoup d'"affaires sales", de corruption
sur la base des "dangô" (négociations secrètes).
Les "affaires" sont sans doute liées à cette tendance
dictatoriale, à ce manque d'espace démocratique au sein
de l'administration préfectorale et des collectivités locales.
Q Le maire et le préfet
ne pensaient pas que ce projet mettrait en danger les habitants. C'était
un projet aveugle en terme de responsabilité...
— Regardons les choses objectivement. Le comité préfectoral
homologuera ce projet de barrage. Nous déposerons une demande officielle
d'opposition auprès du comité du conseil préfectoral,
une pétition légale au nom des citoyens des villages d'Ogawa
et de Miwa. La majorité du conseil préfectoral est Jiminto,
ultra-libérale. Nous devrons à nos amis socialistes de valider
notre pétition et de soutenir notre action publique. Il y aura
débat au sein du conseil préfectoral. Une requête
sera déposée également par l'opposition auprès
du maire d'Ogawa. Mais le maire la rejètera... L'idée d'une
plainte et d'un procès en bonne et due forme viendra plus tard.
Q Grâce à
l'opposition du comité anti-écluse.antibarrage de Nagara,
la loi sur la Rivière du Ministère de la Construction sera
modifiée et un dialogue sera instauré entre pouvoirs publics
et opposants, une première dans l'histoire des luttes entibarrage
au Japon...
— En effet, le mouvement antiécluse.antibarrage
de Nagara, une autre affaire, disposait d'une orientation nationale.
La protection de la rivière relevait d'une tendance environnementale
historique. Ce n'était pas une simple action de résidents
ou d'opposants mais un mouvement civil écologique et environnemental
d'une très grande ampleur, nationale et internationale.
Nous établirons, nous aussi mais à une échelle moindre,
des plages de débat et de concertation mais nous nous y prendrons
"à notre façon". Nous avions une politique locale
d'opposition et d'appel. Nous présenterons plusieurs pétitions
au comité préfectoral. Les fonctionnaires de la préfecture
se déplaceront à plusieurs reprises pour parler... Notre
stratégie consistera à leur interdire l'accès au
village puis à amorcer graduellement un dialogue. Nous tenions
à réaffirmer dans un premier temps notre opposition et,
dans un second temps, notre détermination au dialogue. Nous finirons
par trouver un terrain d'entente... Pas d'explications préfectorales
administratives et techniques ou de concertation sans démonstration
de notre force pacifique mais également de notre rupture radicale.
Nous devions, également, gérer nos propres divisions et
ne pas afficher les dissensions durant la période d'examen des
pétitions. Le conseil préfectoral, Jiminto à 80%,
finira par rejeter nos propositions d'annulation...
Q L'affaire durera 33
ans. 33 ans d'acharnement mais aussi de souffrance psychologique, de vies
brisées. Ne pouviez-vous pas porter plainte, à tout le moins,
pour violation de l'article 13 de la Constitution, un article défendant
"le droit à la vie et à la poursuite du bonheur du
citoyen" ?
Le recours en justice était possible. La jurisprudence nous dit
qu'en mai 2001 un
arrêt du tribunal de Kumamoto condamnera l'Etat à verser
des indemnisations aux lépreux
pour violation de leur droit constitutionnel au bonheur occasionnée
par une loi sur la prévention de la lèpre qui prévoyait
leur internement forcé...
— Reprenons. La préfecture vient pour nous expliquer nos
droits et devoirs. Nous disons non à tout. Il y a donc rupture...
l'arrêt du projet étant notre objectif. Au moment de la rupture
nous ne sommes pas prêts, psychologiquement, à porter plainte
et à engager la responsabilité de la muncipalité
ou de la préfecture devant un quelconque tribunal.
Q Nos
amis lépreux pourtant...
— Il y a un caractère différent entre le procès
des lépreux contre l'Etat et un supposé procès de
paysans contre la municipalité ou la préfecture. Dans le
cas des japonais lépreux, internés et isolés... considérons
que c'est le pays qui a commis une loi liberticide et criminelle. La déportation
forcée et l'isolement/enfermement à vie des lépreux
étaient légaux (Loi de 1948 pour le renforcement de la loi
sur l'eugénisme national et la stérilisation obligatoire
abrogée en 1996, les préjugés contre l'hérédité
sont forts et l'amalgame entre maladie et délinquance sont bien
réels). Cette barbarie légale signifiait avant tout en terme
de droit : réhabilitation devant la nation, les gouvernements,
la médecine et l'histoire. Ce sera un grand procès fait
à l'histoire politique et législative du Japon. Cela dit,
le montant des indemnités accordé par le gouvernement sera
au regard des torts infligés, infime.
Pour ce qui est de notre barrage... Le rapport de la liberté et
de nos droits fondamentaux à l'illégalité (à
l'inconstitutionnalité) est à mon sens moindre ou discutable...
Je pense que nous aurions perdu notre procès sur cette base.
Q Il y aura pourtant
une atteinte au droit à la vie et à la recherche du bonheur
?
— Notre souffrance durera 33 ans et le projet de barrage sera annulé...
Un procès aurait été possible sur la base de nouvelles
conditions, notament sur celles des indemnités. Nous retiendrons,
du reste, cette base. Nos conditions de vie étaient déplorables
et la vie s'était arrêtée. Les dégats économiques
étaient inchiffrables et notre communauté fruit des générations
était irrécupérable. Tous les objectifs de développement
étaient abandonnés...(un temps). La politique des grands
travaux publics...
Je finirai par rendre visite à un avocat de Mito. C'était
un avocat plutôt humaniste et socialiste. Il avouera qu'il n'y avait
pas d'avocats compétents pour traiter ce genre de problème
en Ibaraki... qu'il fallait traiter la question avec un groupe d'avocats
spécialisés à Tokyo.
Q N'était-ce
pas utile, tout de même, de tenter quelque chose même sans
chance de gagner ? Je pense à la mémoire, à la jurisprudence,
aux générations futures...
— Oui, c'est un point de vue important. Mais c'est un point de vue
qui demande beaucoup d'argent (rires). C'est un problème que de
réunir de l'argent à tout bout de champs, pour un oui, pour
un non. Nous sommes paysans et "un yen est un yen"... Nous tenions,
cependant, à demander des réparations pour la destruction
de notre communauté. D'après l'avocat il n'existait que
peu de textes pour nous défendre. En fait, aucune loi ne pouvait
nous indemniser... Nous étions dans un désert législatif.
Les lépreux traverseront ce désert... C'est l'inhumanité
de ce désert qui décidera de la victoire. La souffrance
infligée sera finalement une bonne base pour lutter (devant le
juge).
Q Vous choisirez un
moyen de lutte non violent.
— L'action violente n'est pas une solution. Des opposants antibarrage
choisiront la violence, la confrontation avec les policiers. Le groupe
antibarrage de Shimouke, par exemple, durant les années 1970, prendra
le parti de la violence et des confrontations avec les pouvoirs. Il se
battra avec des pierres, des batons et même des excréments...
Je préfère nettement, et de loin, les négociations
et le pacifisme.
Q Rien ne justifie donc
la violence ?
— Rien, en effet. Nous sommes en démocratie. Il faut profiter
de tous les moyens légaux pour arriver à la défense
de nos droits et intérêts...
Q 10 Y aura-t-il d'autres
luttes antibarrage en Ibaraki ?
R Il y a une lutte antibarrage sous une autre
forme à Gozenyama, à côté de chez nous, sur
la Nakagawa (le village de Goznyama fusionnera à Hitachi Omiya
en 2004, comme Ogawa et Miwa, voir carte ci-dessus). Il n'y a pas d'opposants
ruraux sur site puisqu'il n'y a pas d'habitants sur le site de construction.
Il n'y aura ni expropriations ni déportations. Il y a cependant
une autre forme de lutte, non négligeable. Les paysans en aval
ne veulent pas acheter de l'eau de barrage. Ils refusent cette eau pour
les rizières et boycottent le projet municipal d'irrigation des
terres. Les distributeurs locaux, par ailleurs, refusent d'être
clients. Nous avons affaire à une forme très particulière
de lutte antibarrage. La base de ce projet est mauvaise. Bien que l'ouvrage
soit quasiment terminé le message est clair (rires)... (Catégories
: dams
in Japan & Gozenyamadam
)
Q 11 Vous écrirez
qu'à Ogawa et à Miwa (Showa 47/48 -1972/73) alors que débutaient
une seconde vague d'enquêtes pour arrêter le site du barrage
"c'était l'époque où l'on associait démocratie
et biens privés". Chacun espérait que les biens privés
soient protégés par la démocratie. Il n'en sera rien.
D'un côté l'on observera une sphère publique arrogante,
riche, techniquement incompétente, incapable de prendre des mesures
cohérentes, inapte à respecter les échéanciers,
inapte à la concertation, et de l'autre, une sphère privée
rurale résolument déconcertée, discriminée,
spoliée dans ses droits et garanties légitimes.
Avant le projet, les paysans étaient-ils autosuffisants ou endettés
?
R Ils n'étaient pas très riches
mais ne manquaient de rien. Rien de ce qui est fondamental... Tout est
relatif.
Q Les femmes travaillaient-elles
à la terre ?
— Elles travaillaient aux champs. Comme les hommes. Même charge
de travail avec la tenue de la maison et l'éducation des enfants
en prime...
Q Les hommes avaient-ils
un double travail en ville ?
— Oui... beaucoup des petits propriétaires travaillaient
à l'usine.
Q Vous aviez des frères
et des soeurs ?
— J'étais l'ainé de six frères et soeurs. C'était
difficile, je devais tout faire. Je n'ai pas fait d'études supérieures
à cause de cela.
Q Les familles avaient-elles
beaucoup d'enfants ?
— Parfois, six, sept enfants...
Q Qu'ont fait vos frères
et soeurs ?
— Ils partiront pour la ville... Ouvriers toute leur vie. Ils partaient
le matin et revenaient le soir... Ils repartaient le lendemain. Les femmes
travaillaient aux champs.
Q Que produisiez-vous
?
— Des champignons...Trente tonnes par an, une fois séchées,
3 tonnes (rires)... Je n'étais pas le plus gros producteur de la
région. Il y avait un marché du champignon à la criée.
On y négociait les prix... Chacun avait ses secrets, ses habitudes,
ses signes. J'ai 74 ans et j'ai gagné 15 millions de yens par an
à plusieurs reprises (130 000 euros). Une exception tout de même
dans ma vie. Je produisais également du riz... On le plantait déjà
à la machine; on plantait également du blé, des aubergines,
des pommes-de-terre, enfin à peu près tout... Nous ne manquions
pas vraiment de nourriture ou d'argent à la maison. J'aurais pu
faire des études d'économie mais j'étais l'aîné.
Q Le droit d'aînesse
était-il encore prépondérant ?
— Oui, oui... les cadets devaient partir.
Q Avez-vous eu des enfants
?
— Trois. Deux garçons, une fille.
Q Ils étudieront
?
— L'ainé est ingénieur, l'autre enseignant...
Q Cette loi favorisera-t-elle
l'éclatement communal ou l'exode ?
— Pas forcément. Nous avions de grandes familles avec plusieurs
générations sous un même toit... L'organisation de
nos communautés était plutôt, selon l'ancien mode,
une structure pyramidale.
Q Le "kokutai"
? (modèle conçu sur le principe de l'essence nationale,
l'empereur étant l'autorité sommitale, la nation étant
réduite à un principe unitaire. Cette structure est toujours
sensible dans les deux mondes : urbain et rural)...
— Oui...
Q Vos enfants ont quitté
le village...?
— Oui. Les soucis d'argent sont maintenant réglés.
Nous nous voyons régulièrement. Tout est bien rétabli
entre nous.
– 3 –
Q 12 -a La politique énergétique
du Japon changera après le premier choc pétrolier au lendemain
de la guerre du Kippour en 1973, période corruptive Tanaka. Le second
choc pétrolier (révolution iranienne et guerre Iran/Irak,
1978/1980) recentrera le pays sur des options politiques à la fois
natonalistes, moralistes et militaristes (4).
En fait, le recours intensif au nucléaire et à l'hydroélectricité
nourrira une offensive psychologique dans les cercles du pouvoir et un très
efficace dispositif législatif.
Ne pensez-vous pas qu'une des raisons du blocage de vos rapports avec le
gouvernement préfectoral profondément impliqué dans
le développement urbain, hydrologique et industriel avec l'Etat réside
dans ces orientations énergétiques nouvelles issues des chocs
pétroliers ?
R Oui... Le gouvernement préfectoral est
à cette époque, comme aujourd'hui, au centre des moyens de
la politique nationale... Nous sommes dans un système capitaliste
et des milliers de milliards de yens circulent sur les "autoroutes
préfectorales". Le développement industriel régional
ne peut se réaliser sans l'accord de la préfecture. Le préfet,
au Japon, à tout pouvoir. Il a le pouvoir de la signature, qui est
immense, et donne le "feu vert" qui débloque les crédits.
Q Il est au coeur du système.
— Oui... Il gère le développement commercial et industriel
privé sur une base électorale et administrative clientéliste.
Il est directement impliqué dans le brassage des grosses affaires.
Ce qui est également une contradiction.
Q Il intervient comme
conseiller auprès de l'Etat dans toutes les négociations sur
le développement et connaît également tous les entrepreneurs...
— En effet... Cela dit, certains préfets ne sont pas corrompus
et font très bien leur travail mais cela concerne seulement une minorité.
D'autres sont totalement corrompus...
Q C'est-à-dire
?
— Ils toucheront de l'argent, des dessous de tables ou des pots-de-vin...
Q Les préfets exercent
une influence déterminante sur le devéloppement industriel
dans les régions...
— Déterminante...
Q Une influence sur les
municipalités aussi...?
— Bien entendu... Une influence stratégique circule au sein
des cercles du pouvoir (élus et ex-élus, partis, Etat, banque
régionale, union syndicale agricole, grosses entreprises, PME-PMI,
confréries bouddhistes, associations sportives et culturelles, gangs,
etc...ndlr). Jiminito est sur-représenté en Ibaraki et dans
beaucoup de préfectures. On peut conclure, sans risque, que les préfets
exercent aussi une forte influence sur les petites communes. Y compris sur
les cercles de pouvoir de notre commune d'Ogawa. Le maire a sans doute subi
une influence.
Q Les nouvelles orientations
de la politique énergétique seront appliquées à
la lettre dans les préfectures.
— Oui, oui, sans doute... Elles influeront. Il est très probable
que cela ait été une cause de nos difficultés durant
les négociations. Nous évoluions sur la voie de l'opposition
aux grands travaux et le préfet suivait la voie du développement
industriel et scientifique par les grands projets, donc.... Nos voies se
sont rencontrées à un moment clef de notre histoire et cela
a été très difficile, très long, très
coûteux et très douloureux. Le coût humain sera élevé...
Q -b Vous noterez dans votre
ouvrage que ce barrage, chose plutôt étrange, n'avait pas de
clients. Que vouliez-vous dire ?
— L'accord fondamental approvisionnement/distribution/client est un
accord entre propriétaire et utilisateur. Il comprend une estimation
du cubage, de la pression, du prix, des contraintes techniques et sanitaires,
etc... Quand cet accord sera envisagé pour le projet préfectoral
"Ville d'un million" il n'y aura pas d'explications approfondies
sur la qualité de la distribution avec les utilisateurs. Et pour
cause, il n'y avait pas de projet. Le projet sera abandonné en secret.
D'un point de vue théorique le projet préfectoral d'approvisionnement
en eau de notre "Ville d'un million" (projet de regroupement des
communes autour de Mito et de Hitachi) envisageait six zones d'approvisionnement
(notons que la préf. d'Ibaraki compte 2,7 millions d'habitants en
2006)... Une de ces zones potentielles sera le barrage d'Ogawa. A Mito-préfecture
comme à Ogawa l'on créera de l'illusion sociale, économique
et politique. Comment approvisionner une ville fictive d'un million d'habitants
(rires) ?...
Q Une terrible illusion..
— Oui oui, ce sera une terrible illusion. Il y a trop d'eau au Japon,
tout le monde le sait !! (rires).... (un temps). Rappelons, enfin, que sans
un accord réaliste d'approvisionnement / distribution / client, il
est impossible d'obtenir l'autorisation du ministère de la santé
publique. Un "Plan Eau" signifie avant tout une somme d'obligations
réglementaires... Le grand projet préfectoral "Ville
d'un million" reposera sur la construction d'un barrage illusoire.
Q -c Comment contrôler
les programmes de construction gouvernementaux ?
— Par les oppositions civiles et les médias, l'information,
insister sur les faiblesses des projets, les contradictions, les dangers.
Quand c'est du travail bâclé, il faut le dire.
|
A propos d'illusions.
Cette machination me fait penser au triomphe fictif de Catherine II lors
de son voyage historique dans le sud de la Russie en 1787, aux basses
oeuvres de l'amant Potemkine, aux illusions Potemkine, aux constructions
imaginaires Potemkine le long du Dniepr, aux masses payées par
Potemkine pour acclamer Catherine. Le Dniepr, pays d'ordinaire aride et
inhabité...
Je pense au Japon fictif de Jun'ichuro Koizumi et de Shinzo Abé,
aux figurants payés pour animer 174 meetings régionaux -
à 200 000 $ le meeting - entre 2001 et 2006, aux dépots
de bilan frauduleux, aux réprimendes abstraites des hauts-fonctionnaires,
à la bad debt, à l'endettement public masqué par
les statistiques officielles, à la justice criminelle noyée
par la dialectique de la réforme, à la propagande révisionniste,
aux triomphes fictifs des "deux Catherines", Koizumi / Abé,
au bras de l'amant américain, bourreau répressif, aventurier
menteur et violent, aux foules payées pour acclamer les seconds
couteaux des basses oeuvres militaires et commerciales en Asie, Koizumi
/ Abé, encore...
|
Q Est-ce important de
réformer les lois ?
— Quand c'est nécessaire. A l'époque la question se
posait différemment. Nous avions à gérer deux phases
importantes de notre vie. L'idée de la réforme des lois
- nous vivions dans un désert législatif et nous en étions
conscients - était contenue dans l'action et la rupture avec le
système pour obtenir de nouveaux droits. Mener l'action jusqu'à
la rupture et négocier les conditions futures c'était répondre
en partie à la question. Nous vivions intensément deux périodes
: celle des examens préparatoires préfectoraux - elle s'achevait
selon nos moyens - et celle de la lutte pour les conditions - elle débutait
sur de nouvelles bases.
Q Les pressions seront-elles
favorables ?
— Durant la phase de la lutte pour les conditions nous autoriserons
les fonctionnaires préfectoraux à entrer sur nos terres
et nous obtiendrons de nouvelles bases pour les conditions.
Q Les oppositions du
comité antiécluse de Nagara insisteront sur la nécessité
de contrôler les travaux publics et d'agir sur la loi sur la Rivière
du ministère de la Construction. Leurs actions contribueront à
l'amélioration des textes.
— A l'époque notre mouvement d'opposition traversait une
phase difficile... Nous vivions une période de division. Nous devions
gérer un éclatement de nos groupes. A Miwa, par exemple,
un groupe radical apparaîtra, celui du refus de tout compromis avec
la préfecture. En opposition un groupe de modéré
issu des négociations pour les conditions se constituera. Les dissensions
seront vives. D'autant plus vives qu'Ogawa devait renouveler son maire.
Il y aura un candidat pour le barrage et un candidat contre le barrage.
L'opposition au barrage perdra la mairie. Nous perdrons, même si
mon groupe appartenait à celui du courant modéré
des négociations pour les conditions. Ce sera une nouvelle source
d'affaiblissement et de divisions. Notre communauté vivra l'un
des moments les plus noirs de son histoire. Nous ne serons pas en mesure
d'agir comme le
comité de Reiko Amano (Nagaragawa).
Q -d Pouvez-vous parler
des lobbies de l'eau et des travaux publics ? Entretiennent-ils des liens
avec les réseaux du crime organisé ?
— L'eau et les travaux publics sont deux puissants lobbies, indissociables
des cercles du pouvoir. La préfecture est au centre de tous les
dispositifs et de tous les moyens. Les entreprises sont omniprésentes
et les conseillers sont constamment sollicités. La synergie administrative
et l'hyperactivité des constructeurs exercent une pression fusionnelle
sur les initiatives publiques et privées. Tous ou presque évoluent
dans la sphère de Jiminto. S'ils entretiennent des liens avec les
réseaux purement criminels ? Non, il n'y a pas ce genre de liens.
Q Il y a des liens d'évidence
entre les sociétés de constructeurs, l'eau et les réseaux
criminels dans le monde, pas au Japon ?
— Officiellement (en Ibaraki), non (rires)...
Q Officieusement ?
— Non plus...
Q Entreprises privées,
pouvoirs publics et réseaux purement criminels n'ont tissé
aucun liens de réciprocité ?
— En effet. Abordons la question autrement. Nous avons vu le cas
des "dangô", des négocations secrètes, des
pots-de-vin et de la corruption passive et active des fonctionnaires.
Je crois qu'il existe en Ibaraki une criminalité spécifique
au monde entrepreneurial et même une mafia non violente. Nous y
reviendrons.... Les réseaux purement criminels auxquels tu fais
allusion ont également des activités criminelles spécifiques.
Ils s'intéressent essentiellement aux métiers de la nuit
et aux moeurs... Les violents, les boryokudans, pompent de l'argent a
partir des métiers de la nuit et des moeurs illicites...
|
Japan : Corruption Notebook
" (...) Although Tabita isn't well known nationwide, the former mayor
of Wakayama City is known locally for his alleged misdoings: he is standing
trial for bribery, which has earned him the title of the Muneo Suzuki
of west Japan. Suzuki is an influential member of the Japanese Diet who
was arrested in June 2002 and charged with unlawfully exerting his influence.
Tabita and Suzuki, both of whose cases were ongoing at the end of March
2004, are reminders that the tradition of political corruption in Japan
is alive and well.
Tabita was arrested and indicted in January 2003 for receiving 3 million
yen in bribes from a local construction company that earned 100 million
yen from a real estate deal with the city government. The Wakayama Prefecture
Police alleged the bribe was a reward for Tabita's mediation—a charge
that led to his defeat in the mayoral election in August 2002. During
his 13-year tenure, Tabita's mayoral career was filled with scandals that
included improper employment of municipal workers and a close relationship
with organized crime..." (By Mitsuhiro (Tim) Yoshida, infos exactes
mais Transparency International est soutenu par le NED/CIA,
US)
Le Japon compte 500 000 compagnies de construction en 2005. Le marché
annuel japonais de la construction est estimé à 500 milliards
de dollars.
"Il est protégé par un système corruptif-clientéliste
plus efficace que les barrières douanières. Des murs infranchissables
pour les constructeurs américains", écrira Brian Woodall
dans The Logic of Collusive Action, The Political Roots of Japan's Dangô
System.
The
Corruption Fighters' Tool Ki, Civil society experiences and emerging
strategies, Citizen Ombudsmen -Local Government Disclosure Systems, Japan:
The Sendai Ombudsman was established to discover the extent to which local
public officials had misappropriated funds for entertainment/hospitality
purposes. A national liaison council (of associated national
civic ombudsmen) was established in the light of the widespread corruption
uncovered throughout Japan's 47 Prefectures (infos exactes mais T.I./NED/CIA,
US)
Local
Government Information Disclosure Systems in Japan
The ombudsmen’s success illustrates the importance of a motivated
and powerful advocacy group. It also proves the success of the Occupation-era
reforms, including the 1949 Attorneys Law, which released Japan’s
private attorneys from the rigid regulatory control of the central government.
Today Japan’s attorneys are relatively few in number, but they are
highly educated, they are professionals in the use of the courts and protection
of legal rights, and they are independent of government control.
|
Q 13 -a Il faudra attendre
1988 (showa 63), c'est-à-dire 20 ans pour obtenir le vote des travaux
et 2001, soit 33 ans, pour l'arrêt définitif du projet de
construction du barrage... Tandis que vous traquez les indemnisations
la préfecture débloque 88 milliards de yens (733 millions
euros) pour la construction d'un palais préfectoral pharaonique
(Mito). L'endettement de la région égale alors le budget
annuel. Il atteindra 1000 milliards de yens (8 milliards d'euros) en 1996,
Heisei 8. Le cauchemar ne s'arrête pas à la façade
du palais. Dans son ombre se dessine le jeu ininterrompu des auditions,
des commissions, des meetings, des votes, des bilans, autre aspect de
la synergie administrative couplée à l'hyperactivité
des constructeurs. Pour le seul projet de barrage d'Ogawa près
de 3 milliards de yens (25 millions d'euros) seront dilapidés en
enquêtes préfectorales en tout genre. Ces dérives
somptuaires défonceront l'organisation sociale paysanne et l'unité
culturelle des villages. Vous écrirez : " à Ogawa il
n'y a plus de terre, de vie, de travail, de nature, comment peut-on être
victime de ce genre de catastrophe ? "
Des préfets que vous rencontrerez vous direz : " (...) Iwakami
a perdu la tête... Hashimoto est taré... Le pouvoir pourrit".
Le préfet Takeuchi (homme de main du ministre Tanaka - affaire
Lockeed - lié à la corporation des constructeurs, impliqué
dans une affaire
de pots-de-vin lors de la construction du barrage de Juo - et futur
sénateur) se fera arrêter pour corruption. L'enigmatique
"Mr. I..." Président du Conseil Préfectoral d'Ibaraki,
sera élu grâce à des financements illicites... ?
Est-il possible d'esquisser le profil psychologique des préfets
de cette période ?
R Essayons, encore une fois, d'appréhender
la question autrement. Le préfet évolue au coeur des cercles
du pouvoir. Ces cercles commandent les grands projets de travaux publics
dépendants du lobbying hyperactif des constructeurs. Le préfet
est au coeur de cette phénoménale somme d'intérêts
privés et il devra, tôt ou tard, faire des concessions.
Le prefet Fujio Takeuchi (photo ci-dessus), par exemple, ne dérogera
pas à la règle. Il gèrera les affaires préfectorales
au milieu de consortiums internationaux.
Il y avait une forte collusion, à cette époque, entre Fujio
Takeuchi et le syndicat des constructeurs... Il sera impliqué comme
beaucoup d'autres dans l'affaire des constructeurs "zénécon"
(general-constructors). Ses relations avec le milieu seront croissantes.
Fujio Takeuchi règnera 18 ans sur l'administration préfectorale,
les grands travaux, le commerce et les pools industriels d'Ibaraki (The
Lord of Mito, écrira Ben Hills, distribuera au final plusieurs
dizaines de milliards de dollars de contrats non sans reçevoir
les constructeurs dans son palais les bras chargés de sacs de billets)
Il aura tout pouvoir. Le pouvoir de choisir ses collaborateurs, le personnel,
et le pouvoir de s'en débarasser. Ceux qui émettront des
critiques seront systématiquement limogés. Ceux qui obéiront,
qui iront dans le sens de la politique générale, seront
récompensés et obtiendront des promotions, prospéreront.
Takeuchi, autocrate, prospérera grâce aux entrepreneurs...
Il pompera de l'argent sur tous les contrats publics. Son pouvoir reposera
sur une hiérarchie qu'il contrôlait parfaitement et sur un
réseau de constructeurs ami. Le portrait psychologique de Takeuchi
est parfaitement lisible à travers le système.
Les pots-de-vin et les dessous de table circuleront au delà de
toute proportion (rires)... Le cas Takeuchi n'est bien évidemment
pas isolé. Même le "chef" d'une toute petite municipalité
détient d'immenses pouvoirs. Les maires, au Japon, sont de véritables
monarques et règnent sur la commune comme sur un pays ("Okami
ni wa monku wa ienai : On ne peut porter plainte contre les dieux!")
Takeuchi sera finalement inculpé pour fraudes et corruption. Il
reçevra 10 millions de yens du consortium de construction Shimizu
Corp. (réputé pour son budget consacré au lobbying
dans le monde politique et policier), 20 millions de yens du géant
Kajima (voir notre
note 7a en bas de page et notre article sur Sasakawa et le nouveau visage
du crime organisé) pour la construction de l'Hotel-de-ville et
le barrage de Koyama... 10 millions de yens de Tobishima
Corp. pour les égoûts de la ville. En ajoutant Hazama
Corp. on obtient "le système à quatre voies"
(yon rûto) qui conduit au préfet Takeuchi. Takeuchi percevra,
en fait, beaucoup plus puisqu'il donnera 100 millions de yens à
sa petite amie et 600 millions de yens à une autre maîtresse
qui tenait un restaurant de luxe à Tokyo.
La justice de Tokyo sera saisie. Il y a aura "l'affaire Takeuchi"....
L'hôtel des impôts trouvera de nouvelles preuves de fraudes,
de détournements et autres dissimulations. Takeuchi oubliera, par
exemple, de déclarer 400 millions de yens au fisc... Le préfet
dans toute sa splendeur (rires)...
Q La plupart des préfets
sont-ils ainsi ?
— Non... Le préfet Jiro Asano de Miyagi est très professionnel,
médiatique, clair. Il donne de bons conseils sur l'autonomie des
collectivités locales. Sa spécialité : la transparence
sur la gestion des préfectures, les audits et le dialogue...
Q Takeuchi est typique
?
— Non, mais à Ibaraki et au Japon il y a une forte tendance
au "crime préfectoral"... Shuntaro Homma, ex-préfet
de Miyagi, sera arrêté pour avoir perçu 100 millions
de yens de la Daishowa Paper Company. C'était peu avant l'élection
de Jiro Asano. Il y aura d'autres crimes préfectoraux très
intéressants. L'un à Miyazaki qui entraînera la chute
du préfet Tadahiro Ando (2006), deux autres à Fukushima
avec les arrestations des préfets Mori Kimura (1976) et Esaku Sato
(2006, cinquième mandat). Quant au préfet Yoshiku Kimura
de Wakayama (second mandat), il est actuellement en procès pour
avoir reçu 10 millions de yens sur un contrat de construction d'égoûts...
L'activité préfectorale est (statistiquement) criminogène,
avec des remarques limitatives. Nous verrons cela plus loin. La décentralisation
contribuera à la délinquance et au chaos en conférant
de plus grands pouvoirs aux préfets. Ce contexte, complexe, révèlera
le caractère ou la psychologie de bien des personnalités.
Les exigences de la fonction également.
Quand un préfet souhaite gagner de l'argent il accepte généralement
les négociations illégales "dangô", et les
dessous de table. Mais il y a bien d'autres façons de tricher,
d'être corrompu ou de corrompre.
Q Que sont devenus les
préfets corrompus ?
— Ils seront jugés comme les corrupteurs "zénécons".
Takeuchi criera son innocence et plaidera non coupable. Quel culot, non
?... (rires). Il mourra avant la fin du procès... Le prefet Iwakami,
chrétien, échappera aux arrestations. Hashimoto l'actuel
prefet d'Ibaraki... On ne sait pas encore... (rires). Quand au président
du conseil préfectoral, l'énigmatique "Mr I..."
(dans le livre), il est d'ici, d'Ogawa. Il s'agit de Mimura san. Je me
souviens de trois procès. Il sera reconnu coupable lors du premier
procès. Il sera également reconnu coupable lors du second
procès. Il sera reconnu coupable lors du troisième procès
à la Cour Suprême de Tokyo. La procédure sera longue
et sans doute couteuse, elle prendra 12 années. La santé
de "Mr. I..." se dégradera rapidement et il mourra à
l'hopital de la prison (Hachiôji).
Q Triste fin...
— Mauvaise fin... C'est souvent comme çà chez les
hommes de pouvoir.
L'histoire
du barrage illusoire [ 2 ] 
|
[
1 ] Japon : Reforme, Grande Fusion de Heisei, Dissolution
[ 2 ] LIBERTES et ACTIONS CIVILES ET POLITIQUES NON VIOLENTES AU JAPON,
Tableau national et Carte régionale d'Ibaraki de la Grande Fusion
de Heisei
[
3 ] "DES BRIOCHES, DES EAUX ET DES CHOUX",
Kusatsu et Tsumagoi
[
4 ] "La Grande Fusion de Heisei s'oppose au futur
du Japon !", Hiroshi Itoh, maire de la
ville de Kutchan, Hokkaido
[ 6 ]
"Ce que chacun peut réellement faire ou être",
ou évaluer la justice dans un contexte de décroissance,
"YAMBA, le plus lourd fardeau des contribuables de l'histoire des
barrages du Japon"
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