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CHAPITRE I

Les théories politiques du pouvoir de la parole et du comportement et les infractions au devoir de probité (une critique des dérives totalitaires bouddhistes) (notes 1-3) (notes 4-8)
CHAPITRE I-2

CHAPITRE II

La loi des causes et des effets
(notes 9-10)
CHAPITRE II-2

CHAPITRE III

L'invention politique du principe d'irresponsabilité, de la pénalisation intensive de la misère et les régimes de responsabilité spécifiques
ou
"le droit se retourne contre le droit"
(parole Naxalite)
CHAPITRE III-2

CHAPITRE IV

Le droit des riches, le néo-libéralisme et la terreur.
(pour une critique du fascisme japonais)
CHAPITRE IV-2


INTRODUCTION II-2


Critique du bouddhisme tibétain et du servage, choix militant des théories et des expertises II-2  
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Ce système ne serait pas parfait sans le régime héréditaire d'aux moins deux dettes, la dette de descendance et la dette de garantie.

La dette de descendance est celle qui ne peut jamais être acquitée et qui touche quasiment tout le monde. Le créancier, l'usurier, le fonctionnaire du service des comptes, exigent de leurs débiteurs tout ce que bon leur semble. Les serfs endettés, dotés d'un lourd "passif karmique" dépendent donc d'une généalogie négative couplée à un système économique et juridique immanquablement pénalisant. En fait, l'on ne sait plus où, quand et avec qui, ils se sont endettés. L'Etat, ou les Trois Seigneurs, ne le savent pas davantage. Seuls demeurent les usages dégradants et l'oppression systématique. Cering Gonpo travailla, dit-on, 18 ans et rendit à son créancier 4000 ké de cérales, soit 5,6 tonnes (1 ké valant 14kg). A la 19ème année, quasiment à la fin de sa vie, son maître lui dit qu'il lui devait encore 10.000 ké de céréales. Selon la loi tibétaine les enfants sont responsables des dettes de leurs parents.

La dette de garantie est l'autre forme de garantie du servage institutionnalisé sans possibilité de rachat. Nous le voyons bien, la dette économique, prend des allures, au delà des vies et des morts, de pénalité métaphysique, de dette karmique. En effet, l'autorité du monde théologique (car le maître reconnaît les divinités tibétaines mais aussi bon nombre d'idoles du panthéon hindouiste soumises au sacro-saint principe des hiérarchies divines) sur les devoirs des personnes est défendue par les maîtres comme une verité cosmogonique immuable et juste. Cette autorité n'est pas forcément admise par les outcasts et les sans droits.
Quoiqu'il en soit, une famille voulant un prêt, engage une ou plusieurs familles à se porter garantes. Si tout le village emprunte de l'argent, tous les villageois doivent se porter garants les uns des autres. Si une famille fuit la dette de garantie, les autres la payent pour elle. Si un foyer est incapable d'acquitter sa dette, les autres en sont responsables. Si le débiteur meurt, les autres se partagent sa dette. Si le serf cultive les terres d'un serf mort ou enfui, il doit rembouser les dettes de celui-ci.
Un serf nommé Skalbzang travaillait dans un domaine bien connu à Maizho-kunggar où il y avait dix foyers serfs. Plus tard 8 foyers s'enfuirent. Le seigneur fit payer les dettes aux deux foyers restant (dont le foyer Skalbzang). Skalbzang qui ne cultivait que 22ké (1,46ha) devait maintenant 400.000ké de dettes soit 26 600ha. Ce qui est résolument insolvable en dix comme en cent vies de réincarnés bouddhistes, la superficie totale des terres cultivées du Tibet s'élevant à 224,000ha.

Pour réclamer le remboursement des dettes les seigneurs s'emparent souvent des céréales accumulées en secret, des bêtes et des instruments aratoires des serfs, ou même de leurs enfants en gage. Ils finissent même par reprendre les terres louées aux débiteurs. Demeurent les dettes impayées et définitivement insolvables.
La perte de leur origine garantit le système d'endettement. Le "travail forcé gratuit" en est la compensation karmique. Il s'agit d'une dépendance absolue puisqu'aucune dette n'est acquittée.
Ajoutons que ce système est renforcé dans sa base légale par le seul fait de la faible longévité des acteurs. Les pasteurs serfs devront eux aussi, comme les paysans serfs, remplir les corvées wula dans les régions d'élevage, car les prairies et le bétail appartiennent aux Trois Seigneurs. Il y a deux sortes de redevances.
La redevance vchi-yod ske-yod ou "la vie et la mort", le pasteur loue les bêtes au propriétaire et se charge de les élever. Les petits reviennent au propriétaire. Chaque année les pasteurs payent en beurre selon le nombre des bêtes : 2 à 3ké (1ké de beurre vaut 3kg) pour une vache.
La seconde redevance est vchi-med skye-med ou "ni la vie ni la mort". Cela signifie que si le nombre des bêtes reste invariable, les petits appartiennent au pasteur. Mais il est responsable des pertes. Cette redevance est un contrat à caractère impératif, il doit être accepté. Il ne peut être rompu. Il doit payer sa redevance selon un quota prédéterminé, de générations en générations, même si toutes les bêtes disparaissent. Il n'est pas rare de rencontrer des voleurs-mercenaires de bétail travaillant pour les maîtres. Si tous les membres de la famille du pasteur disparaissent, leurs redevances sont à charge des collatéraux, des apparentés ou de leurs voisins.


La persistance du système héréditaire de la servitude volontaire pour dette, du servage dudchong, paysan et pastoral ou de l'esclavage nangzen, ou encore du statut mirtsa de la dépendance totale, est d'autant plus forte que les lignées institutionnelles du dharma au pouvoir sont faibles, instables et que la tradition des hutuketus ou tulkus, bodhisattvas réincarnés dotés de tous les droits, est le seul moyen de succession politique de ces lignées.

La faiblesse des institutions théocratiques.
Nous établissons notre hypothèse sur les thèses de Goldstein sur la confiscation-circulation des domaines tibétains et sur le tableau des chronologies de Petech sur la durée des règnes effectifs des Dalaï Lama. Notre base d'analyse utilisera le rapport moderne établi par le juriste Chemilier Gendreau entre servitude et droit de la propriété. Rapport critique, selon nous, particulièrement juste et adapté à la réalité doctrinale, politique et foncière tibétaine.
Cette règle, très claire, consignée au chapitre du "Statut juridique de l'esclavage" dans les "Servitudes modernes et le droit" stipule que "le droit de la propriété, pour demeurer compatible avec la liberté de soi-même et des autres, ne doit pas être illimité".
Ce que la doctrine appelle les moyens illimités du maha-vajrayana et du dharma conduit réalistement, à tort de toute évidence, à la conquête irrépressible d'un support mobilier, immobilier, foncier de domination qui se doit d'être illimité en droit pour être viable.
Ce principe de conquête des biens, des terres et des hommes, nous semble le fond même des luttes et des guerres politico-religieuses tibétaines. Ce droit est bien chanté dans le "Dict de Padmasambhava" mais en tant qu'un droit sans correspondance profane, offrant au souverain pontife une somme illimitée de biens mobiliers, immobiliers, fonciers, symboles de l'ignorance et de l'attachement vaincus, conquis métaphoriquement sur le terrain de l'esprit.
Aucun tantra traitant de la vacuité n'échappera à cette vérité purement métaphorique de la quidité du vide, non bornable à un Etat ou à une famille religieuse, et dont la modélisation symbolique équivaudra tout au plus au royaume céleste de Dante ou à la Jérusalem céleste de Tasso, à l'ile verte et à la mer de lait des soufis ou encore aux stations spirituelles du voyageur de minuit du poète afghan Saïd Bahodine Majrouh (assassiné, du reste, pour sa modernité militante à Peshawar en 1988).

Un paradis doté de puissances temporelles invincibles, disent les textes, n'a pas de sens en ce monde et demeure une tâche vaine. Un monde apparenté à un enfer duquel les hommes ont bien du mal à s'extirper. Seul l'éveil le permet. Les textes tibétains conformes aux textes bouddhistes indiens expriment bien l'apologie de l'éveil. Eveil dont les gourous et les divinités seraient les gardiens. Dans cette théologie de l'éveil il faudra, cependant, beaucoup donner ou beaucoup travailler -au plan de l'homme cette fois, pour avant tout, payer sa dette. L'apologie de l'éveil évoque encore, nous empruntons le mot à Bernard Champion, un universel de territorialité, une Terre Pure sans début ni fin, mais paradoxalement dans un champ d'application -au plan humain et religieux, extrêmement limité, ambiguë, contradictoire et contrôlé.
Les "moyens habiles authentiquement immoraux" ou "l'agir-infini" de Padma sont, cependant, sans prix comme la Terre Pure est sans limite. Il faut donc travailler et honorer jusqu'à l'endettement les idoles courroucées par l'égoisme de l'homme (son passé noir, karmique, est infini, l'infinitude très paradoxalement dispose de son unité de mesure le kalpa). Le maître (religieux) du foncier, des devoirs, du temps (kalpa) et du travail (karma-yoga ou purification des fautes infinies par le travail) est "maître de la vie et de la mort". L'ascèse et le renoncement concerneront, donc, généralement les "élites" à la naissance fortunée, libérées du mauvais karma, capables d'offrandes et de prouesses intellectuelles. L'esclavage concerne les outcasts et les sans droits.

Si l'esclavage par le travail forcé gratuit n'a jamais été voulu que par les lamas tulkus, les fonctionnaires et les seigneurs, il ne l'a jamais été par la doctrine shakyamunienne. Il s'agit probablement d'une déviance de la compréhension du concept de karmayoga (la libération par le travail) et du droit bouddhiste de la propriété (hier et aujourd'hui de la terre, du travail, des biens et des hommes). Il n'est pas faux de dire que l'expansion du fait religieux par un droit de la propriété "voulu illimité" n'est guère possible sans de profondes rivalités d'intérêts sur le terrain lucratif du commerce des hommes, du servage (du travail gratuit) et du produit du servage. Ces rivalités seraient également l'une des causes de l'extrême faiblesse de l'administration politique et de la société bouddhiste tibétainnes ou indiennes et de l'extraordinaire vigueur des familles-Etat bouddhiques pré-capitalistes et aujourd'hui, selon Salvoj Zizek, philosophe de l'université de Ljubljana (Slovénie) éminemment capitalistes en tant qu'un complément idéologique de la globalisation libérale (lire "La guerre des étoiles, épisode III, une revanche de la finance mondiale" de Slavoj Zizek, Le Monde Diplomatique de mai 2005). C'est notre première base d'analyse.

Notre seconde base est indissociable de la première et de la troisième.
La majorité politique légale (ou le droit de régner pour les hiérarques au Tibet) fixée à 18 ans pour les Dalaï Lama, symbolise le temps interrègne "sans maître" et "sans lignée" à la tête de l'Etat. Cet interrègne fait que, du temps de la reconnaissance du lama-tulku réincarné (1) (occasionnant une redéfinition totale ou même partielle des propriétés foncières, de la démographie de la région ou du pays autour du potentiel régnant du réincarné à la naissance) au temps de sa majorité (2), s'écoulent dix huit années de "réorientations-confiscations" domaniales et humaines, sinon de menaces d'expropriations et d'extorsions, de guerres politiques, doctrinales et testamentaires successorales.
Terrain de spéculation des 205 familles aristocratriques, des familles gouvernementales et monastiques d'Etat, cette période durant laquelle tout est quasiment permis pour accaparer le pouvoir, les terres, les hommes et les richesses, est le terrain de chasse des régents de l'interrègne et une base théorique-critique des anthropologues et tibétologues M.C.Goldstein et Luciano Petech.

"L'anarchie" à travers des siècles de déséquilibre institutionnel est également une base de l'histoire criminelle génocidaire du Tibet. Elle est indissociable de la pratique de l'esclavage pour dette. Chaque renaissance de tulku, a fortiori de chaque Dalaï-Lama, s'accompagne d'une pluie de faillites et de confiscations providentielles ou accidentelles entrainant selon Goldstein "la circulation des domaines". Chaque régence s'accompagnera d'un amoindrissement de la longévité ou de la puissance des tulku-lama réincarnés attendus, futurs concurrents sur le marché des servitudes pour dette affectant directement ou indirectement, selon Yuan Sha, la quasi totalité de la population sans droit.
Les princes, les régents, les fonctionnaires d'Etat, les monastères d'Etat, sont bien des rivaux et nul ne peut survivre en un pays si froid, si vaste, si désertique sans une drastique économie alimentaire. C'est donc, aussi peu folklorique et romantique que se soit, par la maîtrise du droit de la propriété voulu illimitée, du servage par les corvées wula et des dettes héréditaires, habilement mises en application de générations en générations par les réincarnés religieux politiques, que le Tibet a maintenu et maintient toujours l'illusion de la durée de son pouvoir institutionnel.



::: tableau de Luciano Petech, par Melvyn C. Goldstein, dans " The Circulation of Estates in Tibet : Reincarnation, Land and Politics, May 1973, collection du C.N.R.S. M.C. Goldstein est Associate Professor of Anthropology at Case Western Reserve University, Cleveland, Ohio. :::


Cette illusion est du reste parfaitement mise en valeur dans le tableau des chronologies de Luciano Petech. Elle ne prend cependant, selon nous, tout son sens, que par la mise en perspective diachronique de la thèse de Goldstein sur la circulation des domaines liée au rapport du droit de la propriété à l'esclavagisme et à la servitude de Chemillier-Gendreau.
Rappelons que le modèle théocratique n'est pas un modèle voulu par bouddha Shakyamuni. Ce modèle théocratique selon bouddha ne relève que des doctrines et des temps propres aux traditions des rois spirituels (indiens) qui sont pré-bouddhiques. Il n'est ni compatible avec la doctrine du vide ou de la vacuité ni compatible, dans son développement tibétain, avec cet autre point de doctrine, éminament anthropologique, qu'est le don, en tant que source de la vie morale.

Le don du maha-vajrayana (véhicule du bodhisattva) est en effet la première vertu du laïc ou la première des six paramita (six vertus/perfections) de bouddha Sakyamuni. Selon bouddha, et la règle chinoise du bodhisattva de l'upasakasila sutra qui le confirmera au Vème siècle, seul le don (en argent ou en nature) engendre la moralité et la connaissance (l'on comprendra, ici, aisément pourquoi le bourgeois est estimé).
Il est à noter maintenant qu'en science hinayaniste et mahayaniste le don (qui procède du laïc) est la seule vertu que ne peut posséder ou pratiquer le moine. Le moine n'est pas, en effet, compétant doctrinalement, économiquement et karmiquement, pour assurer la vie et la survie alimentaire d'autrui; son karma, la somme des actes de ses vies passées le liant à la mendicité et à toutes les formes de l'abstinence, s'y oppose.
Son mérite spirituel, sanitaire et alimentaire, il le doit résolument à la mendicité, travail quotidien et non à la voyance, à la politique, à la guerre, au marché noir, à la contrebande, à la prostitution, au business, à la spéculation sur les marchés boursiers ou à l'astrologie karmique. La théocratie bouddhiste, en tant que système religieux, juridique et politique, dirigé par une caste sacerdotale autour d'un dieu vivant ordonné moine (régent ou dalaï lama) est donc, en soit, une aberration doctrinale.
Notons que Padmasambhava, dictateur spirituel, n'était pas moine mais laïc (à la différence dalaï lama). Padma est également polygame, usurpateur et assassin religieux, et n'a jamais réussi, malgré tout, à tenir le royaume.

Ce que nous montre l'analyse chronologique de Petech est éloquent et sans ambiguité. La lignée des moines dalaï lama, en 213 années d'histoire (que le politique voudrait associer autant à une stabilité spirituelle et politique exemplaire qu'à un mythe du régnant universel : le règne ininterrompu des hiérarques gélugpa), de la mort du Vème Dalaï Lama en 1682 à la majorité politique du XIIIème en 1895, n'a pas, en fait, régné plus de 8 ans. Le VIIIème Dalaï Lama (mort en 1804) sera écarté du pouvoir exécutif et, s'il n'est pas assassiné à sa majorité politique, cédera le pouvoir (durant 23 ans) aux deux régents Tshemoling I (1777-1786) et Kundeling I (1789-1810). Ces derniers seront reconnus par l'empereur chinois, comme du reste tous les régents, bouddha vivants et fonctionnaires mandarinaux de deuxième échelon... Par ailleurs, aucun des 9, 10, 11 et 12ème Dalaï Lama, ne survivra à sa majorité légale. Chacun disparaitra entre 9 et 21 ans. Le XIIème règnera deux ans entre 1873-1875 et mourra à 19 ans.
Selon Richardson et Petech, le 7ème D.L. survivra à sa majorité mais ne régnera pas plus de 6 ans tant à cause de la guerre civile de 1728 que des rivalités avec le régent Demo I qui régnera jusqu'en 1777. Le VIIème devra, du reste , dans un tel désordre successoral, religieux et politique, se plier aux reproches de l'empereur de Chine et ne plus s'occuper des affaires de l'Etat.
Le 6ème D.L. mourra à 24 ans. Buvant, écrivant des poèmes et fréquentant les prostituées de Lhassa, l'on peut penser qu'il sera "supprimé/libéré" par des chefs gélugpa ou des proches du régent. Il n'a également pas régné.

En fait, bien qu'il n'y eut pas de règne véritable depuis le "grand Vème", Lobzang Gyamtso (1617-1682), le "grand Vème", n'est que très rarement présenté comme un fonctionnaire subalterne collabo entretenu jusqu'à sa mort par les princes mongols. Il n'est souverain que par la volonté du Khan et exerce en son nom une charge administrative. Il est par ailleurs intéressant de savoir que la mort de Gyamtso sera escamotée pour des raisons de politique successorale pendant 15 ans par son régent Sangye Gyamtso (1653-1705); escamotage et trahison qui entraîneront l'assassinat de ce dernier par le prince mongol Lajang Khan.
Lhassa, par la suite, entrera dans une nouvelle ère de terreur et de guerres de succession; le "protecteur" mongol sera tué et, finalement, ce seront les troupes de l'empereur mandchou Qangxi de la dynastie Qing qui se rendront maîtres de Lhassa et du Tibet en 1720.

Durant cette période meurtrière il y aura, malgré tout, naissance et reconnaissance de nombreux hiérarques lamas tulkus et, à ce titre, refonte concurrentielle des domaines, de la démographie de la servitude, des dettes et du pays. Ceci confirme, plus que jamais, l'unité du pays par le servage pour dette ou par le travail obligatoire gratuit sans possibilité de rachat et parait corroborer, à un plan plus général, les hypothèses d'Alain Testart sur l'origine des royaumes ou des Etats.
La légitimité politique successorale par les réincarnations est donc entretenue malgré l'occupation mongole ou chinoise. Bien évidemment les lignées interrègnes des régents, comme le montre le tableau de Petech, tout en s'accaparant l'essentiel des pouvoirs et des domaines (entre le Vème et le XIIIème Dalaï Lama) auront refondu, elles aussi et avec leurs alliés, la géographie, la dette et la démographie servile des domaines. Ceci explique certainement, une fois encore, pourquoi, l'école des gélugpa à la chute des protecteurs mongols traditionnels en 1720 (et à priori sans leader au pouvoir) cherchera un nouveau protecteur en la personne de l'empereur de Chine.
Il fallait vaincre, encore, et "avec un certain esprit tibétain de la vengeance" (Goldstein) les écoles rivales historiques sans jamais régner que de façon indirecte et ponctuelle; cela sera confirmé par l'histoire des chronologies, des lignées et des hiérarques.
Les relations d'intrigues établies avec la Chine impériale par des lamas concurrents (karmapa, kagyupa, nyngmapa) et des moines-lamas gélugpa commenceront en fait dès 1650 (dans le dos des princes mongols alliés et des traités signés) et se termineront... en 1911 avec l'avènement de la république chinoise. Les Dalaï Lama n'obtiendront, du reste, du temps de l'administration impériale Qing (1721), que des titres mineurs de fonctionnaires mandarinaux du deuxième degré (Yuan Sha).
L'administration Qing jugera bon, en effet, se méfier des théocrates bouddhistes incapables de garantir l'intégrité des frontières, la paix, la prospérité et l'unité politique et religieuse au Tibet (Snellgrove, Richardson, Petech). Les luttes religieuses sanglantes et les conflits avec les Etats voisins prouveront qu'elle n'avait pas tort. Trop nombreux, ils seront une menace pour l'intégrité territoriale chinoise. Les membres du Kashag ou cabinet des ministres des Dalaï Lama, deviendront des fonctionnaires mandarinaux du troisième degré, etc....

Demeure, cependant, stable dans sa structure héréditaire, inviolable, l'esclavage pour dette jamais contrarié par les dynasties mongoles Qoshot des Khan et mandchou des Qing.
La prise de Lhassa par les anglais en 1904 préfigurera, avant la naissance de la 1ère république chinoise de 1911, faut-il le dire, de nouveaux jeux d'alliances. Elle liera en effet le XIIIème Dalaï Lama (1876/1933), qui survivra à sa majorité et régnera de façon incertaine de 1895 à 1933, les gélugpa des monastères d'Etat de Drepung, Sera et Gaden, à la signature d'un traité secret (1914) sur les ventes d'armes, de munitions, d'or, d'argent, d'alcool et de drogues, sur le territoire tibétain (ce que faisait déjà, du reste, la couronne britannique en Chine depuis 70 ans).
Les britanniques, remplaçant les mongols et les mandchous, proposeront le Tibet aux sectes gelugpa à condition que soit reconnue la souveraineté britannique sur le pays. Le traité de 1914, certifié avant la première guerre mondiale, sera rendu public par l'International Commission of Jurists de Génève (commission selon nous partiale et incomplète) en 1959.
Quoiqu'il en soit, ce mini pacte de Yalta, ouvrira des voies nouvelles et lucratives aux familles rivales monastiques historiques karmapa, kagyupa, sakyapa, nyingmapa. Tout ce que le Tibet comptera de rois tulkus réincarnés et de lignées vassales, prendra le parti de la couronne britannique et du capitalisme sauvage. Le monde des rois réincarnés "restauré" par la Grande Bretagne tournera le dos au bouddhisme populaire chinois pourtant deux fois millénaires; notamment au bouddhisme populaire du réformateur Yang Wenhui (1837-1911) dont Deng Xiao Ping sera le protecteur.
En 1947, le Tibet refusera (en fait depuis 1904), et sur proposition de Tchang Khaï-Chek, de siéger librement à l'assemblée nationale chinoise et de participer, à égalité de droit avec les cinq nations chinoises, aux destinées de la Chine républicaine (qui est aussi bouddhiste, musulmane, hindouiste, taoïste, confucéenne, chrétienne).

En fait il apparaît clairement que le monde institutionnel des tulkus et des lamas (quoiqu'il en dise) s'oppose à la solution bouddhiste traditionnelle non combattante et non politique des conflits religieux et politiques (ceci impliquant l'abandon radical de ses conquêtes, de ses biens, de ses titres et de ses privilèges). Le maha-vajrayana de la voie royale s'opposera définitivement à l'institution des pouvoirs séparés, ainsi qu'à l'abolition du régime féodal du servage, des corvées wula, des dettes héréditaires.
La vieille théocratie tibétaine ne veut pas d'une république laïque, démocratique et scientifique, pour protecteur. Elle ne reconnaît pas davantage le bouddhisme populaire chinois. Le vieux schéma des modèles religieux et juridiques préétablis se montre résolument sans souplesse et inadapté aux évènements, ce qui est contraire à la doctrine fondamentale du désintérêt.
L'exemple, a priori, de souplesse du bouddhisme Birman, qui connaît pourtant la dictature et l'oppression militaire, illustre bien ce propos sur la patience, le désintérêt (bien que son rapport au foncier, aux militaires et aux chercheurs d'or parias nous paraisse suspect) et à l'esprit des lois.
Cependant, celui qui détourne une loi est il sensible à son esprit ? L'esprit des lois n'est accessible qu'à la souplesse de l'esprit obtenue par la compréhension désintéressée des lois.
Si la tempérance et la loyauté, qui sont théoriquement au coeur des modèles juridiques modernes, conduisent généralement à l'acceptation des évènements selon l'idéal de l'homme non-combattant et pacifié, le droit bouddhiste et les bouddhistes ne peuvent faire moins. Le bouddhisme populaire chinois a survécu aux purges maoïstes de la Révolution Culturelle et à la dictature du parti communiste résolument anti-religieux.

Il est utile de rappeler ici que la couronne britannique imposant militairement en 1830, en 1842 et en 1856, le commerce lucratif et illicite des drogues (appuyée par la France lors de la seconde guerre de l'opium) et le détournement des ressources fiscales et douanières chinoises au profit des banques occidentales pendant 70 ans, aura été "annoblie" par le XIVème Dalai Lama. Ce dernier reconnaitra en effet en la reine Victoria, la réincarnation de Tara, idole tantrique féminine du maha-vajrayana en Inde et divinité protectrice du Tibet. Un honneur religieux rendu, pour, est-il écrit dans la presse gouvernementale, "services rendus à la nation tibétaine".

Notons, maintenant, que le seul Dalaï Lama ayant franchi la barre des soixante cinq ans (né en 1935) et a prétendre au leadership politique y parviendra précisément grâce au droit de la république indienne et au socialisme scientifique qu'il honnira dans chacun de ses enseignements en Inde et dans le monde. Les réincarnés en exil devront pourtant leur prospérité à la codification égalitaire du droit des personnes conçue par un outcast sans droit de la sous-caste mahar, le dr. Ambedkar. Rappelons encore que les pensions et les indemnités des résistants tibétains de la guerre sino-tibétaine seront également garanties par le seul gouvernement indien. Cela dit, jamais les gourous institutionnalisés ni l'histoire officielle tibétaine (et ses relais libéraux et capitalistes mondiaux) ne chercheront à condamner publiquement la part maudite et lucrative de l'ancien régime : les confiscations concurrentielles, domaines, biens, hommes et l'esclavage pour dettes.
Notre interprétation des hypothèses d'Alain Testart, à un plan plus général, nous conduira à observer que la dimension oligopolistique de ce type d'activités concurrentielles pourrait être une cause de la constitution des royaumes ou même des Etats.
La stabilité politique et l'avènement du royaume ou de l'Etat, dépendrait en fait du chef qui se dégagerait de la lutte concurrentielle pour la maîtrise, ici, dans le champ tibétain, des domaines, du système des dettes héréditaires, des naissances des tulkus, des moines, des seigneurs et finalement des parias.

Le mérite religieux au Tibet est essentiellement attribué au détenteur de la propriété foncière, des biens et des richesses (corps subtils, dans les tantras d'accomplissement, du guru, "ni chose ni homme étant sans maître"). Le possédant a droit à la croyance, aux généalogies religieuses humaines et non humaines, à la succession politique ou à la succession des droits et des biens religieux par réincarnation.
La servitude volontaire et l'absence de mérite humain, le non droit à la connaissance et à la croyance (nous l'auront suffisemment entendu en Inde et Europe "seul le lama est en mesure de croire ou d'avoir la foi" sont également le lot du pauvre sur la voie quand il est sans nom, sans terre, sans maison, sans famille. Il est affublé d'une lourde "dette karmique"....
Cet aspect économique de l'absence de mérites humains ou religieux autorisera une forme de mise en dépendance et en esclavage religieux. Le sujet sans droit se mettra volontairement en situation de dépendance ou de servitude religieuse pour dette. Une dette métaphysique et économique "acceptable" liera le karma du sujet à l'autorité religieuse et au groupe laïc ou monastique. Il sera toléré sur la voie dans la condition du servage volontaire religieux de rétribution ou de purification tandis qu'une "trop lourde dette" conduira immanquablement (faute de place pour tous) à l'abandon du sujet sans droit religieux, à son expulsion des groupes religieux et laïcs, à son rejet de toutes formes d'activités ou voire au meurtre vajra de libération.
Les pauvres sur la voie, dirons-nous, chutent en enfer ou dans les mondes inférieurs. Ils sont marginaux, délinquants, fuyards endettés, révoltés, libres interprètes de la foi ou réformateurs laïcs, poètes, meurtriers, sans toit, sans terre, sans argent et sans famille.

Le transfert de la conscience en une Terre Pure ou en un paradis (powa ou transfert en tibétain) est une opération religieuse garantie aux familles aisées et concerne une activité cérémoniale essentielle au Tibet.
Le powa est une préoccupation constante des populations aisées et joue, avec la richesse, un rôle pivôt. Les pauvres espèrent accéder à un powa. L'accès à la cérémonie de la libération de la conscience en une Terre Pure (paradis d'un bouddha), et à laquelle l'on se prépare tout le long de l'existence, est indissociable de l'économie du rituel, du volume financier ou foncier des offrandes, de la bonne volonté des monastères, des tulkus-lamas autrement dit du "bon karma des maîtres". C'est un support indéniable d'inégalités religieuses combattues par Shakyamuni, Gandhi et Ambedkar en Inde.
Le renonçant à la vie évoluera dès le Xème siècle dans un espace démographique et géographique d'endettement, rigoureusement codifié, offrant aux maîtres-propriétaires, laïcs ou moines, le droit de posséder, y compris sans droit, la terre, les biens et les hommes, les renonçants et les moines-serfs endettés.

Le moine et le lama lient l'aptitude spirituelle à l'offrande monétaire ou foncière, la connaissance à la dette, tout comme le juge en pénal lie le jugement à la loi des causes et des effets bouddhiste ou au karma. L'esprit des lois d'ancien régime est toujours prépondérant dans le contexte communautariste bouddhique contemporain et inflige souvent une grave entorse au droit civil et pénal de la personne. Il y a toujours un enjeu théologique ou doctrinal, foncier, politique et monétaire, du voyage de l'esprit après la mort. Il sera intéressant, à titre comparatif, de lire la somme de l'avocat Pandurang Vaman Kane "History of dharma-sastra, ancient and medieval religious, religious and civil law" (1975) et le "Droit indien en marche" du juge David Annoussamy (2001).
Ce schéma simple et global qui liera tout aussi bien la cosmogonie théologique tibétaine, l'omnipotence magique du lama-tulku au meurtre religieux (à l'imitation de Padmasambhava) ou au powa (transfert de conscience / libération) inspirera, d'après l'historien des religions japonais Shinichiro Hayashi, le guru Asahara de la secte Aum au Japon.


Ces caractéristiques générales nous ont amené à nous demander si les errants ayant vocation religieuse et les moines-serfs n'ayant pas droit à la connaissance astreints à un travail forcé gratuit sans rachat ou libération, relevait de l'esclavage pour dette ou non ?
Cette situation s'oppose structuralement au droit bouddhiste shakyamunien. Bouddha Shakyamuni accorde en effet le droit à la protection de l'esprit, le droit au jugement et à la raison aux homeless traités en amis. Cela est confirmé dans le soutra-loi Kalama et le soutra-loi Kevatta parfaitement connus du Tibet, de la Chine, de l'Inde ou du Japon.
Quelques hypothèses très intéressantes d'Alain Testart (2001), révèleront sous un angle différent ce que Shakyamuni voudra combattre en son temps.

::: Situation mondiale de l'esclavage pour dettes, A.Testart, La Recherche, n°354, 2002:::


:::   (agrandir la carte)   légende :"richesse et dépendance dans les sociétés traditionnelles", Alain Testart (ci-dessus "l'esclave, la dette et le pouvoir", ed.Errance, 2001).
"(...) Les biens qu'un homme doit dans de nombreuses sociétés, fournir aux parents de la femme avec laquelle il se marie ne sont pas qu'un simple don , contrairement à ce qu'ont longtemps pensé les anthropologues. Les dettes engendrées par cette obligation sont l'une des principales composantes de l'économie de ces sociétés. La dette non soldée débouche à terme sur certaines formes de mises en dépendance du débiteur. La plus bénigne consiste en une sorte d'allégeance temporaire vis-à-vis du créancier.
D'autres, déjà, paraissent plus graves dans la mesure où elles portent atteinte aux droits de la personne. Une forme, souvent décrite en Afrique orientale mais connue aussi ailleurs, est la suivante : celui qui s'est marié sans pouvoir fournir le prix de la fiancée renonce à une partie de ses droits de père sur sa future fille. C'est son beau-père qui les exercera à sa place. Notamment il mariera sa petite fille et touchera alors le prix de la fiancée, se remboursant ainsi du crédit qu'il avait ouvert à son gendre.
Plus extrême encore est la réduction du débiteur insolvable en esclavage, jamais à vrai dire par le beau-père, dans la mesure où il serait malséant d'avoir un gendre esclave, mais par un tiers qui se chargera d'avancer les fonds.
Cette carte montre le lien étroit qui relie "le prix de la fiancée" (dans les sociétés traditionnelles) et l'esclavage pour dette....(extrait de la Recherche, p.39)". :::


Alain Testart posera trois hypothèses conditionnelles pour qu'il y ait une société avec des esclaves pour dettes (lire "L'esclave, la dette et le pouvoir", ed. Errance, 2001).

1 - La première, citant R.S.Rattray (1929) ayant pris pour modèle la société Ashenti du Ghana, souhaite : "que la condition de servitude volontaire constitue le fondement général de tout le système social. Qu'aucune personne ni aucune chose n'y soit sans maître ou sans propriétaire."
Cette première hypothèse est une règle observée dans la dialectique tantrique des lamas-tulkus ou dans les droits du dictateur spirituel : "le maître contient tout, il est tout" ou "celui qui m'aime me reconnaîtra en toutes choses" ou encore "rien n'existe, biens et hommes, sans maître". Elle concernera la mise en dépendance de tous le système social, tous les aspects du réel et du vivant. Nous croyons que la première partie de l'hypothèse d'Alain Testart est vérifiée, la seconde l'est tout autant.

2 - La seconde hypothèse consiste en une société qui permette la réduction en esclavage pour des raisons seulement financières. Une société où la richesse jouerait un rôle fondamental.
Cette seconde hypothèse prévaut durant l'ère pré-bouddhique, les ères interrègnes non théocratiques post-padmasambhaviennes et prévaut, par déviance ou interprétation des doctrines, durant les périodes théocratiques proprement dites.
Il ne peut y avoir de richesse sans concurrence (en l'occurence de fortune domaniale et de terres cultivées) au Tibet sans la réduction en esclavage de serfs. Cette réduction des libertés des sans droit justifiera le "nécessaire" domaine et la richesse. La permanence de l'activité concurrentielle (hautement lucrative) et du système légal de la dette héréditaire garantit la puissance des représentations et la parenté négative (généalogie des familles pauvres).
Les couples richesse/karma et peine/karma jouent un rôle fondamentale dans la société tibétaine. Les raisons de l'esclavage peuvent être seulement fiancières, ceci ne contredit pas le propos d'Alain Testart.

3 - La troisième hypothèse serait une société qui favoriserait en son sein l'émergence de pouvoirs d'un type encore inconnu de celle qui ne le pratique pas.
De tels pouvoirs, et c'est là l'intérêt de cette remarque, pouvant être indépendant de toute puissance publique et pouvant être purement privé, ici, familial, politique, religieux, pénal et économique (voir citation d'avant-propos).
Il nous a semblé, sans chercher à forcer le modèle ou à le faire absolument parler, que le fond social de la théocratie tibétaine relevait bien de ces trois hypothèses générales.

Certaines des conditions particulières de l'hypothèse n°2, au nombre de quatre, sont à citer pour mener à bien notre observation :
"1 - l'esclave étant toujours un dépendant (le mirtsa ou celui qui tombe en dépendance d'avec un maître, le renonçant à la vie, le pauvre ou le moine-serf sans droit à la connaissance) dont on peut tirer profit (... en le faisant travailler, etc...) la condition de maître implique toujours la possibilité d'accumuler des richesses,
2 - pour les mêmes raisons, et symétriquement, la condition d'esclave implique normalement (...) pauvreté (les catégories religieuses sans fortune ni famille ne seront pas différentes des catégories non religieuses dudchong ou nangzen ou des sans terre mendiant)
3 - La richesse implique toujours dans une société qui pratique l'esclavage la possibilité pour le riche de devenir maître (...)(Le pauvre tombant en dépendance mirtsa offre toujours une possibilité. Celui qui s'enrichit peut devenir un concurrent économique dans la région et obtient toujours la possibilité, bien que le but soit la fortune (Goldstein), de devenir maître de domaines et de serfs.)
4 - Mais la pauvreté n'implique pour le pauvre la possibilité de devenir esclave que si la société admet l'esclavage pour dettes (...) (cette dernière hypothèse est une évidence de la société tibétaine. Le pauvre, religieux ou non, tombe tôt ou tard en dépendance pour dette)".

Notre propos critique sur l'esclavage pour dettes rejoindra par ailleurs les interrogations de Danièle Hervieu-Léger sur la protection des personnes religieuses pauvres (voir le droit à la vie des personnes pauvres en Europe et la réflexion conduite par Chemillier-Gendreau, biblio n°38) et sur le droit à la radicalité religieuse. Sa base critique, l'église catholique et ses multiples ramifications, peut être appréhendée comme un parfait modèle pour une analyse critique de l'influence des écoles tantriques bouddhistes ou hindouistes dans le monde.

Danièle Hervieu-Léger établira que pour une nouvelle approche du pluralisme religieux, à l'intérieur même de la laïcité, il faut affronter plusieurs défis. Relevons le premier d'entre eux. Nous le mettrons plus loin en perspective avec le servage religieux sans droit à la connaissance pratiqué dans un monastère d'Etat Tibétain.
Le premier défi de la société civile, de la société religieuse et des institutions, selon D.Hervieu-Léger, consisterait aujourd'hui à :
"parvenir à maîtriser la contradiction qui s'établit entre le souci de la protection des personnes et de la société contre les abus de religion et la reconnaissance du droit des individus à mener, de façon consciente et volontairement choisie, une vie conforme à leurs choix religieux, même si celle-ci s'écarte, de ce fait, des "critères de normalité sociale" que la société se donne à elle même...
"Dans une société de liberté, le droit à la radicalité religieuse doit être défendu avec autant de fermeté que le droit de changer de religion ou de n'en professer aucune. Un individu doit pouvoir choisir librement de vivre pauvre, chaste et obéissant, de se donner un maître spirituel ou de se cloîtrer pour la plus grande gloire de Dieu sans courir le risque d'être placé sous tutelle pour faiblesse mentale et inadaptation sociale.... La régulation du pluralisme religieux contemporain ne peut pas consister dans la labellisation étatique des manifestations s'inscrivant dans un espace officiel de la religion correcte. Elle doit se limiter, par définition, à assurer la liberté d'expression de ces manifestations dans le respect strict du droit ("La religion en miettes", biblio. n° 39)".

...Le monastère tibétain traditionnel possède une "autonomie pénale". Un moine-serf, un errant sans connaissance, un renonçant sans fortune patrimoniale, un sujet sans droit à la connaissance et à la croyance, "coupables d'un délit" (un mauvais karma est considéré par les élites tantriques comme un délit), peuvent être sans jugement, punis et chatiés (y compris selon le talion) à huis clos, ou publiquement, sur la "flogging place" du monastère (R.R. French, Yuan Sha, Li Youyi).
La doctrine du soutra Kevatta, hier, au temps de Sakyamuni, concernant le mendiant sans droit dotait le homeless de toutes les qualités fondamentales humaines, intellectuelles et morales, pour l'acquisition de toutes les vertus monastiques ou laïques, à commencer par le refuge, le droit à la croyance et la connaissance...
Bien que parfaitement traduite du pali, du chinois, du sanskrit en tibétain et préservée dans les bibliothèques monastiques, cette doctrine shakyamunienne n'est plus, ici, reconnue, sue, appliquée ou comprise.

Selon une enquête réalisée au sein du monastère d'Etat de Drépung au Tibet (1950), l'un des trois grands monastères gélugpa des Dalaï Lama, le monastère reconnaitra toujours à l'égal des lois du bouddha (Sakyamuni) le code de 1650, code des Dalaï Lama autorisant : talion, peines de mutilation et peine de mort. Les monastères rivaux karmapa, nyingmapa, sakyapa ou kagyupa, auront une même disposition d'esprit relativement aux codes juridiques royaux auxquels ils sont historiquement liés. Il n'est pas question ici de muséographie ou de conservation.

Une brève digression comparative
En 1685 la France inscrira le statut juridique de l'esclavage dans une ordonnance du roi connue sous le nom de Code Noir. Le Code Noir concerne pour l'essentiel la police des îles... pour la discipline de l'église, la main-d'oeuvre et les esclaves amenés d'Afrique par les compagnies du Sénégal et de Guinée dans les colonies françaises d'Amérique. Il est d'un grand intérêt de comparer la dialectique juridique de l'esclavagisme des rois divins français d'avec celle du Tibet. Elle est très similaire.

      L'article II du Code Noir stipule : "Tous les esclaves qui seront dans nos îles seront baptisés et instruits dans la Religion Catholique, Apostholique et Romaine..."

      L'article XVIII : "Défendons aux esclaves de vendre des cannes à sucre pour quelque cause ou occasion que ce soit, même avec la permission de leur Maître, à peine de fouet contre les esclaves... Leur défendons aussi d'exposer en vente, au marché, ni de porter dans les maisons particulières pour vendre aucune sorte de denrées, même des fruits, légumes, bois à brûler, herbes pour leur nourriture et des bestiaux à leurs manufactures sans permission expresse de leurs Maîtres par un billet..."

      L'article XXVIII : "Déclarons les esclaves ne pouvoir rien avoir qui ne soit à leur Maître..."

      L'article XXXI : "Ne pourront aussi les esclaves être partie ni en jugement, ni en matière civile, tant en demandant qu'en défendant, ni être partie civile en matière criminelle."

      L'article XXXIIIL : "L'esclave qui aura frappé son Maître, sa maîtresse, ou leurs enfants, avec contusion de sang, ou au visage, sera puni de mort."

      L'article XXXIV : "Et quand aux voies de fait qui seront commis par les esclaves contre les personnes libres, voulons qu'ils soient sévèrement punis, même de mort, s'il y échoit ".

      L'article XXXVIII : "L'esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois à compter du jour ou son maître l'aura dénoncé à la justice, aura les oreilles coupées et sera marqué d'une fleur de Lys sur une épaule. S'il récidive un autre mois, aura le jarret coupé et sera marqué d'une fleur de Lys sur l'autre épaule. La troisième fois il sera puni de mort".

      L'article XLIV : "Déclarons les esclaves êtres meubles...".

 Notons enfin qu'il aura fallu attendre la Convention en février 1794 - le Code Noir sert de base à la législation jusqu'en 1789 - pour une première abrogation. Le statut juridique de l'esclavage sera cependant rétabli par Napoléon Bonaparte en Mai 1802.

::: Des serfs Tibétains émancipés brûlent les actes d'exploitation des Trois Grands Seigneurs, 1959,
archives du C.N.R.S, Yuan Sha 1959 :::


Les lois publiques tibétaines du XVIIème siècle sont toujours transmises et respectées à l'égal des enseignements de bouddha Shakyamuni. Le moine d'élite et le tulku chef de lignée savent très tôt durant leur enfance, pour reprendre une expression de Chemillier-Gendreau dans "Logiques étatiques, dérives et impasses", faire la distinction entre l'homme sujet et l'homme objet.
Les élites tibétaines, en effet, par l'éducation transmise savent très bien que le curseur du droit les conduit, par le miracle de la hiérarchie cosmogonique ou divine, dès la naissance, au sein d'une catégorie naturellement homogène : l'élite gouvernante.
Cette hiérarchie divine (couplée aux codifications royales) sépare les êtres en catégories de personnes. Certaines garderont le statut privilégié de sujet et d'autres tomberont au rang d'objet, les dudchong, les thralpa et les nangzen ou les nègres de jardin des iles françaises d'Amérique. Ces objets seront bel et bien considérés comme tels et parfois comme marchandises. Ils seront succeptibles de transmission d'un propriétaire à l'autre par contrats d'achat et de vente, alors même qu'ils restent en nature des corps d'hommes vivants (Chemillier-Gendreau, analyse juridique de l'esclave).

Le moine d'élite et le tulku-lama savent parfaitement que la condition d'un individu sur lequel les attributs du droit de la propriété s'abattent est indéfectiblement mirtsa ou tombé en dépendance d'avec un maître du travail ou un maître spirituel. Les moines et les réincarnés, propriétaires du bouddha, savent que l'individu qui relève de ce statut ou de cette condition est un esclave. Les saints bouddhistes et non bouddhistes progressistes de Chine, d'Inde, du Japon ou du Tibet ont toujours su que si l'esclavage était une monstruosité, c'était bien parce que le droit de la propriété permettait à l'homme de manifester sa puissance sur les objets qu'il se procurait et qu'il pouvait ainsi les façonner, les dominer, les transformer ou s'en débarasser en toute liberté.
Si les saints ou les amis des droits religieux de l'homme se révoltent contre le droit de la propriété en religion c'est bien parce qu'ils savent depuis toujours quelle place le droit de la propriété tient dans le statut du sujet et plus encore dans celui du monastère, du temple ou de l'église. Ils savent également, pour ce qui est de la dogmatique bouddhiste du kharma, que le patrimoine peut être à un moment précis composé de dettes, donc être négatif et qu'ainsi le statut juridique de propriétaire bascule vers celui d'objet de la propriété d'un autre. Cette chute n'en sera pas moins une source de rivalités, de délinquance, de violence, de criminalité et de guerres.

Le moine d'élite et le tulku-lama n'étudient pas, durant leur formation supérieure religieuse au sein des collèges tantriques indiens, la sociologie juridique, l'anthropologie, les droits de l'homme, le droit civil, pénal, public ou constitutionnel. Tout au plus reçoivent-ils un aperçu historique et politique général du monde au sein duquel ils vont évoluer.
Le modèle juridique et religieux cosmogonique du tulku-lama ou du "virtuose religieux sur lequel s'appuit l'institution religieuse officielle" (Hervieu-Léger) est bien le modèle théologique et juridique codifié par/pour les rois et les institutions monastiques féodales. Les passages à Oxford, à Cambridge, à l'Oriental and African School de Londres, à la Bolder University du Colorado-USA, aux Langues "O" ou à la Sorbonne sont postérieurs et pratiques. Ils ne sont pas religieusement déterminants.

Le droit religieux ancien est sacré (et non les valeurs d'occident). Il contient le juridique et le politique selon l'esprit des hiérarchies cosmogoniques (ésotériques et métaphysiques) traditionnelles. Tel est le fond de la structure fondamentale de l'esprit du moine virtuose ou du tulku-lama. Sa culture le lie à une généalogie institutionnelle humaine et non humaine pré-établie, pré-pensée, et non au droit des personnes pauvres dans le monde comme le commande l'enseignement primordial "sans origine" et sans discrimination du bouddha.

La servitude religieuse du moine-serf et du sans droit à la connaissance et à la croyance est basée sur une division du travail. Le monastère est également un monde du travail obligatoire et gratuit; il sera admit, par ailleurs, que la connaissance et la croyance ne sont pas nécessaires au corvéable monastique. Par ailleurs l'homme sans don, sans offrande ou sans patrimoine foncier, n'a droit ni à la connaissance, ni à la croyance, ni au guru. Rappelons encore qu'au sein du maha-vajrayana tibétain (véhicule de diamant, de la vacuité ou de l'essence) le sujet religieux à la base (a fortiori sans droit) n'a pas droit au jugement personnel ou à la raison, sans quoi il est châtié ou rejeté. Ceci a toujours lieu.
Or, traditionnellement, le rachat des pauvres et des criminels par le pardon réhabilitatif relève de la compassion bouddhiste fondamentale et de l'amour shakyamunien. Le pardon réhabilitatif shakyamunien est lié à la compréhension des actes. Il est bien question, ici, de jugement. Mais au Tibet, sans position sociale favorisée et enviée, c'est impossible. Il n'y a pas d'exception.
L'enfant, quant à lui, relève d'un autre contexte, celui de "l'abandon" ou du "don d'enfants ". Il n'est pas question de connaissance, d'apprentissage, de croyance ou du "croire". L'enfant en Inde, au Pakistan ou au Tibet est victime également du servage religieux pour dette, de la maltraitance et parfois des violences sexuelles ou encore de la mutilation pour les plus improductifs, les plus insoumis, les moins talentueux et les plus pauvres.

Selon les enquêtes réalisées par Yuan Sha en 1950 et celles réalisées par Goldstein et Carrasco sur des faits datant de 1917-1920 sur des populations adultes intégrant les monastères, la majorité d'entre elles procèdaient de la fuite des dettes de descendance, des dettes de garantie, de la fuite du statut de serf dudchong, thralpa ou nangzen, ou de la fuite des corvées wula.
Ces pauvres formaient l'essentiel du corps de travail forcé gratuit monastique et prolongeaient sous une autre forme l'esclavage externe ou la servitude volontaire pour dette. Chacun est de nouveau mirtsa ou celui qui tombe en dépendance d'avec le maître du travail, de la vie et de la mort, du karma, l'ancien de la hiérarchie monastique établi par la fortune personnelle, la renaissance et qui a tout pouvoir.
Yuan Sha estime à 2% la population monastique (1 pour mille chez les laïcs) ayant accès à la science bouddhique intégrale. Ces derniers seront des lama-érudits khenpo ou des fonctionnaires religieux chargés des rituels, des cultes, des représentations généalogiques humaines et non humaines. Mais ceci, et nous voulons bien le croire, ne signifie pas le "croire" ou la "croyance" bouddhiste pour les plus faibles, pas plus que cela ne justifie la violence envers les religieux sans ressource.

Les divinations dispensées par les moines-lama sont des occupations concurrentielles et lucratives résolument non religieuses prohibées par la discipline du code Vinaya Patimokkha des moines mendiants des écoles du petit véhicule du sud (Sri Lanka) et du nord de l'Inde, de la Thaïlande, de la Birmanie, du Laos, du Vietnam.
Ces interdictions sont également consignées dans les soutra-lois enseignés par Sakyamuni et traduits, aujourd'hui, par les écoles laïques et monastiques chinoises, japonaises, américaines, birmanes, thaïlandaises ou cinghalaises sur internet.
Les activités artisanales monastiques mises en valeur en occident par les éxilés tels que la peinture, la sculpture, la xylographie, le moulage ou l'imprimerie, la pharmacopée ou la médecine astrologique ne concernent par ailleurs qu'une stricte minorité de moines puisqu'elles relèvent d'une connaissance et d'une maîtrise monastique, donc d'une position sociale extrêment favorisée et enviée (expression de Goldstein). Elles sont réservées à l'élite des moines-lama.
Les études proprement dites de "médecine sacrée" ne concernent qu'une élite triée sur le volet. Mais cette tradition ne garantit, au regard des études occidentales et des enquêtes menées auprès des jeunes étudiants en médecine traditionnelle de Dharamsala-Himashal Pradesh (lieu du gouvernement en exil et de l'académie de médecine) ni la santé publique ni la santé du particulier.
Indissociable du religieux, de la dévotion et des tantra, reconnaissant de nombreuses divinités hindouistes, cette médecine ne garantit pas davantage l'accès à la foi ou à la ferveur. C'est aujourd'hui une médecine restreinte, élitiste et non une médecine populaire efficace et gratuite (mythe de la médecine de l'esprit).

organisation du pouvir::: Organisation du pouvoir administratif, politique et religieux de l'Etat du Tibet :::


En fait, l'ethnographie des privilèges institutionnels révèle clairement que les lama-tulku ou rois réincarnés afin de préserver des positions enviées dans les monastères ou dans l'administration des monastères se livrent depuis toujours par l'intermédiaire des familles et apparentés à l'activité du lobbying pour obtenir les faveurs des fonctionnaires de bouddha. C'est vrai auprès du ygstang, secrétariat "supervisé" par les dalaï lama. Le ygstang est en effet chargé de la gestion administrative et financière de tous les monastères, de la rédaction des documents officiels des régents et des dalaï lama, de la mutation et de la nomination des fonctionnaires religieux.
L'activité désormais traditionnelle du lobbying, touchant toutes les formes de la sphère théo-bureaucratique, concerne aussi l'intendance privée du dalaï lama, le chikyap khenpo, l'intendant lui même (même nom) et le "secrétariat de l'intendance" composé de fonctionnaires religieux et laïcs du quatrième degré mandarinal chinois (rappelant, ici, le jeu que veut mener l'administration impériale chinois dans la maîtrise du politique, du religieux et de l'administratif, au coeur des intrigues monastiques qui lient Lhassa aux provinces pendant les trois derniers siècles 1650/1950).
L'intendance joue donc un rôle politique, financier et religieux, direct et indirect, confidentiel, tant auprès du pontife qu'auprès du kashag, "cabinet ministériel", dirigé essentiellement par les fonctionnaires moines gélugpa de Drépung, de Sera et de Gaden (mais également par l'intendant privé qui a un pouvoir effectif sur le ygstang).

L'autre terrain des pressions politiques, économiques et financières est le tsekhang ou l'office des comptes, chargé des finances, des affaires des fonctionnaires mais aussi et surtout des lois et des décrets à effets immédiats. C'est au tsekhang que les aristocrates font les dépositions sur l'étendue des domaines et leur fortune en servage (en serfs).
Le tsekhang est l'aire bureaucratique la plus convoitée par les 205 familles aristocratiques, les propriétaires de domaines, du servage et des serfs, et par les jeunes du "who's who réincarné" espérant une charge.

La dette karmique engendre toujours dans le contexte du maha-vajrayana l'insolvabilité des sujets dans leur rapport aux maîtres, moines/lama et laïcs religieux, détenteurs des richesses foncières, monétaires et spirituelles.
Elle se traduit toujours par une précarité économique, spirituelle, juridique et politique, une mise en dépendance mirtsa, physique et psychique, ou par une exclusion systématique des groupes religieux ou des groupes humains. Le sujet pauvre est rejeté à l'altérité de son identité. La clochardisation, la délinquance et l'errance sont inévitables.
Ce phénomène qui encourage la mise en dépendance pour dette est apparent sous des formes subtiles et pénétrantes. Il apparaît toujours dans le bouddhisme en Inde, au Japon, en Europe, en Russie et aux USA.
Nous verrons que ceci est moins saillant en Chine ces deux derniers siècles, et particulièrement clair dans les enseignements dispensés par les laïcs chinois du XIXème siècle pour la réforme de la société chinoise et l'abandon du bouddhisme monastique (maha-vajrayana impérialiste de la pensée unique et du pouvoir unique).
Nous évoquerons donc en conclusion l'œuvre populaire du laïc bouddhiste Yang Wenhui (1837-1911) qui s'exprimera en occident (France, Grande Bretagne, Allemagne) bien avant la 1ére république de Sun Yat Sen (1911-1912). Sun Yat Sen, premier président de la république chinoise prendra, du reste, Montesquieu et la séparation du pouvoir unique en trois pouvoirs indépendants pour modèles juridiques.

Sun Zhongshan en Canton::: Sun Yat Sen (assis) et Tchiang Kaï chek (debout), 1924, Encyclopédia Universalis, page 540. :::

::: Six photos tirées de " Vers un bouddhisme du XXème siècle, Yang Wenhui (1837/1911) Réformateur laïque et imprimeur, source Gabriele Goldfuss,Volume XXXVIII, ed. De Boccard, 2001, collège de France, Institut des Hautes Etudes Chinoises (Yang Wenhui sera un farouche opposant au jodoshinshu missionnariste, élitiste, nationaliste et militariste, du temple de l'Est de Kyoto Est-Honganji):::

Sun Zhongshan en Canton::: Le laïc chinois Yang Wenhui, dit Renshan, adepte du bouddhisme populaire. Cet ingénieur de formation sera en 1878 secrétaire de l'ambassadeur de Chine en Grande Bretagne Zeng Jize. Zeng Jize sera également ambassadeur de Chine en France et en Russie en 1886, page249 :::







::: Les imprimeurs de l'imprimerie publique de Yang Wenhui ancrant les planches des sutra bouddhiques, p. 250, XXème siècle et XIX ème siècle ? p.251 :::
imprimeur imprimeur imprimeur














imprimeur::: Les ouvrières dans la grande salle d'imprimerie des sutra, p.252 et 253 :::

::: la fin de l'Introduction II-2 :::   ::: Introduction III, IV

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